Point de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur l'application de sanctions contre l'Iran en raison de la poursuite de son programme nucléaire controversé, la protection des populations au Tchad et au Soudan et des victimes de la région du Darfour, la mise en oeuvre de l'accord euro-russe sur la Géorgie, New York le 24 septembre 2008.

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Circonstance : Point de presse de Bernard Kouchner au Conseil de sécurité de l'ONU le 24 septembre 2008 à New York

Texte intégral

D'abord, sur le Moyen-Orient. J'ai perçu quelques petits progrès entre Naplouse et Jenin, en Palestine, et également en Israël où Mme Tzipi Livni essaye de former un gouvernement.
J'espère que les choses vont dans la bonne direction. Vous savez, c'est toujours pareil : nous sommes alternativement pessimistes et optimistes. Mais je pense que les choses sont effectivement en train de bouger un peu.
Je suis satisfait d'avoir rencontré nos amis palestiniens et d'avoir partagé ce léger optimisme avec les vingt-sept pays de l'Union européenne.
A propos de l'Iran, vous le savez, les Russes ne souhaitent pas qu'il y ait une rencontre E3+3. Je crois que la situation en Iran - et singulièrement après avoir lu le rapport de l'Agence internationale de l'Energie atomique - est suffisamment importante, grave et sérieuse pour que l'on poursuive nos travaux sur ce sujet.
Par conséquent, même si la délégation russe ne souhaite pas participer cette semaine à une réunion des ministres des Affaires étrangères, les directeurs politiques vont se réunir et nous allons continuer, avec beaucoup de ténacité, à faire face à cette situation extrêmement inquiétante.
Q - Quand la rencontre des directeurs politiques est-elle prévue ?
R - Je ne sais pas exactement mais certainement dans les prochains jours, il y aura une réunion des directeurs politiques, avant la prochaine rencontre des ministres des Affaires étrangères. Nous sommes tous prêts à nous réunir, quel que soit l'endroit. Pourquoi pas à Paris ?
A propos du Tchad, nous avons eu une réunion du Conseil de sécurité sur le suivi de la résolution 1778 concernant l'EUFOR et la protection des populations. Il n'y a pas de problème à l'Ouest du Soudan et sur la frontière tchado-soudanaise. En revanche, à l'Est, le déploiement de la force hybride n'est pas suffisant. Nous voulons protéger les personnes déplacées au Tchad et de l'autre côté de la frontière, ce qui n'a pas été possible jusqu'à présent. Nous demandons le déploiement de la MINURCAT et, bien sûr, la poursuite des efforts. Nous avons plus de 3.300 soldats, très mobiles, sur le terrain. Demandez à la population et lisez le rapport publié récemment par la célèbre ONG britannique OXFAM.
Nous sommes capables - mais pas assez - de protéger la population civile, les personnes déplacées mais, en même temps, nous avons besoin d'une véritable protection et d'une sécurisation pour les victimes de la région du Darfour.
Q - Hier, les représentants des pays membres de l'ONU ont écouté le président iranien prononcer un discours incitant à la violence. Notre président, le président israélien a dénoncé ce discours mais il est, semble-t-il, le seul à l'avoir fait. Avez-vous un commentaire à ce sujet ?
R - Pour ma part, je regrette, je dénonce et je condamne les termes de ce discours et les mots utilisés par le président Ahmadinejad, en particulier les paroles antisémites. Que puis-je faire de plus ?
C'est aussi la raison pour laquelle il est si nécessaire de suivre le problème iranien que j'ai évoqué. Nous devons réagir car le dernier rapport de l'AIEA fait était d'une très dangereuse situation.
Q - Que voulez-vous dire exactement avec cette formule "nous devons réagir" ? Etes-vous en train de tirer la sonnette d'alarme ?
R - Nous sommes les témoins d'un danger.
Q - Il semble que les sanctions des Nations unies ne soient pas suffisamment fortes. Les Européens ont-ils une alternative aux sanctions de l'ONU ?
R - C'est votre opinion mais ce n'est pas la mienne. Nous devons poursuivre nos efforts, non seulement à travers une résolution du Conseil de sécurité, mais aussi, sans doute, au niveau national.
Cependant, le problème des sanctions au niveau national est toujours le même : les pays qui appliquent des sanctions à leur niveau ne sont pas toujours d'accords avec les autres. Mais nous continuerons, en raison de l'importance du danger venant de l'Iran.
Q - Avec la guerre en Géorgie, l'irritation de la Russie a étouffé d'autres débats tels que l'Afghanistan ou le Myanmar. Maintenant, la Russie refuse de participer à une autre réunion cette semaine. Selon vous, que se cache-il derrière cette attitude ?
R - Laissez-moi d'abord vous dire que la situation au Burma est complètement différente de celle de la Géorgie où les Russes sont directement impliqués.
Hier, l'Union européenne, les 27 Etats membres, ont rencontré Sergueï Lavrov. Cette rencontre a été très positive dans le sens où nous avons souligné l'importance de la mise en oeuvre de l'accord Union européenne-Russie sur la Géorgie.
La prochaine étape est très importante car l'Union européenne va déployer, avant le 1er octobre, plus de 200 observateurs : ce déploiement a été accepté par toutes les parties. A partir de là, les troupes russes auront huit jours pour se retirer des zones adjacentes à l'Ossétie du Sud et à l'Abkhazie. Ensuite, nous verrons, étape par étape. Nous avons eu, hier, une réunion de médiation au Conseil de sécurité. La médiation ne peut pas être abordée de façon scientifique mais de façon politique ; il faut donc avancer pas à pas.
Nous avons été capables, et c'est très important, de stopper la guerre, de faire accepter un cessez-le-feu par les deux parties, puis un retrait des troupes. Une réunion, au niveau des experts, est prévue le 15 octobre prochain : voilà notre calendrier. N'insistez pas trop, nous faisons ce que nous sommes capables de faire. C'est l'Union européenne qui agit et laissez-moi vous dire que l'importance politique de l'Union européenne est une réalité, une nouvelle réalité politique sur la scène internationale.
Q - Pourquoi ?
R - Parce vous n'êtes pas capables de les arrêter vous-mêmes.
J'ajouterai un mot - car je viens de rencontrer M. Ocampo, le procureur, et que j'ai apprécié notre conversation - pour vous rappeler que nous soutenons fortement la justice internationale.
Q - Monsieur le Ministre, vous démentez là votre président qui a dit hier qu'à certaines conditions, si le président Béchir coopère avec la Cour, vous serez en faveur de l'article 16 ?
R - Vous êtes sûr que vous avez entendu cela ? Combien de chances vous nous donnez ? Pas beaucoup...source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2008