Texte intégral
E. Cugny, D. Jeambar et E. Le Boucher E. Cugny : Avec nos invités autour de D. Jeambar, E. Le Boucher, dont le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, E. Woerth. Monsieur Woerth, les marges de manoeuvre budgétaires - on parlait tout à l'heure des fonctionnaires - dépendent évidemment de l'état de santé de l'économie. Le taux de croissance de l'économie française va-t-il permettre de réaliser tous vos souhaits en matière de réforme ? Est-ce que les rentrées fiscales sont au rendez-vous ?
R.- Pour 2007, elles sont au rendez-vous, puisque globalement sur l'ensemble des recettes de l'Etat, on est au-dessus de ce que nous attendions et nous avions même revu un peu à la hausse en fin d'année. Et en réalité, on sera au-dessus, donc, il n'y a pas de problème de recettes sur l'année 2007. D'ailleurs le déficit de l'Etat est moins important que ce qui était prévu ; il y a un déficit qui est très important et qui est inacceptable et qu'il faut combattre, mais en même temps, il était prévu à hauteur de 42 milliards dans le budget 2007, en exécution, c'est-à-dire la réalité budgétaire de l'année 2007, c'est un déficit d'un peu plus de 38 milliards, qui est en amélioration par rapport à celui de 2006. Donc, il y a bien une tendance que nous devons conforter et accélérer, mais il y a bien une tendance au mieux. En 2008, les recettes fiscales ont été mesurées d'une façon assez prudente, pour tout vous dire, je l'ai dit et redit au Parlement, aux commissions des finances concernées. Mais, bien évidemment, ces recettes dépendront de la manière dont se déroule l'année. Moi j'ai plutôt confiance sur la solidité de cette prévision, parce qu'elle est fondée sur un taux de croissance qui est entre 2 et 2,5, c'est-à-dire à 2,25. Alors on sera à 2,25, on sera un peu inférieur, ça c'est une chose.
E. Cugny : Vous maintenez ?
R.- Oui, je crois qu'on ne peut pas revenir sans arrêt sur le taux de croissance, comme sur ces prévisions-là, parce que sinon on changerait tous les jours de taux de croissance, ce serait une vision extraordinairement...
E. Le Boucher : Il ne s'agit pas de tous les jours là...Il y a une crise américaine qui arrive, l'économie américaine va être au mieux, à zéro, quelles en sont les conséquences pour la France ?
R.- Il y a un ralentissement de l'économie américaine qui se profile, évidemment, mais en même temps, le reste du monde qui ne tourne pas si mal que ça. Et puis l'Europe qui est plutôt plus protégée, probablement, en tout cas, le pense-t-on, que les Etats-Unis par rapport à ce ralentissement. S'il est certain que les prévisions d'aujourd'hui sont certainement moins optimistes que les prévisions de cet été ou d'avant le mois d'août, je ne le conteste pas évidemment. Mais en même temps, quand on parle de budget, les recettes de l'Etat, les recettes budgétaires sont des recettes qui ne sont pas totalement, immédiatement liées au taux de croissance. Il y a une élasticité comme on dit, entre ce taux de croissance et les recettes notamment fiscales. Et nous avons choisi un taux d'élasticité extrêmement prudent, beaucoup plus faible, pour tout vous dire, que les taux d'élasticité qui ont été constatés en 2007 et en 2006. Donc on a un peu de marge de prudence dans ce budget, d'autant plus que les rentrées fiscales sont souvent des rentrées sur les revenus de l'année d'avant, que nous connaissons. Donc, il y a un amortissement, si je puis dire, des effets de ralentissement dans le cadre des budgets, donc je suis tout à fait confiant sur la solidité de nos prévisions 2008.
D. Jeambar : A propos de rentrées fiscales, qu'est-ce que vous pensez de la manoeuvre de la Société Générale qui consiste à faire passer sur 2007 la perte de 5 milliards qu'elle vient d'enregistrer ? Ce qui devrait lui permettre de diminuer, d'après ce qu'on a calculé, de un milliard ses impôts, les impôts qu'elle va devoir payer.
R.- Pour l'instant je n'en pense rien, parce que la Société Générale... enfin ce n'est pas tout de suite que les choses seront précisées, les commissaires aux comptes doivent regarder tout ça. Il y a des normes comptables et puis il y a des normes fiscales. Nous verrons à quel exercice doivent être rattachées les pertes exceptionnelles qu'a encourues la Société Générale. Est-ce que c'est l'exercice 2007, ou est-ce que c'est l'exercice 2008 ? On va évidemment en discuter.
D. Jeambar : Qu'est-ce que vous préfèreriez, vous, pour vos caisses ?
R.- Je n'ai pas de préférence particulière, j'aurais préféré qu'il n'y ait pas d'évènement négatif sur la Société Générale. Parce qu'on s'aperçoit que quand même, les grands établissements financiers, les grandes entreprises couvrent évidemment une partie très importante de l'impôt sur les sociétés, on le voit au moment de l'acompte du mois de décembre.
D. Jeambar : Le CAC 40, cela vous rapporte combien ?
R.- Oh, je n'ai plus en tête le pourcentage, mais c'est très important, l'ensemble des grandes entreprises pèse beaucoup sur l'impôt sur les sociétés. Et on voit bien cela au moment de l'acompte du mois de décembre. Cela étant, la perte de la Société Générale, d'abord est exceptionnelle. J'imagine que la Société Générale se remettra de cela.
E. Cugny : Un milliard de moins de rentrées fiscales, c'est une paille ?
R.- Oui, mais je préfère les bonnes nouvelles aux mauvaises nouvelles, si c'est cela que vous voulez me faire dire. Mais en même temps, je ne sais pas si cela sera sur l'exercice 2007 ou sur l'exercice 2008, je pense que les choses doivent quand même être regardées. C'est quand même couvert par le secret fiscal, donc je fais attention à ce qu'il faut dire. Il y a des normes, on verra, mais on rattache à un exercice, on rattache le fait à l'exercice fiscal. Donc on verra si le fait était un fait 2008 ou un fait 2007.
E. Cugny : Si on vous a bien entendu dans les dernières semaines et dans les derniers mois, les caisses sont vides. Vous l'avez répété, le chef de l'Etat l'a dit, le Premier ministre l'a dit, et donc on est quand même surpris qu'au fond, vous trouviez des marges de manoeuvre pour augmenter les fonctionnaires aujourd'hui. Et d'ailleurs on avait cru comprendre aussi que vous ne pensiez pas pouvoir le faire.
R.- Ce n'est pas des marges de manoeuvre, les choses ne se font pas comme ça. Les caisses évidemment ne sont pas pleines, c'est comme les bouteilles, elles ne sont pas pleines. Nous avons 38 ou 39, enfin 38,3 - prenons des chiffres exacts, 38,3 ou 38,4, pour être exact - en exécution budgétaire 2007, ça c'est le déficit de l'Etat. Donc on ne peut pas appeler ça des caisses pleines et quels que soient les qualificatifs...
E. Cugny : D'autant que cela fait 30 ans que cela dure.
R.- Cela fait plus de 30 ans que cela dure, cela doit faire depuis 1975 ou 1974 qu'on n'a pas exécuté en équilibre un budget. Alors cela veut dire que - les veinards - tous ceux qui ont moins de 35 ans n'ont jamais connu une France en excédent budgétaire ou en équilibre budgétaire. Et puis tous ceux qui l'ont connue, à un moment donné en équilibre, enfin en excédent budgétaire, d'abord l'ont oublié, ou en tout cas ne croient plus que l'on puisse changer les choses. Donc c'est ça aussi un défi extraordinaire, c'est d'avoir à rétablir cela en quelques années, d'ici 2012. Et ça, cela ne se fait pas comme ça en claquant dans les doigts, parce que derrière toutes ces dépenses, il y a évidemment aussi, à chaque euro public il y a une politique publique, donc tout ça doit être évidemment regardé. C'est ce que l'on fait aujourd'hui, très très activement.
E. Cugny : Dans la restructuration de l'Etat, par exemple, est-ce que vous allez arriver à fusionner, budget et trésor, enfin impôts et trésor ?
R.- Là, on est en train de discuter, en ce moment, pour être exact, avec les organisations syndicales du trésor, c'est-à-dire la comptabilité publique et la Direction générale des impôts sur les modalités de cette fusion, ces deux très grandes administrations qui ont une culture forte. Il y a plus de 130.000 agents, donc on ne fait pas ça comme ça, non plus en claquant dans les doigts. Et cette fusion, elle commencera à voir le jour en 2008 avec la création de la nouvelle Direction unique, avec la nomination d'un directeur unique, quand il y en avait deux et la fusion des réseaux.
E. Cugny : Et vous avez une évaluation des gains que vous allez faire ?
R.- Ecoutez, ce sont des gains au fur et à mesure du temps. D'abord le vrai gain, c'est d'abord d'offrir aux particuliers que nous sommes tous un interlocuteur unique pour ses impôts. Auparavant, il y avait deux interlocuteurs, un qui recouvre et un qui calcule. Donc là, il y aura un interlocuteur unique, c'est très très important, c'était le cas pour les entreprises, ce sera le cas pour les particuliers. Donc c'est un effort tout à fait... enfin c'est très important pour les gens, pour les contribuables, c'est un effort de simplicité et de cohérence. Et puis sur l'ensemble de 130.000 agents, évidemment il y a des métiers très très différents les uns des autres, qui continueront à s'exercer mais avec une productivité supplémentaire. Et surtout, pour les agents une capacité également à évoluer dans un environnement professionnel plus large, donc beaucoup plus riche en terme de parcours professionnel. Pour répondre quand même complètement à la question d'avant, on peut augmenter les... bien sûr, les fonctionnaires sont des Français, donc le pouvoir d'achat c'est très important pour les fonctionnaires. Simplement, nous avons dans le budget, une masse... Vous savez, le paiement des fonctionnaires, plus les pensions, c'est 120 milliards d'euros et c'est à peu près 80 ou 85 milliards sur les rémunérations elles-mêmes. A l'intérieur de cela, il y a des mesures de gestion, des capacités évidemment à avoir un peu de réserve. On a 0,5% de réserve pour les aléas, donc tout ça doit être mobilisé pour permettre aux fonctionnaires en 2008 d'avoir une année qui les satisfasse en terme de traitements. L'augmentation des traitements, l'augmentation des fonctionnaires, l'augmentation du pouvoir d'achat des fonctionnaires cela passe par un certain nombre de points, cela passe sur le long terme et sur le moyen terme, cela passe par des contreparties, par du travailler plus, par des heures supplémentaires, cela passe par la diminution des effectifs et cela passe aussi par une réorganisation du service public avec les fonctionnaires. Ce n'est pas un langage politique, ce n'est pas une langue de bois, il faut le faire avec les fonctionnaires c'est ce qu'on a essayé de faire.
E. Le Boucher : La réorganisation des services publics, on a parlé de vos services à vous, des impôts et des recettes, mais c'est plus large. Il y a une révision générale qui est en cours, dans l'ensemble des ministères. On a vu le ministère des Armées annoncer un certain nombre de réductions. On a vu hier la Culture qui va annoncer un ensemble de changements, enfin assez fondamentaux sur le financement des théâtres et autres. Alors tout cet ensemble est en cours, cela devrait aboutir cette année d'une part et quel est l'objectif d'économie pour l'Etat ?
R.- La révision des politiques publiques, c'est ce que nous faisons en ce moment avec un travail et puis des orientations qui sont arrêtées par le Conseil de modernisation de l'Etat qui est présidé par le chef de l'Etat avec l'ensemble des ministres. Comme ça, c'est bien une révision, une réforme de l'Etat qui est portée par tous, comme dans les grands Etats qui ont profondément réformé leur système public. Cela a été le cas pour le Canada, cela a été le cas pour plein d'autres Etats - la Suède et bien d'autres, qui sont souvent d'ailleurs et qui ont souvent été portés en exemple. Donc, nous le faisons. Les orientations seront prises courant de l'année 2008, ce travail ne va pas durer trois ans ou quatre ans. Les décisions doivent être prises au courant l'année 2008 et puis après, elles peuvent prendre un peu de temps pour être mises en oeuvre, bien sûr selon les cas de figures. Mais c'est une révision qui porte sur l'organisation des services publics eux-mêmes, on peut faire parfois beaucoup mieux en réduisant le nombre d'administrations centrales, et en économies. Et puis on peut aussi faire mieux en changeant ou en hiérarchisant, en faisant des choix que l'on ne faisait pas depuis bien longtemps, puisqu'on avait tendance plutôt à empiler des politiques publiques. Il y a des politiques publiques qui coûtent une fortune aux contribuables et qui en même temps ne donnent pas satisfaction. Donc il faut bien regarder tout cela. Alors tout cela à terme conduira évidemment à des économies. L'objectif étant quand même la qualité du service public, ne jamais dégrader la qualité du service public, on est en France, on est attaché à nos services publics et en même temps, augmenter la productivité du service public.
E. Le Boucher : Vous ne voulez pas dire combien vous visez d'économies ?
R.- Non, je n'ai pas à donner de chiffre d'économies en général, parce qu'on va dire qu'à ce moment là, c'est une réforme qui est une réforme comptable. C'est exactement ce qu'elle n'est pas, ce n'est pas une réforme comptable, c'est une réforme qui aboutira évidemment à des économies, dieu merci. Mais ce n'est pas une réforme qui est faite pour ça, elle est faite, pour en réalité, faire en sorte que chaque euro dépensé le soit avec un maximum de fiabilité.
E. Cugny : Vous croyez vraiment à l'objectif de zéro déficit en 2012...
R.- Ah oui, sinon je ne serais pas là.
E. Cugny : Quand on sait que depuis 34 ans, on l'a rappelé tout à l'heure, on vit en déficit.
R.- On n'est pas obligé - 34 ans, ce n'est rien à l'échelle du monde - donc on n'est pas obligé de continuer comme cela. Moi je ne serais pas là si je n'y croyais pas, pour tout vous dire. Je crois qu'on peut effectivement remettre la France à l'équilibre des finances publiques en 2012...
E. Cugny : Par des réformes de structures et non pas simplement par de la croissance ?
R.- Evidemment, par des réformes de structures, par la croissance, c'est la même politique, c'est deux versants de la même politique, par la maîtrise de la dépense publique. Aujourd'hui, on a un taux de dépense publique qui est trop élevé, donc par la maîtrise aussi de la dépense publique.
E. Cugny : Avec E. Le Boucher, on va parler un peu politique aussi. E. Le Boucher : Alors hier, le président de la République a annoncé des subventions pour Gandrange, pour qu'on évite des suppressions d'emploi, chez Arcelor Mittal. Cela va vous coûter combien et est-ce une nouvelle politique de subventionner pour éviter les délocalisations ?
R.- Ecoutez, tous les états ont des politiques d'aide à l'économie. Enfin ne pas le croire ce serait tomber dans la naïveté. Donc l'objectif du Président et du Gouvernement c'est de défendre l'industrie, l'industrie française en tout cas, l'industrie sur sol français. Puisque là, on a un actionnaire qui est indien, mais c'est très important de montrer cela, de montrer qu'il y a encore un avenir industriel en France.
E. Le Boucher : Cela coûte combien ?
R.- Pour l'instant je ne sais pas, on est en train d'y travailler. D'abord, parce qu'il y a du temps qui a été donné, il y a un mois de plus qui a été donné, pour bien regarder les choses avec les syndicats, notamment de l'entreprise et avec l'actionnaire. Donc ce temps il faut l'utiliser à bon escient, après, il faut savoir de quelle façon l'Etat peut intervenir, dans quelles conditions et s'il le doit ? Le Président a montré une orientation très forte, évidemment elle va être suivie. C'est une orientation anti fatalité, il n'y a peut-être pas, complètement de fatalité à voir disparaître au fur et à mesure du temps, l'ensemble des usines. Regardez, il y a quelques années, on a beaucoup diminué la capacité sidérurgique française, alors que le monde aujourd'hui est en sous capacité de production.
E. Cugny : E. Woerth, un mot de politique quand même avant de nous séparer. Il y a la perspective des élections municipales. P. Devedjian voit dans la baisse de popularité du président de la République, dans les sondages donc, une raison de plus de politiser les municipales. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
R.- Ecoutez, les élections municipales c'est d'abord des élections locales quand même, moi je suis aussi candidat...
E. Cugny : Vous vous présentez à Chantilly !
R.- Je me présente à Chantilly dont je suis déjà maire, donc je me représente. C'est d'abord des élections locales. Moi je vais parler de l'avenir de la salle des sports « des Bourgogne » ou...
E. Cugny : Et vous sentez le trou d'air politique sur le terrain, vous ?
R.- Non, dans mes contacts avec mes propres citoyens, mes propres concitoyens ou administrés... ce n'est pas terrible comme terme, "administré", cela fait un peu froid dans le dos, vous êtes ministre, ministre de quelque chose, cela ne me semble pas être une bonne idée...
E. Cugny : Cela dépend si vous administrez la potion fiscale et budgétaire.
R.- J'administre une potion qui nous amènera à l'équilibre, c'est ça qui m'intéresse. Donc je sens surtout... Ils me parlent complètement des municipales. Les gens viennent me voir sur des sujets d'intérêt municipal. Ils font bien la différence, ils me demandent parfois si on peut être maire et ministre. C'est une question qui est revenue à quelques reprises, mais plutôt agréablement. Voilà. Donc ce que je pense c'est qu'il y a des villes qui sont plus difficiles, en tout cas quand on a mon profil politique, que la ville de Chantilly, et que là, les tensions peuvent se faire au-delà du local aussi sur une politique nationale. De toute façon, toutes les élections sont politiques d'une certaine façon. Donc, il me semble naturel que l'on parle de politique sur le plan national et qu'on n'oublie pas complètement que les élections municipales sont des élections évidemment politiques, puisqu'elles sont interprétées nationalement d'une façon politique et qu'en même temps les enjeux, dans chaque ville, dans chaque commune, dans chaque quartier sont évidemment des enjeux locaux.
E. Cugny : Merci beaucoup, il est l'heure de nous séparer. Malheureusement, il y avait encore beaucoup de choses à dire. L'occasion pour vous de revenir.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 février 2008
R.- Pour 2007, elles sont au rendez-vous, puisque globalement sur l'ensemble des recettes de l'Etat, on est au-dessus de ce que nous attendions et nous avions même revu un peu à la hausse en fin d'année. Et en réalité, on sera au-dessus, donc, il n'y a pas de problème de recettes sur l'année 2007. D'ailleurs le déficit de l'Etat est moins important que ce qui était prévu ; il y a un déficit qui est très important et qui est inacceptable et qu'il faut combattre, mais en même temps, il était prévu à hauteur de 42 milliards dans le budget 2007, en exécution, c'est-à-dire la réalité budgétaire de l'année 2007, c'est un déficit d'un peu plus de 38 milliards, qui est en amélioration par rapport à celui de 2006. Donc, il y a bien une tendance que nous devons conforter et accélérer, mais il y a bien une tendance au mieux. En 2008, les recettes fiscales ont été mesurées d'une façon assez prudente, pour tout vous dire, je l'ai dit et redit au Parlement, aux commissions des finances concernées. Mais, bien évidemment, ces recettes dépendront de la manière dont se déroule l'année. Moi j'ai plutôt confiance sur la solidité de cette prévision, parce qu'elle est fondée sur un taux de croissance qui est entre 2 et 2,5, c'est-à-dire à 2,25. Alors on sera à 2,25, on sera un peu inférieur, ça c'est une chose.
E. Cugny : Vous maintenez ?
R.- Oui, je crois qu'on ne peut pas revenir sans arrêt sur le taux de croissance, comme sur ces prévisions-là, parce que sinon on changerait tous les jours de taux de croissance, ce serait une vision extraordinairement...
E. Le Boucher : Il ne s'agit pas de tous les jours là...Il y a une crise américaine qui arrive, l'économie américaine va être au mieux, à zéro, quelles en sont les conséquences pour la France ?
R.- Il y a un ralentissement de l'économie américaine qui se profile, évidemment, mais en même temps, le reste du monde qui ne tourne pas si mal que ça. Et puis l'Europe qui est plutôt plus protégée, probablement, en tout cas, le pense-t-on, que les Etats-Unis par rapport à ce ralentissement. S'il est certain que les prévisions d'aujourd'hui sont certainement moins optimistes que les prévisions de cet été ou d'avant le mois d'août, je ne le conteste pas évidemment. Mais en même temps, quand on parle de budget, les recettes de l'Etat, les recettes budgétaires sont des recettes qui ne sont pas totalement, immédiatement liées au taux de croissance. Il y a une élasticité comme on dit, entre ce taux de croissance et les recettes notamment fiscales. Et nous avons choisi un taux d'élasticité extrêmement prudent, beaucoup plus faible, pour tout vous dire, que les taux d'élasticité qui ont été constatés en 2007 et en 2006. Donc on a un peu de marge de prudence dans ce budget, d'autant plus que les rentrées fiscales sont souvent des rentrées sur les revenus de l'année d'avant, que nous connaissons. Donc, il y a un amortissement, si je puis dire, des effets de ralentissement dans le cadre des budgets, donc je suis tout à fait confiant sur la solidité de nos prévisions 2008.
D. Jeambar : A propos de rentrées fiscales, qu'est-ce que vous pensez de la manoeuvre de la Société Générale qui consiste à faire passer sur 2007 la perte de 5 milliards qu'elle vient d'enregistrer ? Ce qui devrait lui permettre de diminuer, d'après ce qu'on a calculé, de un milliard ses impôts, les impôts qu'elle va devoir payer.
R.- Pour l'instant je n'en pense rien, parce que la Société Générale... enfin ce n'est pas tout de suite que les choses seront précisées, les commissaires aux comptes doivent regarder tout ça. Il y a des normes comptables et puis il y a des normes fiscales. Nous verrons à quel exercice doivent être rattachées les pertes exceptionnelles qu'a encourues la Société Générale. Est-ce que c'est l'exercice 2007, ou est-ce que c'est l'exercice 2008 ? On va évidemment en discuter.
D. Jeambar : Qu'est-ce que vous préfèreriez, vous, pour vos caisses ?
R.- Je n'ai pas de préférence particulière, j'aurais préféré qu'il n'y ait pas d'évènement négatif sur la Société Générale. Parce qu'on s'aperçoit que quand même, les grands établissements financiers, les grandes entreprises couvrent évidemment une partie très importante de l'impôt sur les sociétés, on le voit au moment de l'acompte du mois de décembre.
D. Jeambar : Le CAC 40, cela vous rapporte combien ?
R.- Oh, je n'ai plus en tête le pourcentage, mais c'est très important, l'ensemble des grandes entreprises pèse beaucoup sur l'impôt sur les sociétés. Et on voit bien cela au moment de l'acompte du mois de décembre. Cela étant, la perte de la Société Générale, d'abord est exceptionnelle. J'imagine que la Société Générale se remettra de cela.
E. Cugny : Un milliard de moins de rentrées fiscales, c'est une paille ?
R.- Oui, mais je préfère les bonnes nouvelles aux mauvaises nouvelles, si c'est cela que vous voulez me faire dire. Mais en même temps, je ne sais pas si cela sera sur l'exercice 2007 ou sur l'exercice 2008, je pense que les choses doivent quand même être regardées. C'est quand même couvert par le secret fiscal, donc je fais attention à ce qu'il faut dire. Il y a des normes, on verra, mais on rattache à un exercice, on rattache le fait à l'exercice fiscal. Donc on verra si le fait était un fait 2008 ou un fait 2007.
E. Cugny : Si on vous a bien entendu dans les dernières semaines et dans les derniers mois, les caisses sont vides. Vous l'avez répété, le chef de l'Etat l'a dit, le Premier ministre l'a dit, et donc on est quand même surpris qu'au fond, vous trouviez des marges de manoeuvre pour augmenter les fonctionnaires aujourd'hui. Et d'ailleurs on avait cru comprendre aussi que vous ne pensiez pas pouvoir le faire.
R.- Ce n'est pas des marges de manoeuvre, les choses ne se font pas comme ça. Les caisses évidemment ne sont pas pleines, c'est comme les bouteilles, elles ne sont pas pleines. Nous avons 38 ou 39, enfin 38,3 - prenons des chiffres exacts, 38,3 ou 38,4, pour être exact - en exécution budgétaire 2007, ça c'est le déficit de l'Etat. Donc on ne peut pas appeler ça des caisses pleines et quels que soient les qualificatifs...
E. Cugny : D'autant que cela fait 30 ans que cela dure.
R.- Cela fait plus de 30 ans que cela dure, cela doit faire depuis 1975 ou 1974 qu'on n'a pas exécuté en équilibre un budget. Alors cela veut dire que - les veinards - tous ceux qui ont moins de 35 ans n'ont jamais connu une France en excédent budgétaire ou en équilibre budgétaire. Et puis tous ceux qui l'ont connue, à un moment donné en équilibre, enfin en excédent budgétaire, d'abord l'ont oublié, ou en tout cas ne croient plus que l'on puisse changer les choses. Donc c'est ça aussi un défi extraordinaire, c'est d'avoir à rétablir cela en quelques années, d'ici 2012. Et ça, cela ne se fait pas comme ça en claquant dans les doigts, parce que derrière toutes ces dépenses, il y a évidemment aussi, à chaque euro public il y a une politique publique, donc tout ça doit être évidemment regardé. C'est ce que l'on fait aujourd'hui, très très activement.
E. Cugny : Dans la restructuration de l'Etat, par exemple, est-ce que vous allez arriver à fusionner, budget et trésor, enfin impôts et trésor ?
R.- Là, on est en train de discuter, en ce moment, pour être exact, avec les organisations syndicales du trésor, c'est-à-dire la comptabilité publique et la Direction générale des impôts sur les modalités de cette fusion, ces deux très grandes administrations qui ont une culture forte. Il y a plus de 130.000 agents, donc on ne fait pas ça comme ça, non plus en claquant dans les doigts. Et cette fusion, elle commencera à voir le jour en 2008 avec la création de la nouvelle Direction unique, avec la nomination d'un directeur unique, quand il y en avait deux et la fusion des réseaux.
E. Cugny : Et vous avez une évaluation des gains que vous allez faire ?
R.- Ecoutez, ce sont des gains au fur et à mesure du temps. D'abord le vrai gain, c'est d'abord d'offrir aux particuliers que nous sommes tous un interlocuteur unique pour ses impôts. Auparavant, il y avait deux interlocuteurs, un qui recouvre et un qui calcule. Donc là, il y aura un interlocuteur unique, c'est très très important, c'était le cas pour les entreprises, ce sera le cas pour les particuliers. Donc c'est un effort tout à fait... enfin c'est très important pour les gens, pour les contribuables, c'est un effort de simplicité et de cohérence. Et puis sur l'ensemble de 130.000 agents, évidemment il y a des métiers très très différents les uns des autres, qui continueront à s'exercer mais avec une productivité supplémentaire. Et surtout, pour les agents une capacité également à évoluer dans un environnement professionnel plus large, donc beaucoup plus riche en terme de parcours professionnel. Pour répondre quand même complètement à la question d'avant, on peut augmenter les... bien sûr, les fonctionnaires sont des Français, donc le pouvoir d'achat c'est très important pour les fonctionnaires. Simplement, nous avons dans le budget, une masse... Vous savez, le paiement des fonctionnaires, plus les pensions, c'est 120 milliards d'euros et c'est à peu près 80 ou 85 milliards sur les rémunérations elles-mêmes. A l'intérieur de cela, il y a des mesures de gestion, des capacités évidemment à avoir un peu de réserve. On a 0,5% de réserve pour les aléas, donc tout ça doit être mobilisé pour permettre aux fonctionnaires en 2008 d'avoir une année qui les satisfasse en terme de traitements. L'augmentation des traitements, l'augmentation des fonctionnaires, l'augmentation du pouvoir d'achat des fonctionnaires cela passe par un certain nombre de points, cela passe sur le long terme et sur le moyen terme, cela passe par des contreparties, par du travailler plus, par des heures supplémentaires, cela passe par la diminution des effectifs et cela passe aussi par une réorganisation du service public avec les fonctionnaires. Ce n'est pas un langage politique, ce n'est pas une langue de bois, il faut le faire avec les fonctionnaires c'est ce qu'on a essayé de faire.
E. Le Boucher : La réorganisation des services publics, on a parlé de vos services à vous, des impôts et des recettes, mais c'est plus large. Il y a une révision générale qui est en cours, dans l'ensemble des ministères. On a vu le ministère des Armées annoncer un certain nombre de réductions. On a vu hier la Culture qui va annoncer un ensemble de changements, enfin assez fondamentaux sur le financement des théâtres et autres. Alors tout cet ensemble est en cours, cela devrait aboutir cette année d'une part et quel est l'objectif d'économie pour l'Etat ?
R.- La révision des politiques publiques, c'est ce que nous faisons en ce moment avec un travail et puis des orientations qui sont arrêtées par le Conseil de modernisation de l'Etat qui est présidé par le chef de l'Etat avec l'ensemble des ministres. Comme ça, c'est bien une révision, une réforme de l'Etat qui est portée par tous, comme dans les grands Etats qui ont profondément réformé leur système public. Cela a été le cas pour le Canada, cela a été le cas pour plein d'autres Etats - la Suède et bien d'autres, qui sont souvent d'ailleurs et qui ont souvent été portés en exemple. Donc, nous le faisons. Les orientations seront prises courant de l'année 2008, ce travail ne va pas durer trois ans ou quatre ans. Les décisions doivent être prises au courant l'année 2008 et puis après, elles peuvent prendre un peu de temps pour être mises en oeuvre, bien sûr selon les cas de figures. Mais c'est une révision qui porte sur l'organisation des services publics eux-mêmes, on peut faire parfois beaucoup mieux en réduisant le nombre d'administrations centrales, et en économies. Et puis on peut aussi faire mieux en changeant ou en hiérarchisant, en faisant des choix que l'on ne faisait pas depuis bien longtemps, puisqu'on avait tendance plutôt à empiler des politiques publiques. Il y a des politiques publiques qui coûtent une fortune aux contribuables et qui en même temps ne donnent pas satisfaction. Donc il faut bien regarder tout cela. Alors tout cela à terme conduira évidemment à des économies. L'objectif étant quand même la qualité du service public, ne jamais dégrader la qualité du service public, on est en France, on est attaché à nos services publics et en même temps, augmenter la productivité du service public.
E. Le Boucher : Vous ne voulez pas dire combien vous visez d'économies ?
R.- Non, je n'ai pas à donner de chiffre d'économies en général, parce qu'on va dire qu'à ce moment là, c'est une réforme qui est une réforme comptable. C'est exactement ce qu'elle n'est pas, ce n'est pas une réforme comptable, c'est une réforme qui aboutira évidemment à des économies, dieu merci. Mais ce n'est pas une réforme qui est faite pour ça, elle est faite, pour en réalité, faire en sorte que chaque euro dépensé le soit avec un maximum de fiabilité.
E. Cugny : Vous croyez vraiment à l'objectif de zéro déficit en 2012...
R.- Ah oui, sinon je ne serais pas là.
E. Cugny : Quand on sait que depuis 34 ans, on l'a rappelé tout à l'heure, on vit en déficit.
R.- On n'est pas obligé - 34 ans, ce n'est rien à l'échelle du monde - donc on n'est pas obligé de continuer comme cela. Moi je ne serais pas là si je n'y croyais pas, pour tout vous dire. Je crois qu'on peut effectivement remettre la France à l'équilibre des finances publiques en 2012...
E. Cugny : Par des réformes de structures et non pas simplement par de la croissance ?
R.- Evidemment, par des réformes de structures, par la croissance, c'est la même politique, c'est deux versants de la même politique, par la maîtrise de la dépense publique. Aujourd'hui, on a un taux de dépense publique qui est trop élevé, donc par la maîtrise aussi de la dépense publique.
E. Cugny : Avec E. Le Boucher, on va parler un peu politique aussi. E. Le Boucher : Alors hier, le président de la République a annoncé des subventions pour Gandrange, pour qu'on évite des suppressions d'emploi, chez Arcelor Mittal. Cela va vous coûter combien et est-ce une nouvelle politique de subventionner pour éviter les délocalisations ?
R.- Ecoutez, tous les états ont des politiques d'aide à l'économie. Enfin ne pas le croire ce serait tomber dans la naïveté. Donc l'objectif du Président et du Gouvernement c'est de défendre l'industrie, l'industrie française en tout cas, l'industrie sur sol français. Puisque là, on a un actionnaire qui est indien, mais c'est très important de montrer cela, de montrer qu'il y a encore un avenir industriel en France.
E. Le Boucher : Cela coûte combien ?
R.- Pour l'instant je ne sais pas, on est en train d'y travailler. D'abord, parce qu'il y a du temps qui a été donné, il y a un mois de plus qui a été donné, pour bien regarder les choses avec les syndicats, notamment de l'entreprise et avec l'actionnaire. Donc ce temps il faut l'utiliser à bon escient, après, il faut savoir de quelle façon l'Etat peut intervenir, dans quelles conditions et s'il le doit ? Le Président a montré une orientation très forte, évidemment elle va être suivie. C'est une orientation anti fatalité, il n'y a peut-être pas, complètement de fatalité à voir disparaître au fur et à mesure du temps, l'ensemble des usines. Regardez, il y a quelques années, on a beaucoup diminué la capacité sidérurgique française, alors que le monde aujourd'hui est en sous capacité de production.
E. Cugny : E. Woerth, un mot de politique quand même avant de nous séparer. Il y a la perspective des élections municipales. P. Devedjian voit dans la baisse de popularité du président de la République, dans les sondages donc, une raison de plus de politiser les municipales. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
R.- Ecoutez, les élections municipales c'est d'abord des élections locales quand même, moi je suis aussi candidat...
E. Cugny : Vous vous présentez à Chantilly !
R.- Je me présente à Chantilly dont je suis déjà maire, donc je me représente. C'est d'abord des élections locales. Moi je vais parler de l'avenir de la salle des sports « des Bourgogne » ou...
E. Cugny : Et vous sentez le trou d'air politique sur le terrain, vous ?
R.- Non, dans mes contacts avec mes propres citoyens, mes propres concitoyens ou administrés... ce n'est pas terrible comme terme, "administré", cela fait un peu froid dans le dos, vous êtes ministre, ministre de quelque chose, cela ne me semble pas être une bonne idée...
E. Cugny : Cela dépend si vous administrez la potion fiscale et budgétaire.
R.- J'administre une potion qui nous amènera à l'équilibre, c'est ça qui m'intéresse. Donc je sens surtout... Ils me parlent complètement des municipales. Les gens viennent me voir sur des sujets d'intérêt municipal. Ils font bien la différence, ils me demandent parfois si on peut être maire et ministre. C'est une question qui est revenue à quelques reprises, mais plutôt agréablement. Voilà. Donc ce que je pense c'est qu'il y a des villes qui sont plus difficiles, en tout cas quand on a mon profil politique, que la ville de Chantilly, et que là, les tensions peuvent se faire au-delà du local aussi sur une politique nationale. De toute façon, toutes les élections sont politiques d'une certaine façon. Donc, il me semble naturel que l'on parle de politique sur le plan national et qu'on n'oublie pas complètement que les élections municipales sont des élections évidemment politiques, puisqu'elles sont interprétées nationalement d'une façon politique et qu'en même temps les enjeux, dans chaque ville, dans chaque commune, dans chaque quartier sont évidemment des enjeux locaux.
E. Cugny : Merci beaucoup, il est l'heure de nous séparer. Malheureusement, il y avait encore beaucoup de choses à dire. L'occasion pour vous de revenir.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 février 2008