Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Il y a longtemps que nous travaillons à la réforme nécessaire de notre appareil diplomatique, à son adaptation au monde, et que nous voulons faire de ce ministère des Affaires étrangères et européennes, le ministère de la mondialisation. Je crois que la première étape a été accomplie ce matin par l'exposition des grandes lignes de la réforme qui maintenant sera travaillée avec chacun des protagonistes et, en particulier, évidemment, les agents de ce ministère ; travaillée et mise en application de manière rationnelle et obstinée.
C'est peu dire que le monde change, et qu'il reste le même. Avant, on disait le monde change ; il n'y a plus de communisme, il n'y a plus de monde divisé en deux... Malheureusement, le monde change et demeure aussi dangereux sinon plus, avec des réveils de nationalismes, de violences. Les années devant nous seront des années difficiles. Nous avons nécessairement à adapter notre appareil pour répondre à cela. Le plus significatif est que nous ayons commencé par le centre de crise, que vous connaissez et que vous avez visité.
Je suis à votre disposition pour parler de ce que vous souhaitez. Sur la réforme, je crois que le document que vous avez est suffisamment explicite pour que vous vous y reportiez, mais je veux bien répondre, bien entendu, à toutes vos questions.
Q - Monsieur le Ministre, vous étiez à Damas il y a quelques jours. Avez-vous évoqué les actions de la Russie dans la région avec les Syriens ? Quelle est votre position sur ce sujet ?
R - Je me suis d'abord un peu étonné auprès du président Bachar El Assad de son soutien marqué aux activités brutales de la Russie dans cette région, à l'occasion de sa visite à Sotchi. Il m'a expliqué - et je l'ai cru -, que la phrase qui avait été rapportée ne reflétait pas l'ensemble de ce qu'il avait dit puisque le président Bachar El Assad avait soutenu la signature par le président Medvedev et par le président Saakachvili, à l'initiative de la France, du protocole d'accord. Il m'a assuré qu'il était tout à fait prêt à aller dans ce sens pour ce qui le concernait. J'ai donc accepté cette précision.
Maintenant, depuis que le président Bachar El Assad s'est prononcé en faveur des efforts de la France, je vous rappelle que cet accord en six points n'a vu que ses deux premiers points respectés et que le reste, en particulier l'évacuation totale du territoire géorgien par les troupes russes, n'a pas été respecté. Il reste des zones, en particulier au port de Poti, sur cette ligne de circulation et également autour de l'Ossétie, des points d'ancrage des forces russes qui ne sont pas acceptables.
Il reste également, autour des points 5 et 6, à mettre en place ce qui pourra assurer une paix durable, c'est-à-dire une solution politique issue de la concertation. Il n'en est rien pour le moment. C'est ce qui a amené le président de la République à demander une réunion extraordinaire du Conseil européen qui se déroulera à Bruxelles lundi. Cette réunion verra les 27 pays prendre une position que je ne connais pas encore précisément car il y a - comme d'habitude en Europe - des opinions divergentes, mais une position claire sur ce qui apparaît comme une violation du droit international.
Le droit international n'autorise pas la rectification des frontières d'un pays voisin par la force. Non seulement il ne l'autorise pas mais il l'interdit. Il faudra donc revenir à des discussions indispensables pour que cette crise soit résolue. Cela prendra beaucoup de temps : des semaines, des mois voire des années. En attendant, nous devons, au mieux, pallier, avec nos alliés, les souffrances des populations.
Le troisième point du protocole d'accord que je connais par coeur pour l'avoir négocié longuement avec le président de la République française et les autres, c'est l'accès humanitaire auprès des victimes. Cela n'est pas encore une réalité, même si les Russes ont évacué la ville de Gori ; il y a en Ossétie des endroits très particuliers : Akhalgori en particulier, à l'est de l'Ossétie du sud. C'est un endroit que nous surveillons de près et où, apparemment, à partir duquel certains populations sont chassées. L'accès élémentaire aux victimes, aux 150.000 réfugiés, dont certains il est vrai regagnent maintenant leurs foyers - je ne crois pas qu'ils aient été démolis, heureusement -, n'est pas suffisant même si le HCR fait son travail.
Je vous convie lundi à une réunion très importante du Conseil européen. Vous avez noté que les ministres des Affaires étrangères du G7 ont publié hier une déclaration très ferme qui va dans le même sens. D'ailleurs, tout le monde va dans le même sens, c'est pourquoi j'étais étonné que le président Bachar El Assad soit à contre-courant. Merci d'avoir posé la question.
Q - Monsieur le Ministre, on voit mal, lundi lors du sommet, les Européens discuter de sanctions contre la Russie telles qu'un boycott des livraisons énergétiques ou quelque chose comme cela. Sur quels points pensez-vous que les Européens puissent exercer des pressions sur la Russie ?
R - Madame, vous êtes trop informée des choses de la politique et de la diplomatie pour exiger des réponses immédiates. La réaction générale du monde démocratique est de ne pas accepter que cette violence soit faite aux Géorgiens et que la reconnaissance de l'indépendance de ces deux parties du territoire géorgien, Abkhazie et Ossétie, soit assurée sans aucune concertation. Tout le monde est d'accord là-dessus.
Il faudra cependant du temps, ne nous faisons pas d'illusion. Je ne vais pas préfigurer moi-même de sanctions alors que la réunion n'a pas eu lieu. Mais nous travaillons avec nos 26 partenaires en ce moment. Notre diplomatie ne se contente pas de faire des conférences. Nous travaillons avec acharnement avec les 26 pays de l'Union européenne dont nous assurons encore pour 4 mois la présidence. Nous essayons d'élaborer un texte fort signifiant notre volonté de ne pas accepter. Les sanctions sont envisagées, bien sûr, et bien d'autres moyens. Pendant des années - enfin, "des années", je souhaite que cela soit beaucoup plus court -, j'ai le sentiment qu'il faudra prendre en compte cette nouvelle politique de la Russie de façon extrêmement précise.
Vous savez également que d'autres pays, en particulier ceux qui étaient dans le bloc soviétique et qui ont accédé à l'Union européenne, sont extrêmement attentifs, voire inquiets, sinon très inquiets.
Cette réponse n'est pas satisfaisante, je le sais, mais nous ne sommes pas satisfaits non plus. Il y aura des réactions, il y aura des discussions et, je l'espère, des concertations avec les Russes. La France n'est pas partisane de couper les relations avec la Russie, loin de là. Cela se réglera - je ne sais pas quand -, le plus vite possible, par la négociation.
Q - Monsieur le Ministre, après vos entretiens avec les dirigeants syriens, quelle crédibilité - vous qui connaissez très bien la Syrie, le Liban, le Proche-Orient et qui avez eu des entretiens élargis avec le chef d'Etat syrien - donnez-vous aux engagements syriens envers la France concernant le Liban, d'abord les relations diplomatiques, il est vrai qu'il y a eu une promesse mais il n'y aura pas de relations avant la fin de l'année ? Deuxièmement, la délimitation des frontières semble encore un objectif très lointain. Qu'allez-vous obtenir, à votre avis ?
R - "Il est inutile d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer". Vous êtes vous-même trop au fait de ces affaires pour croire qu'immédiatement tout va changer. Vous n'en pensez pas un mot, moi non plus.
Quel crédit j'accorde ? J'accorde tout le crédit possible jusqu'à preuve du contraire. Nous sommes confiants jusqu'à preuve du contraire. Et nous ne souhaitons bien évidemment pas qu'il nous soit présenté la preuve du contraire. Pour le moment, au Liban, cela va mieux. Vous l'avez vu vous-même, l'atmosphère est quand même plus détendue qu'il y a quelques mois, lorsque nous étions tous ensemble dans ce pays déchiré. Rien n'est réglé. Tripoli nous inquiète. Les implications des uns et des autres à Tripoli nous inquiètent. Le Hezbollah nous inquiète également, ainsi que les discours qui sont tenus de part et d'autres de la frontière israélo-libanaise. Ce sont des discours qui se répondent et augurent mal des rapports futurs de ces deux Etats. A part cela, nous sommes tout de même confiants.
Vous dites que l'échange d'ambassadeurs n'est pas pour tout de suite. Mais, il y a des traités et, surtout du côté libanais, c'est long. Au cours des 60 dernières années, entre ces deux pays qui n'ont pas échangé d'ambassadeurs et n'ont pas eu de relations diplomatiques, un certain nombre de traités, qu'il faut revoir, ont été signés.
J'espère - c'est en tout cas ce que M. Bachar El Assad m'a dit -, qu'avant la fin de l'année, il y aura un ambassadeur à Beyrouth venu de Syrie et un ambassadeur libanais à Damas. Les frontières constituent cependant une question très grave, très difficile. Il n'y a jamais vraiment eu de frontière et il va donc falloir les tracer. Nous serons, s'ils le demandent, derrière les deux pays. Vous savez que l'Allemagne s'est beaucoup intéressée à cela. Les Français et les Allemands peuvent très bien travailler ensemble. Nous serons là pour essayer de les aider. Il y a trois camps qui échappent à tout contrôle : ce sont des camps palestiniens, en particulier ceux des organisations palestiniennes extrémistes qui sont installées à Damas. Il y en a même un dans les mêmes conditions à côté de l'aéroport. Nous en avons parlé.
Tout cela, ce sont des problèmes graves. Nous avions promis que nous reprendrions des relations normales avec la Syrie dès lors que les représentants du régime libanais auraient été élus : président, gouvernement, présentation du consensus national et vote par le parlement. Nous l'avons fait et, jusque-là, nous en sommes satisfaits. Maintenant, il faut être attentif et nous sommes attentifs, très attentifs.
Q - Bonjour Monsieur le Ministre. Je me permets de revenir sur la Géorgie. Vous avez parlé de points d'ancrage russes sur le territoire géorgien. Mais est-ce qu'il ne faudrait pas parler plutôt d'occupation d'un pays étranger dans un pays qui est internationalement reconnu, qui est la Géorgie et qui est à l'ONU maintenant ?
R - Est-ce que cela nous avancerait dans le problème ? Nous le savons bien qu'il y a eu une invasion et c'est d'ailleurs pour cela que le document en six points qui a été proposé par les Français et accepté des deux côtés parle de retrait des troupes. Les troupes se sont retirées - pas toutes. Il reste des points d'ancrage qui ne sont pas acceptables. Mais l'immense partie des troupes que nous avions repérées sur le territoire géorgien s'est retirée derrière les lignes de l'Ossétie et a regagné les lignes qui prévalaient avant le 7 août. Ce sera long, cela prendra encore quelques jours.
Il y a eu une invasion, bien sûr, mais à propos de cette invasion, les Russes affirment qu'ils ont simplement répliqué à un bombardement sur la ville de Tsikvali... Cela ne sert à rien de faire tout cela. Il faut avancer sur une négociation de paix et sur l'application de ces six points. Le seul document que nous avons, en dehors des documents signés en 1992 - à partir de la crise de 1992, cela fait déjà longtemps -, c'est ce document en six points. Il comporte le retrait des troupes, une concertation et, évidemment, - ce qui est précisé par la lettre du président Sarkozy - la nécessité de respecter l'intégrité du territoire géorgien. Tout cela est écrit.
Si vous êtes en train de me dire qu'ils ne l'ont pas respecté, cela nous le savons. C'est même ce qui nous réunit. Evidemment, les troupes russes ont pénétré sur le territoire géorgien. D'ailleurs les troupes géorgiennes avaient pénétré sur le territoire de l'Ossétie, considérant, eux, que c'était leur territoire.
Q - (à propos de la présence de l'armée russe)
R - Nous essayons de faire en sorte qu'elle ne s'installe pas dans la durée.
Un claquement de doigts ne suffit pas. Au Caucase, depuis des siècles les gens se battent. Il y a des exemples tragiques comme, évidemment, la Tchétchénie. Si quelqu'un s'est avancé, jusqu'à Moscou même, pour manifester son opposition aux méthodes qui ont été employées, c'est bien moi. Sachez que la Tchétchénie était l'alliée des Abkhazes contre les Géorgiens. C'est compliqué le Caucase.
Il y a déjà les observateurs : vingt de plus et il en faudrait une centaine. Nous verrons s'il est possible d'avancer lundi - je crois que ce serait possible ; lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères appelée en urgence au milieu du mois d'août, les ministres des Affaires étrangères ont accepté que la présence européenne soit forte en Géorgie et en Ossétie. L'OSCE a accepté que des observateurs, des médiateurs, viennent de l'Union européenne. J'espère que lundi ce processus s'accélèrera. Et puis nous allons évidemment essayer de reparler avec les protagonistes.
Q - (Concernant une déclaration de Mme Merkel sur l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN)
Non, Mme Angela Merkel a rappelé qu'à Bucarest, nous avions dit que, naturellement, ces deux pays, l'Ukraine et la Géorgie, avaient droit, comme tout le monde, à demander de faire partie de l'OTAN. C'est ce que nous avons signé.
Les six pays fondateurs de l'Europe ont refusé d'accorder le MAP, c'est-à-dire l'accession à la candidature. Mme Merkel a redit la même chose, mais évidemment ses propos ont été tronqués. Elle voulait dire : nous répétons les termes de Bucarest, dont cette première phrase du texte, qui est "naturellement ils y ont droit". Mais on ne sait pas si cela aurait servi à quelque chose.
Il y a un article 5 qui veut dire qu'un pays engagé engage les autres militairement à le défendre. Est-ce que vous voyez qu'une guerre pourrait être déclarée contre les forces russes ? Eh bien, cela n'est pas notre point de vue. Je pense qu'il faut vraiment l'éviter.
Je crois que sur le feu, ce n'est pas la peine de mettre de l'huile. Il faut plutôt éteindre le feu.
Il n'y a pas que des notions de guerre, essayons de faire en sorte que la diplomatie serve à éviter les guerres ; c'est tout de même son but.
Q - Monsieur le Ministre bonjour. Le président géorgien a demandé à ce que l'on accélère l'intégration de son pays au sein de l'OTAN et également au sein de l'Union européenne. Allez-vous en parler lundi et pensez-vous que cette intégration pourrait être une solution à la situation actuelle ?
R - Non Madame. Je viens d'y répondre.
Nous avons un rendez-vous prévu entre les ministres des Affaires étrangères de l'OTAN à la mi-décembre. Nous étudierons cette question du MAP pour l'Ukraine et la Géorgie. Nous verrons, ce n'est pas la question du moment.
Q - Sur le dialogue avec Moscou évoqué hier par le président et que vous venez d'évoquer il y a quelques instants, est-ce que le maintien et les conditions de ce dialogue sont liés à l'application complète des six points de l'accord que vous avez évoqué en introduction ?
R - Merci d'être positif. Oui, ils sont liés, pour l'heure. Peut-être y aura-t-il d'autres documents. Une inflexion.
Q - Peut-on réécrire ou modifier l'accord du mois d'août ?
R - Non. Votre question était "est-ce que les négociations, disons les contacts, sont liés au protocole d'accord en six points ?" Je vous dis oui.
Q - Deux points ont été acceptés, il y en a encore quatre à régler.
R - Oui, mais le troisième, l'accès humanitaire, est en voie de règlement également, puisque M. Guterres, le directeur du HCR, est allé là-bas. Les choses se mettent en place. Les représentants de la Croix Rouge ont accès. Pas partout, mais j'espère qu'ils auront accès partout.
Quant aux autres points, en effet, ils font partie de la négociation qui devrait s'engager. Comment ? Nous verrons cela après le Conseil européen de lundi. Mais, sans aucun doute, il faut au moins prendre en compte ces points-là et nous verrons bien s'il faut en ajouter d'autres.
Q - Selon la discussion de lundi, peut-il y avoir une délégation de l'Union européenne qui prendrait la route de Moscou ?
R - Cela n'est pas impossible. C'est au Conseil de le décider mais c'est en effet une des possibilités.
Q - Quand vous dites qu'il y a un calendrier, quelle sorte de calendrier avez-vous négocié ? Quel délai avez-vous négocié pour la Géorgie ?
R - Concernant la Géorgie, je ne sais pas. Mais concernant le problème entre la Russie et la Géorgie, oui, certainement et la première réflexion sera menée lundi à Bruxelles, à l'occasion de la réunion des 27 Etats membres de l'Union. Mais nous maintenons également des contacts au niveau du G7, dont une déclaration a été publiée hier. Les pays membres de l'OSCE se sont également réunis récemment à Vienne. Ils ont décidé d'envoyer d'autres observateurs, y compris des Français - cinq d'entre eux.
Un agenda est difficile à établir avant cette réunion. Notre responsabilité, en tant que présidence de l'Union européenne, est d'attendre d'ici lundi parce que nous avons besoin de communiquer à nos collègues le bilan de notre réflexion avant de prendre des décisions. Il sera beaucoup plus simple de proposer un agenda à ce moment-là.
Q - Sur la décision de la Russie de reconnaître l'Ossétie et l'Abkhazie, est-ce que vous pensez qu'ils avaient cela dans la tête quand vous étiez en négociation la semaine dernière ? Est-ce que vous avez compris ce qui a changé dans la politique russe, poussant vers une reconnaissance immédiate ? Personnellement, vous êtes déçu ou non ?
R - Madame, pour vous répondre pleinement il faudrait faire appel à des notions historiques, sociologiques, psychanalytiques que je me refuse à développer devant vous car ce serait certainement une justification - ou en partie -, à cette réaction brutale des Russes qui ne peut être acceptée.
Maintenant, nous savons qu'un certain nombre d'explications sont déjà fournies. Tout d'abord, ce problème était pendant depuis la chute du communisme. Ce problème avait été traité de manière extrêmement lapidaire par les autorités de l'Union soviétique, en particulier par Staline, lequel, vous le savez, est né à Gori. Gori, cette ville qui a été tellement traversée par les troupes russes et qui a été l'objet des attentions pendant presque une semaine. Il y a là la maison natale de Staline.
Ces deux pays, la Russie, ancienne Union soviétique, et la Géorgie, anciennement faisant partie de l'Union soviétique, dès qu'ils retournent à la démocratie ou qu'ils sont sur le chemin de la démocratie, se précipitent l'un contre l'autre. C'est pour livrer cela à votre réflexion. C'est un des éléments de la réflexion.
Par ailleurs, il y a eu des provocations réciproques que je ne peux pas qualifier parce que je n'ai pas tout vu. J'ai quand même été le seul à aller interroger les réfugiés en Ossétie du nord qui avaient été chassés de l'Ossétie du sud. J'ai entendu leur récit. Il faut écouter les deux parties pour qu'une négociation s'engage. C'est à la fois intéressant et essentiel d'écouter les deux côtés.
Il y a eu ensuite, je ne porte pas le jugement de savoir qui a commencé, qui a été le plus violent -c'est difficile de le savoir maintenant, les historiens se pencheront sur ces sujets- après ces provocations, le bombardement de la ville de Tskhinvali a été particulièrement meurtrier et les Russes ont réagi à ce bombardement. Les évènements se sont alors enchaînés. Il me semble que le bombardement comme la réaction qui s'en est suivie ont été disproportionnés et de nature à déstabiliser une région déjà instable. C'est ce que tout le monde doit considérer comme un élément de réflexion. Les frontières de la Russie, qui ont été décidées au moment de la chute du communisme dans la succession à la fois de Mikhail Gorbatchev et de Boris Eltsine, sont des frontières fragiles. Nous devons, par le biais de la négociation, considérer tous les problèmes et considérer aussi, je vous l'ai dit tout à l'heure, le fait que les pays de l'ex-bloc de l'Est sont extrêmement attentifs et très inquiets face à la situation.
Q - Dans votre discours, vous avez dit "comment allons nous pouvoir tirer plus de ce que l'on nous donne en moins ?", je suppose que vous avez peut être quelques idées. D'autre part, sur le fond, j'ai noté avec intérêt que vous avez insisté à deux reprises sur la prise en compte de la dimension démographique des problèmes dans la politique du Quai, mais là aussi en pratique, est-ce que cela veut dire qu'il y aura des responsables des stratégies, des actions ? Enfin, il y a une autre approche transversale tout aussi importante que la démographie qui est celle des inégalités hommes-femmes.
R - Tout ce que vous venez de dire fait partie de ce que l'on appelle maintenant la direction des Affaires globales. Pour être plus précis - j'ai cité certains exemples mais je n'ai pas tout cité - la question de la démographie me paraît complètement essentielle parce qu'avec les famines qui interviennent et qui sont encore prévues, on ne va pas se contenter d'apporter des sacs de riz - si je peux me permettre -, il faut qu'il y ait toute une politique de développement de l'agriculture et des agricultures vivrières. C'est un élément essentiel. Il y aura, dans le cadre des Affaires globales, tout un groupe qui réfléchira à ce sujet qu'est la démographie.
Concernant la religion, j'en ai parlé à plusieurs reprises. Il n'y a pas aujourd'hui de réflexion suffisante sur les religions. J'ai affronté près de quarante cinq guerres, j'en ai souffert aux côtés des victimes. Je ne connais qu'une seule guerre où les religions n'était pas mêlées, c'était la guerre du football entre le Honduras et le Salvador. Pour le reste, ne pas analyser les affrontements religieux, ce serait tout de même un grand péché.
Pour ce qui est de l'égalité hommes-femmes, c'est par le biais, un peu facile je le reconnais, des problèmes de santé et des maladies contagieuses que nous l'aborderons. Nous pensons que la femme est le centre du développement, le pivot de la famille et que c'est auprès des femmes qu'il faut intervenir pour qu'elles-mêmes ensuite puissent influencer leurs enfants, leurs maris. Le centre familial, c'est la femme dans les pays en développement.
Il n'y a pas que cela. Par exemple, il existe toute une économie souterraine. Il y aura un responsable d'une direction de la criminalité, des économies souterraines et donc du blanchiment de l'argent - qui constitue aujourd'hui presque la moitié des fonds souverains dans certains pays. Tout cela doit être pris en compte et c'est exactement ce que nous voulons faire.
Il y aura des responsables pour chacune de ces unités et c'est la raison pour laquelle j'ai placé la direction politique au-dessus de tout l'organigramme, à l'exception bien sûr du secrétaire général et du ministre. Il faut qu'il y ait une vision politique commune. Si on considère le problème de la Géorgie, tout ce que je viens de citer, c'est aussi une part des explications qu'il nous faudrait travailler.
Mais pourquoi faire tout cela ? Parce que nous voulons la prévention des crises, parce que nous voulons être attentifs à ce qui se passe dans le monde avant qu'il ne soit trop tard. Par exemple, concernant la Géorgie, finalement, nous n'avons pas été suffisamment attentifs. Certains au sein de l'Union européenne étaient plus attentifs que nous. Nous aurions dû nous rendre sur place plus tôt et bénéficier des efforts allemands, - qui s'étaient davantage portés sur l'Abkhazie et non l'Ossétie. Tout cela doit être coordonné.
J'espère qu'un jour il y aura un traité européen, je ne sais pas s'il sera de Lisbonne ou autre, mais un traité qui nous permette d'aller plus vite. Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, parmi nos priorités, il y a la question de l'énergie. Une position commune sur l'énergie est nécessaire si on veut parler aux Russes. Le fait de mettre en oeuvre une défense européenne s'impose de plus en plus. Le fait de proposer que les relations transatlantiques soient examinées au Gymnich, à Avignon, par les ministres des Affaires étrangères européens, proposer pour qu'il y ait une attitude commune avec nos amis américains qui sont en train de traverser une période où les décisions sont difficiles pour eux.
Quel que soit le président élu, et nous l'avons dit à M. McCain et à M. Obama, nous allons proposer un document pour travailler avec eux, pour que l'Union européenne, sans attendre qu'il y ait un Traité de Lisbonne, soit impliquée politiquement. Il faut que l'Europe le fasse, les autres ne le feront pas. Si l'on veut être un ministère de la mondialisation, il faut prendre en compte les éléments de dangerosité et de violence de monde plus encore que ne le fait la diplomatie traditionnelle.
Q - Vous avez parlé de la France dans le monde, mais maintenant, elle a "double casquette" avec la Présidence de l'Union européenne. Bientôt vous irez avec le président dans une zone que vous connaissez bien, la Méditerranée de l'Est. A ce moment, le 3 septembre, vont commencer les négociations de paix à Chypre. Or il y a aujourd'hui certaines indications comme quoi des personnes essaieraient d'exploiter les évènements du Caucase. Ne pensez-vous pas qu'il y ait l'obligation, pour un pays qui veut avoir de bonnes relations avec l'Union européenne et qui est financé par l'Union européenne, de faciliter les négociations de paix pour que la réunification puisse réussir ?
R - A se mêler de tout, on ne se mêle de rien. La situation à Chypre est compliquée. Il y a eu de nombreuses et de longues tentatives, notamment avec M. de Soto, pour qu'un règlement se fasse jour dans une des crises les plus longues - depuis quarante ans, lorsque l'on va à Chypre, on voit des casques bleus déployés et entourés de femmes qui brandissent la photo d'êtres disparus. C'est difficile de s'ingérer au coeur des négociations et les conséquences ne seraient pas celles souhaitées. Si l'on nous fait la demande d'un appui de la présidence française, nous serons tout à fait disposés à le faire. Or en ce moment, il y a un espoir qui consiste à ne pas s'immiscer mais plutôt à faire en sorte que les deux gouvernements chypriotes turc et grec tentent de se parler, sans l'interposition d'Athènes ou d'Ankara. Le nouveau gouvernement de Chypre, que nous avons rencontré, nous semble plein de bonne volonté pour le moment. J'espère que cela fonctionnera et nous restons à la disposition des protagonistes.
Q - Vous allez vous rendre prochainement au Proche-Orient avec le président de la République. Il a dit hier qu'il souhaiterait qu'il y ait des négociations indirectes entre le Liban et Israël. Est-ce que lors de votre voyage à Beyrouth, vous avez évoqué cette question avec les dirigeants libanais, allez-vous en reparler prochainement ?
R - J'ai évoqué cette question comme bien d'autres pourparlers. Pour l'instant, il n'y a pas de négociation indirecte entre le Liban et Israël. Au contraire, il y a des discours véhéments de part et d'autre, le dernier étant la réponse peu amène de M. Nasrallah. Il y a des discussions entre la Syrie et Israël qui avancent, nous en sommes à la quatrième séance. M. Bachar El Assad m'en a parlé. J'espère que les négociations directes se dérouleront très prochainement. Dernièrement, la démission du négociateur israélien a freiné ces négociations mais il sera prochainement remplacé. Il existe des négociations indirectes entre le Hamas et les Israéliens par l'intermédiaire des Egyptiens. Enfin, il y a les grandes négociations que je voudrais voir aboutir entre Israël et les Palestiniens. C'est déjà beaucoup. Nous avons simplement dit que nous étions à la disposition de nos amis libanais, des Syriens aussi, si quelque chose pouvait être fait. Pour l'heure, non.
Q - Au début de la Conférence, vous disiez qu'il était possible qu'il y ait des sanctions contre la Russie lundi.
R - Non, j'ai répondu que les sanctions seront évoquées mais je ne sais pas si elles seront proposées.
Q - Ce serait contraire à la position française qui ne souhaite pas de confrontation ?
R - La France est présidente du Conseil de l'Union européenne. Un président de l'Union n'impose pas ses idées, mais parvient à faire l'unité des idées des autres. C'est capital car actuellement, il y a des idées différentes. Il faudra que la France soit capables d'en faire la synthèse. Certains proposeront des sanctions, d'autres les refuseront et ce sera le travail de la présidence que d'offrir un document et une attitude commune. Rien n'est plus important que l'unité face à un problème aussi grave, rien ne serait plus dommageable que de sortir de la réunion de lundi sans une unité politique réelle. Cela va consister à trouver un consensus, un compromis pour chacun.
Q - Vous proposerez quelles sanctions ?
R - Les sanctions, ce n'est pas moi qui les propose. Je dis qu'elles seront sans doute abordées. Certains pays ont déjà demandé que des sanctions soient avancées. C'est prévu dans la discussion de lundi et dans les conclusions qui obtiendraient l'accord des 27 pays que nous travaillons.
Q - Quelle est la position française ?
R - La position française, comme je viens de le dire, c'est d'obtenir l'unité des 27.
Q - Quelle est la position de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne ?
R - Je le répète, la fonction d'un président de l'Union n'est pas d'imposer ses idées mais soit de faire accepter ses idées par tout le monde, soit que les 27 tous ensemble trouvent un compromis, nous le ferons lundi.
Q- La France proposera quel type de sanctions ?
R - Vous insistez pour me faire dire qu'il y aura des sanctions proposées par la France. Je ne vous le dis pas. Il n'y en aura pas. La France sera attentive à toutes les propositions et surtout à la manière dont ces propositions pourront aboutir à un document qui obtienne l'unanimité. Il faut qu'un document des 27 pays réunis lundi après-midi soit obtenu.
Q - Quelles seront les répercussions de cette crise dans le Caucase ?
R - C'est un peu loin, on en parlera une autre fois. Mais il est certain que si l'on veut parler des répercussions de la crise en Géorgie, il y en aura de nombreuses. C'est cela qu'il faut comprendre. C'est à ce point grave qu'il faut faire attention à chacun de nos mots. Je vous annonce d'ailleurs qu'une plate-forme de la région a déjà été constitué à l'appel de mon homologue turc Ali Babacan et du Premier ministre turc Erdogan, qui devrait comprendre, mais ce n'est pas encore fait, certes nous en tant que président de l'Union, l'OSCE, et la volonté de la diplomatie turque est de réunir la Russie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan, l'Arménie et la Turquie. Tout le monde est conscient que c'est un problème grave et que cela peut semer des troubles un peu partout.
Q - Avez-vous ressenti des dissensions entre le président Medvedev et le Premier ministre Poutine sur le durcissement de la situation en Géorgie, en négociant, ou pas du tout ?
R - Puisque vous me posez la question très directement sur ce que nous avons ressenti, je ne l'ai pas ressenti.
Nous avons eu trois à cinq heures de discussions entre M. Poutine, M. Medvedev et M. Lavrov et le président Sarkozy et moi-même. J'ai senti que la position de M. Poutine était particulièrement dure. C'est lui qui a parlé le premier et qui a annoncé pour des raisons sans doute personnelles, une volonté d'être extrêmement réactif devant ce qu'il considérait comme une provocation. A ce moment là, le président Medvedev nous est apparu comme plutôt conciliant. Ensuite, les choses se sont déroulées de telle manière que les propositions françaises venues, je vous le rappelle, de Tbilissi ont été acceptées dans ces cinq points avec une nuance très importante sur l'intégrité territoriale de la Géorgie qu'il a fallu compléter par une lettre du président Sarkozy. A la conférence de presse, c'est M. Medvedev et le président Sarkozy qui ont présenté la situation. Le Premier ministre, M. Poutine, s'est retiré et il a dit que c'était au président de décider. L'explication sur le texte des six points a été fournie par les présidents Medvedev et Sarkozy. Nous avons, alors, abordé publiquement et devant les journalistes le problème de l'intégrité territoriale de la Géorgie. Nous avons parlé de souveraineté, d'indépendance. Le président Medvedev a rajouté que la notion d'intégrité territoriale ne pouvait excuser tous les comportements. Le président Sarkozy a expliqué que nous tenions à l'intégrité territoriale, c'est la raison pour laquelle il a ensuite adressé cette lettre au président Medvedev.
Que ces deux personnalités aient des tempéraments différents, c'est incontestable. Néanmoins, les hiérarchies respectives ont été respectées puisque c'est au président Medvedev de diriger la politique extérieure. C'est avec le président Medvedev hier que le président Sarkozy a eu une heure d'entretien téléphonique et c'est avec lui que nous parlons, cela n'empêche pas de préciser que M. Poutine était là durant tout l'entretien. Il n'y a pas eu de divergences, si ce n'est une attitude différente, avec des caractères différents, plus marqué chez M. Poutine que chez M. Medvedev à ce propos.
Q - (A propos de la situation au Kosovo et de la situation en Géorgie)
R - Méfiez-vous de cette comparaison avec le Kosovo, c'est une comparaison que l'on dit "en miroir" et le miroir fausse un peu les choses.
Dans le cas du Kosovo, il s'agissait d'une décision de la communauté internationale, de discussions très longues, d'un groupe de contact qui a duré près de deux ans, ensuite des accords de Rambouillet et finalement malheureusement d'une décision qui ne pouvait pas être unanime puisque les Serbes n'avaient pas accepté les conclusions de la conférence de Rambouillet.
C'est la communauté internationale dans son ensemble qui a accepté cette situation, y compris d'ailleurs les Russes, dont les troupes ont été intégrées plus tard dans cette coalition. Dans le cadre de la Géorgie, ce n'est pas le cas du tout, il s'agit d'un geste unilatéral. Je ne veux pas m'étendre sur le cas du Kosovo tout de suite parce que, encore une fois, c'est bien différent.
Maintenant, vous ne pouvez pas vous empêcher les uns et les autres, et c'est logique, de considérer l'ensemble de cette politique. Cette politique a en commun deux considérations. La première, c'est que, hélas, les secousses nationalistes, je dirai même communautaristes, ne sont pas terminées, elles étaient masquées sans aucun doute par la division d'un monde en deux. C'était bien plus commode, mais c'est fini. Un certain nombre de personnes ont même écrit que la démocratie ayant beaucoup gagné de terrain, c'était la fin de l'affrontement. Quant au choc des civilisations, même s'il ne s'agit pas de civilisations, il y a des chocs nationalistes, nationaux.
Le deuxième point, qui me frappe terriblement dans ma fréquentation du ministère des Affaires étrangères et européennes, mais ce n'est pas la première fois puisqu'il y a quinze ans j'étais le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas, c'est que la violence ne cesse pas, elle se renforce, elle prend d'autres formes et que la haine entre les communautés se manifeste plus visiblement - je ne dirai pas plus facilement parce qu'après tout, l'oppression communiste ait cessé et que la démocratie gagne, c'est un progrès- avec quelque chose d'irréductible qui me frappe et qui m'inquiète. Je vous assure, pour avoir été d'un côté et de l'autre en Géorgie, écoutant les Ossètes du Sud qui étaient pro Géorgiens, puis allant écouter les Ossètes du Sud qui étaient réfugiés au nord et qui étaient pro Russes, la densité d'incompréhension et de haine est considérable. A un moment donné si les personnes ne veulent pas vivre ensemble, il va falloir que l'on se pose des questions. Je pense que la globalisation, qui devait amener à des considérations économiques comme l'égalité des personnes, l'égalité des femmes et des hommes, l'égalité alimentaire et qui devait plus tôt faire aller de l'avant, vers le progrès, cette globalisation s'accompagne de foyers de violences, de nationalisme avec lesquels il faudra compter et prévoir. C'est tout le propos de la défense européenne, prévoir des manières de prévention qui seront nécessaires.
Vous me croyez peut être pessimiste mais je pense que c'est ainsi que nous avancerons vers une globalisation plus équitable, une mondialisation plus équilibrée pour les plus pauvres, qui ne gomme pas le problème, mais qu'est ce que vous voulez, vous ne vous demandez pas si ce sont les Ossètes qui sont les plus pauvres ou si ce sont les Géorgiens qui sont les plus pauvres. Il y a quelques chose qui submerge tous ces problèmes économiques, c'est tout de même ces oppositions historiques qui n'ont pas disparu et qui au contraire se réveillent. Chacun peut livrer son explication et ce serait d'ailleurs très intéressant. Et je vous annonce qu'une de mes réformes, ce sera de publier les cahiers du Quai d'Orsay et je vous invite, je ne veux pas que ce soit des cahiers de la diplomatie, les cahiers dans lesquels les diplomates pourraient enfin s'exprimer. Notre ambassadeur en Géorgie s'est exprimé, il est allé sur le terrain, c'est lui le seul qui est passé souvent en Ossétie, Eric Fournier, et il a pu s'exprimer ouvertement à la presse. Cela ne veut pas dire que les ambassadeurs doivent parler à tort et à travers mais cela veut dire que l'on ne doit pas les interdire de parole. Cette expérience que les personnes ont - pas tous ! - , ces expériences des sociétés, des nationalismes renaissants, souvent les ambassadeurs l'ont et ne nous en font pas profiter.
Q - Concernant l'Iran. On a vécu avec une Union soviétique nucléaire, on a vécu avec une Chine de Mao nucléaire, ne pourrait-on pas finalement vivre avec un Iran nucléaire, sachant d'autant plus que lorsqu'un Etat a une bombe, elle lui sert à sanctuariser son territoire ?
R - Parce que nous avons changé d'époque, parce que depuis l'équilibre de la terreur, il y a eu un Traité de non-prolifération des armes nucléaires que tout le monde a signé y compris l'Iran et ceux qui possédaient déjà la bombe - certains l'avaient et ils l'ont dissimulée - étaient les seuls susceptibles de l'utiliser mais on avait proposé non seulement des visites mais aussi des garanties démocratiques. Depuis, les autres pays ne sont pas autorisés à l'arme nucléaire, sinon tout le monde pourrait s'en emparer étant donné que ces armes se vendent même sur Internet. Ce serait très dangereux. Nous n'avons pas à autoriser des pays qui avaient signé le Traité de non-prolifération des armes nucléaires à construire une bombe atomique.
Par ailleurs, nous ne sommes pas à l'avant garde des sanctions, nous avons accepté qu'il y ait des sanctions mais en même temps nous avons été les seuls à dire "dialogue et sanctions". Le dialogue nous l'avons mené avec l'Iran, les Iraniens sont venus chez nous, nous les avons rencontrés. Néanmoins, cela n'a conduit à rien. Malgré tout, nous maintenons notre offre et nous étions avec les directeurs politiques, la France était à Genève, pour cette négociation et un directeur américain est venu, c'était un progrès. Cette négociation continue et la France est au contraire décidée à continuer la négociation et pas simplement à multiplier les sanctions. Nous sommes d'accord aussi, je crois, que les sanctions ont eu un effet bénéfique sur un certain nombre de circuits financiers, parce qu'il fallait encore prouver à l'Iran que nous étions sérieux sur cette affaire et je vous signale que sur cette affaire, malgré ce qui se passe avec les Russes et les Chinois, nous demeurons absolument d'accord sur le même document et sur l'attention portée sur l'enrichissement de l'uranium en Iran. C'est une preuve essentielle et nous ne devons pas perdre le contact avec la Russie ne serait-ce que pour cela.
Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 août 2008
Il y a longtemps que nous travaillons à la réforme nécessaire de notre appareil diplomatique, à son adaptation au monde, et que nous voulons faire de ce ministère des Affaires étrangères et européennes, le ministère de la mondialisation. Je crois que la première étape a été accomplie ce matin par l'exposition des grandes lignes de la réforme qui maintenant sera travaillée avec chacun des protagonistes et, en particulier, évidemment, les agents de ce ministère ; travaillée et mise en application de manière rationnelle et obstinée.
C'est peu dire que le monde change, et qu'il reste le même. Avant, on disait le monde change ; il n'y a plus de communisme, il n'y a plus de monde divisé en deux... Malheureusement, le monde change et demeure aussi dangereux sinon plus, avec des réveils de nationalismes, de violences. Les années devant nous seront des années difficiles. Nous avons nécessairement à adapter notre appareil pour répondre à cela. Le plus significatif est que nous ayons commencé par le centre de crise, que vous connaissez et que vous avez visité.
Je suis à votre disposition pour parler de ce que vous souhaitez. Sur la réforme, je crois que le document que vous avez est suffisamment explicite pour que vous vous y reportiez, mais je veux bien répondre, bien entendu, à toutes vos questions.
Q - Monsieur le Ministre, vous étiez à Damas il y a quelques jours. Avez-vous évoqué les actions de la Russie dans la région avec les Syriens ? Quelle est votre position sur ce sujet ?
R - Je me suis d'abord un peu étonné auprès du président Bachar El Assad de son soutien marqué aux activités brutales de la Russie dans cette région, à l'occasion de sa visite à Sotchi. Il m'a expliqué - et je l'ai cru -, que la phrase qui avait été rapportée ne reflétait pas l'ensemble de ce qu'il avait dit puisque le président Bachar El Assad avait soutenu la signature par le président Medvedev et par le président Saakachvili, à l'initiative de la France, du protocole d'accord. Il m'a assuré qu'il était tout à fait prêt à aller dans ce sens pour ce qui le concernait. J'ai donc accepté cette précision.
Maintenant, depuis que le président Bachar El Assad s'est prononcé en faveur des efforts de la France, je vous rappelle que cet accord en six points n'a vu que ses deux premiers points respectés et que le reste, en particulier l'évacuation totale du territoire géorgien par les troupes russes, n'a pas été respecté. Il reste des zones, en particulier au port de Poti, sur cette ligne de circulation et également autour de l'Ossétie, des points d'ancrage des forces russes qui ne sont pas acceptables.
Il reste également, autour des points 5 et 6, à mettre en place ce qui pourra assurer une paix durable, c'est-à-dire une solution politique issue de la concertation. Il n'en est rien pour le moment. C'est ce qui a amené le président de la République à demander une réunion extraordinaire du Conseil européen qui se déroulera à Bruxelles lundi. Cette réunion verra les 27 pays prendre une position que je ne connais pas encore précisément car il y a - comme d'habitude en Europe - des opinions divergentes, mais une position claire sur ce qui apparaît comme une violation du droit international.
Le droit international n'autorise pas la rectification des frontières d'un pays voisin par la force. Non seulement il ne l'autorise pas mais il l'interdit. Il faudra donc revenir à des discussions indispensables pour que cette crise soit résolue. Cela prendra beaucoup de temps : des semaines, des mois voire des années. En attendant, nous devons, au mieux, pallier, avec nos alliés, les souffrances des populations.
Le troisième point du protocole d'accord que je connais par coeur pour l'avoir négocié longuement avec le président de la République française et les autres, c'est l'accès humanitaire auprès des victimes. Cela n'est pas encore une réalité, même si les Russes ont évacué la ville de Gori ; il y a en Ossétie des endroits très particuliers : Akhalgori en particulier, à l'est de l'Ossétie du sud. C'est un endroit que nous surveillons de près et où, apparemment, à partir duquel certains populations sont chassées. L'accès élémentaire aux victimes, aux 150.000 réfugiés, dont certains il est vrai regagnent maintenant leurs foyers - je ne crois pas qu'ils aient été démolis, heureusement -, n'est pas suffisant même si le HCR fait son travail.
Je vous convie lundi à une réunion très importante du Conseil européen. Vous avez noté que les ministres des Affaires étrangères du G7 ont publié hier une déclaration très ferme qui va dans le même sens. D'ailleurs, tout le monde va dans le même sens, c'est pourquoi j'étais étonné que le président Bachar El Assad soit à contre-courant. Merci d'avoir posé la question.
Q - Monsieur le Ministre, on voit mal, lundi lors du sommet, les Européens discuter de sanctions contre la Russie telles qu'un boycott des livraisons énergétiques ou quelque chose comme cela. Sur quels points pensez-vous que les Européens puissent exercer des pressions sur la Russie ?
R - Madame, vous êtes trop informée des choses de la politique et de la diplomatie pour exiger des réponses immédiates. La réaction générale du monde démocratique est de ne pas accepter que cette violence soit faite aux Géorgiens et que la reconnaissance de l'indépendance de ces deux parties du territoire géorgien, Abkhazie et Ossétie, soit assurée sans aucune concertation. Tout le monde est d'accord là-dessus.
Il faudra cependant du temps, ne nous faisons pas d'illusion. Je ne vais pas préfigurer moi-même de sanctions alors que la réunion n'a pas eu lieu. Mais nous travaillons avec nos 26 partenaires en ce moment. Notre diplomatie ne se contente pas de faire des conférences. Nous travaillons avec acharnement avec les 26 pays de l'Union européenne dont nous assurons encore pour 4 mois la présidence. Nous essayons d'élaborer un texte fort signifiant notre volonté de ne pas accepter. Les sanctions sont envisagées, bien sûr, et bien d'autres moyens. Pendant des années - enfin, "des années", je souhaite que cela soit beaucoup plus court -, j'ai le sentiment qu'il faudra prendre en compte cette nouvelle politique de la Russie de façon extrêmement précise.
Vous savez également que d'autres pays, en particulier ceux qui étaient dans le bloc soviétique et qui ont accédé à l'Union européenne, sont extrêmement attentifs, voire inquiets, sinon très inquiets.
Cette réponse n'est pas satisfaisante, je le sais, mais nous ne sommes pas satisfaits non plus. Il y aura des réactions, il y aura des discussions et, je l'espère, des concertations avec les Russes. La France n'est pas partisane de couper les relations avec la Russie, loin de là. Cela se réglera - je ne sais pas quand -, le plus vite possible, par la négociation.
Q - Monsieur le Ministre, après vos entretiens avec les dirigeants syriens, quelle crédibilité - vous qui connaissez très bien la Syrie, le Liban, le Proche-Orient et qui avez eu des entretiens élargis avec le chef d'Etat syrien - donnez-vous aux engagements syriens envers la France concernant le Liban, d'abord les relations diplomatiques, il est vrai qu'il y a eu une promesse mais il n'y aura pas de relations avant la fin de l'année ? Deuxièmement, la délimitation des frontières semble encore un objectif très lointain. Qu'allez-vous obtenir, à votre avis ?
R - "Il est inutile d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer". Vous êtes vous-même trop au fait de ces affaires pour croire qu'immédiatement tout va changer. Vous n'en pensez pas un mot, moi non plus.
Quel crédit j'accorde ? J'accorde tout le crédit possible jusqu'à preuve du contraire. Nous sommes confiants jusqu'à preuve du contraire. Et nous ne souhaitons bien évidemment pas qu'il nous soit présenté la preuve du contraire. Pour le moment, au Liban, cela va mieux. Vous l'avez vu vous-même, l'atmosphère est quand même plus détendue qu'il y a quelques mois, lorsque nous étions tous ensemble dans ce pays déchiré. Rien n'est réglé. Tripoli nous inquiète. Les implications des uns et des autres à Tripoli nous inquiètent. Le Hezbollah nous inquiète également, ainsi que les discours qui sont tenus de part et d'autres de la frontière israélo-libanaise. Ce sont des discours qui se répondent et augurent mal des rapports futurs de ces deux Etats. A part cela, nous sommes tout de même confiants.
Vous dites que l'échange d'ambassadeurs n'est pas pour tout de suite. Mais, il y a des traités et, surtout du côté libanais, c'est long. Au cours des 60 dernières années, entre ces deux pays qui n'ont pas échangé d'ambassadeurs et n'ont pas eu de relations diplomatiques, un certain nombre de traités, qu'il faut revoir, ont été signés.
J'espère - c'est en tout cas ce que M. Bachar El Assad m'a dit -, qu'avant la fin de l'année, il y aura un ambassadeur à Beyrouth venu de Syrie et un ambassadeur libanais à Damas. Les frontières constituent cependant une question très grave, très difficile. Il n'y a jamais vraiment eu de frontière et il va donc falloir les tracer. Nous serons, s'ils le demandent, derrière les deux pays. Vous savez que l'Allemagne s'est beaucoup intéressée à cela. Les Français et les Allemands peuvent très bien travailler ensemble. Nous serons là pour essayer de les aider. Il y a trois camps qui échappent à tout contrôle : ce sont des camps palestiniens, en particulier ceux des organisations palestiniennes extrémistes qui sont installées à Damas. Il y en a même un dans les mêmes conditions à côté de l'aéroport. Nous en avons parlé.
Tout cela, ce sont des problèmes graves. Nous avions promis que nous reprendrions des relations normales avec la Syrie dès lors que les représentants du régime libanais auraient été élus : président, gouvernement, présentation du consensus national et vote par le parlement. Nous l'avons fait et, jusque-là, nous en sommes satisfaits. Maintenant, il faut être attentif et nous sommes attentifs, très attentifs.
Q - Bonjour Monsieur le Ministre. Je me permets de revenir sur la Géorgie. Vous avez parlé de points d'ancrage russes sur le territoire géorgien. Mais est-ce qu'il ne faudrait pas parler plutôt d'occupation d'un pays étranger dans un pays qui est internationalement reconnu, qui est la Géorgie et qui est à l'ONU maintenant ?
R - Est-ce que cela nous avancerait dans le problème ? Nous le savons bien qu'il y a eu une invasion et c'est d'ailleurs pour cela que le document en six points qui a été proposé par les Français et accepté des deux côtés parle de retrait des troupes. Les troupes se sont retirées - pas toutes. Il reste des points d'ancrage qui ne sont pas acceptables. Mais l'immense partie des troupes que nous avions repérées sur le territoire géorgien s'est retirée derrière les lignes de l'Ossétie et a regagné les lignes qui prévalaient avant le 7 août. Ce sera long, cela prendra encore quelques jours.
Il y a eu une invasion, bien sûr, mais à propos de cette invasion, les Russes affirment qu'ils ont simplement répliqué à un bombardement sur la ville de Tsikvali... Cela ne sert à rien de faire tout cela. Il faut avancer sur une négociation de paix et sur l'application de ces six points. Le seul document que nous avons, en dehors des documents signés en 1992 - à partir de la crise de 1992, cela fait déjà longtemps -, c'est ce document en six points. Il comporte le retrait des troupes, une concertation et, évidemment, - ce qui est précisé par la lettre du président Sarkozy - la nécessité de respecter l'intégrité du territoire géorgien. Tout cela est écrit.
Si vous êtes en train de me dire qu'ils ne l'ont pas respecté, cela nous le savons. C'est même ce qui nous réunit. Evidemment, les troupes russes ont pénétré sur le territoire géorgien. D'ailleurs les troupes géorgiennes avaient pénétré sur le territoire de l'Ossétie, considérant, eux, que c'était leur territoire.
Q - (à propos de la présence de l'armée russe)
R - Nous essayons de faire en sorte qu'elle ne s'installe pas dans la durée.
Un claquement de doigts ne suffit pas. Au Caucase, depuis des siècles les gens se battent. Il y a des exemples tragiques comme, évidemment, la Tchétchénie. Si quelqu'un s'est avancé, jusqu'à Moscou même, pour manifester son opposition aux méthodes qui ont été employées, c'est bien moi. Sachez que la Tchétchénie était l'alliée des Abkhazes contre les Géorgiens. C'est compliqué le Caucase.
Il y a déjà les observateurs : vingt de plus et il en faudrait une centaine. Nous verrons s'il est possible d'avancer lundi - je crois que ce serait possible ; lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères appelée en urgence au milieu du mois d'août, les ministres des Affaires étrangères ont accepté que la présence européenne soit forte en Géorgie et en Ossétie. L'OSCE a accepté que des observateurs, des médiateurs, viennent de l'Union européenne. J'espère que lundi ce processus s'accélèrera. Et puis nous allons évidemment essayer de reparler avec les protagonistes.
Q - (Concernant une déclaration de Mme Merkel sur l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN)
Non, Mme Angela Merkel a rappelé qu'à Bucarest, nous avions dit que, naturellement, ces deux pays, l'Ukraine et la Géorgie, avaient droit, comme tout le monde, à demander de faire partie de l'OTAN. C'est ce que nous avons signé.
Les six pays fondateurs de l'Europe ont refusé d'accorder le MAP, c'est-à-dire l'accession à la candidature. Mme Merkel a redit la même chose, mais évidemment ses propos ont été tronqués. Elle voulait dire : nous répétons les termes de Bucarest, dont cette première phrase du texte, qui est "naturellement ils y ont droit". Mais on ne sait pas si cela aurait servi à quelque chose.
Il y a un article 5 qui veut dire qu'un pays engagé engage les autres militairement à le défendre. Est-ce que vous voyez qu'une guerre pourrait être déclarée contre les forces russes ? Eh bien, cela n'est pas notre point de vue. Je pense qu'il faut vraiment l'éviter.
Je crois que sur le feu, ce n'est pas la peine de mettre de l'huile. Il faut plutôt éteindre le feu.
Il n'y a pas que des notions de guerre, essayons de faire en sorte que la diplomatie serve à éviter les guerres ; c'est tout de même son but.
Q - Monsieur le Ministre bonjour. Le président géorgien a demandé à ce que l'on accélère l'intégration de son pays au sein de l'OTAN et également au sein de l'Union européenne. Allez-vous en parler lundi et pensez-vous que cette intégration pourrait être une solution à la situation actuelle ?
R - Non Madame. Je viens d'y répondre.
Nous avons un rendez-vous prévu entre les ministres des Affaires étrangères de l'OTAN à la mi-décembre. Nous étudierons cette question du MAP pour l'Ukraine et la Géorgie. Nous verrons, ce n'est pas la question du moment.
Q - Sur le dialogue avec Moscou évoqué hier par le président et que vous venez d'évoquer il y a quelques instants, est-ce que le maintien et les conditions de ce dialogue sont liés à l'application complète des six points de l'accord que vous avez évoqué en introduction ?
R - Merci d'être positif. Oui, ils sont liés, pour l'heure. Peut-être y aura-t-il d'autres documents. Une inflexion.
Q - Peut-on réécrire ou modifier l'accord du mois d'août ?
R - Non. Votre question était "est-ce que les négociations, disons les contacts, sont liés au protocole d'accord en six points ?" Je vous dis oui.
Q - Deux points ont été acceptés, il y en a encore quatre à régler.
R - Oui, mais le troisième, l'accès humanitaire, est en voie de règlement également, puisque M. Guterres, le directeur du HCR, est allé là-bas. Les choses se mettent en place. Les représentants de la Croix Rouge ont accès. Pas partout, mais j'espère qu'ils auront accès partout.
Quant aux autres points, en effet, ils font partie de la négociation qui devrait s'engager. Comment ? Nous verrons cela après le Conseil européen de lundi. Mais, sans aucun doute, il faut au moins prendre en compte ces points-là et nous verrons bien s'il faut en ajouter d'autres.
Q - Selon la discussion de lundi, peut-il y avoir une délégation de l'Union européenne qui prendrait la route de Moscou ?
R - Cela n'est pas impossible. C'est au Conseil de le décider mais c'est en effet une des possibilités.
Q - Quand vous dites qu'il y a un calendrier, quelle sorte de calendrier avez-vous négocié ? Quel délai avez-vous négocié pour la Géorgie ?
R - Concernant la Géorgie, je ne sais pas. Mais concernant le problème entre la Russie et la Géorgie, oui, certainement et la première réflexion sera menée lundi à Bruxelles, à l'occasion de la réunion des 27 Etats membres de l'Union. Mais nous maintenons également des contacts au niveau du G7, dont une déclaration a été publiée hier. Les pays membres de l'OSCE se sont également réunis récemment à Vienne. Ils ont décidé d'envoyer d'autres observateurs, y compris des Français - cinq d'entre eux.
Un agenda est difficile à établir avant cette réunion. Notre responsabilité, en tant que présidence de l'Union européenne, est d'attendre d'ici lundi parce que nous avons besoin de communiquer à nos collègues le bilan de notre réflexion avant de prendre des décisions. Il sera beaucoup plus simple de proposer un agenda à ce moment-là.
Q - Sur la décision de la Russie de reconnaître l'Ossétie et l'Abkhazie, est-ce que vous pensez qu'ils avaient cela dans la tête quand vous étiez en négociation la semaine dernière ? Est-ce que vous avez compris ce qui a changé dans la politique russe, poussant vers une reconnaissance immédiate ? Personnellement, vous êtes déçu ou non ?
R - Madame, pour vous répondre pleinement il faudrait faire appel à des notions historiques, sociologiques, psychanalytiques que je me refuse à développer devant vous car ce serait certainement une justification - ou en partie -, à cette réaction brutale des Russes qui ne peut être acceptée.
Maintenant, nous savons qu'un certain nombre d'explications sont déjà fournies. Tout d'abord, ce problème était pendant depuis la chute du communisme. Ce problème avait été traité de manière extrêmement lapidaire par les autorités de l'Union soviétique, en particulier par Staline, lequel, vous le savez, est né à Gori. Gori, cette ville qui a été tellement traversée par les troupes russes et qui a été l'objet des attentions pendant presque une semaine. Il y a là la maison natale de Staline.
Ces deux pays, la Russie, ancienne Union soviétique, et la Géorgie, anciennement faisant partie de l'Union soviétique, dès qu'ils retournent à la démocratie ou qu'ils sont sur le chemin de la démocratie, se précipitent l'un contre l'autre. C'est pour livrer cela à votre réflexion. C'est un des éléments de la réflexion.
Par ailleurs, il y a eu des provocations réciproques que je ne peux pas qualifier parce que je n'ai pas tout vu. J'ai quand même été le seul à aller interroger les réfugiés en Ossétie du nord qui avaient été chassés de l'Ossétie du sud. J'ai entendu leur récit. Il faut écouter les deux parties pour qu'une négociation s'engage. C'est à la fois intéressant et essentiel d'écouter les deux côtés.
Il y a eu ensuite, je ne porte pas le jugement de savoir qui a commencé, qui a été le plus violent -c'est difficile de le savoir maintenant, les historiens se pencheront sur ces sujets- après ces provocations, le bombardement de la ville de Tskhinvali a été particulièrement meurtrier et les Russes ont réagi à ce bombardement. Les évènements se sont alors enchaînés. Il me semble que le bombardement comme la réaction qui s'en est suivie ont été disproportionnés et de nature à déstabiliser une région déjà instable. C'est ce que tout le monde doit considérer comme un élément de réflexion. Les frontières de la Russie, qui ont été décidées au moment de la chute du communisme dans la succession à la fois de Mikhail Gorbatchev et de Boris Eltsine, sont des frontières fragiles. Nous devons, par le biais de la négociation, considérer tous les problèmes et considérer aussi, je vous l'ai dit tout à l'heure, le fait que les pays de l'ex-bloc de l'Est sont extrêmement attentifs et très inquiets face à la situation.
Q - Dans votre discours, vous avez dit "comment allons nous pouvoir tirer plus de ce que l'on nous donne en moins ?", je suppose que vous avez peut être quelques idées. D'autre part, sur le fond, j'ai noté avec intérêt que vous avez insisté à deux reprises sur la prise en compte de la dimension démographique des problèmes dans la politique du Quai, mais là aussi en pratique, est-ce que cela veut dire qu'il y aura des responsables des stratégies, des actions ? Enfin, il y a une autre approche transversale tout aussi importante que la démographie qui est celle des inégalités hommes-femmes.
R - Tout ce que vous venez de dire fait partie de ce que l'on appelle maintenant la direction des Affaires globales. Pour être plus précis - j'ai cité certains exemples mais je n'ai pas tout cité - la question de la démographie me paraît complètement essentielle parce qu'avec les famines qui interviennent et qui sont encore prévues, on ne va pas se contenter d'apporter des sacs de riz - si je peux me permettre -, il faut qu'il y ait toute une politique de développement de l'agriculture et des agricultures vivrières. C'est un élément essentiel. Il y aura, dans le cadre des Affaires globales, tout un groupe qui réfléchira à ce sujet qu'est la démographie.
Concernant la religion, j'en ai parlé à plusieurs reprises. Il n'y a pas aujourd'hui de réflexion suffisante sur les religions. J'ai affronté près de quarante cinq guerres, j'en ai souffert aux côtés des victimes. Je ne connais qu'une seule guerre où les religions n'était pas mêlées, c'était la guerre du football entre le Honduras et le Salvador. Pour le reste, ne pas analyser les affrontements religieux, ce serait tout de même un grand péché.
Pour ce qui est de l'égalité hommes-femmes, c'est par le biais, un peu facile je le reconnais, des problèmes de santé et des maladies contagieuses que nous l'aborderons. Nous pensons que la femme est le centre du développement, le pivot de la famille et que c'est auprès des femmes qu'il faut intervenir pour qu'elles-mêmes ensuite puissent influencer leurs enfants, leurs maris. Le centre familial, c'est la femme dans les pays en développement.
Il n'y a pas que cela. Par exemple, il existe toute une économie souterraine. Il y aura un responsable d'une direction de la criminalité, des économies souterraines et donc du blanchiment de l'argent - qui constitue aujourd'hui presque la moitié des fonds souverains dans certains pays. Tout cela doit être pris en compte et c'est exactement ce que nous voulons faire.
Il y aura des responsables pour chacune de ces unités et c'est la raison pour laquelle j'ai placé la direction politique au-dessus de tout l'organigramme, à l'exception bien sûr du secrétaire général et du ministre. Il faut qu'il y ait une vision politique commune. Si on considère le problème de la Géorgie, tout ce que je viens de citer, c'est aussi une part des explications qu'il nous faudrait travailler.
Mais pourquoi faire tout cela ? Parce que nous voulons la prévention des crises, parce que nous voulons être attentifs à ce qui se passe dans le monde avant qu'il ne soit trop tard. Par exemple, concernant la Géorgie, finalement, nous n'avons pas été suffisamment attentifs. Certains au sein de l'Union européenne étaient plus attentifs que nous. Nous aurions dû nous rendre sur place plus tôt et bénéficier des efforts allemands, - qui s'étaient davantage portés sur l'Abkhazie et non l'Ossétie. Tout cela doit être coordonné.
J'espère qu'un jour il y aura un traité européen, je ne sais pas s'il sera de Lisbonne ou autre, mais un traité qui nous permette d'aller plus vite. Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, parmi nos priorités, il y a la question de l'énergie. Une position commune sur l'énergie est nécessaire si on veut parler aux Russes. Le fait de mettre en oeuvre une défense européenne s'impose de plus en plus. Le fait de proposer que les relations transatlantiques soient examinées au Gymnich, à Avignon, par les ministres des Affaires étrangères européens, proposer pour qu'il y ait une attitude commune avec nos amis américains qui sont en train de traverser une période où les décisions sont difficiles pour eux.
Quel que soit le président élu, et nous l'avons dit à M. McCain et à M. Obama, nous allons proposer un document pour travailler avec eux, pour que l'Union européenne, sans attendre qu'il y ait un Traité de Lisbonne, soit impliquée politiquement. Il faut que l'Europe le fasse, les autres ne le feront pas. Si l'on veut être un ministère de la mondialisation, il faut prendre en compte les éléments de dangerosité et de violence de monde plus encore que ne le fait la diplomatie traditionnelle.
Q - Vous avez parlé de la France dans le monde, mais maintenant, elle a "double casquette" avec la Présidence de l'Union européenne. Bientôt vous irez avec le président dans une zone que vous connaissez bien, la Méditerranée de l'Est. A ce moment, le 3 septembre, vont commencer les négociations de paix à Chypre. Or il y a aujourd'hui certaines indications comme quoi des personnes essaieraient d'exploiter les évènements du Caucase. Ne pensez-vous pas qu'il y ait l'obligation, pour un pays qui veut avoir de bonnes relations avec l'Union européenne et qui est financé par l'Union européenne, de faciliter les négociations de paix pour que la réunification puisse réussir ?
R - A se mêler de tout, on ne se mêle de rien. La situation à Chypre est compliquée. Il y a eu de nombreuses et de longues tentatives, notamment avec M. de Soto, pour qu'un règlement se fasse jour dans une des crises les plus longues - depuis quarante ans, lorsque l'on va à Chypre, on voit des casques bleus déployés et entourés de femmes qui brandissent la photo d'êtres disparus. C'est difficile de s'ingérer au coeur des négociations et les conséquences ne seraient pas celles souhaitées. Si l'on nous fait la demande d'un appui de la présidence française, nous serons tout à fait disposés à le faire. Or en ce moment, il y a un espoir qui consiste à ne pas s'immiscer mais plutôt à faire en sorte que les deux gouvernements chypriotes turc et grec tentent de se parler, sans l'interposition d'Athènes ou d'Ankara. Le nouveau gouvernement de Chypre, que nous avons rencontré, nous semble plein de bonne volonté pour le moment. J'espère que cela fonctionnera et nous restons à la disposition des protagonistes.
Q - Vous allez vous rendre prochainement au Proche-Orient avec le président de la République. Il a dit hier qu'il souhaiterait qu'il y ait des négociations indirectes entre le Liban et Israël. Est-ce que lors de votre voyage à Beyrouth, vous avez évoqué cette question avec les dirigeants libanais, allez-vous en reparler prochainement ?
R - J'ai évoqué cette question comme bien d'autres pourparlers. Pour l'instant, il n'y a pas de négociation indirecte entre le Liban et Israël. Au contraire, il y a des discours véhéments de part et d'autre, le dernier étant la réponse peu amène de M. Nasrallah. Il y a des discussions entre la Syrie et Israël qui avancent, nous en sommes à la quatrième séance. M. Bachar El Assad m'en a parlé. J'espère que les négociations directes se dérouleront très prochainement. Dernièrement, la démission du négociateur israélien a freiné ces négociations mais il sera prochainement remplacé. Il existe des négociations indirectes entre le Hamas et les Israéliens par l'intermédiaire des Egyptiens. Enfin, il y a les grandes négociations que je voudrais voir aboutir entre Israël et les Palestiniens. C'est déjà beaucoup. Nous avons simplement dit que nous étions à la disposition de nos amis libanais, des Syriens aussi, si quelque chose pouvait être fait. Pour l'heure, non.
Q - Au début de la Conférence, vous disiez qu'il était possible qu'il y ait des sanctions contre la Russie lundi.
R - Non, j'ai répondu que les sanctions seront évoquées mais je ne sais pas si elles seront proposées.
Q - Ce serait contraire à la position française qui ne souhaite pas de confrontation ?
R - La France est présidente du Conseil de l'Union européenne. Un président de l'Union n'impose pas ses idées, mais parvient à faire l'unité des idées des autres. C'est capital car actuellement, il y a des idées différentes. Il faudra que la France soit capables d'en faire la synthèse. Certains proposeront des sanctions, d'autres les refuseront et ce sera le travail de la présidence que d'offrir un document et une attitude commune. Rien n'est plus important que l'unité face à un problème aussi grave, rien ne serait plus dommageable que de sortir de la réunion de lundi sans une unité politique réelle. Cela va consister à trouver un consensus, un compromis pour chacun.
Q - Vous proposerez quelles sanctions ?
R - Les sanctions, ce n'est pas moi qui les propose. Je dis qu'elles seront sans doute abordées. Certains pays ont déjà demandé que des sanctions soient avancées. C'est prévu dans la discussion de lundi et dans les conclusions qui obtiendraient l'accord des 27 pays que nous travaillons.
Q - Quelle est la position française ?
R - La position française, comme je viens de le dire, c'est d'obtenir l'unité des 27.
Q - Quelle est la position de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne ?
R - Je le répète, la fonction d'un président de l'Union n'est pas d'imposer ses idées mais soit de faire accepter ses idées par tout le monde, soit que les 27 tous ensemble trouvent un compromis, nous le ferons lundi.
Q- La France proposera quel type de sanctions ?
R - Vous insistez pour me faire dire qu'il y aura des sanctions proposées par la France. Je ne vous le dis pas. Il n'y en aura pas. La France sera attentive à toutes les propositions et surtout à la manière dont ces propositions pourront aboutir à un document qui obtienne l'unanimité. Il faut qu'un document des 27 pays réunis lundi après-midi soit obtenu.
Q - Quelles seront les répercussions de cette crise dans le Caucase ?
R - C'est un peu loin, on en parlera une autre fois. Mais il est certain que si l'on veut parler des répercussions de la crise en Géorgie, il y en aura de nombreuses. C'est cela qu'il faut comprendre. C'est à ce point grave qu'il faut faire attention à chacun de nos mots. Je vous annonce d'ailleurs qu'une plate-forme de la région a déjà été constitué à l'appel de mon homologue turc Ali Babacan et du Premier ministre turc Erdogan, qui devrait comprendre, mais ce n'est pas encore fait, certes nous en tant que président de l'Union, l'OSCE, et la volonté de la diplomatie turque est de réunir la Russie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan, l'Arménie et la Turquie. Tout le monde est conscient que c'est un problème grave et que cela peut semer des troubles un peu partout.
Q - Avez-vous ressenti des dissensions entre le président Medvedev et le Premier ministre Poutine sur le durcissement de la situation en Géorgie, en négociant, ou pas du tout ?
R - Puisque vous me posez la question très directement sur ce que nous avons ressenti, je ne l'ai pas ressenti.
Nous avons eu trois à cinq heures de discussions entre M. Poutine, M. Medvedev et M. Lavrov et le président Sarkozy et moi-même. J'ai senti que la position de M. Poutine était particulièrement dure. C'est lui qui a parlé le premier et qui a annoncé pour des raisons sans doute personnelles, une volonté d'être extrêmement réactif devant ce qu'il considérait comme une provocation. A ce moment là, le président Medvedev nous est apparu comme plutôt conciliant. Ensuite, les choses se sont déroulées de telle manière que les propositions françaises venues, je vous le rappelle, de Tbilissi ont été acceptées dans ces cinq points avec une nuance très importante sur l'intégrité territoriale de la Géorgie qu'il a fallu compléter par une lettre du président Sarkozy. A la conférence de presse, c'est M. Medvedev et le président Sarkozy qui ont présenté la situation. Le Premier ministre, M. Poutine, s'est retiré et il a dit que c'était au président de décider. L'explication sur le texte des six points a été fournie par les présidents Medvedev et Sarkozy. Nous avons, alors, abordé publiquement et devant les journalistes le problème de l'intégrité territoriale de la Géorgie. Nous avons parlé de souveraineté, d'indépendance. Le président Medvedev a rajouté que la notion d'intégrité territoriale ne pouvait excuser tous les comportements. Le président Sarkozy a expliqué que nous tenions à l'intégrité territoriale, c'est la raison pour laquelle il a ensuite adressé cette lettre au président Medvedev.
Que ces deux personnalités aient des tempéraments différents, c'est incontestable. Néanmoins, les hiérarchies respectives ont été respectées puisque c'est au président Medvedev de diriger la politique extérieure. C'est avec le président Medvedev hier que le président Sarkozy a eu une heure d'entretien téléphonique et c'est avec lui que nous parlons, cela n'empêche pas de préciser que M. Poutine était là durant tout l'entretien. Il n'y a pas eu de divergences, si ce n'est une attitude différente, avec des caractères différents, plus marqué chez M. Poutine que chez M. Medvedev à ce propos.
Q - (A propos de la situation au Kosovo et de la situation en Géorgie)
R - Méfiez-vous de cette comparaison avec le Kosovo, c'est une comparaison que l'on dit "en miroir" et le miroir fausse un peu les choses.
Dans le cas du Kosovo, il s'agissait d'une décision de la communauté internationale, de discussions très longues, d'un groupe de contact qui a duré près de deux ans, ensuite des accords de Rambouillet et finalement malheureusement d'une décision qui ne pouvait pas être unanime puisque les Serbes n'avaient pas accepté les conclusions de la conférence de Rambouillet.
C'est la communauté internationale dans son ensemble qui a accepté cette situation, y compris d'ailleurs les Russes, dont les troupes ont été intégrées plus tard dans cette coalition. Dans le cadre de la Géorgie, ce n'est pas le cas du tout, il s'agit d'un geste unilatéral. Je ne veux pas m'étendre sur le cas du Kosovo tout de suite parce que, encore une fois, c'est bien différent.
Maintenant, vous ne pouvez pas vous empêcher les uns et les autres, et c'est logique, de considérer l'ensemble de cette politique. Cette politique a en commun deux considérations. La première, c'est que, hélas, les secousses nationalistes, je dirai même communautaristes, ne sont pas terminées, elles étaient masquées sans aucun doute par la division d'un monde en deux. C'était bien plus commode, mais c'est fini. Un certain nombre de personnes ont même écrit que la démocratie ayant beaucoup gagné de terrain, c'était la fin de l'affrontement. Quant au choc des civilisations, même s'il ne s'agit pas de civilisations, il y a des chocs nationalistes, nationaux.
Le deuxième point, qui me frappe terriblement dans ma fréquentation du ministère des Affaires étrangères et européennes, mais ce n'est pas la première fois puisqu'il y a quinze ans j'étais le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas, c'est que la violence ne cesse pas, elle se renforce, elle prend d'autres formes et que la haine entre les communautés se manifeste plus visiblement - je ne dirai pas plus facilement parce qu'après tout, l'oppression communiste ait cessé et que la démocratie gagne, c'est un progrès- avec quelque chose d'irréductible qui me frappe et qui m'inquiète. Je vous assure, pour avoir été d'un côté et de l'autre en Géorgie, écoutant les Ossètes du Sud qui étaient pro Géorgiens, puis allant écouter les Ossètes du Sud qui étaient réfugiés au nord et qui étaient pro Russes, la densité d'incompréhension et de haine est considérable. A un moment donné si les personnes ne veulent pas vivre ensemble, il va falloir que l'on se pose des questions. Je pense que la globalisation, qui devait amener à des considérations économiques comme l'égalité des personnes, l'égalité des femmes et des hommes, l'égalité alimentaire et qui devait plus tôt faire aller de l'avant, vers le progrès, cette globalisation s'accompagne de foyers de violences, de nationalisme avec lesquels il faudra compter et prévoir. C'est tout le propos de la défense européenne, prévoir des manières de prévention qui seront nécessaires.
Vous me croyez peut être pessimiste mais je pense que c'est ainsi que nous avancerons vers une globalisation plus équitable, une mondialisation plus équilibrée pour les plus pauvres, qui ne gomme pas le problème, mais qu'est ce que vous voulez, vous ne vous demandez pas si ce sont les Ossètes qui sont les plus pauvres ou si ce sont les Géorgiens qui sont les plus pauvres. Il y a quelques chose qui submerge tous ces problèmes économiques, c'est tout de même ces oppositions historiques qui n'ont pas disparu et qui au contraire se réveillent. Chacun peut livrer son explication et ce serait d'ailleurs très intéressant. Et je vous annonce qu'une de mes réformes, ce sera de publier les cahiers du Quai d'Orsay et je vous invite, je ne veux pas que ce soit des cahiers de la diplomatie, les cahiers dans lesquels les diplomates pourraient enfin s'exprimer. Notre ambassadeur en Géorgie s'est exprimé, il est allé sur le terrain, c'est lui le seul qui est passé souvent en Ossétie, Eric Fournier, et il a pu s'exprimer ouvertement à la presse. Cela ne veut pas dire que les ambassadeurs doivent parler à tort et à travers mais cela veut dire que l'on ne doit pas les interdire de parole. Cette expérience que les personnes ont - pas tous ! - , ces expériences des sociétés, des nationalismes renaissants, souvent les ambassadeurs l'ont et ne nous en font pas profiter.
Q - Concernant l'Iran. On a vécu avec une Union soviétique nucléaire, on a vécu avec une Chine de Mao nucléaire, ne pourrait-on pas finalement vivre avec un Iran nucléaire, sachant d'autant plus que lorsqu'un Etat a une bombe, elle lui sert à sanctuariser son territoire ?
R - Parce que nous avons changé d'époque, parce que depuis l'équilibre de la terreur, il y a eu un Traité de non-prolifération des armes nucléaires que tout le monde a signé y compris l'Iran et ceux qui possédaient déjà la bombe - certains l'avaient et ils l'ont dissimulée - étaient les seuls susceptibles de l'utiliser mais on avait proposé non seulement des visites mais aussi des garanties démocratiques. Depuis, les autres pays ne sont pas autorisés à l'arme nucléaire, sinon tout le monde pourrait s'en emparer étant donné que ces armes se vendent même sur Internet. Ce serait très dangereux. Nous n'avons pas à autoriser des pays qui avaient signé le Traité de non-prolifération des armes nucléaires à construire une bombe atomique.
Par ailleurs, nous ne sommes pas à l'avant garde des sanctions, nous avons accepté qu'il y ait des sanctions mais en même temps nous avons été les seuls à dire "dialogue et sanctions". Le dialogue nous l'avons mené avec l'Iran, les Iraniens sont venus chez nous, nous les avons rencontrés. Néanmoins, cela n'a conduit à rien. Malgré tout, nous maintenons notre offre et nous étions avec les directeurs politiques, la France était à Genève, pour cette négociation et un directeur américain est venu, c'était un progrès. Cette négociation continue et la France est au contraire décidée à continuer la négociation et pas simplement à multiplier les sanctions. Nous sommes d'accord aussi, je crois, que les sanctions ont eu un effet bénéfique sur un certain nombre de circuits financiers, parce qu'il fallait encore prouver à l'Iran que nous étions sérieux sur cette affaire et je vous signale que sur cette affaire, malgré ce qui se passe avec les Russes et les Chinois, nous demeurons absolument d'accord sur le même document et sur l'attention portée sur l'enrichissement de l'uranium en Iran. C'est une preuve essentielle et nous ne devons pas perdre le contact avec la Russie ne serait-ce que pour cela.
Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 août 2008