Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à LCI le 16 juillet 2008, sur l'assurance maladie, les dépenses de santé et les jeux olympiques de Pékin.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


 
 
 
C. Barbier.- Inquiétude à Tricastin où l'eau est polluée, la nappe phréatique est-elle touchée, qu'allez-vous faire, la population est-elle en danger ?
 
Effectivement, il y a eu une contamination par des substances radioactives. Les nappes phréatiques ne sont pas touchées, les eaux de surface effectivement ont enregistré le 10 et le 11 juillet un taux anormal. Les choses reviennent justement à la normale, toutefois les autorités préfectorales ont maintenu sur une zone très limitée, par mesure de précaution, des interdictions, mais les choses reviennent à la normale et nous suivons cela, effectivement, de très près. Pas seulement avec les dosages de la société Socatri, qui est la société qui exploite cette partie du site de Tricastin, mais également par l'IRSN, l'Institut de radio protection et de sûreté nucléaire qui fait les dosages pour que cela soit une autorité parfaitement indépendante qui fasse ces dosages et qui, assure, effectivement la parfaite sécurité aux populations. Et c'est bien sûr l'Autorité de sûreté nucléaire qui suit ça sur le plan des interdictions.
 
Pas d'études spécifiques alors ? Non. Les négociations sur l'assurance maladie battent leur plein, alors là, l'inquiétude est plus grande : où allez-vous trouver les 4 milliards d'économies par an que vous jugez nécessaires ? Est-ce que les mutuelles paieront plus, est-ce que les assurés sociaux mettront la main à la poche, est-ce qu'on va encore dérembourser des médicaments ?
 
La chose est claire, la Commission des comptes de la Sécurité sociale a bien indiqué que même si nous avions fait des progrès dans le déficit de la Sécurité sociale, il s'élèverait encore pour 2008 à 4 milliards 100 millions d'euros, c'est donc un déficit important. Eh bien entendu, nous devons prendre des mesures. Le Conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie m'a fait un certain nombre de propositions, avec 3 milliards d'économies. J'ai bien indiqué aux différents partenaires que le compte n'y était pas, qu'il fallait que ces économies soient de l'ordre de 4 milliards. Je suis dans une période de consultation avec l'ensemble des acteurs. Ce que je veux dire de manière très forte : qu'il n'est pas question de toucher au mode de remboursement à 100 % pour les malades qui sont atteints d'affection de longue durée, et que ce remboursement à 100 % doit être assuré par l'assurance maladie. Donc là, on ne touche pas à ce qu'on appelle les ALD, aux affections de longue durée.
 
Mais chaque année, il y a de plus en plus de monde qui rentre dans ces affections, donc ils sortent des mutuelles.
 
Exactement, donc c'est vrai que les mutuelles se sont constitué un matelas très intéressant, que leurs bénéfices ont considérablement augmenté pour atteindre 27 % de leur chiffre d'affaires courant.
 
Vous allez les solliciter ?
 
Nous sommes en train de réfléchir avec l'ensemble des acteurs sur un panel d'économies que nous pourrions faire. En sortant de votre plateau C. Barbier, j'ai rendez-vous avec un certain nombre de partenaires. J'attends de les avoir tous consultés pour prendre avec mon collègue E. Woerth, des décisions vers la fin du mois de juillet.
 
Accepterez-vous, dans ce contexte, de passer de 22 à 23 euros le prix de la consultation des généralistes ? Tout augmente...
 
Effectivement, dans le cadre de la mécanique conventionnelle, nous regarderons cela. Effectivement, il ne faut pas que les dépenses dérapent, des stabilisateurs automatiques ont été mis en place dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale. Mais pour l'instant, j'estime que nous pourrons passer à ces 23 euros, si nous trouvons par ailleurs les moyens d'économies. Et de toute façon, cette augmentation devra être gagée par des engagements formels en matière de maîtrise médicalisée.
 
C'est-à-dire que vous allez demander aux médecins, vous allez serrer un peu la vis pour qu'ils prescrivent moins, de manière plus ciblée ?
 
De dire oui à une augmentation de 23 euros, mais effectivement avec des engagements de maîtrisé médicalisée, de bonnes prescriptions.
 
Le Conseil d'Etat a annulé certaines majorations d'honoraires accordées à des médecins, est-ce qu'ils vont devoir rembourser ou est-ce qu'on efface l'ardoise ?
 
La situation est compliquée, il y a trois avenants qui sont en cause, je ne vais pas devant vous rentrer dans un problème trop technique. Il y a sans doute des majorations qui pourront néanmoins continuer à s'appliquer. Je trouve un peu difficile de demander de toute façon aux médecins et aux clients de rembourser des sommes qui ont été effectivement perçues en toute bonne foi. Je suis en train d'analyser cela.
 
Vous lancez demain une campagne contre l'alcoolisme des jeunes, quel sera le message ?
 
Le message c'est que, l'alcoolisation des jeunes a profondément changé. On consomme moins d'alcool, mais on le consomme de façon massive...
 
Violemment...
 
Violemment, pour obtenir un état à la limite du coma éthylique. 50 % des jeunes, un jeune sur deux, a consommé dans le mois qui vient de s'écouler cinq verres d'alcool au cours de la même réunion, au cours de la même fête. Et on voit évidemment les risques pour la santé : accident de voiture, comportement sexuel non protégé ou sous contrainte, coma éthylique pouvant entraîner la mort. Donc une triple action : une action d'information, de dire que l'alcoolisme, ce n'est pas seulement de s'alcooliser tous les jours. Parce que beaucoup de gens pensent, boire une fois au cours d'une fête ce n'est pas dangereux. Donc faire de l'information avec des spots qui ne sont pas stigmatisant, etc. Faire de la prévention à travers des consultations spécialisées...
 
Et de l'interdiction...
 
Et de l'interdiction. Il faut toujours faire la même chose : prévention, information, interdiction, donc...
 
On ne verra plus des jeunes sortir de supermarché avec des packs de canettes ou... ?
 
Voilà. On était dans une législation complètement obsolète, selon les différents modes de distribution. Que ce soit dans les lieux à consommer sur place - bar, discothèque, etc., - ou dans la vente à emporter, la vente d'alcool aux mineurs de moins de 18 ans est totalement interdite.
 
Y aura-t-il un contrôle d'identité à l'entrée ?
 
Bien sûr. Pas à l'entrée, à la caisse,
 
C'est les caissières qui vont demander ?
 
Exactement, comme on demande une pièce d'identité au moment où on paie par chèque, cela se fait aux caisses de demander une pièce d'identité, on le fera, c'est très simple.
 
Et il y aura des amendes pour ceux qui ne joueront pas le jeu ?
 
Bien entendu, des amendes proportionnées. Deuxième élément, l'interdiction de ce qu'on appelle "les open bars", c'est-à-dire aller dans une fête ou dans un lieu, discothèque, bar, et pouvoir consommer des boissons alcoolisées à partir du moment où on a payé un ticket d'entrée. Ça, c'est dramatique pour les techniques qu'on appelle le "binch drinking" cette recherche d'alcoolisation massive. Egalement, interdiction de consommation dans la rue, aux alentours des établissements d'éducation.
 
Le "Red Bull", boisson non alcoolisée mais énergisante, à base de taurine, arrive en France.
 
Elle n'est pas du tout énergisante !
 
Elle est "défatigante" aux dires...
 
Ne dites pas cela, C. Barbier ! C'est une boisson qui n'a aucun intérêt en terme énergétique pour ceux qui veulent faire du sport ou ceux qui veulent avoir des performances intellectuelles. Il y a d'autres, boissons, elles, véritablement énergétiques. C'est une boisson qui n'a aucun intérêt nutritionnel et qui a des dangers tout à fait importants. Donc, effectivement, le risque de contentieux et le fait que ces produits étaient utilisés dans l'ensemble de l'Europe ont amené leur possibilité de commercialisation. Moi, je suis extrêmement vigilante, j'ai demandé à l'Institut national de veille sanitaire de surveiller cela, il y a un message sanitaire.
 
Vous pourriez l'interdire encore au premier incident ?
 
Bien entendu, il y a un message sanitaire sur les cannettes de "Red Bull", il faut que les femmes enceintes et les enfants fassent attention à ce produit.
 
Vous conseillez aux parents de boycotter le "Red Bull" ?
 
Moi je conseille aux parents, par mesure de précaution, de boycotter le "Red Bull". Le "Red Bull" est sous surveillance, nous avons été contraints d'en donner l'autorisation car les Agences sanitaires et les experts scientifiques ont été, pour l'instant, incapables de nous donner les études, les preuves de la nocivité de ces produits, mais...
 
Mais elles vont arriver ?
 
Il y a un certain nombre d'études qui sont en cours, aussi bien sur le plan français que sur le plan européen et je suis cela avec beaucoup, beaucoup de soin.
 
On dit que le Premier ministre qui aime les courses automobiles, où "Red Bull" est sponsor, aurait été un peu laxiste, un peu tolérant.
 
Le Premier ministre a pris du acte du fait du risque de contentieux et de l'absence d'études scientifiques dans ce domaine et que tout cela allait certainement nous amener à commercialiser le "Red Bull" contre notre avis. Mais bien entendu, le Premier ministre me suit totalement dans mon travail de veille sanitaire sur ce produit.
 
P. Pelloux, médecin urgentiste, célèbre pour ses coups de gueule depuis la canicule de 2003, envisage de démissionner, de quitter son métier. Vous êtes secrètement ravie ?
 
Pas du tout ! Moi, vous savez, je travaille avec l'ensemble de la communauté hospitalière. Il y a un certain nombre de gens qui parlent d'une façon, parfois - comment dirais-je ?... - "romantique". Moi, je considère que P. Pelloux est un interlocuteur, d'ailleurs il fait partie d'une Intersyndicale de praticiens hospitaliers que j'écoute, que j'entends.
 
Il bluffe un peu peut-être ?
 
 ...Avec lesquels je travaille dans la réforme de l'hôpital que je suis en train de mener. Il semblerait que la décision de P. Pelloux soit prise pour des motifs personnels de mésentente à l'intérieur de son service. Je ne veux pas rentrer dans ces considérations.
 
La mère d'un handicapé profond l'a étranglé après s'en être occupé pendant 38 ans. Que peut-on faire face à de tels cas ?
 
Permettez-moi, devant des drames aussi affreux, de ne faire aucun commentaire, sauf ceux de la pitié et de la compassion. Je ne suis pas dans l'analyse juridique de cette affaire, très certainement cela donnera lieu à un procès, à une enquête. Pitié et compassion pour l'instant.
 
Vous irez à Pékin avec N. Sarkozy pour la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, vous n'êtes pas un petit peu gênée ?
 
Non. Je suis ministre de la Santé, vous l'avez rappelé, mais ministre des Sports et il est tout à fait normal que dans cette fête de l'olympisme, qui est une fête de l'amitié, de la solidarité entre les peuples, la ministre des Sports soit aux côtés de ses athlètes.
 
Et si les athlètes manifestent un peu leur opposition au régime - les Australiens vont le faire - si les Français disent, "on a un T-shirt un peu anti Pékin", vous les soutiendrez, vous les sanctionnerez ?
 
Je rappelle la législation, qui a été rappelée d'ailleurs par le président du Comité olympique français, c'est-à-dire que les Jeux Olympiques ne sont pas le lieu des manifestations politiques.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 août 2008