Texte intégral
E. Martichoux.- Vous êtes donc revenu de Kaboul hier soir, avec N. Sarkozy. Bonjour H. Morin. Merci d'être ce matin dans ce studio de RTL. Dans 3h30 débutera aux Invalides une cérémonie, hommage national à nos dix soldats tués lundi et mardi en Afghanistan, sur le terrain des combats. Vous avez rencontré hier à Kaboul, à peu près à l'heure où nous nous parlons d'ailleurs, il y a 24 heures, leurs camarades. Dans quel état d'esprit les avez-vous trouvés ?
Vous savez, nos militaires français sont des militaires qui font leur métier avec courage, avec détermination, avec volonté, avec passion, qui savent que le métier des armes peut amener jusqu'au sacrifice ultime, mais ils sont aussi des hommes déterminés dans leur volonté de mener leur mission. Et donc à la fois ils sont tristes, ils sont malheureux, comme nous le sommes, et en même temps, ils sont déterminés à continuer leur mission, parce que continuer leur mission, c'est rendre hommage aussi à leurs camarades qui sont tombés.
Choqués, pas déstabilisés ?
Non, absolument pas. Je crois qu'ils ont la volonté de continuer la mission pour laquelle ils se sont préparés.
Alors, il y a ce choc qui frappe la France, qui frappe l'armée au premier plan, il y a la compassion. Et puis, les premières questions, très vite, très nombreuses suscitées par ce drame, posées parfois par les familles elles-mêmes - on l'a entendu sur RTL...
Je verrais les familles tout à l'heure, à partir de 9 heures pour leur donner toutes les explications et tous les éléments d'information que nous avons pour l'instant.
Et elles attendent en effet vos réponses.
Oui, bien sûr.
Et en premier lieu, dans cette mission, nos soldats, on va reprendre les faits si vous le voulez bien, étaient postés à l'avant-garde d'une colonne composée derrière, de l'armée afghane et des forces spéciales américaines. A l'avant-garde...Vous avez entendu, peut-être des parents évoquer l'engagement très récent de leur fils, il y a un an, et poser cette question ouvertement : étaient-ils assez formés pour affronter un ennemi dont on sait maintenant, monsieur le ministre de la Défense, qu'ils sont maîtres dans l'art de la guerre ?
C'est évident que les talibans aujourd'hui, qui mènent des actions contre les forces de la coalition - je vous rappelle qu'il y a 39 pays d'engagés depuis 2001, que 25 pays de l'Union européenne le sont -, et donc, que les talibans depuis 2001 ont changé de technique et de méthode, et qu'ils sont capables aujourd'hui de mener des opérations tactiques beaucoup plus aguerries qu'ils ne le pouvaient ou qu'ils ne le faisaient il y a quelque temps. Et c'est cela que nous payons à travers la mort de nos petits soldats. Nos soldats sont formés pendant des mois, ils sont préparés pendant des mois avant de partir pour l'Afghanistan...
Parfois moins d'un an ?
Oui...
Comme on l'a vu, ils avaient 20-21-22 ans !
Une armée professionnelle est une armée forcément de jeunes. Une armée de métier, et toutes les armées au monde, qui sont des armées professionnelles, sont composées d'hommes et de femmes qui sont des jeunes hommes et des jeunes femmes. Ils ont été formés pendant des mois, ce sont des hommes qui participent...qui sont dans un régiment qui est un régiment d'élite, qui est le 8 ème RPIMa de Castres, et donc, ils ont eu toute la formation nécessaire pour cela. Ce qui est évident, c'est qu'avec l'Afghanistan, nous connaissons des opérations militaires qui sont d'un autre ordre, d'une autre violence que tout ce que nous avons connu jusqu'alors. Et c'est à cela que nous devons nous préparer en réfléchissant, en faisant ce qu'on appelle "le retour d'expérience", c'est-à-dire, en tirant les conséquences, en matière d'équipement, sur l'accompagnement militaire de nos opérations et des missions qui sont menées en Afghanistan.
Ce que vous allez faire dans les jours qui viennent, et d'ailleurs les parlementaires vont vous recevoir en mission d'information et attendre aussi vos réponses.
J'ai proposé, en effet, au président de la commission de la Défense hier, d'aller devant la commission parlementaire, et j'irai la semaine prochaine.
Alors, on revient sur le déroulement des faits, puisqu'on tente de comprendre, c'est bien naturel. Le journal Le Monde a recueilli à Kaboul, les témoignages de soldats blessés dans l'opération, et qui disent ceci, par exemple : ils déplorent "un manque de coordination au niveau du commandement pour l'arrivée des secours", et cela expliquerait le nombre élevé des victimes.
Il faut que l'on tire tous les éclaircissements dont nous avons besoin. Ce que nous savons avec certitude, c'est que l'opération a été menée avec une violence extrême, soudaine, que c'était un guet-apens qui avait été extrêmement bien organisé...
Et qui engageait combien de talibans ? Ou d'insurgés d'ailleurs ? Est-ce que ce sont des talibans ?
...disons des insurgés, puisque c'est le mot qu'on emploie d'habitude. Il y avait entre 80 et 100 insurgés, qui avaient préparé ce guet-apens et cette embuscade, et qui l'ont menée avec une violence extraordinaire. Et cette violence a amené très clairement à ce que nous perdions un certain nombre de nos hommes dans les premières minutes des combats.
Tous ? Pardon, parce que ça, c'est important ?
Cela, nous ne le savons pas encore. Mais très clairement, l'opération avait été réfléchie, et elle avait été menée avec cette précision qui fait que, les premiers hommes touchés ont été touchés l'adjoint du chef de section, le radio, et le tireur d'élite. Et donc, on voit bien, que l'opération avait été clairement réfléchie. Sur la suite, dès lors que l'opération était engagée, très rapidement, une section de renfort a été envoyée, et puis une seconde...
"Très rapidement", c'est-à-dire combien de temps ?
C'est-à-dire que, 15 à 20 minutes après, à partir du camp de base, une section complémentaire est arrivée, à peu près 1 heure sur le théâtre...
Elle est partie vous voulez dire, 20 minutes après, elle a été prévenue...
15 à 20 minutes après l'engagement des forces, une section, qu'on appelle "une création de forces", c'est-à-dire une section de soutien, est partie du camp de base de survie, et a mis environ entre 40 et 50 minutes pour arriver sur le théâtre. Puis, une seconde section est partie, puis des moyens héliportés ont été engagés. Mais tout cela nécessitait, bien entendu, qu'on puisse sécuriser par exemple la zone, de poser des hélicoptères. Donc, les choses ne peuvent pas se faire par un coup de baguette magique.
Autre témoignage troublant : d'après des soldats toujours interrogés par Le Monde, "des tirs amis, de tirs de l'Otan, des frappes aériennes auraient..."
... Nous n'avons...
...mal ciblées", et "éventuellement frappé des soldats français".
Nous n'avons aucun élément d'information de la sorte. Ce que nous savons, c'est que nous n'avons pas pu engager les avions F 15, qui n'ont pas pu tirer de bombes parce que les forces étaient très imbriquées, talibans, insurgés et forces françaises, et qu'il y aurait eu, bien entendu, des dégâts collatéraux considérables si des bombes avaient été engagées. Il y a eu des tirs de canons mitrailleurs d'avions américains qui ont été guidés par des forces spéciales américaines, et nous n'avons aucune information de la sorte nous permettant de considérer que des soldats français sont morts sous le feu d'avions de l'Otan.
Alors, vous l'avez dit, vous attendez les retours d'expérience", vous apporterez des réponses peut-être plus précises...
C'est ce que nous a demandé le président de la République, de tirer les conséquences, et de lui faire des propositions dans les semaines qui viennent.
Dernière question, vous avez voyagé hier avec le président de la République, dans l'avion du retour. On sait qu'il avait changé d'avis sur l'engagement militaire en Afghanistan, il a envoyé des renforts en avril dernier. Est-il troublé ? Se pose-t-il des questions maintenant sur la décision politique ?
Nous sommes en Afghanistan depuis 2001, nous y sommes par une décision conjointe de L. Jospin et de J. Chirac, alors président de la République. Nous y sommes pour y défendre la liberté, pour lutter contre le terrorisme, et pour aussi participer à notre propre sécurité, parce que le terrorisme est une menace majeure. Nous y défendons aussi les droits de l'homme, la dignité des femmes, la capacité pour l'Afghanistan enfin de retrouver la paix et d'assurer la stabilité dans une partie du monde qui conditionne notre propre sécurité. Et donc, la détermination du président de la République est totale. Il faut continuer ce combat, il n'y a pas d'autre solution que de continuer à mener cette mission, longue, périlleuse, dangereuse, pour assurer...
En Afghanistan...
...la stabilité de l'Afghanistan et la sécurité de l'ensemble des démocraties occidentales à travers la lutte contre le terrorisme.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 août 2008
Vous savez, nos militaires français sont des militaires qui font leur métier avec courage, avec détermination, avec volonté, avec passion, qui savent que le métier des armes peut amener jusqu'au sacrifice ultime, mais ils sont aussi des hommes déterminés dans leur volonté de mener leur mission. Et donc à la fois ils sont tristes, ils sont malheureux, comme nous le sommes, et en même temps, ils sont déterminés à continuer leur mission, parce que continuer leur mission, c'est rendre hommage aussi à leurs camarades qui sont tombés.
Choqués, pas déstabilisés ?
Non, absolument pas. Je crois qu'ils ont la volonté de continuer la mission pour laquelle ils se sont préparés.
Alors, il y a ce choc qui frappe la France, qui frappe l'armée au premier plan, il y a la compassion. Et puis, les premières questions, très vite, très nombreuses suscitées par ce drame, posées parfois par les familles elles-mêmes - on l'a entendu sur RTL...
Je verrais les familles tout à l'heure, à partir de 9 heures pour leur donner toutes les explications et tous les éléments d'information que nous avons pour l'instant.
Et elles attendent en effet vos réponses.
Oui, bien sûr.
Et en premier lieu, dans cette mission, nos soldats, on va reprendre les faits si vous le voulez bien, étaient postés à l'avant-garde d'une colonne composée derrière, de l'armée afghane et des forces spéciales américaines. A l'avant-garde...Vous avez entendu, peut-être des parents évoquer l'engagement très récent de leur fils, il y a un an, et poser cette question ouvertement : étaient-ils assez formés pour affronter un ennemi dont on sait maintenant, monsieur le ministre de la Défense, qu'ils sont maîtres dans l'art de la guerre ?
C'est évident que les talibans aujourd'hui, qui mènent des actions contre les forces de la coalition - je vous rappelle qu'il y a 39 pays d'engagés depuis 2001, que 25 pays de l'Union européenne le sont -, et donc, que les talibans depuis 2001 ont changé de technique et de méthode, et qu'ils sont capables aujourd'hui de mener des opérations tactiques beaucoup plus aguerries qu'ils ne le pouvaient ou qu'ils ne le faisaient il y a quelque temps. Et c'est cela que nous payons à travers la mort de nos petits soldats. Nos soldats sont formés pendant des mois, ils sont préparés pendant des mois avant de partir pour l'Afghanistan...
Parfois moins d'un an ?
Oui...
Comme on l'a vu, ils avaient 20-21-22 ans !
Une armée professionnelle est une armée forcément de jeunes. Une armée de métier, et toutes les armées au monde, qui sont des armées professionnelles, sont composées d'hommes et de femmes qui sont des jeunes hommes et des jeunes femmes. Ils ont été formés pendant des mois, ce sont des hommes qui participent...qui sont dans un régiment qui est un régiment d'élite, qui est le 8 ème RPIMa de Castres, et donc, ils ont eu toute la formation nécessaire pour cela. Ce qui est évident, c'est qu'avec l'Afghanistan, nous connaissons des opérations militaires qui sont d'un autre ordre, d'une autre violence que tout ce que nous avons connu jusqu'alors. Et c'est à cela que nous devons nous préparer en réfléchissant, en faisant ce qu'on appelle "le retour d'expérience", c'est-à-dire, en tirant les conséquences, en matière d'équipement, sur l'accompagnement militaire de nos opérations et des missions qui sont menées en Afghanistan.
Ce que vous allez faire dans les jours qui viennent, et d'ailleurs les parlementaires vont vous recevoir en mission d'information et attendre aussi vos réponses.
J'ai proposé, en effet, au président de la commission de la Défense hier, d'aller devant la commission parlementaire, et j'irai la semaine prochaine.
Alors, on revient sur le déroulement des faits, puisqu'on tente de comprendre, c'est bien naturel. Le journal Le Monde a recueilli à Kaboul, les témoignages de soldats blessés dans l'opération, et qui disent ceci, par exemple : ils déplorent "un manque de coordination au niveau du commandement pour l'arrivée des secours", et cela expliquerait le nombre élevé des victimes.
Il faut que l'on tire tous les éclaircissements dont nous avons besoin. Ce que nous savons avec certitude, c'est que l'opération a été menée avec une violence extrême, soudaine, que c'était un guet-apens qui avait été extrêmement bien organisé...
Et qui engageait combien de talibans ? Ou d'insurgés d'ailleurs ? Est-ce que ce sont des talibans ?
...disons des insurgés, puisque c'est le mot qu'on emploie d'habitude. Il y avait entre 80 et 100 insurgés, qui avaient préparé ce guet-apens et cette embuscade, et qui l'ont menée avec une violence extraordinaire. Et cette violence a amené très clairement à ce que nous perdions un certain nombre de nos hommes dans les premières minutes des combats.
Tous ? Pardon, parce que ça, c'est important ?
Cela, nous ne le savons pas encore. Mais très clairement, l'opération avait été réfléchie, et elle avait été menée avec cette précision qui fait que, les premiers hommes touchés ont été touchés l'adjoint du chef de section, le radio, et le tireur d'élite. Et donc, on voit bien, que l'opération avait été clairement réfléchie. Sur la suite, dès lors que l'opération était engagée, très rapidement, une section de renfort a été envoyée, et puis une seconde...
"Très rapidement", c'est-à-dire combien de temps ?
C'est-à-dire que, 15 à 20 minutes après, à partir du camp de base, une section complémentaire est arrivée, à peu près 1 heure sur le théâtre...
Elle est partie vous voulez dire, 20 minutes après, elle a été prévenue...
15 à 20 minutes après l'engagement des forces, une section, qu'on appelle "une création de forces", c'est-à-dire une section de soutien, est partie du camp de base de survie, et a mis environ entre 40 et 50 minutes pour arriver sur le théâtre. Puis, une seconde section est partie, puis des moyens héliportés ont été engagés. Mais tout cela nécessitait, bien entendu, qu'on puisse sécuriser par exemple la zone, de poser des hélicoptères. Donc, les choses ne peuvent pas se faire par un coup de baguette magique.
Autre témoignage troublant : d'après des soldats toujours interrogés par Le Monde, "des tirs amis, de tirs de l'Otan, des frappes aériennes auraient..."
... Nous n'avons...
...mal ciblées", et "éventuellement frappé des soldats français".
Nous n'avons aucun élément d'information de la sorte. Ce que nous savons, c'est que nous n'avons pas pu engager les avions F 15, qui n'ont pas pu tirer de bombes parce que les forces étaient très imbriquées, talibans, insurgés et forces françaises, et qu'il y aurait eu, bien entendu, des dégâts collatéraux considérables si des bombes avaient été engagées. Il y a eu des tirs de canons mitrailleurs d'avions américains qui ont été guidés par des forces spéciales américaines, et nous n'avons aucune information de la sorte nous permettant de considérer que des soldats français sont morts sous le feu d'avions de l'Otan.
Alors, vous l'avez dit, vous attendez les retours d'expérience", vous apporterez des réponses peut-être plus précises...
C'est ce que nous a demandé le président de la République, de tirer les conséquences, et de lui faire des propositions dans les semaines qui viennent.
Dernière question, vous avez voyagé hier avec le président de la République, dans l'avion du retour. On sait qu'il avait changé d'avis sur l'engagement militaire en Afghanistan, il a envoyé des renforts en avril dernier. Est-il troublé ? Se pose-t-il des questions maintenant sur la décision politique ?
Nous sommes en Afghanistan depuis 2001, nous y sommes par une décision conjointe de L. Jospin et de J. Chirac, alors président de la République. Nous y sommes pour y défendre la liberté, pour lutter contre le terrorisme, et pour aussi participer à notre propre sécurité, parce que le terrorisme est une menace majeure. Nous y défendons aussi les droits de l'homme, la dignité des femmes, la capacité pour l'Afghanistan enfin de retrouver la paix et d'assurer la stabilité dans une partie du monde qui conditionne notre propre sécurité. Et donc, la détermination du président de la République est totale. Il faut continuer ce combat, il n'y a pas d'autre solution que de continuer à mener cette mission, longue, périlleuse, dangereuse, pour assurer...
En Afghanistan...
...la stabilité de l'Afghanistan et la sécurité de l'ensemble des démocraties occidentales à travers la lutte contre le terrorisme.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 août 2008