Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur l'attractivité des métiers de l'enseignement supérieur et de la recherche, la fluidité des carrières entre les universités et les organismes de recherche, Paris le 18 septembre 2008.

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Circonstance : Rencontre avec les organisations syndicales sur les propositions des rapports de la commission Schwartz sur l'attractivité des métiers de l'enseignement supérieur et de la recherche à Paris le 18 septembre 2008

Texte intégral


Je vous remercie d'avoir tous répondu à mon invitation, car les sujets que nous allons aborder sont essentiels pour les personnels des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.
Je vous remercie aussi de vous être prêtés à l'exercice, qui n'est jamais facile, de donner aux membres de mon cabinet votre avis sur les propositions formulées par la commission Schwartz et par l'Académie des sciences, sans connaître au préalable les orientations du ministère.
Mais il me semblait fondamental, avant d'envisager une suite à ces rapports, de percevoir votre vision d'ensemble, vos attentes, mais aussi de connaître votre avis sur des mesures précises.
Nous sommes là pour en parler, tout au moins des grandes orientations stratégiques, car je ne pourrai aujourd'hui vous donner la moindre indication sur les éléments qui pourraient revêtir une incidence budgétaire, même si cela n'exclut pas bien entendu que vous les évoquiez de votre côté.
Mais auparavant, je voudrais vous donner des précisions quant au non renouvellement de certains départs à la retraite au cours de l'année 2009.
Vous savez que l'enseignement supérieur et la recherche constituent des priorités pour le gouvernement, et c'est pour cela que nous ne sommes pas soumis à la même règle que les autres ministères.
Pour autant, il est quand même difficile d'expliquer que nous ne puissions effectuer un effort minimal de solidarité.
Alors, ce ne seront pas un départ à la retraite sur deux, mais un départ à la retraite sur six qui ne seront pas remplacés, ce qui représente 900 emplois sur 150 000 environ.
Je souhaite que la répartition soit effectuée de manière équilibrée entre les organismes de recherche et les universités, tout en tenant compte de l'accession prochaine de ces dernières à de nouvelles compétences.
C'est pourquoi, 450 départs à la retraite ne seront pas renouvelés dans les organismes et 450 dans les universités.
Et puis, comme je sais à quel point vous êtes attachés à la distinction entre emploi statutaire et emploi contractuel, je vous apporterai des précisions complémentaires :
Non seulement le non renouvellement des départs à la retraite ne concernera qu'un emploi sur six, mais aussi, la moitié de ceux-ci ne sera pas des emplois statutaires.
Le résultat arithmétique est donc simple : un emploi statutaire sur 12 seulement ne sera pas remplacé dans l'ensemble des emplois devenus vacants par départ à la retraite, dans les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche.
Nous allons en effet, d'une part mieux gérer les crédits dévolus aux allocataires de recherche, car il s'avère que prés de 4% des allocations ne sont pas pourvues. Cette situation implique que les crédits ne soient pas consommés ni les supports utilisés. Sur 12 000 allocations, le non renouvellement de 225 d'entre elles ne devrait donc pas avoir d'incidence sensible.
D'autre part, je propose aux organismes de recherche de ne pas pourvoir 225 supports vacants correspondants aux post-doctorats. En effet, ce dispositif ministériel avait été créé pour soutenir la pratique de la recherche des docteurs à une époque où l'agence nationale de la recherche n'existait pas. Aujourd'hui, l'ANR pourvoit à ce besoin et le dispositif des post-docs ministériels a perdu beaucoup de son sens. En outre, j'ai entendu certains d'entre vous le critiquer.
Au final, ce seront 225 départs à la retraite qui ne seront pas renouvelés dans les établissements d'enseignement supérieur et 225 dans les organismes de recherche.
Dans ce cadre général, je n'ai pas choisi de faire des prescriptions aux universités ou aux organismes.
En effet, j'ai aussi veillé à ce que les exigences budgétaires se limitent aux emplois qui ont le coût le plus bas. Il appartiendra à chaque établissement sur la base de son potentiel et de ses besoins, de proposer la solution qui lui conviendra le mieux. Ces restitutions ne concerneront donc pas les emplois d'enseignants-chercheurs, sauf si l'université en décidait autrement, parce qu'elle dispose aujourd'hui d'emplois d'enseignants-chercheurs vacants.
Enfin, l'équivalent financier des emplois non remplacés bénéficiera dans sa totalité aux personnels, dans le cadre des mesures qui leur seront destinées dans le budget 2009 et de requalifications d'emplois.
Je tenais à ce que vous disposiez de ce niveau d'information en préambule, d'autant que si tous les éléments sont replacés en perspective, il apparaît que, de 1999 à 2008, les effectifs étudiants ont augmenté de 1%, alors que les moyens dédiés à l'enseignement supérieur ont évolué de 35% et les emplois de personnels titulaires de 9%.
Mais je voudrais maintenant revenir au sujet principal de notre réunion, aux rapports de la commission SCHWARTZ et de l'Académie des Sciences.
Vous avez été reçus et avez adressé des contributions à l'une et à l'autre, même si je sais que les modes de fonctionnement ont été différents entre ces deux instances, comme l'étaient d'ailleurs leurs rôles et positionnements respectifs.
J'ai ainsi souhaité consacrer cette semaine un temps d'échange avec le président et le secrétaire perpétuel de l'Académie et avec les membres de la commission présidée par Rémy Schwartz, car j'accorde une grande importance aux analyses que vous avez pu faire de leurs rapports respectifs, et il me semblait légitime de les partager avec leurs auteurs.
Je serai délibérément synthétique, mais en quelques mots, je crois pouvoir dire qu'un large consensus se dégage en faveur de mesures visant à améliorer les conditions de recrutement et la charge d'enseignement des jeunes maîtres de conférences et à accélérer le déroulement de carrière de l'ensemble des personnels.
Les avis sur la politique indemnitaire apparaissent plus mitigés, certains considérant que les leviers indemnitaires sont utiles en complément de la rémunération, d'autres réfutant la dimension d'individualisation qui lui est pour partie liée.
Dans ce cadre, si vous le voulez bien, je vous propose que nos échanges se concentrent particulièrement sur trois thèmes :
- La mise en oeuvre de la modulation de services chez les enseignants-chercheurs,
- La fluidité des carrières entre les universités et les organismes de recherche,
- L'adaptation de la gestion des corps à l'évolution des modes de fonctionnement et de la réglementation.
Pour ce qui me concerne, je voudrais insister sur un certain nombre de points :
La modulation de services des enseignants-chercheurs n'est pas un outil de gestion.
Il s'agit en premier lieu de reconnaître et de tenir compte de toutes les facettes d'un métier, en contrepoint de la pratique actuelle, qui ignore trop souvent l'importance de la mission d'enseignement.
Il s'agit de permettre en fonction des aspirations, du moment de la carrière lors de laquelle elle intervient et naturellement aussi, des besoins de l'institution, à chaque enseignant-chercheur d'organiser son activité de manière différenciée.
La modulation de service constitue un des moyens de permettre aux jeunes maîtres de conférences de ne pas être submergés par la préparation des cours mais de se consacrer plus particulièrement à l'essor de leur recherche tout en conservant une charge d'enseignement raisonnable qui la soutienne au lieu de la desservir.
Mais la modulation de service ne peut être organisée de manière justifiée et transparente que si les décisions sont prises sur la base d'une évaluation elle aussi transparente, collégiale et acceptée par la communauté.
Le thème de l'évaluation devrait à mon sens conjuguer, traverser, une partie de nos réflexions de l'après-midi, car de la qualité de l'évaluation dépend la mise en oeuvre de la modulation des services, mais aussi de l'accélération du déroulement de carrières ou de la politique indemnitaire.
Je souhaiterais ainsi que nous abordions ensemble :
- le rôle des instances comme le conseil national des universités ou le comité national du CNRS par exemple ;
- la proposition émanant de l'Académie des sciences d'une instance d'évaluation extérieure aux établissements, faisant appel pour une grande part à des experts étrangers ;
- l'intérêt de réaliser une évaluation récurrente, tous les quatre ans, de l'activité scientifique ;
- la nature et le niveau auquel doit intervenir l'évaluation de la mission d'enseignement ou des responsabilités administratives ;
- la proposition, formulée par la Commission Schwartz, d'un dossier unique qui regroupe tous ces éléments ;
- les modalités d'évaluation des personnels BIATOS, dans le respect d'un statut national et d'une gestion éventuellement déconcentré, voire décentralisée.
L'évaluation est aussi une des conditions du développement de la fluidité des carrières entre les universités et les organismes de recherche.
Je crois fermement aux échanges croisés, à un partenariat équilibré, à la reconnaissance des compétences, qui permettront à des enseignants-chercheurs de se consacrer majoritairement à l'activité scientifique et à des chercheurs de s'impliquer dans l'enseignement.
J'espère que nous pourrons envisager ensemble les leviers les plus efficaces qui puissent contribuer à l'atteinte de ces objectifs.
Enfin, j'ai été troublée par un constat :
Personne ne remet en cause la gestion des ressources humaines dans les organismes de recherche qui s'inscrit dans le cadre d'un statut national et d'une gestion d'établissement, alors que la déconcentration de décisions au niveau d'une université semble inspirer une réserve, si ce n'est une opposition certaine.
Je sais bien que les organismes de recherche sont des établissements nationaux et que les universités ont un périmètre plus réduit.
Pour autant, le périmètre des universités les plus importantes n'est pas si éloigné de certains de nos organismes de recherche.
Pour autant, toutes les décisions que les universités seront amenées à prendre le seront nécessairement de manière collégiale, avec l'avis d'une instance dans lesquelles les organisations syndicales siègent, comme le comité technique paritaire.
Alors, peut être devons nous penser à boucler la boucle et à revenir à la problématique de l'évaluation qui seule peut permettre de répondre à des interrogations de cet ordre, à instaurer la confiance dont doivent bénéficier des établissements autonomes et responsables.
Evaluation des personnes mais aussi évaluation de la politique menée par chaque établissement, conformément aux préconisations de la loi du 10 août.
Je m'engage à ce que le ministère porte une très grande attention à ces aspects lors de la négociation contractuelle, aux critères retenus pour organiser la modulation de service, élaborer une politique indemnitaire, définir les modalités de promotion..., comme aux résultats de cette politique, y compris en ce qui concerne la lutte contre les effets néfastes que peut avoir le localisme.
J'évoquais tout à l'heure l'importance d'aborder ensemble de grandes orientations, vous l'aurez compris, les miennes sont :
Dans le cadre et le respect d'un statut national de la fonction publique d'Etat et des évolutions portées par le ministère de la fonction publique, envisager les moyens d'adapter nos modes de fonctionnement afin d'aboutir à une gestion plus transparente, et à une fluidité plus grande entre les missions et les établissements.
J'ajoute que ces objectifs sont sous-tendus par celui de renforcer l'attractivité des métiers et des carrières pour l'ensemble des personnels, enseignants, enseignants-chercheurs, personnels BIATOS, ITA.
Je crois que ce sont des objectifs que nous partageons, en tout cas, nous sommes réunis cet après-midi pour en parler sans exclusive et en reparler dans les mois qui viennent.
En effet, des rapports et des propositions ont été élaborées, vous portez vous aussi des orientations et des propositions, certaines d'entre elles ont une incidence financière, d'autres des incidences statutaires, d'autres encore ne relèvent peut être que de l'amélioration des pratiques et des fonctionnements.
Nous aurons ainsi l'occasion d'en envisager les modalités, mais dans cette attente, je suis très intéressée par vos réactions sur les propositions formulées par la Commission Schwartz et par l'Académie des sciences, si vous voulez bien en les regroupant par grands thèmes.
Je suis toute à votre écoute.
Source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 23 septembre 2008