Texte intégral
N. Amar.- Bonjour, V. Pécresse.
Bonjour !
Les sénateurs disent « oui » finalement en deuxième lecture à la réforme des institutions, c'était il y a quelques heures, la dernière étape avant la réunion du Parlement en Congrès lundi à Versailles. Alors malgré les toutes dernières concessions de N. Sarkozy hier, les socialistes répètent qu'ils ne voteront pas le texte. Est-ce que vous craignez, est-ce que vous envisagez un échec de cette réforme ?
Je crois que tout le monde doit rester totalement mobilisé parce que le résultat n'est pas acquis d'avance, mais la position adoptée par le Parti socialiste est tout bonnement incompréhensible. Il y a dans cette réforme des institutions toutes les améliorations institutionnelles qu'ils ont souhaitées, qu'ils ont mises dans leur programme depuis vingt-cinq ans, trente ans. Je crois que c'est F. Mitterrand le premier, qui, en 1981, souhaitait réduire le nombre de mandats présidentiels et c'est lui aussi qui avait proposé, je crois, le référendum d'initiative populaire en 1988. Donc c'est absolument incompréhensible que les socialistes envisagent de voter contre des améliorations institutionnelles qu'ils avaient eux-mêmes proposées depuis vingt ans et jamais mises en oeuvre, je le remarque.
Mais pourquoi avoir fait ces propositions en dernière minute, comme cela s'est fait hier à travers l'entretien de N. Sarkozy au journal Le Monde ?
Non, ce que le Président a fait dans Le Monde hier, c'est qu'il a fait le récapitulatif de l'état actuel de la discussion. Il y a eu toute une série d'amendements, d'enrichissements de la réforme institutionnelle à travers le débat parlementaire et N. Sarkozy a récapitulé toutes les garanties, toutes les assurances qu'il donnait, y compris à l'opposition, parce qu'il y a aussi dans cette réforme institutionnelle des conséquences qui ne sont pas gravées dans la Constitution. Et je pense notamment au statut de l'opposition, qui se traduira, lui, par une modification du règlement intérieur de l'Assemblée nationale. Et il fallait que le président récapitule l'ensemble des garanties qu'il souhaitait donner, notamment sur ce statut de l'opposition, qui relèvera ensuite d'une décision des députés eux-mêmes.
Alors il faudra, lundi, une majorité des 3/5 à Versailles pour que le texte soit adopté, ce n'est pas gagné, on sait que la clé du vote n'est pas seulement à gauche, il y a actuellement une dizaine d'élus UMP qui sont toujours sceptiques ; comment est-ce que vous expliquez ces réticences dans votre propre famille politique sur cette réforme qui était emblématique du quinquennat ?
Je crois qu'il y a un attachement profond d'un certain nombre de députés UMP à la Constitution de 1958 telle qu'elle était, mais je crois qu'aujourd'hui dans un monde du XXIe siècle, cette Constitution n'est plus adaptée ; elle n'est plus adaptée parce qu'il y a désormais le quinquennat et que le quinquennat change la donne, le quinquennat nécessite que nous ayons un Parlement au pouvoir renforcé, le quinquennat nécessite que nous donnions davantage de droits aux citoyens.
Si vous êtes au téléphone ce matin, V. Pécresse, c'est parce que vous vous trouvez à Versailles où vous accueillez, pour la première fois depuis le début de la Présidence française de l'Union européenne, vos vingt-six collègues ministres de la Recherche. Depuis quelques années, on évoque l'idée d'un espace européen de la recherche, une idée d'ailleurs qui a été relancée sous la présidence slovène, à Ljubljana. Que comptez-vous proposer pour qu'elle avance, pour qu'elle devienne plus concrète ?
Eh bien, vous savez qu'aujourd'hui si l'Europe à vingt-sept a un budget de recherche supérieur à celui du Japon ou des Etats-Unis, malheureusement il n'y a que 15 % de nos dépenses de recherche qui sont gérés de manière cohérente dans un cadre européen ou entre les Etats membres. Ça veut dire que 85 % de nos dépenses sont gérés de manière non coordonnée et qu'on peut doublonner, qu'on peut avoir toute une série de laboratoires qui travaillent sur la même question. Je pense, par exemple, à la question de la maladie d'Alzheimer. Vous savez que le président de la République a souhaité lancer un grand plan sur la prévention et la future guérison de la maladie d'Alzheimer, mais les Britanniques l'ont fait aussi, les Allemands de leur côté l'ont fait aussi, toute une série de pays se mobilisent sur cette question. Il est évident que nous devons travailler à faire désormais un espace européen de la recherche avec des programmations conjointes de recherche, ça veut dire, c'est le terme européen ; ça veut dire que nous devons nous mettre tous autour de la table et décider quels sont les grands sujets. Il y a l'énergie, il y a l'alimentation, il y a le vieillissement, il y a les communications, dans lesquels nous avons envie de chercher ensemble de manière coordonnée pour mieux utiliser l'argent des Européens.
Mais cette coopération passe aussi peut-être par la mobilité des chercheurs. Or on sait que quand ils partent de leur pays, ils vont davantage vers les Etats-Unis ou vers le Japon ; comment les encourager à rester dans l'Union européenne ?
Ce qui est paradoxal, là encore, c'est que nous n'avons absolument pas favorisé la libre circulation et l'installation des chercheurs dans les pays européens. Il n'y a que 3 % des chercheurs européens qui vont travailler dans un autre Etat de l'Union européenne. Parce que ça n'est pas plus facile pour un chercheur français d'aller travailler en Allemagne que d'aller travailler aux Etats-Unis. Et là-dessus, nous allons encore travailler, la Commission a fait toute une série de propositions. Il faudrait que le fait d'aller travailler dans un autre Etat membre ne pénalise aucun chercheur en terme de carrière, qu'au contraire ce soit un accélérateur de carrière et il faut que nous encouragions la mobilité à l'intérieur de l'Europe parce que c'est ça qui créera les partenariats, les relations qui feront vivre concrètement l'espace européen de la recherche.
Ça c'est sur le statut des chercheurs. On sait aussi que la concurrence est rude parce qu'aux Etats-Unis ou au Japon, les investissements privés dans la recherche sont beaucoup plus importants qu'en Europe ; il faut encourager ceci au sein des Vingt-sept aussi, plus d'investissements privés dans la recherche ?
Alors l'objectif de Lisbonne, de la stratégie de Lisbonne c'est d'arriver à 3 % de notre richesse nationale dans chaque pays de l'Union européenne investis en recherche, 1 % en recherche publique et 2 % en recherche privée. On a atteint à peu près, en tout cas en ce qui concerne la France, nous avons atteint ces objectifs de Lisbonne pour la recherche publique. En revanche, nous n'avons pas atteint ces objectifs pour la recherche privée, loin de là, il nous faudrait doubler notre effort de recherche privée. C'est pour cela que l'une des premières décisions du Gouvernement a été de tripler le crédit impôt recherche pour les entreprises, de façon à ce que la France devienne en Europe et peut-être même dans le monde l'un des environnements fiscaux les plus favorables à la recherche privée.
Un dernier mot, V. Pécresse, du budget 2009 en France, on sait que ça va être difficile de le boucler, mais votre ministère est extrêmement bien loti puisque sur la période 2009-2011, votre enveloppe va gagner 10 %, cela représente 1,8 milliard d'euros de plus... Par an. Et par an. Et pourtant vous annoncez un départ à la retraite sur six qui ne sera pas remplacé dans l'Enseignement supérieur et la recherche. Pour quelle raison ?
Je crois que l'effort qui est consenti à la Recherche et à l'Enseignement supérieur est un effort historique, mais je crois qu'aujourd'hui la priorité pour nous est de rendre plus attractive l'ensemble des carrières et des métiers de l'université et de la recherche.
Donc moins de personnels et plus de moyens sur...
Je dirais ça un peu différemment, je dirais que le ministère... Ce n'est pas parce qu'on a été historiquement sous doté en crédits qu'on est bien géré et je crois que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ne peut pas être exempté de l'effort de bonne gestion qui est demandé à tous les ministères. Qu'est-ce que ça veut dire "bonne gestion" ? Ça veut dire, par exemple, à l'université que nous avons besoin bien davantage, à un moment où les universités vont devenir autonomes, d'encadrement pour ces universités, de directeurs financiers, de contrôleurs de gestion, de directeurs des ressources humaines, nous avons besoin de cadres A plus que nous n'avons besoin d'agents de catégorie C. Beaucoup d'établissements publics mènent une politique de bonne gestion qui consiste à externaliser peut-être certaines fonctions qui pourraient être mieux faites par d'autres que par des agents statutaires. Donc tout cela ça mérite une réflexion ; la réflexion c'est comment mieux utiliser nos moyens humains et surtout comment faire pour que les universités se dotent d'un encadrement de qualité et de personnes qui sont appelées à les gérer quand elles seront autonomes.
Mais les syndicats du coup craignent que vous n'ayez pas les moyens de la politique que vous annonciez, notamment dans le premier cycle de l'université ?
Il n'est évidemment pas question de diminuer le volant de postes des enseignants chercheurs qui seront appelés évidemment dans le cadre de la réforme du premier cycle à mieux encadrer les étudiants pour lutter contre l'échec.
Merci, V. Pécresse.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 août 2008