Texte intégral
R. Duchemin.- L'avenir du RSA, c'est donc la question du jour, et qui mieux que le Haut commissaire aux Solidarités actives pour en parler ? Bonjour, M. Hirsch.
Bonjour.
Merci d'être en direct ce matin avec nous sur France Info. Vous allez mettre le dossier sur la table aujourd'hui puisqu'une conférence de concertation est organisée avec, dites-vous, « des choix à faire ». On va voir lesquels dans un instant, mais ce qui est sûr c'est qu'il y a pour l'instant dans le milieu associatif beaucoup d'interrogations en suspens et pas mal d'inquiétudes aussi que relaie, notamment, écoutez-là, N. Maestracci, c'est la présidente de la Fédération des associations de réinsertion.
N. Maestracci (présidente FNARS) : Financer le RSA par la Prime pour l'emploi, ça conduit à faire financer par les moyennement pauvres une mesure qui est destinée aux plus pauvres. On aurait préféré que la solidarité nationale soit plus large. Deuxième point d'inquiétude, le RSA risque de conduire à développer des emplois très peu qualifiés et très peu rémunérés. Et le troisième problème, c'est que pour le moment le périmètre du RSA reste encore flou, c'est-à-dire qu'il ne concerne pas les jeunes. On va attendre pour savoir si les inquiétudes sont justifiées ou pas et s'il y a effectivement une marge de concertation, de négociation.
Alors, M. Hirsch, question : elles sont justifiées ou pas ces inquiétudes ?
Oh, je ne crois pas qu'elles soient justifiées. Je pense que ce qui est le plus justifié c'est l'espoir, mais je serai avec N. Maestracci, comme avec les parlementaires, comme avec les associations, comme avec tous les syndicats...il ne faut pas oublier qu'on travaille sur le Revenu de solidarité active avec tous ces partenaires-là depuis le début. Il y a une différence entre ce qu'on pouvait dire il y a six mois et ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est qu'aujourd'hui il y a déjà plus de 10 000 familles qui ont fait la preuve de l'efficacité du Revenu de solidarité active, c'est-à-dire que ces inquiétudes, moi, aux spéculations je vais opposer et mettre sur la table les réalités et les faits. Est-ce que le Revenu de solidarité active développerait le travail précaire et de mauvaise qualité ? La réponse est non ; il y a des zones expérimentales où on travaille depuis des mois et quand on compare les conditions de reprise de l'emploi dans ces zones expérimentales par rapport aux zones où il n'y a pas le RSA, les emplois ne sont pas plus précaires, ne sont pas moins bien payés, ne sont pas plus à temps partiel.
C'est effectivement une des craintes, N. Maestracci le disait, « développer des emplois peu qualifiés, peu rémunérés ».
Mais si on a tout le temps des craintes, on ne fait rien. Moi, ma crainte c'est qu'on reste dans la statu quo. Qui peut défendre le statu quo ? Qui peut continuer à penser qu'on est passé de 400.000 érémistes il y a vingt ans à 1,2 million ? Qui peut supporter que le nombre de travailleurs pauvres ait augmenté ? Le nombre de travailleurs pauvres il a augmenté de +20 % au cours des dernières années. On est en train de mettre l'arme la plus efficace sur la table pour réduire le nombre de travailleurs pauvres, qu'ils soient pauvres ou moyennement pauvres, parce que l'argument sur les moyennement pauvres qui prendraient pour les très pauvres est un argument que nous allons essayer de démonter, et je pense que toutes celles et tous ceux qui sont de bonne foi en sortiront convaincus.
Alors, justement, sur le financement de ce RSA, l'enveloppe donnée par le Gouvernement n'est visiblement pas suffisante. Est-ce qu'on va oui ou non récupérer de l'argent via la Prime pour l'emploi ? Est-ce qu'on la fond ou pas dans le dispositif ou finalement est-ce qu'on descend le barème pour les couples qui étaient jusqu'à présent concernés par la PPE, et du coup on rabote en quelque sorte les choses ?
Alors, finalement, on ne fond pas la Prime pour l'emploi dans le Revenu de solidarité active. Vous voyez, quand on me demande s'il y a des vraies concertations ou pas, la réponse est oui. Il y a trois ans, tout le monde était d'accord pour mettre la Prime pour l'emploi dans le Revenu de solidarité active. En 2008, les uns et les autres demandent qu'on maintienne la Prime pour l'emploi...
... mais on va baisser le barème ?
... avec des arguments qui peuvent être raisonnables. Alors, qu'est-ce que l'on fait ? On va mettre entre un milliard et un milliard et demi. Et moi je vais demander aux différents acteurs qui me disent qu'il n'y a pas assez s'ils préfèrent qu'on mette un milliard ou qu'on mette un milliard et demi.
Oui, parce que c'était deux ou trois au départ.
Oui, mais justement, on s'adapte, on s'adapte, voilà.
Et vous pensez que ces un milliard ou un milliard et demi seront suffisants pour financer le RSA à terme ?
Si on le fait dans de bonnes conditions, si on ne remet pas, effectivement, si chacun n'utilise pas ses craintes pour essayer de mettre des verrous supplémentaires. Je pense qu'il y a un moment où il ne faut pas faire de mesquinerie sur une réforme qui est une réforme sociale d'ampleur pour lutter contre les travailleurs pauvres. Donc, l'essentiel du financement du Revenu de solidarité active sera de l'argent nouveau que nous mettons sur la table aujourd'hui et sur lequel nous demandons aux différents partenaires de savoir à quel niveau ils mettent le curseur, première chose. Deuxième chose, il se trouve que sur la Prime pour l'emploi, la Prime pour l'emploi cela fait des années que beaucoup de personnes trouvent qu'elle ne va pas chez les ménages qui en auraient le plus besoin. Alors, je ne demande pas qu'on déshabille Pierre pour habiller Paul, je dis simplement - je vais poser la question dans ces termes-là - : une famille qui a un revenu de 50.000 euros par an, est-ce qu'elle a besoin qu'on lui donne une soi-disant incitation à la Prime pour l'emploi, qui a été créée pour les bas salaires ou est-ce qu'il ne vaut pas mieux que la personne au Smic avec deux enfants à charge ait un montant plus élevé ? Voilà. C'est une question de justice et une question d'efficacité. Donc, d'un côté on met de l'argent nouveau pour le RSA, d'un côté on met de l'argent nouveau pour les gens qui viennent du RMI et pour les travailleurs pauvres ; et de l'autre, entre ceux qui travaillent déjà, on se demande s'il faut pas avoir un effort plus soutenu vers ceux qui ont des charges familiales élevées et un peu moins soutenu vers celles et ceux qui s'en sont déjà sortis.
M. Hirsch, deux questions très rapides, il nous reste 30 secondes. Ce RSA, il va venir en complément ou se substituer à terme au RMI, est-ce qu'il va être de 130, 170, voire plus et la loi c'est pour quand, vous maintenez pour juin 2009 ?
Alors, la loi ça sera avant. Si nous travaillons d'arrache-pied en ce moment, c'est pour pouvoir venir devant le Parlement à l'automne pour que le 1er juin 2009, le RSA commence à rentrer dans la poche de celles et ceux qui en ont besoin. Donc, on a onze mois devant pour nous pour mettre en place, je dirais la réforme sociale la plus ambitieuse pour lutter contre la pauvreté depuis dix ans.
Dernière chose, M. Hirsch, d'un mot, F. Fillon dit ce matin que S. Royal, hier soir, sur France 2, « a perdu le contrôle d'elle-même » lorsqu'elle a évoqué un rapport entre le pouvoir et le cambriolage de son appartement. Un commentaire ce matin de votre part.
Je pense que si elle a un souci de sécurité, je serais elle, moi, je demanderais une protection de mon appartement pour éviter que ça se reproduise. Je trouve que c'est peut-être le plus sain et plus simple à faire.
Merci M. Hirsch, d'avoir été en direct ce matin avec nous sur France Info.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er août 2008