Texte intégral
P. Weil.- Aujourd'hui, on fait le point sur la rentrée diplomatique. B. Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, sera entendu demain, avec le ministre de la Défense, H. Morin, par les commissions de la Défense et des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, après la mort de dix soldats français en Afghanistan. Et le 1er septembre, réunion extraordinaire d'un Conseil européen des chefs d'Etats et de gouvernements sur la Géorgie à Bruxelles. B. Kouchner, bonjour, vous êtes à Beyrouth, au téléphone. D'abord, pourquoi cette réunion d'un Conseil européen extraordinaire à Bruxelles sur la Géorgie le 1er septembre ?
Il s'agit de rendre compte aux 26 pays, d'abord, évidemment, de ce qui s'est passé en Géorgie et l'attitude de la présidence française au nom de l'Union. Il y a déjà eu une réunion des ministres des Affaires étrangères le 13 août et des conclusions ont été tirées et que nous essayons de mettre en application. [Il s'agit] de faire le point sur le retrait des troupes russes de Géorgie et puis de parler évidemment de l'avenir, car les cinquième et sixième point parlaient d'avenir, sixième point du document que nous avons fait signer à la fois par la Russie et la Géorgie et il va falloir régler politiquement les choses, ce qui prendra du temps car la secousse a été grande.
La Russie n'est-elle pas en train d'annexer une partie de la Géorgie ? Elle ne se retire pas de la Géorgie ?
Non, elle se retire de la Géorgie. Il y a une manière de corridor où elle patrouille et il faut aussi contrôler cela, c'est-à-dire qu'il nous faudra - et ce sera plus facile après cette réunion des chefs d'Etats - envoyer des observateurs, par l'intermédiaire de l'OSCE, mais également des observateurs de l'Union européenne, afin que, non seulement on contrôle la mise en application de l'accord, mais on parle de l'avenir, c'est évident. Nous avons évité le pire en obtenant un cessez-le-feu et le retrait de l'immense majorité des troupes russes, mais il reste des problèmes, vous avez raison.
Pas de sanction pour les Russes pour l'instant ?
On ne parle pas de sanction. Déjà, en huit jours, avoir obtenu et le cessez-le-feu, l'arrêt des combats donc, et le retrait des troupes, c'était beaucoup. Alors, nous verrons bien. Il faut faire le point maintenant.
B. Kouchner, faut-il changer de stratégie en Afghanistan ?
Je suis sûr, nous le savons depuis la conférence de Paris puisque nous avons organisé cette conférence à cette fin, que la stratégie militaire, indispensable dans un premier temps, ne suffira pas. Et donc il faut e que l'on appelle "l'afghanisation", c'est-à-dire passer au plus vite les responsabilités, toutes les responsabilités, aux Afghans, et nous allons bien sûr nous en entretenir avec les députés et avec les sénateurs, H. et moi, mardi. Mais il est sûr qu'il n'y a pas de solution uniquement militaire. Sûr.
Est-ce un bourbier actuellement, l'Afghanistan, pour les troupes françaises ?
Pourquoi vous appelez ça [un bourbier] ? Nous défendons là-bas l'essentiel de la démocratie. Les combattants des droits de l'homme savent depuis longtemps que ces valeurs sont extrêmement menacées voire bafouées en Afghanistan. Nous nous efforçons de consolider et les armées afghanes - 75.000 hommes déjà quand même - et puis évidemment la démocratie balbutiante, le vote des femmes, le rôle du Parlement, le pouvoir de monsieur Karzaï au-delà de Kaboul. Il y a beaucoup à faire et beaucoup à expliquer et je suis très heureux de cette réunion des parlementaires, qui nous permettra d'éclairer un tout petit peu sur une réalité qui est bien méconnue chez nous et qui est très dangereuse.
Des erreurs ont-elles été commises sur le terrain, lors de cette embuscade qui a coûté la vie à dix soldats français ?
Ce n'est pas mon propos de parler de cela. Il y a évidemment des grands dangers et des grands risques dans les guerres, ça, ce n'est pas nouveau et moi, je parlerai de la perspective générale. Je ne sais pas s'il y a eu des erreurs ou pas. Il y a... ce n'est même pas une enquête, mais c'est une considération sur les opérations, la façon de les mener et le caractère très particulier, très cruel d'ailleurs de cette guerre. Tout cela n'est pas encore terminé - je parle de cette enquête.
Va-t-on envoyer des forces spéciales françaises, comme en janvier 2007, environ 200 hommes ? Le général américain qui commande les troupes là-bas s'y est dit favorable hier ?
C'est gentil de se dire favorable mais ce n'est pas le général américain qui commande les troupes françaises. Alors ça nous verrons bien.
Vous êtes à Beyrouth et puis vous vous rendrez ensuite à Damas en Syrie. N. Sarkozy se rendra en visite en Syrie avant la mi septembre. Vous confirmez cette visite ?
Je la prépare. Nous sommes très attentifs. Vous savez que le rétablissement des relations normales entre ces deux Etats - ou l'établissement car elles ne furent jamais complètement normales ces relations - l'établissement de relations normales, l'échange d'ambassadeurs entre la Syrie et le Liban, qui pour l'heure, cet échange, a été obtenu mais n'est pas entré dans les faits, la manière dont maintenant à Tripoli il y a des affrontements - Tripoli c'est au nord du Liban - des affrontements confessionnels, enfin pas seulement confessionnels mais dangereux de toute façon, des oppositions chiites-sunnites, et des élections qui déjà se préparent dans un climat que j'espère voir s'apaiser, parce que les oppositions sont très fortes, comme vous le savez, toujours très dangereuses au Liban, or les élections sont pour juin prochain,je pense qu'on pourrait essayer de calmer les choses. Donc nous sommes très prudents, aussi bien avec nos amis libanais parce que je suis au Liban en ce moment, que dans l'évolution et les propositions qui seront faites, qui devraient apporter plus d'apaisement et la paix dans la région. La Syrie y participe parce que son dialogue, vous le savez - enfin son dialogue, en tout cas les contacts avec les Israéliens - c'est un progrès. Il en reste beaucoup à faire et nous restons très vigilants.
Pourquoi B. El Assad, le président syrien, est-il à nouveau fréquentable ?
Parce que, nous l'avions dit, il a été possible de nommer, d'élire un président au Liban et que le Gouvernement a été formé, que le président libanais a déjà visité - c'est une première dans ces conditions, bien sûr - la Syrie et que les choses ont l'air, je l'espère, de s'apaiser.
Vous êtes certain que la Syrie ne s'ingère plus dans les affaires du Liban ?
Je ne suis certain de rien, je garde les yeux ouverts mais j'espère que les progrès continueront dans cette région, et il y en a beaucoup à faire, vous le savez. Il y a eu hier encore un discours très vindicatif de Monsieur Nasrallah, le chef du Hezbollah à l'égard d'Israël et tout cela est extrêmement, comment dirais-je, ambigu.
D'après ce que vous savez, Israéliens et Palestiniens sont-ils sur le point de signer avant la fin de l'année un accord cadre ou une feuille de route pour la paix ?
Je l'espère, je l'espère mais je n'en suis pas sûr, loin de là. Alors, maintenant, on dit déjà que les discussions pourraient se prolonger au-delà de l'année. En tout cas la semaine prochaine sans doute, j'aurai à m'entretenir à nouveau avec les dirigeants palestiniens et les dirigeants israéliens et faire le point avec eux. Mais les choses ont avancé, mais vous le savez... elles ont avancé au niveau des contacts entre les responsables, surtout Abou Mazel, Abou Alla et de l'autre côté, le Premier ministre israélien et le ministre des Affaires étrangères, T. Livni. Seulement, depuis, il y a eu une fragilisation très nette de monsieur E. Olmert, le Premier ministre israélien, puisqu'il doit s'en aller dans un délai de deux mois. Il y aurait des élections dans son parti. La succession politique intérieure israélienne qui compte toujours beaucoup dans les négociations n'est pas très simple.
Dernier point : les Jeux Olympiques de Pékin viennent de se terminer, vous avez rencontré le Dalaï-lama la semaine dernière. Qu'avez-vous dit au Dalaï-lama ?
Eh bien, nous avons calculé que la première fois que nous nous étions rencontrés, c'était en mai 1989, et que nous nous connaissions depuis dix-neuf ans et qu'on se rencontrait à chaque fois, et qu'on s'aimait beaucoup bien que je ne sois en rien bouddhiste. Alors, vous voyez, ce n'était pas vraiment une nouveauté. Nous avons parlé bien sûr de la situation du bouddhisme en France, et puis nous avons parlé aussi des Jeux Olympiques. Il a approuvé la façon dont le président Sarkozy s'était rendu à la cérémonie d'ouverture. Il a souhaité que ce pays se développe car c'était un grand pays, porteur de grandes valeurs, mais se développe dans la démocratie et il a attiré notre attention sur un certain nombre de tensions à nouveau au Tibet.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 août 2008
Il s'agit de rendre compte aux 26 pays, d'abord, évidemment, de ce qui s'est passé en Géorgie et l'attitude de la présidence française au nom de l'Union. Il y a déjà eu une réunion des ministres des Affaires étrangères le 13 août et des conclusions ont été tirées et que nous essayons de mettre en application. [Il s'agit] de faire le point sur le retrait des troupes russes de Géorgie et puis de parler évidemment de l'avenir, car les cinquième et sixième point parlaient d'avenir, sixième point du document que nous avons fait signer à la fois par la Russie et la Géorgie et il va falloir régler politiquement les choses, ce qui prendra du temps car la secousse a été grande.
La Russie n'est-elle pas en train d'annexer une partie de la Géorgie ? Elle ne se retire pas de la Géorgie ?
Non, elle se retire de la Géorgie. Il y a une manière de corridor où elle patrouille et il faut aussi contrôler cela, c'est-à-dire qu'il nous faudra - et ce sera plus facile après cette réunion des chefs d'Etats - envoyer des observateurs, par l'intermédiaire de l'OSCE, mais également des observateurs de l'Union européenne, afin que, non seulement on contrôle la mise en application de l'accord, mais on parle de l'avenir, c'est évident. Nous avons évité le pire en obtenant un cessez-le-feu et le retrait de l'immense majorité des troupes russes, mais il reste des problèmes, vous avez raison.
Pas de sanction pour les Russes pour l'instant ?
On ne parle pas de sanction. Déjà, en huit jours, avoir obtenu et le cessez-le-feu, l'arrêt des combats donc, et le retrait des troupes, c'était beaucoup. Alors, nous verrons bien. Il faut faire le point maintenant.
B. Kouchner, faut-il changer de stratégie en Afghanistan ?
Je suis sûr, nous le savons depuis la conférence de Paris puisque nous avons organisé cette conférence à cette fin, que la stratégie militaire, indispensable dans un premier temps, ne suffira pas. Et donc il faut e que l'on appelle "l'afghanisation", c'est-à-dire passer au plus vite les responsabilités, toutes les responsabilités, aux Afghans, et nous allons bien sûr nous en entretenir avec les députés et avec les sénateurs, H. et moi, mardi. Mais il est sûr qu'il n'y a pas de solution uniquement militaire. Sûr.
Est-ce un bourbier actuellement, l'Afghanistan, pour les troupes françaises ?
Pourquoi vous appelez ça [un bourbier] ? Nous défendons là-bas l'essentiel de la démocratie. Les combattants des droits de l'homme savent depuis longtemps que ces valeurs sont extrêmement menacées voire bafouées en Afghanistan. Nous nous efforçons de consolider et les armées afghanes - 75.000 hommes déjà quand même - et puis évidemment la démocratie balbutiante, le vote des femmes, le rôle du Parlement, le pouvoir de monsieur Karzaï au-delà de Kaboul. Il y a beaucoup à faire et beaucoup à expliquer et je suis très heureux de cette réunion des parlementaires, qui nous permettra d'éclairer un tout petit peu sur une réalité qui est bien méconnue chez nous et qui est très dangereuse.
Des erreurs ont-elles été commises sur le terrain, lors de cette embuscade qui a coûté la vie à dix soldats français ?
Ce n'est pas mon propos de parler de cela. Il y a évidemment des grands dangers et des grands risques dans les guerres, ça, ce n'est pas nouveau et moi, je parlerai de la perspective générale. Je ne sais pas s'il y a eu des erreurs ou pas. Il y a... ce n'est même pas une enquête, mais c'est une considération sur les opérations, la façon de les mener et le caractère très particulier, très cruel d'ailleurs de cette guerre. Tout cela n'est pas encore terminé - je parle de cette enquête.
Va-t-on envoyer des forces spéciales françaises, comme en janvier 2007, environ 200 hommes ? Le général américain qui commande les troupes là-bas s'y est dit favorable hier ?
C'est gentil de se dire favorable mais ce n'est pas le général américain qui commande les troupes françaises. Alors ça nous verrons bien.
Vous êtes à Beyrouth et puis vous vous rendrez ensuite à Damas en Syrie. N. Sarkozy se rendra en visite en Syrie avant la mi septembre. Vous confirmez cette visite ?
Je la prépare. Nous sommes très attentifs. Vous savez que le rétablissement des relations normales entre ces deux Etats - ou l'établissement car elles ne furent jamais complètement normales ces relations - l'établissement de relations normales, l'échange d'ambassadeurs entre la Syrie et le Liban, qui pour l'heure, cet échange, a été obtenu mais n'est pas entré dans les faits, la manière dont maintenant à Tripoli il y a des affrontements - Tripoli c'est au nord du Liban - des affrontements confessionnels, enfin pas seulement confessionnels mais dangereux de toute façon, des oppositions chiites-sunnites, et des élections qui déjà se préparent dans un climat que j'espère voir s'apaiser, parce que les oppositions sont très fortes, comme vous le savez, toujours très dangereuses au Liban, or les élections sont pour juin prochain,je pense qu'on pourrait essayer de calmer les choses. Donc nous sommes très prudents, aussi bien avec nos amis libanais parce que je suis au Liban en ce moment, que dans l'évolution et les propositions qui seront faites, qui devraient apporter plus d'apaisement et la paix dans la région. La Syrie y participe parce que son dialogue, vous le savez - enfin son dialogue, en tout cas les contacts avec les Israéliens - c'est un progrès. Il en reste beaucoup à faire et nous restons très vigilants.
Pourquoi B. El Assad, le président syrien, est-il à nouveau fréquentable ?
Parce que, nous l'avions dit, il a été possible de nommer, d'élire un président au Liban et que le Gouvernement a été formé, que le président libanais a déjà visité - c'est une première dans ces conditions, bien sûr - la Syrie et que les choses ont l'air, je l'espère, de s'apaiser.
Vous êtes certain que la Syrie ne s'ingère plus dans les affaires du Liban ?
Je ne suis certain de rien, je garde les yeux ouverts mais j'espère que les progrès continueront dans cette région, et il y en a beaucoup à faire, vous le savez. Il y a eu hier encore un discours très vindicatif de Monsieur Nasrallah, le chef du Hezbollah à l'égard d'Israël et tout cela est extrêmement, comment dirais-je, ambigu.
D'après ce que vous savez, Israéliens et Palestiniens sont-ils sur le point de signer avant la fin de l'année un accord cadre ou une feuille de route pour la paix ?
Je l'espère, je l'espère mais je n'en suis pas sûr, loin de là. Alors, maintenant, on dit déjà que les discussions pourraient se prolonger au-delà de l'année. En tout cas la semaine prochaine sans doute, j'aurai à m'entretenir à nouveau avec les dirigeants palestiniens et les dirigeants israéliens et faire le point avec eux. Mais les choses ont avancé, mais vous le savez... elles ont avancé au niveau des contacts entre les responsables, surtout Abou Mazel, Abou Alla et de l'autre côté, le Premier ministre israélien et le ministre des Affaires étrangères, T. Livni. Seulement, depuis, il y a eu une fragilisation très nette de monsieur E. Olmert, le Premier ministre israélien, puisqu'il doit s'en aller dans un délai de deux mois. Il y aurait des élections dans son parti. La succession politique intérieure israélienne qui compte toujours beaucoup dans les négociations n'est pas très simple.
Dernier point : les Jeux Olympiques de Pékin viennent de se terminer, vous avez rencontré le Dalaï-lama la semaine dernière. Qu'avez-vous dit au Dalaï-lama ?
Eh bien, nous avons calculé que la première fois que nous nous étions rencontrés, c'était en mai 1989, et que nous nous connaissions depuis dix-neuf ans et qu'on se rencontrait à chaque fois, et qu'on s'aimait beaucoup bien que je ne sois en rien bouddhiste. Alors, vous voyez, ce n'était pas vraiment une nouveauté. Nous avons parlé bien sûr de la situation du bouddhisme en France, et puis nous avons parlé aussi des Jeux Olympiques. Il a approuvé la façon dont le président Sarkozy s'était rendu à la cérémonie d'ouverture. Il a souhaité que ce pays se développe car c'était un grand pays, porteur de grandes valeurs, mais se développe dans la démocratie et il a attiré notre attention sur un certain nombre de tensions à nouveau au Tibet.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 août 2008