Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, sur le rôle de la France dans la lutte contre le paludisme dans le monde, à l'Assemblée nationale le 9 septembre 2008.

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Circonstance : Clôture de la Conférence "Décider c'est vaincre ensemble, faisons du paludisme une maladie du passé", à l'Assemblée nationale le 9 septembre 2008

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Directeur Exécutif,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs,
Chaque année des milliers de vies sont perdues ; des générations entières sont décimées par les pandémies. Sans prévention, sans accès aux soins, sans médicaments ni traitements chacun le sait, la réalisation des Objectifs du Millénaire, ne resteront que ce qu'ils sont : des objectifs. Il n'y aura pas de développement sans solidarité ni mobilisation inlassable de la communauté internationale.
Mon collègue Alain Joyandet, secrétaire d'Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie, dépêché en Haïti à la suite du terrible cyclone qui vient de frapper les populations, m'a chargé de vous transmettre ses regrets de ne pouvoir être parmi vous aujourd'hui. Je sais qu'il aurait souhaité pouvoir clôturer ce colloque.
En prenant la parole devant vous, comme secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et aux Droits de l'Homme, j'assume pleinement ce qui est au coeur aussi de mon action ministérielle, la défense des droits économiques et sociaux : que sont en effet les Objectifs du Millénaire pour le Développement, sinon la déclinaison concrète des Droits de l'Homme reconnus par la déclaration universelle de 1948 et dont nous célébrons cette année le 60ème anniversaire ?
Je vois aussi le 6ème objectif, qui vise notamment à maîtriser le paludisme d'ici 2015, comme la transcription directe de l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui consacre le "droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint".
La santé est un droit fondamental de l'être humain, indispensable à l'exercice de tous ses autres droits. Qui pourrait croire qu'on puisse construire un Etat de droit sur des populations fauchées par la maladie ou dans l'oubli des systèmes de santé ? Pas de démocratie sans santé publique.
Les déséquilibres du monde s'accroissent des inégalités devant la santé, notamment dans le Sud, et particulièrement en Afrique. Et il y a urgence : ainsi, depuis le début de vos travaux, 360 enfants sont morts du paludisme.
Votre mobilisation témoigne que vous avez pris la mesure du combat à mener contre ce fléau. Je souhaite ici vous exprimer tout mon soutien et vous assurer de l'engagement solidaire de la France à vos côtés.
Est-il encore nécessaire de rappeler que 40 % des habitants de la planète, souvent les plus pauvres, sont exposés au risque de paludisme ? Parmi ces 2,5 milliards de personnes à risque, plus de 500 millions contractent la maladie et plus d'un million meurent de ses complications chaque année.
Ils ont souvent moins de 5 ans : le paludisme est d'ailleurs la principale cause de mortalité des jeunes enfants en Afrique subsaharienne.
C'est également un fléau pour les femmes enceintes.
Mais le paludisme, ce n'est pas seulement la principale cause de morbidité dans une centaine de pays dans le monde, c'est aussi une menace globale : il ignore les frontières, en raison des voyages en avion qui se multiplient et du réchauffement climatique. La France est d'ailleurs le pays d'Europe dans lequel on compte le plus de cas de paludisme d'importation...
Ce n'est évidemment pas cette dernière menace qui est la plus grave : ce qui est insupportable, c'est le handicap que constitue le paludisme pour la croissance et l'équilibre des pays où il est endémique : la maladie est directement à l'origine d'une perte de croissance économique annuelle de 1,3 % dans ces pays.
Par la charge financière qu'elle représente pour les familles, elle les enferme dans une spirale de la pauvreté. Elle touche évidemment de manière disproportionnée les personnes pauvres et marginalisées, incapables de se procurer le traitement ou disposant d'un accès limité aux soins de santé. Les effets de cette maladie s'exercent tout au long de leur vie et perturbent leurs apprentissages.
Vous le savez, pour lutter contre le paludisme, deux éléments essentiels de la prise en charge sont déterminants : la précocité du diagnostic et la rapidité du traitement. L'accès à la prise en charge de cette maladie ne doit donc pas être considéré uniquement sous l'angle médical mais aussi comme un droit fondamental pour toutes les populations à risque.
Il s'agit pourtant d'une maladie évitable et curable. Les récentes avancées - et la mobilisation de tous les acteurs nationaux, internationaux, institutionnels et de la société civile - nous permettent d'envisager pour la première fois le contrôle de la pandémie :
- Nous savons comment prévenir, grâce aux moustiquaires imprégnées et aux pulvérisations d'insecticides à domicile ;
- Nous savons comment soigner grâce aux traitements combinés à base d'artémisinine ;
- Nous avons déjà su éradiquer le paludisme dans un certain nombre de pays : on l'oublie parfois, mais jusqu'à une date relativement récente, le paludisme - aussi appelé malaria - était présente dans certaines régions françaises. Elle existait encore en 1931, dans le marais poitevin, le golfe du Morbihan et en Camargue, et elle n'a été éradiquée en Corse qu'en 1944.
- Plus récemment, des pays comme l'Ethiopie, le Rwanda ou la Tanzanie, ont su contrôler le paludisme et le faire reculer.
Forte de son attachement à ses valeurs humanistes et à son rôle au sein de la communauté internationale, la France est pleinement mobilisée, politiquement et financièrement.
Moteur dans le domaine de la santé publique internationale, notre pays consacre plus de 120 millions d'euros par an à cet enjeu.
- La France est le deuxième financeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, derrière les Etats-Unis et le 1er contributeur européen.
- Elle est également le 1er bailleur d'UNITAID, qui a financé depuis son lancement près de 27 millions de traitements antipaludiques.
- Elle contribue enfin au partenariat "Roll back malaria" ainsi qu'à des actions d'assistance technique, de formation et de recherche.
Je souhaite que la Présidence française de l'Union européenne puisse, elle-aussi avoir ce rôle de pointe, et mobilise tous les acteurs de cette lutte, au Nord comme au Sud. J'aurai l'occasion, lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies à New York en septembre de rappeler cet engagement de la France. Mme Barzach a souligné tout à l'heure qu'il était souhaitable que nous nous appuyons sur les femmes pour rendre plus efficace encore la prévention. Je partage ce point de vue, ayant décidé de faire des violences subies par les femmes l'une des priorités de la Présidence française de l'Union européenne.
Si le vaccin est encore loin, je veux croire en cet élan et en ces partenariats tels ceux engagés avec l'Institut Pasteur, GSK et Sanofi-Aventis. Solidarité internationale, financements innovants et efforts de recherche dans les laboratoires ont partie liée.
Et nous ne baisserons pas les bras !
Je me félicite en tous cas de votre mobilisation, de votre enthousiasme et de votre engagement "à faire du paludisme une maladie du passé". Cette détermination la France la partage.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 septembre 2008