Texte intégral
LE FIGARO. - La France découvre que ses soldats sont engagés dans une vraie guerre en Afghanistan. Le mois dernier, les Américains ont perdu neuf hommes d'un coup sur le même terrain et cela n'a pas provoqué le même choc. Pourquoi ?
HERVÉ MORIN. - Nous sommes en Afghanistan depuis 2001. Nous avons perdu dix hommes dans une région que nous connaissons bien et qui est censée être plus calme que la Kapissa, où nous avons envoyé cet été des renforts. Pendant longtemps, nos hommes ont été exposés aux bombes artisanales, aux mines, à des tirs sporadiques, à des accrochages, mais jamais à une attaque de cette ampleur. Les forces françaises avaient jusque-là déploré peu de morts, en tout cas moins que les Américains et les Britanniques. L'opinion française découvre aujourd'hui que l'Afghanistan est sans doute le premier théâtre depuis plusieurs décennies dans lequel les armées françaises, qui affrontent des talibans de plus en plus organisés, sont engagées dans des opérations militaires brutales et violentes.
LE FIGARO. - Les Français ont-ils été particulièrement visés ?
HERVÉ MORIN. - Non. Les Américains l'ont été de la même manière le mois dernier. Les talibans ont frappé les Français, lundi, car ils patrouillaient dans une vallée qui est un verrou important au niveau stratégique. Cela étant dit, les talibans savent qu'ils ne peuvent pas gagner cette guerre, ils subissent des pertes et doivent reculer face aux alliés dans certaines vallées qu'ils contrôlaient. Ils utilisent donc des moyens dont ils savent qu'ils déstabilisent les démocraties européennes. Leur but est de faire douter les populations européennes de la justesse de l'engagement international en Afghanistan. Ils savent qu'en frappant de la sorte, ils peuvent affaiblir les convictions des populations et provoquer un retrait des forces de certains pays qui, lui-même, par un effet domino, mènerait à l'effondrement des efforts consentis depuis 2001 avec le soutien de l'ONU.
LE FIGARO. - Quelles leçons peuvent être tirées de ce drame ?
HERVÉ MORIN. - Le président de la République a demandé un retour d'expérience. Les insurgés, dont le Pakistan et les zones tribales sont le vivier majeur, sont de plus en plus performants. Il faut en tirer les conséquences et augmenter notre capacité de reconnaissance et de renseignement. On ne peut pas mettre en place des moyens aéroportés pour chaque patrouille, car il y en a 100 à 150 par jour. Mais peut-être faut-il envoyer des drones et renforcer les moyens héliportés. En tout cas, on ne peut pas envoyer des hommes en Afghanistan pour les laisser dans des camps, cela ôterait tout sens à notre mission. Nous ne pouvons pas non plus transférer le pouvoir à l'armée afghane sans avoir au préalable pacifié et sécurisé ces zones. Il faut faire en sorte qu'il y ait un maximum de protection. Sachant que le risque zéro n'existe pas. Il est incompatible avec l'exercice militaire
LE FIGARO. - En France, certains remettent en question l'engagement de la France en Afghanistan.
HERVÉ MORIN. - Il n'y aura pas de changement dans cet engagement. Je vous rappelle que si la France est en Afghanistan depuis 2001, c'est à la suite d'une décision conjointe prise par Jacques Chirac et Lionel Jospin. Vingt-cinq pays européens sur les 27 que compte l'Union sont présents en Afghanistan. Ceux qui critiquent l'engagement français ne proposent aucune alternative. Que voulez-vous faire d'autre ? Redonner le pays aux talibans, qui le replongeront dans le Moyen Âge ? Tout le monde a conscience que la communauté internationale ne peut pas échouer. L'Afghanistan a pour frontière le Pakistan et l'Iran. C'est une partie de la sécurité du monde et donc de l'avenir du monde qui s'y joue. J'ajoute que la défense des droits de l'homme n'est pas une notion à géométrie variable. Les Afghans, eux aussi, ont droit à la paix.
LE FIGARO. - Les deux candidats à la présidence américaine estiment que la solution passe par un renforcement des troupes. Est-ce aussi votre opinion ?
HERVÉ MORIN. - Si on ne veut pas rester indéfiniment en Afghanistan et si on veut que le pays prenne son destin en main, il est certain qu'il faut faire le maximum. La France, qui a organisé la conférence de Paris en avril, a toujours dit que la solution n'était pas uniquement militaire. Il faut une action de reconstruction et des efforts dans tous les secteurs. Mais il ne faut pas non plus faire l'impasse sur l'action militaire. On ne peut pas faire du développement dans un pays qui est en guerre. Et quel type d'action civile pouvons-nous engager face à des insurgés qui veulent détruire le pays et faire tomber le pouvoir ? Je pense que la solution passe par une meilleure coordination entre le civil et le militaire. Il faudrait aussi davantage de cohérence entre les forces nationales engagées en Afghanistan. Le fait que les pays, par exemple, ont des règles d'engagement différentes limite l'efficacité des actions.
source http://www.defense.gouv.fr, le 25 août 2008
HERVÉ MORIN. - Nous sommes en Afghanistan depuis 2001. Nous avons perdu dix hommes dans une région que nous connaissons bien et qui est censée être plus calme que la Kapissa, où nous avons envoyé cet été des renforts. Pendant longtemps, nos hommes ont été exposés aux bombes artisanales, aux mines, à des tirs sporadiques, à des accrochages, mais jamais à une attaque de cette ampleur. Les forces françaises avaient jusque-là déploré peu de morts, en tout cas moins que les Américains et les Britanniques. L'opinion française découvre aujourd'hui que l'Afghanistan est sans doute le premier théâtre depuis plusieurs décennies dans lequel les armées françaises, qui affrontent des talibans de plus en plus organisés, sont engagées dans des opérations militaires brutales et violentes.
LE FIGARO. - Les Français ont-ils été particulièrement visés ?
HERVÉ MORIN. - Non. Les Américains l'ont été de la même manière le mois dernier. Les talibans ont frappé les Français, lundi, car ils patrouillaient dans une vallée qui est un verrou important au niveau stratégique. Cela étant dit, les talibans savent qu'ils ne peuvent pas gagner cette guerre, ils subissent des pertes et doivent reculer face aux alliés dans certaines vallées qu'ils contrôlaient. Ils utilisent donc des moyens dont ils savent qu'ils déstabilisent les démocraties européennes. Leur but est de faire douter les populations européennes de la justesse de l'engagement international en Afghanistan. Ils savent qu'en frappant de la sorte, ils peuvent affaiblir les convictions des populations et provoquer un retrait des forces de certains pays qui, lui-même, par un effet domino, mènerait à l'effondrement des efforts consentis depuis 2001 avec le soutien de l'ONU.
LE FIGARO. - Quelles leçons peuvent être tirées de ce drame ?
HERVÉ MORIN. - Le président de la République a demandé un retour d'expérience. Les insurgés, dont le Pakistan et les zones tribales sont le vivier majeur, sont de plus en plus performants. Il faut en tirer les conséquences et augmenter notre capacité de reconnaissance et de renseignement. On ne peut pas mettre en place des moyens aéroportés pour chaque patrouille, car il y en a 100 à 150 par jour. Mais peut-être faut-il envoyer des drones et renforcer les moyens héliportés. En tout cas, on ne peut pas envoyer des hommes en Afghanistan pour les laisser dans des camps, cela ôterait tout sens à notre mission. Nous ne pouvons pas non plus transférer le pouvoir à l'armée afghane sans avoir au préalable pacifié et sécurisé ces zones. Il faut faire en sorte qu'il y ait un maximum de protection. Sachant que le risque zéro n'existe pas. Il est incompatible avec l'exercice militaire
LE FIGARO. - En France, certains remettent en question l'engagement de la France en Afghanistan.
HERVÉ MORIN. - Il n'y aura pas de changement dans cet engagement. Je vous rappelle que si la France est en Afghanistan depuis 2001, c'est à la suite d'une décision conjointe prise par Jacques Chirac et Lionel Jospin. Vingt-cinq pays européens sur les 27 que compte l'Union sont présents en Afghanistan. Ceux qui critiquent l'engagement français ne proposent aucune alternative. Que voulez-vous faire d'autre ? Redonner le pays aux talibans, qui le replongeront dans le Moyen Âge ? Tout le monde a conscience que la communauté internationale ne peut pas échouer. L'Afghanistan a pour frontière le Pakistan et l'Iran. C'est une partie de la sécurité du monde et donc de l'avenir du monde qui s'y joue. J'ajoute que la défense des droits de l'homme n'est pas une notion à géométrie variable. Les Afghans, eux aussi, ont droit à la paix.
LE FIGARO. - Les deux candidats à la présidence américaine estiment que la solution passe par un renforcement des troupes. Est-ce aussi votre opinion ?
HERVÉ MORIN. - Si on ne veut pas rester indéfiniment en Afghanistan et si on veut que le pays prenne son destin en main, il est certain qu'il faut faire le maximum. La France, qui a organisé la conférence de Paris en avril, a toujours dit que la solution n'était pas uniquement militaire. Il faut une action de reconstruction et des efforts dans tous les secteurs. Mais il ne faut pas non plus faire l'impasse sur l'action militaire. On ne peut pas faire du développement dans un pays qui est en guerre. Et quel type d'action civile pouvons-nous engager face à des insurgés qui veulent détruire le pays et faire tomber le pouvoir ? Je pense que la solution passe par une meilleure coordination entre le civil et le militaire. Il faudrait aussi davantage de cohérence entre les forces nationales engagées en Afghanistan. Le fait que les pays, par exemple, ont des règles d'engagement différentes limite l'efficacité des actions.
source http://www.defense.gouv.fr, le 25 août 2008