Interview de Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, à RTL le 18 juillet 2008, sur la préparation de la réunion du Parlement en congrès pour le vote de la réforme des institutions.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

P. Corbé.- Bonjour, R. Karoutchi.
 
Bonjour.
 
On est à trois jours du Congrès de Versailles. Le Gouvernement a besoin des 3/5èmes des suffrages exprimés des députés et sénateurs pour faire adopter sa réforme des institutions. Est-ce que ce matin, le compte y est ? C'est quoi votre pronostic ?
 
Je n'en sais rien et je ne suis pas Madame Soleil. C'est très juste, ça va être à quelques voix près dans un sens ou dans l'autre.
 
Moins de cinq voix près ?
 
Probablement. Oui, aujourd'hui, peut-être entre trois et cinq voix ; mais ça peut être dans un sens ou l'autre, c'est sur 900.
 
Alors, puisque c'est aussi serré. Le chef de l'Etat, le Premier ministre, vous, les présidents des assemblées, des groupes parlementaires, vous allez passer votre week-end au téléphone à essayer de convaincre les hésitants. Beaucoup d'élus UMP parlent de pression, de harcèlement, de menaces. C'est eux qui en parlent ?
 
Non, non. Non, non, non, non... Vous avez pris une dépêche et c'est plutôt, comment dire, certains socialistes rétifs qui parlent de ça. Mais les socialistes...
 
C'est J. Dray qui parle notamment... "Il est temps que cessent ces pressions, ces chantages, cette frénésie de marchandages".
 
Bien sûr. Il ne manque pas de souffle ce garçon. Le bureau politique du PS dit "non" à la réforme avant le débat parlementaire. Le bureau politique du PS menace d'exclusion du parti, du groupe, tout député socialiste qui aurait des idées, qui pourrait s'abstenir, qui voudrait participer au débat. Et c'est le bureau politique du PS qui nous dit que c'est nous qui faisons du chantage, de la pression. Il ne faut peut-être pas se moquer du monde et renverser les choses. Le Parti socialiste se comporte dans cette affaire (je parle de l'appareil du parti) comme un ayatollah qui menace, qui menace d'exclusion, qui menace sur les investitures et les députés et les sénateurs et leurs amis Radicaux de Gauche. N'inversons pas la charge de la preuve et n'inversons pas l'issue ou l'origine de la menace.
 
Il n'y a pas que les socialistes. F. Bayrou dénonçait, hier matin, à RTL "les marchands de paillasson".
 
C'est parce qu'il n'a pas été appelé. Oh, écoutez tout ça est absurde. La vérité c'est que, par exemple, sur les Radicaux de Gauche puisque c'est d'eux qu'on parle essentiellement.
 
Sur les Radicaux, pour que les auditeurs comprennent, les Radicaux de Gauche ont obtenu d'obtenir un groupe avec quinze députés...
 
Non, non, non, attendez, attendez, attendez... Les Radicaux de Gauche ont d'abord défendu dans le débat parlementaire des amendements très importants sur la reconnaissance du pluralisme dans la Constitution, sur la laïcité, etc. Ces amendements ont été acceptés par le Gouvernement et votés par le Parlement. Par conséquent, les Radicaux de Gauche nous ont dit : "La réforme va dans le bon sens, c'est plus de pouvoir pour les citoyens, c'est plus de pouvoir pour le Parlement et nos demandes ont été satisfaites". A partir de là, ils ont dit : "Dans ces conditions, on est pour".
 
Donc, vous n'avez pas acheté les voix des Radicaux de Gauche ?!
 
Ca, en soi, c'est inadmissible dans le débat parlementaire. Nous avons accepté vingt amendements socialistes : le pluralisme, le référendum d'initiative populaire c'est d'origine d'amendements socialistes. Vous savez où on en est ? On a accepté à l'Assemblée des positions, des propositions socialistes. C'est inscrit dans le texte. Attendez ! Au Sénat, on arrive dans le débat. Le groupe socialiste du Sénat critique les positions ne sachant même pas que c'étaient des positions socialistes de l'Assemblée que nous avions acceptées. C'est ridicule.
 
Sauf que les socialistes...
 
C'est absurde. C'est monolithique. C'est stalinien.
 
Sauf que les socialistes n'ont pas de cinquième des voix au Congrès et donc n'ont pas une minorité de blocage. C'est donc que chez vous, à l'UMP, dans la majorité, des députés vont s'abstenir ou voter contre ?
 
Non, non, non. Il faut savoir compter. Non, non, pour faire 3/5ème. L'UMP et ses alliés de la majorité présidentielle n'ont pas à eux seuls les 3/5èmes, si c'est ça que vous voulez savoir. Nous n'avons pas à nous seuls les 3/5èmes. Donc, effectivement...
 
Mais certains chez vous vont voter contre ou s'abstenir ?
 
Est-ce que nous, nous avons dit que nous menacions d'exclusion ? Alors de quel côté est le chantage ? Non, non.
 
Certains disent qu'ils ont été menacés de redécoupage électoral.
 
Ecoutez... Enfin, c'est une absurdité sans nom. Personne ne sait ce que sera le redécoupage électoral. Mais si quand moi, j'appelle des députés de l'UMP, du Parti socialiste pourquoi pas, pour leur dire : "Ecoutez, ce texte est bon pour les Français. Il est bon pour le Parlement et vous me dites non". Franchement, le PS devrait s'honorer de voter le texte massivement et non pas de critiquer le texte qui correspond à certaines de leurs demandes depuis des années. Mais c'est un "non" parce que c'est de la surenchère de Congrès. Simplement, on ne dit rien ; quand M. Cambadélis dit : "M. Hollande est un dangereux récidiviste", dans la presse de ce matin. Ca, c'est normal. Mais quand moi, je dis à des socialistes : "Mais votez ce texte ! Ca correspond à vos propositions. Ca correspond à tout ce que demande le Parlement et les Français depuis des années". On va refuser aux Français le référendum d'initiative populaire, le droit de saisir le Conseil Constitutionnel, de saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature. C'est absurde.
 
En un mot, est-ce que le Président a prévu d'intervenir lundi soir à la télévision ?
 
Ca, je n'en sais rien. Et c'est le Président qui décide.
 
Autre sujet, R. Karoutchi, vous êtes élu des Hauts-de-Seine, ami de N. Sarkozy depuis plus de trente ans. Il y a une ambiance terrible en ce moment dans les Hauts-de-Seine puisque le patron du département, Secrétaire Général de l'UMP, P. Devedjian, veut "nettoyer les écuries d'Augias". Il parle même de corruption. Pour être clair, il est opposé dans les Hauts-de-Seine à C. Pasqua, I. Balkany qui poussent, eux, J. Sarkozy. Qu'est-ce qui se passe dans les Hauts-de-Seine ?
 
Vous savez, par les temps qui courent, je ne m'occupe que du Congrès et de la vie du Parlement. J'ai déjà dépassé les 35 heures...
 
Est-ce qu'il y a eu de la corruption dans les Hauts-de-Seine, R. Karoutchi ?
 
Ecoutez ! A ce genre de question absurde, je ne réponds naturellement pas.
 
Pourquoi est-ce que deux fidèles du Président s'opposent dans son fief et que le mot de corruption apparaît ?
 
Ce n'est pas le mot de corruption. Laissez le mot de corruption de côté. Qu'il y ait des luttes politiques, c'est normal entre les gens. Mais pour le reste, je ne m'occupe pas du département des Hauts-de-Seine. En ce moment, j'ai suffisamment à faire avec le Parlement.
 
P. Devedjian, lorsqu'il dit qu'il veut "nettoyer les écuries d'Augias", exagère alors ?
 
Ah ! Je ne me mêle pas des affaires du département des Hauts-de-Seine tant que je n'ai pas fini le Congrès.
 
Et une fois que vous aurez fini le Congrès, vous vous occuperez...
 
Je regarderai avec mes amis, voilà. C'est normal, et je m'enquerrai de ce que signifie toute cette polémique qui, en ce moment, tombe mal parce que nous avons autre chose à faire.
 
Et quand C. Pasqua dit qu'il va s'occuper du cas de P. Devedjian ?
 
Aaaaaaaaaaaaaaaah (rire) ! Laissez ! Vous connaissez C. Pasqua.
 
Vous êtes un ami aussi de F. Fillon. Comment va-t-il ?
 
Ah, je suis un ami de tous.
 
Vous êtes un ami de plein de gens ?
 
Ah c'est merveilleux... Et aussi de socialistes, d'ailleurs, je voudrais le leur rappeler en passant.
 
Il va mieux, F. Fillon ?
 
Euh, euh ! Bah ! Physiquement, c'est pas terrible ! Le mal de dos est vraiment très, très difficile à vivre ; mais rassurez-vous : il a tout son esprit, toute sa tête et il concourt beaucoup au succès du Congrès.
 
Voilà, R. Karoutchi, qui a plein d'amis, était l'invité de RTL ce matin... Plein. Partout. Très bien. A Gauche aussi ? A Gauche aussi. Très bien. Bonne journée.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 août 2008