Texte intégral
Q - Bernard Kouchner champion de la réforme, c'était plutôt inattendu...
R - Quand j'étais ministre de la Santé, je vous rappelle que j'ai innové en créant les agences de la sécurité sanitaire, dont l'Agence du médicament, et que j'ai changé beaucoup de choses. Alors, les Affaires étrangères, c'est un très bel appareil, très prestigieux, mais il faut l'améliorer.
Q - Cela fait pourtant dix ans que le Quai se réforme...
R - Oui, mais il s'est recroquevillé sur lui-même. Si nous voulons rester le deuxième réseau extérieur, nous devons nous adapter à la nouvelle donne de la mondialisation.
Q - Comment ?
R - Aujourd'hui, toutes les administrations travaillent à l'international, il faut donc jouer la carte de l'interministérialité. Ce n'est pas aisé. Voyez ce que fait Jean-Louis Borloo sur le changement climatique ; ce doit être également le coeur de nos préoccupations, tout comme les questions d'immigration, de santé ou de démographie. Imaginez, il n'y avait ici qu'une personne pour s'occuper des questions religieuses. Insensé ! Maintenant, il y en aura plus d'une dizaine.
Q - Vous voulez faire plus avec moins de moyens ?
R - Pas moins ! Cette année, c'est un peu dur, mais j'ai sauvegardé mon budget.
Q - Qu'est-ce qui va changer ?
R - Beaucoup de choses ! Nous modifions les structures de l'administration centrale, réorganisons notre réseau diplomatique, changeons nos méthodes de travail, passons à une culture du résultat, et nous ouvrons plus largement à des compétences nouvelles, y compris celles venues de l'extérieur.
Q - Peut-on imaginer des représentations communes avec nos partenaires européens ?
R - C'est une vieille et belle idée. Nous avons essayé avec les Allemands, et ça ne marche pas très fort. Mais nous pouvons le faire dans les consulats. D'ailleurs, nous allons le faire avec les Italiens et les Espagnols. C'est très long à mettre en place... Mais ça se fera.
Q - Vous voulez que les ambassadeurs aillent davantage sur le terrain...
R - C'est l'évidence. Regardez ce qu'a fait notre ambassadeur en Géorgie. Je lui ai dit d'aller sur le terrain. Il s'est fait arrêter par les Russes à un check point. Ce n'est pas grave, l'important, c'est d'aller voir les gens. Il s'est aussi exprimé devant la presse. Il faut rendre la parole à ceux qui sont sur place.
Q - Est-ce l'urgentiste qui parle ?
R - Il faut être réactif. Alors, oui, ça grogne un peu dans les rangs. Il y a de grands souverainistes ici. Des gens qui pensent que nous sommes encore au temps du général de Gaulle, qu'il faut, par exemple, conserver notre politique arabe du siècle dernier. Il faut les convaincre du contraire. Il faut faire monter les jeunes, et ça, je le fais. Et puis j'aère. Jean-Christophe Rufin à Dakar, Daniel Rondeau à Malte, bientôt des femmes qui vont surprendre... Il faut faire bouger tout ça.
Q - Tout de même, n'êtes-vous pas déçu par le manque d'engagement de la France sur la question des Droits de l'Homme, une grande promesse de la campagne de Nicolas Sarkozy ?
R - Moi, j'ai fait la campagne auprès de Ségolène Royal. Comme d'habitude, il y a les deux faces de la médaille. Il faut être réaliste, on ne peut pas réduire la politique d'un pays aux Droits de l'Homme, même s'ils demeurent une préoccupation permanente. Mais, pour moi, une ambassade, ce doit être aussi la maison des Droits de l'Homme.
Q - Réinsuffler du politique et de l'action dans la politique extérieure, est-ce ce qui vous rapproche de Nicolas Sarkozy ?
R - De ce point de vue oui, sans aucun doute. Je ne suis pas forcément d'accord avec toutes les décisions politiques du président de la République, mais avec sa manière de réagir et d'agir, certainement.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 septembre 2008