Texte intégral
J.-L. Hees.- V. Létard bonjour. Vous êtes secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, président délégué du Nouveau centre. J'imagine qu'à votre poste on a une vraie fibre sociale et qu'on s'occupe évidemment des défavorisés. Est-ce que cette crise financière vous inspire des réflexions particulières ? Est-ce qu'elle vous inquiète dans la mesure où vous avez un budget, vous êtes secrétaire d'Etat et est-ce que cela veut dire que les difficultés pourraient réduire un petit peu le champ de vos possibilités comme ministre ?
Bien sûr, lorsque l'on est dans une réalité financière complexe, nous sommes tenus comme chaque ministre de ce Gouvernement à maîtriser des dépenses publiques. Cela ne veut pas dire ne pas avoir de politique de solidarité. On en a un exemple actuellement avec le débat sur le RSA qui s'engage. On voit bien que cette solidarité, le Gouvernement y tient, le président de la République l'a affirmé. De la même façon que sur le champ du handicap, l'année 2008 a été une année d'annonces ambitieuses. Ce mois-ci, ce mois de septembre, nous augmentons de 3,9 % l'allocation adulte handicapé, ce qui porte à 5 % l'effort supplémentaire cette année. L'engagement du Président est de faire le même effort chaque année pendant la durée de son mandat. Ce qui veut dire que là aussi nous avons une véritable volonté d'avancer. 3 milliards d'euros, c'est l'engagement qu'a pris le président de la République sur la politique du handicap dans le cadre de ce quinquennat.
Mais c'est intéressant de discuter du RSA avec vous ou plus exactement du financement du RSA, parce que vos amis du Nouveau centre ne sont pas tous d'accord d'ailleurs sur le mode de financement.
Sur le mode de financement, c'est vrai qu'il y a débat sur la question en fait de qui contribue à cette solidarité, une solidarité active je le répète. C'est-à-dire que le RSA qu'est-ce que c'est ? C'est monter un dispositif financier qui permettra de faire en sorte que les gens qui vont travailler quelques heures à temps partiel n'y perdent plus. Aujourd'hui, je suis au RM, je retourne à l'activité professionnelle, j'ai moins d'argent qu'avant. Donc, je ne vais pas travailler sinon je m'endette. Ce système, il permet de proposer aux gens d'aller travailler pour gagner plus, ce que le Président a toujours défendu. Il faut trouver les moyens.
Je crois que tout le monde est d'accord sur le principe.
1,1 % effectivement de taxe sur les revenus du capital, pour les classes moyennes. Aujourd'hui, le débat porte sur quoi ? Il porte sur la question du bouclier fiscal. Est-ce que les personnes qui sont dans ce bouclier fiscal, qui sont les plus gros revenus doivent ou non contribuer ? C'est vrai que ce texte sur le bouclier fiscal il est récent mais en même temps cette réalité, ce contexte financier international et cette nécessité d'accompagner les gens vers le travail plutôt que vers l'assistance, pose la question effectivement d'y intégrer ce bouclier fiscal. J'avoue que la position du Nouveau centre, en l'occurrence, me paraît être une position de justice et d'équité tout en comprenant bien cette réalité et cette difficulté. Et je partage pour moi la position de F. Sauvadet sur la nécessité de faire en sorte que tout le monde participe à cet effort national.
Comment va voter le Nouveau centre sur ce projet de loi ?
Je pense que le débat parlementaire doit avoir lieu avant de parler de vote. Aujourd'hui, il y a tous ces amendements qui seront déposés par l'ensemble des groupes politiques. Je pense qu'il va y avoir un débat là-dessus et que cette question effectivement du principe de qui doit accompagner la solidarité, qui doit accompagner le retour à l'emploi, se posera. Ensuite, viendra la question du vote. Mais je crois vraiment qu'aujourd'hui, nous devons nous poser cette question dans l'intérêt général. Je m'occupe des personnes âgées et de la dépendance ; nous devons créer 400.000 emplois dans le cadre des services à la personne, parce que nous allons passer de 1 à 2 millions de personnes âgées de plus de 85 ans, c'est notre évolution démographique, il faut accompagner la dépendance. Comment faire si tous ces emplois, qui sont du temps partiel subi, ne sont pas valorisés ? Si les gens qui prennent ces emplois y perdent plutôt qu'y gagner. Où allons-nous trouver ces professionnels ?
Cela veut dire qu'il faut supprimer le bouclier fiscal alors ? Il faut être logique.
Cela veut dire qu'il faut regarder comment tout en ayant un principe de bouclier fiscal trouver des solutions quand même qui permettent d'accompagner la solidarité, il faut réfléchir. Je n'ai pas la solution aujourd'hui à vous donner. Tout ce que je sais, c'est que nous sommes vraiment sur quelque chose qui relève du principe, qui relève de comment cet effort de solidarité doit être réparti équitablement entre chacun et je crois que c'est un vrai débat. Le Parlement est là pour cela. Nous devons avancer. On construit la loi avec le Parlement, c'est un débat sein, c'est un débat serein, qui ne remet pas en cause les principes défendus par le président de la République. Simplement, notre réalité, cette crise financière, cette réalité économique et sociale, le besoin de faire en sorte que nos politiques de solidarité soient des politiques de solidarité qui encouragent à l'autonomie des personnes et non à l'assistance, eh bien nous l'accompagnons.
V. Létard, je vous écoute et je me dis : est-ce que c'est facile d'exister quand on est Nouveau centre, donc on est un peu moins libéral que les libéraux de l'UMP, est-ce qu'on trouve sa place facilement ?
En tout cas, pour ma part, le Nouveau centre c'est vraiment ma famille politique parce que je suis très attachée, aux cotés des valeurs libérales, à ce qu'il y ait une véritable sensibilité solidaire. On le voit plus que jamais, cette crise financière montre la limite d'un libéralisme effréné. On a besoin d'une politique de croissance économique, on a besoin de soutenir nos entreprises et d'avoir une liberté d'entreprendre. Mais entre un capitalisme effréné et cette nécessaire croissance économique et cet accompagnement du monde du travail, il y a une voie intermédiaire, c'est la voie de la France, c'est la voie d'une économie raisonnable et c'est la voie d'une solidarité, qui ne soit pas encore une fois une politique d'assistance, mais d'une solidarité qui permet de faire en sorte qu'il n'y ait personne sur le côté de la route, et que lorsqu'on met 1 euro dans cette politique de partage, on le fasse dans le sens d'une responsabilisation des gens. C'est vraiment la voie qu'en tout cas le Nouveau centre doit défendre. C'est la voie qui est une voie encore une fois qui doit se trouver à côté de l'UMP, à côté, qui doit être justement ce petit aiguillon social, ce petit aiguillon sur des valeurs, des valeurs qui ont toujours été portées par les centristes et des centristes qui ont fait le choix d'être dans la majorité.
Et vous sentez qu'un an après l'espèce de syndrome post présidentiel, c'est lisible pour les électeurs ? Je ne parle pas de la classe politique mais je parle des électeurs.
Je crois qu'on est, et on le voit bien, dans une période de reconstruction de l'échiquier politique. C'est vrai qu'après les élections, on va dire la sensibilité centriste a explosé entre le MoDem incarné par F. Bayrou, qui a résolument choisi d'être dans l'opposition et d'être partenaire de la gauche, et des centristes qui étaient UDF et qui sont toujours dans l'esprit UDF, mais qui ont choisi d'être dans la construction, d'être force de proposition au sein d'une majorité présidentielle. Ce qu'il faut c'est que les Français entendent et comprennent et intègrent en fait cette évolution. C'est vrai que ce cheminement mais il sera progressif. Il faut que chacun s'approprie cela. Il faut défendre cette vision. C'est ce qu'on fait, au travers par exemple de ces amendements sur le RSA. C'est ce que je ferai par exemple dans le budget de 2009, en faisant en sorte que toutes les personnes en situation de handicap qui veulent retourner travailler, qui sont dans la même situation aujourd'hui, puissent bénéficier de ce même avantage.
Un RSA Handicapé, quoi !
Adapté, parce que la politique de handicap est un peu différente. On n'est pas dans un "minima" social. Il n'empêche qu'aujourd'hui, quelqu'un qui est au handicap a l'allocation adulte handicapée, qui reprend quelques heures de travail, y perd. Nous aurons la même démarche dès le 1er janvier 2009, il y aura un intéressement qui fera que plus personne n'y perdra en allant travailler, en étant handicapé.
Un dernier mot. Vous rentrez de Pékin, je crois. Est-ce que vous avez appris des choses sur la façon dont on a géré par exemple l'organisation des handicapés pour les Jeux paralympiques. Est-ce que vous avez appris quelque chose qui pouvait être utile pour nous ?
Ce que j'ai appris, c'est qu'on avait 121 athlètes de très haut niveau. J'ai découvert qu'il n'y avait pas de différence entre les athlètes handicapés et les athlètes valides. Ils s'entraînent dans les mêmes lieux. Ils sont à l'INSEP avec les sportifs valides. Si je prends l'exemple d'un judoka qui s'appelle C. Genert (phon), il s'entraîne avec les valides à l'INSEP. Ce garçon il a un handicap, il est aveugle et sourd. Je vous mets au défi de voir la différence entre un combat dans lequel il se trouve, avec un combat de sportif valide. Cela vous change complètement le regard sur le handicap. Vous voyez surtout que vous avez affaire à des athlètes de très haut niveau, avec les mêmes exigences, c'est-à-dire une vie d'ascète, un travail extrêmement important. C'est un sacrifice de tous les instants, mais cela nécessite que par ailleurs eh bien dans ce pays on se mobilise et que tous les clubs valides s'ouvrent aux sportifs handicapés, et que le monde du handisport soit intégré au sport valide. Qu'il n'y ait pas deux mondes : un monde du sport handisport, un monde du sport valide ; qu'il y ait un vrai mélange des sportifs. Cela se passe de plus en plus mais il faut le développer, ce sera un des objectifs que nous partagerons avec B. Laporte, puisque nous étions ensemble là-bas pour travailler avec la fédération handisport à rendre plus accessible le sport sur toutes les parties du territoire aux personnes qui souhaitent le pratiquer, handicapées ou non.
Apparemment, c'est impressionnant d'aller aux Jeux olympiques.
C'est extraordinaire ! Et je peux vous dire que, encore une fois ça change complètement le regard, vous oubliez le handicap. Ce sont des gens qui sont passés au-dessus du handicap, qui se battent, qui cherchent la performance, qui sont des vrais. Ils sont dans l'excellence. Et alors là, l'esprit de l'Olympisme il était présent à tous les instants. Vous aviez des gens qui ont le dépassement de soi dont parle l'olympisme, mais il est présent à tous les instants, lorsque vous allez là-bas. Et chapeau, parce que vous avez des gens qui sont positifs, des gens qui sont tournés vers l'avenir et c'est une véritable leçon de vie.
Mme la ministre, travaillez bien. Je vous remercie.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 septembre 2008