Texte intégral
Q - Existe-t-il encore des doutes sur la réalisation du projet de l'Union pour la Méditerranée ?
R - Quand on ne fait rien, il y a toujours des doutes. La France a eu le courage de faire naître un projet qui renforce l'Europe. Il n'était pas facile de faire en sorte que tous les gouvernements européens et tant de chefs d'Etat s'accordent autour d'une même table. L'échange d'ambassadeurs entre la Syrie et le Liban est un geste historique. Les choses vont un peu mieux au Moyen-Orient. C'est une occasion à ne pas laisser passer.
Q - On a parlé de "réhabilitation" du président syrien Al Assad. Beaucoup ont protesté.
Nous avons discuté avec la Syrie d'une liste des prisonniers. L'idée de lire la Déclaration des Droits de l'Homme, le 14 juillet, a été un signal très clair. Les conditions posées par la France ont été acceptées. On ne peut pas parler de "réhabilitation", mais de tournant positif. Les militants des Droits de l'Homme exercent une fonction essentielle, mais la politique étrangère ne peut pas être réduite à cela. Il serait naïf de le penser. Avec l'Italie et l'Espagne, nous avons été les premiers à comprendre qu'il était nécessaire d'adopter un comportement différent à l'égard de Damas et du Hezbollah.
Q - Comment jugez-vous le nouveau comportement de Washington à l'égard de l'Iran ?
R - Nous avons toujours dit : sanctions et dialogue. Aujourd'hui, les Etats-Unis ont compris cette position. Il y a plus de réalisme, ce qui est certainement lié aux prochaines élections américaines. Evidemment, je ne me fais pas d'illusions, les Iraniens n'ont pas changé, ils ne nous donnent aucune assurance depuis deux ans. Mais il y a un progrès, nous verrons.
Q - Vous aviez vous-mêmes évoqué un danger de guerre.
R - J'ai seulement dit que la guerre représentait le pire. Et j'ai ajouté ce que le président Sarkozy a toujours dit : le pire s'évite en empêchant l'Iran de posséder l'arme nucléaire. Mais nous devons aussi considérer le fait que l'Iran est un grand pays, influent dans toute la région.
Q - M. Nicolas Sarkozy a décidé de se rendre à Pékin. Réalisme envers la Chine aussi ?
R - M. Nicolas Sarkozy, en tant que président de l'Union européenne, a consulté les alliés et les partenaires européens. Ils se sont prononcés en faveur d'une présence à Pékin. Il est toujours difficile de défendre une certaine idée des Droits de l'Homme et de conduire simultanément une politique étrangère, car il y a toujours deux facettes à un problème.
Q - Ces derniers temps, l'attitude de la France envers les Etats-Unis a beaucoup changé.
R - Nous avons travaillé pour une pleine réconciliation, fondée sur une confiance réciproque. Cela ne signifie pas être des vassaux. Nous étions en désaccord sur beaucoup de dossiers : Irak, Syrie, Liban, Afghanistan. Je crois que la France a réussi à construire une position commune. Du reste, les positions américaines aussi ont changé. Aujourd'hui, on dit que le problème majeur n'est plus l'Irak mais l'Afghanistan. Pour notre part, nous soutenons que la solution militaire n'est pas la bonne. Il faut continuer les efforts pour la reconstruction civile qui a déjà bien progressé.
Q - La réconciliation comprend également le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ?
R - C'est un signal important que la France a donné, après un débat interne compliqué, notamment pour des raisons historiques en grande partie dépassées. Du reste, la France participe à toutes les missions de l'OTAN. Mais la France, en accord avec les partenaires européens, a averti qu'il n'y aurait pas d'élargissement sans avancées de l'Europe de la défense. Au Sommet de Bucarest, les discussions ont été vives. La position des Européens sur la relation avec la Russie n'est pas la même que celle des Etats-Unis, et avec la Russie il faut dialoguer sur un autre mode.
Q - Vous êtes considéré comme un homme de gauche, comme le "French Doctor". Nicolas Sarkozy a fait de vous un symbole d'ouverture. Vous ne vous êtes jamais senti embarrassé ?
R - Je suis détesté à droite comme à gauche. C'est une position qui n'est pas confortable, mais que j'assume, car il est exaltant de promouvoir une diplomatie de mouvement. Avec Nicolas Sarkozy, les discussions sont franches et ouvertes. Evidemment, il a le dernier mot, mais c'est pour avoir ce débat permanent qu'il m'a nommé. C'est sa méthode de travail. Je n'ai pas voté pour lui et il le sait. N'étant pas conformiste, Nicolas Sarkozy s'entend bien avec les socialistes européens. Ces derniers continuent à se demander pourquoi les socialistes français regardent vers le passé. Les réformes qu'il fait sont indispensables à la France. Et la politique étrangère change aussi.
Q - Quel est votre avis sur l'affaire Marina Petrella ?
R - En France il y a une loi, que j'ai personnellement voulue, qui impose de soigner à l'hôpital les détenus dont les conditions de santé sont graves. Quant à la proposition de grâce, l'Italie est un Etat de droit, et la décision ne nous appartient pas. Je dirais cependant, que ce cas est différent de celui de Battisti. Il convient peut-être de réfléchir à un acte de clémence.
Q - La doctrine Mitterrand est finie à jamais ?
R - On oublie trop souvent de préciser que François Mitterrand parlait de terroristes "qui n'avaient pas de sang sur les mains". Par la suite, il y a eu un peu de confusion.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2008
R - Quand on ne fait rien, il y a toujours des doutes. La France a eu le courage de faire naître un projet qui renforce l'Europe. Il n'était pas facile de faire en sorte que tous les gouvernements européens et tant de chefs d'Etat s'accordent autour d'une même table. L'échange d'ambassadeurs entre la Syrie et le Liban est un geste historique. Les choses vont un peu mieux au Moyen-Orient. C'est une occasion à ne pas laisser passer.
Q - On a parlé de "réhabilitation" du président syrien Al Assad. Beaucoup ont protesté.
Nous avons discuté avec la Syrie d'une liste des prisonniers. L'idée de lire la Déclaration des Droits de l'Homme, le 14 juillet, a été un signal très clair. Les conditions posées par la France ont été acceptées. On ne peut pas parler de "réhabilitation", mais de tournant positif. Les militants des Droits de l'Homme exercent une fonction essentielle, mais la politique étrangère ne peut pas être réduite à cela. Il serait naïf de le penser. Avec l'Italie et l'Espagne, nous avons été les premiers à comprendre qu'il était nécessaire d'adopter un comportement différent à l'égard de Damas et du Hezbollah.
Q - Comment jugez-vous le nouveau comportement de Washington à l'égard de l'Iran ?
R - Nous avons toujours dit : sanctions et dialogue. Aujourd'hui, les Etats-Unis ont compris cette position. Il y a plus de réalisme, ce qui est certainement lié aux prochaines élections américaines. Evidemment, je ne me fais pas d'illusions, les Iraniens n'ont pas changé, ils ne nous donnent aucune assurance depuis deux ans. Mais il y a un progrès, nous verrons.
Q - Vous aviez vous-mêmes évoqué un danger de guerre.
R - J'ai seulement dit que la guerre représentait le pire. Et j'ai ajouté ce que le président Sarkozy a toujours dit : le pire s'évite en empêchant l'Iran de posséder l'arme nucléaire. Mais nous devons aussi considérer le fait que l'Iran est un grand pays, influent dans toute la région.
Q - M. Nicolas Sarkozy a décidé de se rendre à Pékin. Réalisme envers la Chine aussi ?
R - M. Nicolas Sarkozy, en tant que président de l'Union européenne, a consulté les alliés et les partenaires européens. Ils se sont prononcés en faveur d'une présence à Pékin. Il est toujours difficile de défendre une certaine idée des Droits de l'Homme et de conduire simultanément une politique étrangère, car il y a toujours deux facettes à un problème.
Q - Ces derniers temps, l'attitude de la France envers les Etats-Unis a beaucoup changé.
R - Nous avons travaillé pour une pleine réconciliation, fondée sur une confiance réciproque. Cela ne signifie pas être des vassaux. Nous étions en désaccord sur beaucoup de dossiers : Irak, Syrie, Liban, Afghanistan. Je crois que la France a réussi à construire une position commune. Du reste, les positions américaines aussi ont changé. Aujourd'hui, on dit que le problème majeur n'est plus l'Irak mais l'Afghanistan. Pour notre part, nous soutenons que la solution militaire n'est pas la bonne. Il faut continuer les efforts pour la reconstruction civile qui a déjà bien progressé.
Q - La réconciliation comprend également le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ?
R - C'est un signal important que la France a donné, après un débat interne compliqué, notamment pour des raisons historiques en grande partie dépassées. Du reste, la France participe à toutes les missions de l'OTAN. Mais la France, en accord avec les partenaires européens, a averti qu'il n'y aurait pas d'élargissement sans avancées de l'Europe de la défense. Au Sommet de Bucarest, les discussions ont été vives. La position des Européens sur la relation avec la Russie n'est pas la même que celle des Etats-Unis, et avec la Russie il faut dialoguer sur un autre mode.
Q - Vous êtes considéré comme un homme de gauche, comme le "French Doctor". Nicolas Sarkozy a fait de vous un symbole d'ouverture. Vous ne vous êtes jamais senti embarrassé ?
R - Je suis détesté à droite comme à gauche. C'est une position qui n'est pas confortable, mais que j'assume, car il est exaltant de promouvoir une diplomatie de mouvement. Avec Nicolas Sarkozy, les discussions sont franches et ouvertes. Evidemment, il a le dernier mot, mais c'est pour avoir ce débat permanent qu'il m'a nommé. C'est sa méthode de travail. Je n'ai pas voté pour lui et il le sait. N'étant pas conformiste, Nicolas Sarkozy s'entend bien avec les socialistes européens. Ces derniers continuent à se demander pourquoi les socialistes français regardent vers le passé. Les réformes qu'il fait sont indispensables à la France. Et la politique étrangère change aussi.
Q - Quel est votre avis sur l'affaire Marina Petrella ?
R - En France il y a une loi, que j'ai personnellement voulue, qui impose de soigner à l'hôpital les détenus dont les conditions de santé sont graves. Quant à la proposition de grâce, l'Italie est un Etat de droit, et la décision ne nous appartient pas. Je dirais cependant, que ce cas est différent de celui de Battisti. Il convient peut-être de réfléchir à un acte de clémence.
Q - La doctrine Mitterrand est finie à jamais ?
R - On oublie trop souvent de préciser que François Mitterrand parlait de terroristes "qui n'avaient pas de sang sur les mains". Par la suite, il y a eu un peu de confusion.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2008