Texte intégral
Chers amis,
C'est pour moi un grand plaisir d'intervenir devant votre nouveau club. Je connaissais et appréciais Convaincre Ile-de-France, Echange et Projets et Initiatives. Je me réjouis de ce que vous ayiez relancé la machine à idées. Je ne doute pas que soutenu par les membres que je vois ici votre club saura contribuer efficacement au débat démocratique sur tous nos grands sujets de société, et notamment sur notre thème de ce soir, la construction européenne.
Les élections européennes vont donner lieu à des discussions animées sur les enjeux européens. Le départ d'Oskar Lafontaine, la démission de la Commission ont nourri le débat ces derniers jours : avec ces événements, avons-nous perdu toute capacité politique en Europe ? Quelle contribution l'Europe peut-elle apporter à la croissance et à l'emploi en France ? Comment rendre les Institutions européennes plus efficaces et proches des citoyens ?
Notre économie, celle de la zone euro, est encore un peu comme un oiseau qui ne sait pas qu'il peut voler. Comme les Etats-Unis, nous avons maintenant les instruments d'une politique économique autonome, mais nous ne savons pas encore tout à fait comment nous en servir. C'était le grand mérite d'Oskar Lafontaine que de nous interroger avec insistance - et parfois avec brutalité - sur ce que nous voulions faire de notre nouvelle liberté. Il est parti, je le regrette profondément. Mais les questions demeurent. Et la gauche européenne se doit de relever le défi.
Les gouvernements de l'Union sont en effet pour la première fois dans une large majorité de gauche. C'est une chance historique que nous devons saisir pour faire avancer nos idées : remettre la croissance au cur des politiques économiques; favoriser l'innovation; s'appuyer sur le modèle social européen pour conduire les réformes structurelles dont notre Continent a besoin ; combattre grâce à l'euro le désordre du système financier international. Je suis convaincu que sur tous ces thèmes l'Europe peut nous aider à avancer, pour aller vers la nouvelle croissance que nous appelons de nos voeux. Pour cela, il nous faut de nouvelles formes d'organisations en Europe dont on voit bien qu'elles doivent être inventées rapidement.
La réussite de l'euro : et après ? L'euro est là. C'est une évidence pour chacun de nous aujourd'hui et pourtant cela n'était pas le cas il y a deux ans. Cet euro est celui que nous voulions : c'est l'euro large; la coordination des politiques économiques entre pays de l'euro commence à bien se mettre en place dans le cadre de l'euro-11 ; c'est un euro solide, comme le montre le caractère très bas des taux d'intérêt nominaux à long terme (4 % à 10 ans) - même si, comme vous le savez, les taux d'intérêt réels ne sont pas si bas.
Soyons fiers de ce que nous avons construit collectivement et avec patience : l'euro est une superbe réussite de la construction européenne. Il est une conquête d'identité, symbole d'intégration des peuples européens, et sera l'instrument d'une reconquête de souveraineté sur le plan économique, en nous rendant des marges manoeuvre progressivement perdues.
On sent pourtant, soyons francs entre nous, une pointe de déception dans les commentaires, avec un amalgame d'éléments très différents dans leur nature. La croissance européenne risque en 1999 d'être moins forte qu'espéré il y a encore six mois : l'euro n'est-il donc pas la potion magique dont certains avaient rêvé ? Le grand public utilise peu l'euro dans sa vie courante : bouderait-il notre nouvelle monnaie ?
1) Sur la croissance : l'euro nous protège des turbulences financières internationales, mais il n'est pas une Grande Muraille nous mettant à l'abri du reste du monde. Nous ne l'avons jamais prétendu. Lorsque les pays asiatiques sont en récession (Japon et économies émergentes), puis la Russie, puis le Brésil, nous en subissons bien sûr les conséquences, d'abord via les exportations que nous réalisons vers ces pays. Pourtant, je crois sincèrement que personne ne peut nier que l'euro a eu un rôle positif en réduisant la violence de ces chocs successifs. La perspective de l'euro a permis que dès 1998 les monnaies européennes ne bougent plus entre elles, et les écarts de taux d'intérêt ont continué à se réduire. Notre croissance de 1998 (+3,2 %, la meilleure de la décennie) a été protégée par la perspective de l'arrivée de l'euro. Elle aurait été plus forte encore sans les chocs internationaux.
C'est pourquoi nous devons prendre appui sur l'euro, qui nous donne de nouvelles responsabilités internationales, notamment en matière de change, pour contribuer à bâtir un système financier international plus stable. L'euro sera très vite l'égal du dollar, et la parité euro/dollar est déjà la parité centrale sur les marchés des changes. A nous de nous appuyer sur cette force pour faire avancer nos idées de régulation internationale.
2) Sur l'accueil par le public : notre nouvelle monnaie recueille l'adhésion d'une vaste majorité des Français, les sondages le montrent. Nos efforts collectifs de pédagogie et de communication, les Pouvoirs Publics n'étant que l'un des acteurs, ont contribué je le crois à renforcer l'adhésion de nos concitoyens.
Il y a encore des inquiétudes, au fond bien normales, sur les modalités pratiques de passage à l'euro dans la vie quotidienne, alimentées par la polémique apparue sur les frais bancaires. Nous parviendrons à lever ces inquiétudes progressivement, dès lors que tous les acteurs se mobiliseront dans ce but : Pouvoirs Publics au sens large, commerçants, banquiers, représentants des consommateurs. Ne jugeons pas du succès de l'euro auprès des particuliers en fonction du nombre de paiement par chèque ou carte. L'incitation pour les particuliers à basculer effectivement est à ce stade limitée. En revanche, je crois très important que chacun se construise progressivement une échelle de valeur en euro. La période de transition a été prévue suffisamment longue - trois ans - pour que nous parvenions à faire en sorte que le passage complet début 2002 se fasse sans angoisse et que chacun puisse décider de passer à son rythme à la nouvelle monnaie.
C'est d'ailleurs ce que certaines entreprises ont commencé à faire, puisque au cours des deux premiers mois de l'année environ 8 % de l'impôt sur les sociétés a été payé en euro. J'encourage les entreprises à basculer vite, pour profiter pleinement dès maintenant des avantages de l'euro, ce qui peut se révéler un vrai atout dans la concurrence internationale.
3) Sur notre capacité politique : le gouvernement auquel j'appartiens a plaidé depuis juin 1997 sans relâche pour une meilleure organisation politique de l'Europe. Dans notre sujet de ce soir, c'est l'idée de "gouvernement économique" dont l'euro-11 est l'ébauche. Tous les mois, les Onze Ministres des Finances se réunissent, souvent avec le Président de la BCE. Sans bruits, sans communiqué tapageur, la coordination des politiques économiques entre gouvernements de la zone euro, le dialogue entre le pôle économique et le pôle monétaire sont en train de se mettre en place.
Mesurons le chemin parcouru : en juin 1997, le gouvernement français a obtenu à Amsterdam le lancement de négociations sur la question. Quelques mois plus tard, notre partenaire allemand (T.Waigel à l'époque) en acceptait le principe, malgré quelques réticences. En décembre 1997, grâce à l'alliance franco-allemande, et malgré la vive opposition britannique, les Européens décidaient la création de l'enceinte. Depuis l'été dernier, elle se réunit régulièrement. Et progressivement, la concertation se met en place : on est sorti de la juxtaposition initiale des points de vue pour entrer dans de vrais débats sur la conjoncture dans l'ensemble de la zone et sur le policy-mix adéquat. Il reste des progrès à faire bien entendu. Mais le travail accompli sous la Présidence d'Oskar Lafontaine ces derniers mois a permis ces progrès et je ne doute pas qu'avec Hans Eichel, à qui je souhaite la bienvenue, nous irons plus loin encore, sur la définition de notre politique de change, sur la coordination en matière fiscale ou le suivi des évolutions salariales.
Pour autant, ces progrès ne suffisent pas. Il nous faut une meilleure capacité de décision et d'action en Europe. De ce point de vue, mon sentiment est que la Commission doit être forte et de qualité. On l'a bien vu ces derniers mois, une Commission faible ne rend pas service à la cause européenne.
Alors quel programme pour la croissance en Europe ? Après l'europhorie, peut-être un peu excessive, des premiers jours de l'année - mais l'événement était historique - malgré les troubles de ces derniers jours (départ d'Oskar Lafontaine et démission de la Commission) je crois que nous ne devons pas céder à une forme de déception ou de renoncement. L'euro est porteur de réformes profondes. Il est le meilleur instrument possible de maîtrise de la mondialisation. Il nous rend une capacité de mener des politiques économiques actives. A nous de l'utiliser au mieux dans ce but, pour la croissance et l'emploi en Europe.
La crise vécue par la Commission est l'occasion d'une mise à plat et d'un nouveau départ, avec des responsabilités clarifiées entre gouvernements, Commission et Parlement Européen.
Dans la ligne du discours de L. Jospin à Milan devant le Congrès du Parti des Socialistes Européens, je souhaite que nous prenions appui sur l'euro pour adopter un Pacte européen de croissance.
Pour un Pacte européen de croissance Pour résorber le chômage, en France et en Europe, nous avons besoin d'une croissance durablement forte. Cela ne suffira pas, il faut également travailler à ce que notre marché du travail fonctionne le mieux possible, mais c'est une condition nécessaire. Ce qui a été possible aux Etats-Unis, un long cycle de 7 ans de croissance, doit maintenant devenir possible en Europe.
J'ai le sentiment que les conditions de la "nouvelle croissance" arrivent en France :
- le policy-mix s'est amélioré : les déficits publics sont réduits, avec des programmes pluri-annuels où nous mettons l'accent sur les objectifs de dépenses réelles, les taux d'intérêt ont baissé ;
- la diffusion des nouvelles technologies commence à s'opérer.
Pourtant, il nous faut aller plus loin. L'Europe peut nous y aider. J'ai quatre ambitions pour ce pacte européen de croissance.
une coordination renforcée des politiques économiques. L'euro-11 commence à être un vrai lieu d'échanges, de dialogue et de concertation, entre gouvernements mais aussi entre le pôle économique et le pôle monétaire. Nous avons jusqu'à présent essentiellement parlé politiques budgétaires et de leur lien avec la politique monétaire. Nous avons commencé à parler taux de change. Il faut aller plus loin en approfondissant ces sujets et en élargissant la concertation à nos politiques fiscales et en affirmant mieux le poids de l'Europe sur la scène internationale. Nous avons besoin pour ce faire que la Commission devienne une force de proposition essentielle, ce qu'elle n'a pas vraiment réussi à faire ces dernières années. La création d'un pôle en son sein regroupant les compétences économiques, fiscales, et les question du marché unique et de l'innovation, pourrait y contribuer.
notre Continent doit redevenir le Continent de l'innovation. L'Europe doit investir dans les technologies liées à la société de l'information. L'Europe a ce qu'il faut en matière de routes et de TGV. Elle est en revanche en retard en ce domaine de la société de l'information. Je souhaite que d'ici au Conseil Européen de Cologne en juin, un groupe d'experts composé de scientifiques et d'industriels travaille pour indiquer les grands projets technologiques prioritaires pour assurer la compétitivité de l'industrie européenne de demain. Nous verrons alors comment les financer, le cas échéant en partie en recourant à la formule d'un emprunt communautaire. enfin, il faut avancer sur l'Europe sociale. La France a été à l'origine du Sommet exceptionnel de novembre 1997 tenu à Luxembourg. Un processus a été lancé. Il faut veiller à ce qu'il ne s'enlise pas, en se fixant des objectifs de moyens ambitieux, notamment en matière de formation professionnelle. Mais il faut faire plus :
en terme de concertation, y compris pour suivre les évolutions salariales, la tenue d'une conférence économique et sociale annuelle, réunissant gouvernements, partenaires sociaux et BCE, serait très utile. Il faut faire naître le sentiment que de plus en plus c'est par des réflexions au niveau européen que nous ferons avancer les questions sociales. De ce point de vue, l'entrée de la CGT à la Confédération européenne des syndicats me paraît une bonne nouvelle;
j'ai dit tout à l'heure "pas de dumping fiscal". Je dis maintenant "pas de dumping social" en Europe. Je souhaite que les Conventions sociales européennes qui existent soient actualisées afin d'incorporer de nouveaux éléments de protection des travailleurs. Nous aurions ainsi une "charte des droits fondamentaux des travailleurs", instrument de protection renforcée des travailleurs d'Europe. Je sais J.-B. de Foucauld très attaché à cette idée.
Mesdames, messieurs,
voilà les quelques thèmes que je voulais souligner en introduction de notre débat. Ce sont les axes que je défendrai aux côtés des candidats socialistes lors de la campagne des élections européennes qui s'ouvre. J'espère que dès la fin de la Présidence allemande nous aurons réussi à les faire progresser.
Merci.
(Source http://www.finances.gouv.fr ; le 23 mars 1999)
C'est pour moi un grand plaisir d'intervenir devant votre nouveau club. Je connaissais et appréciais Convaincre Ile-de-France, Echange et Projets et Initiatives. Je me réjouis de ce que vous ayiez relancé la machine à idées. Je ne doute pas que soutenu par les membres que je vois ici votre club saura contribuer efficacement au débat démocratique sur tous nos grands sujets de société, et notamment sur notre thème de ce soir, la construction européenne.
Les élections européennes vont donner lieu à des discussions animées sur les enjeux européens. Le départ d'Oskar Lafontaine, la démission de la Commission ont nourri le débat ces derniers jours : avec ces événements, avons-nous perdu toute capacité politique en Europe ? Quelle contribution l'Europe peut-elle apporter à la croissance et à l'emploi en France ? Comment rendre les Institutions européennes plus efficaces et proches des citoyens ?
Notre économie, celle de la zone euro, est encore un peu comme un oiseau qui ne sait pas qu'il peut voler. Comme les Etats-Unis, nous avons maintenant les instruments d'une politique économique autonome, mais nous ne savons pas encore tout à fait comment nous en servir. C'était le grand mérite d'Oskar Lafontaine que de nous interroger avec insistance - et parfois avec brutalité - sur ce que nous voulions faire de notre nouvelle liberté. Il est parti, je le regrette profondément. Mais les questions demeurent. Et la gauche européenne se doit de relever le défi.
Les gouvernements de l'Union sont en effet pour la première fois dans une large majorité de gauche. C'est une chance historique que nous devons saisir pour faire avancer nos idées : remettre la croissance au cur des politiques économiques; favoriser l'innovation; s'appuyer sur le modèle social européen pour conduire les réformes structurelles dont notre Continent a besoin ; combattre grâce à l'euro le désordre du système financier international. Je suis convaincu que sur tous ces thèmes l'Europe peut nous aider à avancer, pour aller vers la nouvelle croissance que nous appelons de nos voeux. Pour cela, il nous faut de nouvelles formes d'organisations en Europe dont on voit bien qu'elles doivent être inventées rapidement.
La réussite de l'euro : et après ? L'euro est là. C'est une évidence pour chacun de nous aujourd'hui et pourtant cela n'était pas le cas il y a deux ans. Cet euro est celui que nous voulions : c'est l'euro large; la coordination des politiques économiques entre pays de l'euro commence à bien se mettre en place dans le cadre de l'euro-11 ; c'est un euro solide, comme le montre le caractère très bas des taux d'intérêt nominaux à long terme (4 % à 10 ans) - même si, comme vous le savez, les taux d'intérêt réels ne sont pas si bas.
Soyons fiers de ce que nous avons construit collectivement et avec patience : l'euro est une superbe réussite de la construction européenne. Il est une conquête d'identité, symbole d'intégration des peuples européens, et sera l'instrument d'une reconquête de souveraineté sur le plan économique, en nous rendant des marges manoeuvre progressivement perdues.
On sent pourtant, soyons francs entre nous, une pointe de déception dans les commentaires, avec un amalgame d'éléments très différents dans leur nature. La croissance européenne risque en 1999 d'être moins forte qu'espéré il y a encore six mois : l'euro n'est-il donc pas la potion magique dont certains avaient rêvé ? Le grand public utilise peu l'euro dans sa vie courante : bouderait-il notre nouvelle monnaie ?
1) Sur la croissance : l'euro nous protège des turbulences financières internationales, mais il n'est pas une Grande Muraille nous mettant à l'abri du reste du monde. Nous ne l'avons jamais prétendu. Lorsque les pays asiatiques sont en récession (Japon et économies émergentes), puis la Russie, puis le Brésil, nous en subissons bien sûr les conséquences, d'abord via les exportations que nous réalisons vers ces pays. Pourtant, je crois sincèrement que personne ne peut nier que l'euro a eu un rôle positif en réduisant la violence de ces chocs successifs. La perspective de l'euro a permis que dès 1998 les monnaies européennes ne bougent plus entre elles, et les écarts de taux d'intérêt ont continué à se réduire. Notre croissance de 1998 (+3,2 %, la meilleure de la décennie) a été protégée par la perspective de l'arrivée de l'euro. Elle aurait été plus forte encore sans les chocs internationaux.
C'est pourquoi nous devons prendre appui sur l'euro, qui nous donne de nouvelles responsabilités internationales, notamment en matière de change, pour contribuer à bâtir un système financier international plus stable. L'euro sera très vite l'égal du dollar, et la parité euro/dollar est déjà la parité centrale sur les marchés des changes. A nous de nous appuyer sur cette force pour faire avancer nos idées de régulation internationale.
2) Sur l'accueil par le public : notre nouvelle monnaie recueille l'adhésion d'une vaste majorité des Français, les sondages le montrent. Nos efforts collectifs de pédagogie et de communication, les Pouvoirs Publics n'étant que l'un des acteurs, ont contribué je le crois à renforcer l'adhésion de nos concitoyens.
Il y a encore des inquiétudes, au fond bien normales, sur les modalités pratiques de passage à l'euro dans la vie quotidienne, alimentées par la polémique apparue sur les frais bancaires. Nous parviendrons à lever ces inquiétudes progressivement, dès lors que tous les acteurs se mobiliseront dans ce but : Pouvoirs Publics au sens large, commerçants, banquiers, représentants des consommateurs. Ne jugeons pas du succès de l'euro auprès des particuliers en fonction du nombre de paiement par chèque ou carte. L'incitation pour les particuliers à basculer effectivement est à ce stade limitée. En revanche, je crois très important que chacun se construise progressivement une échelle de valeur en euro. La période de transition a été prévue suffisamment longue - trois ans - pour que nous parvenions à faire en sorte que le passage complet début 2002 se fasse sans angoisse et que chacun puisse décider de passer à son rythme à la nouvelle monnaie.
C'est d'ailleurs ce que certaines entreprises ont commencé à faire, puisque au cours des deux premiers mois de l'année environ 8 % de l'impôt sur les sociétés a été payé en euro. J'encourage les entreprises à basculer vite, pour profiter pleinement dès maintenant des avantages de l'euro, ce qui peut se révéler un vrai atout dans la concurrence internationale.
3) Sur notre capacité politique : le gouvernement auquel j'appartiens a plaidé depuis juin 1997 sans relâche pour une meilleure organisation politique de l'Europe. Dans notre sujet de ce soir, c'est l'idée de "gouvernement économique" dont l'euro-11 est l'ébauche. Tous les mois, les Onze Ministres des Finances se réunissent, souvent avec le Président de la BCE. Sans bruits, sans communiqué tapageur, la coordination des politiques économiques entre gouvernements de la zone euro, le dialogue entre le pôle économique et le pôle monétaire sont en train de se mettre en place.
Mesurons le chemin parcouru : en juin 1997, le gouvernement français a obtenu à Amsterdam le lancement de négociations sur la question. Quelques mois plus tard, notre partenaire allemand (T.Waigel à l'époque) en acceptait le principe, malgré quelques réticences. En décembre 1997, grâce à l'alliance franco-allemande, et malgré la vive opposition britannique, les Européens décidaient la création de l'enceinte. Depuis l'été dernier, elle se réunit régulièrement. Et progressivement, la concertation se met en place : on est sorti de la juxtaposition initiale des points de vue pour entrer dans de vrais débats sur la conjoncture dans l'ensemble de la zone et sur le policy-mix adéquat. Il reste des progrès à faire bien entendu. Mais le travail accompli sous la Présidence d'Oskar Lafontaine ces derniers mois a permis ces progrès et je ne doute pas qu'avec Hans Eichel, à qui je souhaite la bienvenue, nous irons plus loin encore, sur la définition de notre politique de change, sur la coordination en matière fiscale ou le suivi des évolutions salariales.
Pour autant, ces progrès ne suffisent pas. Il nous faut une meilleure capacité de décision et d'action en Europe. De ce point de vue, mon sentiment est que la Commission doit être forte et de qualité. On l'a bien vu ces derniers mois, une Commission faible ne rend pas service à la cause européenne.
Alors quel programme pour la croissance en Europe ? Après l'europhorie, peut-être un peu excessive, des premiers jours de l'année - mais l'événement était historique - malgré les troubles de ces derniers jours (départ d'Oskar Lafontaine et démission de la Commission) je crois que nous ne devons pas céder à une forme de déception ou de renoncement. L'euro est porteur de réformes profondes. Il est le meilleur instrument possible de maîtrise de la mondialisation. Il nous rend une capacité de mener des politiques économiques actives. A nous de l'utiliser au mieux dans ce but, pour la croissance et l'emploi en Europe.
La crise vécue par la Commission est l'occasion d'une mise à plat et d'un nouveau départ, avec des responsabilités clarifiées entre gouvernements, Commission et Parlement Européen.
Dans la ligne du discours de L. Jospin à Milan devant le Congrès du Parti des Socialistes Européens, je souhaite que nous prenions appui sur l'euro pour adopter un Pacte européen de croissance.
Pour un Pacte européen de croissance Pour résorber le chômage, en France et en Europe, nous avons besoin d'une croissance durablement forte. Cela ne suffira pas, il faut également travailler à ce que notre marché du travail fonctionne le mieux possible, mais c'est une condition nécessaire. Ce qui a été possible aux Etats-Unis, un long cycle de 7 ans de croissance, doit maintenant devenir possible en Europe.
J'ai le sentiment que les conditions de la "nouvelle croissance" arrivent en France :
- le policy-mix s'est amélioré : les déficits publics sont réduits, avec des programmes pluri-annuels où nous mettons l'accent sur les objectifs de dépenses réelles, les taux d'intérêt ont baissé ;
- la diffusion des nouvelles technologies commence à s'opérer.
Pourtant, il nous faut aller plus loin. L'Europe peut nous y aider. J'ai quatre ambitions pour ce pacte européen de croissance.
une coordination renforcée des politiques économiques. L'euro-11 commence à être un vrai lieu d'échanges, de dialogue et de concertation, entre gouvernements mais aussi entre le pôle économique et le pôle monétaire. Nous avons jusqu'à présent essentiellement parlé politiques budgétaires et de leur lien avec la politique monétaire. Nous avons commencé à parler taux de change. Il faut aller plus loin en approfondissant ces sujets et en élargissant la concertation à nos politiques fiscales et en affirmant mieux le poids de l'Europe sur la scène internationale. Nous avons besoin pour ce faire que la Commission devienne une force de proposition essentielle, ce qu'elle n'a pas vraiment réussi à faire ces dernières années. La création d'un pôle en son sein regroupant les compétences économiques, fiscales, et les question du marché unique et de l'innovation, pourrait y contribuer.
notre Continent doit redevenir le Continent de l'innovation. L'Europe doit investir dans les technologies liées à la société de l'information. L'Europe a ce qu'il faut en matière de routes et de TGV. Elle est en revanche en retard en ce domaine de la société de l'information. Je souhaite que d'ici au Conseil Européen de Cologne en juin, un groupe d'experts composé de scientifiques et d'industriels travaille pour indiquer les grands projets technologiques prioritaires pour assurer la compétitivité de l'industrie européenne de demain. Nous verrons alors comment les financer, le cas échéant en partie en recourant à la formule d'un emprunt communautaire. enfin, il faut avancer sur l'Europe sociale. La France a été à l'origine du Sommet exceptionnel de novembre 1997 tenu à Luxembourg. Un processus a été lancé. Il faut veiller à ce qu'il ne s'enlise pas, en se fixant des objectifs de moyens ambitieux, notamment en matière de formation professionnelle. Mais il faut faire plus :
en terme de concertation, y compris pour suivre les évolutions salariales, la tenue d'une conférence économique et sociale annuelle, réunissant gouvernements, partenaires sociaux et BCE, serait très utile. Il faut faire naître le sentiment que de plus en plus c'est par des réflexions au niveau européen que nous ferons avancer les questions sociales. De ce point de vue, l'entrée de la CGT à la Confédération européenne des syndicats me paraît une bonne nouvelle;
j'ai dit tout à l'heure "pas de dumping fiscal". Je dis maintenant "pas de dumping social" en Europe. Je souhaite que les Conventions sociales européennes qui existent soient actualisées afin d'incorporer de nouveaux éléments de protection des travailleurs. Nous aurions ainsi une "charte des droits fondamentaux des travailleurs", instrument de protection renforcée des travailleurs d'Europe. Je sais J.-B. de Foucauld très attaché à cette idée.
Mesdames, messieurs,
voilà les quelques thèmes que je voulais souligner en introduction de notre débat. Ce sont les axes que je défendrai aux côtés des candidats socialistes lors de la campagne des élections européennes qui s'ouvre. J'espère que dès la fin de la Présidence allemande nous aurons réussi à les faire progresser.
Merci.
(Source http://www.finances.gouv.fr ; le 23 mars 1999)