Déclaration de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme et des services, sur les fragilités de l'économie du tourisme et l'annonce de nouvelles mesures pour y remédier, Paris le 19 juin 2008.

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Circonstance : Assises du tourisme, à Paris le 19 juin 2008

Texte intégral

Frédéric TADDEI - Bonjour mesdames et messieurs.
Je ne suis pas ici pour faire un « ménage ». J'ai accepté, avec grand plaisir, d'animer ces assises nationales pour des raisons personnelles. Mon père Jean TADDEI, banquier, a fait sa carrière à la direction du Tourisme, d'abord au Crédit Hôtelier Industriel et Commercial, puis au CEPME. J'ai par conséquent entendu parler, tous les week-ends et toutes mes vacances, des questions qui seront abordées pendant ces deux jours. J'en suis donc un observateur attentif et passionné.
Hervé NOVELLI - Je vous remercie d'être venus aussi nombreux. Je salue les ministres du Maroc, de la Tunisie et du Québec qui sont parmi nous.
Je suis très heureux d'ouvrir des assises nationales du tourisme, qui constituent un rendez-vous majeur des acteurs du secteur en France. Je veux que la valeur de l'économie du tourisme trouve ainsi la reconnaissance de son importance. Le tourisme doit être traité comme un acteur essentiel de la croissance nationale. Je me félicite de prendre la parole devant un public aussi large et aussi impliqué dans le développement économique.
Nous allons passer ces deux jours à débattre sur le tourisme à l'horizon 2020, et les moyens que nous devons ensemble mettre en oeuvre pour répondre aux enjeux et être au rendez-vous que nous nous sommes fixés. Si le tourisme demeure en France un secteur important, avec 82 millions de visiteurs en 2007, des signes de fragilité apparaissent. Ils nous imposent de nous mobiliser ensemble, dans tous nos métiers, acteurs privés et publics, nationaux ou territoriaux. Ces fragilités ne peuvent être ignorées. Notre perte de marché au plan mondial est réelle. Le dépassement par l'Espagne, en termes de recettes, dès 2002, doit nous interpeller, alors que nous restons la première destination en nombre de touristes.
Ces fragilités sont liées à des éléments que nous soulignerons pendant ces deux jours.
L'opportunité du rattachement du tourisme au Ministère de l'Economie, ainsi que le thème de ces deux journées, Le tourisme au coeur de notre croissance, me permettent, en guise d'introduction, de préciser les caractéristiques économiques du secteur. Il s'agit de savoir comment caractériser la France touristique, sa fréquentation et son offre.
Le tourisme est une des activités essentielles de l'économie nationale, qui représente 6,3 % du PIB en 2006, et présente deux caractéristiques importantes :
. un niveau d'emploi élevé : 1,8 million d'emplois directs et indirects ;
. une offre non délocalisable.
Cependant le tourisme est très sensible au pouvoir d'achat de nos concitoyens. Les touristes français sont en effet les premiers consommateurs : 81 % des touristes en France sont français, et ils génèrent 65 % des recettes touristiques. Au Maroc, seuls 20 % des touristes sont marocains.
Pour autant, les étrangers sont très attirés par la France en raison de sa diversité culturelle, patrimoniale, gastronomique ou paysagère. Il est essentiel de faire venir les touristes internationaux.
L'excédent de notre solde touristique demeure, mais il diminue.
Le secteur du tourisme est constitué de quelques entreprises de taille internationale, fortement intégrées, et de plus de 200 000 PME, qui comptent en moyenne 4 salariés, concentrées dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, et qui emploient de nombreux saisonniers. En tant que ministre chargé des Petites et Moyennes Entreprises, j'y suis particulièrement sensible.
Les enjeux financiers sont considérables. Ce secteur demande beaucoup d'investissements. En 2003, ces derniers se sont élevés à plus de 5 milliards d'euros, hors résidences secondaires, ce qui ne représente de 3 % de l'investissement total en France. Il convient d'ajouter à ce chiffre 3 milliards d'euros d'investissements français effectués à l'étranger. Ce niveau n'est pas à la hauteur.
Le secteur du tourisme procure des moyens financiers aux pouvoirs publics : la TVA et la taxe de séjour rapportent 8,5 milliards d'euros annuels, auxquels s'ajoutent :
. les recettes issues des prélèvements sur les revenus des casinos ;
. la part de la TIPP liée aux déplacements touristiques ;
. l'impôt sur les sociétés acquitté par les entreprises du secteur ;
. les taxes et impôts provenant des activités connexes.
En contrepartie, les collectivités abondent le secteur en financements publics ou équivalents à hauteur de 1,8 milliard d'euros.
L'activité touristique a par ailleurs favorisé le développement économique du territoire, et généré une bonne couverture en aménagements de l'ensemble de la France.
Pour autant, il existe deux zones de fragilité. En termes de conjoncture, les aléas liés aux événements climatiques exceptionnels ou à la situation internationale peuvent modifier brusquement les comportements des touristes et le choix des destinations. Les catastrophes écologiques ou sanitaires peuvent également affecter durablement la compétitivité d'une zone donnée. A ces difficultés ponctuelles viennent s'ajouter des problèmes structurels, illustrés par la perte de marché que j'ai évoquée. La concurrence de destinations émergentes est d'autant plus forte que la compétition porte sur les tarifs. Nos aménagements datent souvent de plus de trente ans, au travers du plan neige ou des missions sur le littoral, sur la base de principes partiellement dépassés. La qualité des équipements doit être mise à niveau, en dehors des grandes chaînes d'hôtels et des résidences récentes, afin de maintenir la qualité de service.
Les exploitants connaissent également une fragilité financière. Ce sont souvent des entrepreneurs familiaux, qui doivent assurer le financement des investissements nécessaires à la fourniture de services correspondant aux attentes de la clientèle nationales ou étrangères.
Il est également crucial de conserver l'attractivité de nos pôles touristiques alors que les besoins évoluent. Nous devons ainsi nous interroger sur l'avenir de nos stations de sports d'hiver dans la perspective du réchauffement climatique.
Le manque d'attractivité du secteur et la saisonnalité de l'emploi sont aussi des questions importantes, qui posent le problème de l'insuffisance de main d'oeuvre et du niveau de formation.
Par ailleurs, si la multiplicité des acteurs est une richesse, elle engendre parfois des pertes d'efficacité. Il convient peut-être de fédérer les efforts.
Nous ne pouvons rester insensibles à cette situation. Nous ne devons pas minimiser ces questions sur la base de la bonne santé et de la cohérence apparentes du secteur. La première activité économique du pays ne peut se développer convenablement sous la seule impulsion des pouvoirs publics. Il faut un partenariat opérationnel rassemblant l'ensemble des collectivités locales et des acteurs privés. C'est l'objectif de ces assises :
. partager un diagnostic clair de la situation ;
. engager un débat franc et sans concession sur les mesure susceptibles d'impulser un nouvel élan à l'économie du tourisme ;
. déterminer un programme de travail portant sur les points clés du secteur.
J'ai souhaité rompre avec les grandes réunions traditionnelles du secteur. Un travail de six mois, réunissant plus d'une centaine d'acteurs sous l'impulsion du Boston Consulting Group, a été mené sur la base de ce constat. Il est apparu fondamental de mener une réflexion de fond intégrant un état des lieux, afin de dégager des recommandations d'actions. Ce chantier a été dirigé par un comité stratégique que j'ai co-présidé avec Christine LAGARDE, qui a regroupé des acteurs représentatifs du secteur. Je remercie les professionnels qui ont constitué les groupes de travail. Ces derniers ont formulé des recommandations, qui seront la base des cessions thématiques à venir, sur la base de plus de 200 entretiens.
Cette mobilisation doit se poursuivre. Je vous rappelle quels seront nos thèmes de travail :
. comment mieux vendre la destination France ;
. comment améliorer l'accès des visiteurs internationaux ;
. comment améliorer l'offre ;
. comment nous mobiliser et fédérer les énergies nationales territoriales ;
. comment développer et renouveler la ressource humaine adaptée ;
. comment multiplier les investissements ;
. comment faire vivre notre patrimoine et nos territoires.
J'aurai demain l'occasion, à partir de vos travaux, de vous proposer un éventail de mesures qui seront - je l'espère- à la hauteur des enjeux. Je souhaite que l'équipe de France du tourisme que je veux bâtir avec vous aura de meilleurs résultats que d'autres, notamment au travers d'une stratégie claire centrée sur le résultats que nous voulons atteindre en 202 : demeurer la première destination touristique, et reprendre la place de leader de l'offre de tourisme en termes de création de valeur et d'emploi.
Bon travail à tous.
Source http://www.assises-tourisme.fr, le 1er août 2008