Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à France 2 le 24 juillet 2008, sur les frais d'inscription universitaires, l'autonomie universitaire et le budget 2009 de l'enseignement supérieur.

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Média : France 2

Texte intégral

 
 
 
 
F. Beaudonnet.- Bonjour à tous. V. Pécresse.
 
Bonjour.
 
Alors, on a appris hier que 35 universités sur 85 faisaient payer des frais d'inscription qui étaient illégaux. Comment est-ce possible dans un pays aussi centralisateur que le nôtre que des universités puissent faire ce genre de choses ?
 
D'abord, il faut prendre cette nouvelle avec beaucoup de précautions. Cette liste de 35 universités, nous sommes en train de l'examiner, il y a des situations bien différentes dedans, et des situations qui sont parfois tout à fait légales, j'y reviendrai. Mais ce que je veux dire ici, c'est que j'ai donné, depuis l'année dernière, des instructions très strictes aux recteurs, à chaque fois qu'une situation irrégulière nous est transmise, nous l'examinons de façon à ce que la loi soit strictement appliquée. La loi, c'est quoi...
 
Et comment est-ce possible parce que ça fait quatre ans que - puisque, en l'occurrence, c'est l'UNEF qui a publié cette étude - ça fait quatre ans qu'ils font ça, c'est la quatrième année consécutive qu'il y a des frais d'inscription illégaux, comment est-ce que ça peut durer comme ça ?
 
Non, mais la loi, c'est que chaque diplôme national a des frais d'inscription qui sont fixés par l'Etat. C'est 165 euros pour la Licence, et il ne peut y avoir que ces frais-là demandés. Mais il peut y avoir en plus demandé un certain nombre de frais supplémentaires, qui ne sont pas des frais d'inscription pour la scolarité, mais qui sont des frais pour des services à des étudiants facultatifs, et je pense notamment à la question des droits sportifs. Et je veux le répéter ici, parce que je l'ai déjà dit l'année dernière, et je l'ai dit à l'UNEF, les droits sportifs supplémentaires, facultatifs sont légaux, ils sont légaux parce que c'est la seule façon de permettre aux associations sportives des universités de fonctionner, il faut qu'elles puissent avoir un petit droit supplémentaire pour leur permettre de fonctionner ; il faut que les étudiants dans les universités puissent faire aussi du sport, s'ils le souhaitent.
 
Hier soir, dans notre journal de 20h, le président de l'université de Strasbourg 2 a dit : eh bien, puisque je dois réduire des frais, je vais augmenter la participation du privé. Alors est-ce que ce n'est pas justement la base - on va parler de l'autonomie des universités - est-ce que ce n'est pas l'intrusion du privé dans l'enseignement supérieur ?
 
L'autonomie des universités c'est une réforme qui est en train de s'installer à la fois progressivement et durablement dans le paysage universitaire. C'est une réforme qui est extrêmement vertueuse, parce que, il y a eu une enquête qui a été faite au plan européen, on s'est aperçu que quand un euro était investi par l'Etat dans une université autonome, il était deux fois mieux dépensé en matière de recherche, en matière de formation, la formation était deux fois meilleure que quand l'université n'était pas autonome. Donc c'est vraiment un instrument qui va permettre aux universités de faire mieux avec l'argent qu'on leur donne. L'autonomie, elle s'accompagne d'un engagement historique financier de l'Etat français, puisque nous allons augmenter de 50% le budget des universités en cinq ans. D'ores et déjà, on a augmenté de 400 euros par étudiant la dépense de l'Etat cette année. Donc il y a vraiment un investissement de l'Etat pour les aider, les universités, dans le cadre de l'autonomie.
 
Vous annoncez aujourd'hui la liste des vingt premières universités qui vont accéder à l'autonomie au 1er janvier prochain. Ces universités vont toucher plus d'argent pour ça ?
 
Ces vingt universités, c'est des universités pionnières. Mais d'ici cinq ans, toutes les universités seront autonomes. Et on va effectivement, pour les vingt premières - c'est-à-dire une université sur cinq en réalité, une université sur quatre, pardon, en réalité, 25% des universités -, nous allons leur donner 250.000 euros pour ce passage à l'autonomie, mais au-delà, et...
 
C'est 250.000 euros une fois ?
 
250.000 euros pour aider au passage à l'autonomie, c'est-à-dire 250.000 euros qui vont leur permettre de donner des primes aux personnels, pour les aider, c'est une énorme charge de travail le passage à l'autonomie, parce que c'est gérer seul son budget, gérer seul ses ressources humaines, prendre toute une série de décisions de recrutement. Donc ça veut dire que l'université devient vraiment un adulte, en réalité, elle va prendre ses décisions désormais, sous le contrôle de l'Etat, mais elle va les prendre seule. Donc ça veut dire qu'elle a besoin d'encadrement, elle a besoin de formation des personnels, etc. Donc ces 250.000 euros, c'est pour aider le passage à l'autonomie. Mais au-delà de ça, je vous le dis, le budget par étudiant va croître de 7.000 euros en 2007 à 10.500 euros en 2012, budget Etat.
 
Oui, parce que vous connaissez, je dirais, l'argument principal des opposants à votre réforme, c'est de dire : finalement, derrière l'autonomie des universités se cache un désengagement de l'Etat.
 
Ce que je voudrais dire, c'est que, au bout d'un an d'autonomie, on s'aperçoit - enfin, de marche vers l'autonomie - on s'aperçoit que les craintes qui ont été exprimées au moment de la loi sont infondées ; il y avait plusieurs craintes. Il y avait d'abord la crainte que l'autonomie profite d'abord aux universités parisiennes, et pas aux universités des régions, c'est faux ; aujourd'hui, vous avez beaucoup d'universités, enfin, dans les vingt qui passent à l'autonomie aujourd'hui, il y en dix-sept qui sont des universités hors Paris intra-muros. Il y a des universités de la banlieue parisienne, comme Cergy et Mantes, et puis, il y a des universités de villes de Province, Strasbourg, Nancy, Toulouse. Et puis, une deuxième crainte, c'était que l'autonomie ne profite qu'aux grosses, eh bien, c'est faux. On a aussi bien La Rochelle et Mulhouse, Corte que Lyon 1. Donc ce n'est pas... et on avait une autre crainte, qui était effectivement, vis-à-vis des crédits venant du privé, parce que la loi autorise les crédits du secteur privé à venir s'investir dans les universités, cette crainte, c'était que ça ne soit que des grosses entreprises, très grosses, comme du CAC40 qui viennent. Or, il y a énormément de PME qui investissent aujourd'hui, il y a plus de cent entreprises qui ont décidé d'ores et déjà d'investir dans les universités.
 
Et, est-ce qu'il ne va pas y avoir une université à deux vitesses, avec d'un côté, effectivement, les grosses universités qui vont peut-être avoir plus de moyens financiers, et puis, également, dans chaque université, deux vitesses, parce qu'on peut imaginer tout à fait, par exemple, qu'une université qui est très connue sur, par exemple, mettons le droit, mette moins d'argent sur un autre secteur dans lequel elle est moins connue ; est-ce qu'il n'y a pas ce risque des deux vitesses à deux niveaux ?
 
Alors ça, c'est le rôle de l'Etat. Les diplômes restent de la responsabilité de l'Etat, de la même façon que la carte des formations reste du domaine de l'Etat. Ça veut dire que c'est aussi à l'Etat de s'assurer que l'ensemble des formations est proposé sur tout le territoire. Mais ce qui va empêcher ce phénomène, c'est que, en réalité, en même temps qu'on fait l'autonomie, on fait aujourd'hui des grands regroupements d'universités qui vont permettre aux universités de mettre leurs moyens en commun, et de proposer aux étudiants une carte de formations très riche. Par exemple Strasbourg, les trois universités de Strasbourg vont devenir autonomes en même temps, et au 1er janvier 2009, elles vont fusionner. Ça veut dire qu'à Strasbourg, vous aurez une université strasbourgeoise qui proposera toute la carte des formations. Et dans ce cadre-là, l'université de Strasbourg a intérêt à présenter une carte de formations extrêmement diversifiée et riche, de façon à attirer tous les étudiants dans toutes les disciplines, et à montrer qu'elle est vraiment une université au sens médiéval du terme, c'est-à-dire universelle.
 
Un mot sur peut-être le budget de votre ministère, vous avez annoncé récemment qu'un départ à la retraite sur six, je crois, ne serait pas remplacé, et puis, en même temps, on sait quand même que votre ministère est un ministère prioritaire, N. Sarkozy l'avait dit pendant sa campagne, est-ce qu'il n'y a pas le risque finalement d'avoir plus de moyens et moins de monde, et finalement, par exemple, de ne pas pouvoir... de manquer de professeurs, de gens pour utiliser les moyens supplémentaires ?
 
Alors, en réalité, le budget va augmenter de manière historique, puisque deux années de suite, un milliard huit cents millions d'euros supplémentaires, ça ne s'était jamais vu dans l'enseignement supérieur et la recherche, donc c'est une augmentation de budget historique. C'est vrai que, en même temps, nous allons avoir une gestion très efficace des emplois publics. Qu'est-ce que ça veut dire une gestion très efficace des emplois publics ? Ça veut dire qu'aujourd'hui, les universités, elles manquent d'encadrement, elles manquent de directeurs des ressources humaines, elles manquent de cadres, elles manquent de responsables pour s'occuper des bureaux d'insertion professionnelle, pour les étudiants, parce que c'est aujourd'hui la principale préoccupation des étudiants et de leurs familles, c'est l'insertion professionnelle après l'université. Donc elles manquent de cadres, elles manquent de personnels qui vont pouvoir aider les étudiants...
 
Donc vous allez redéployer...
 
Donc on va, si vous voulez, on va gérer l'emploi, de façon à améliorer le taux d'encadrement des universités, à leur donner beaucoup plus de puissance.
 
Juste un dernier mot, pour finir, est-ce que vous trouvez qu'il y a trop d'universités en France ?
 
Nous ne sommes pas sur une question de regroupements forcés des universités ou de fusions forcées des universités. Mais nous sommes dans l'incitation pour qu'il y ait vraiment des grands pôles universitaires qui se construisent en France, et ça marche, puisque, aujourd'hui, nous en avons une douzaine, nous espérons avoir à terme non plus 85 universités et 225 écoles, mais à terme, 15 grands pôles dans lesquels les grandes écoles et les universités coopèreraient et travailleraient ensemble.
 
V. Pécresse, merci beaucoup.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 août 2008