Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Merci d'être avec nous. Est-ce que le capitalisme est devenu fou ? Voilà l'Etat américain qui se propose de verser 700 milliards de dollars - ce n'est pas rien, c'est le PIB de l'Espagne pratiquement -, 700 milliards de dollars pour effacer le créances douteuses des banques américaines ! Cela veut dire que l'Etat va payer, ça veut dire que le contribuable américain va payer pour les erreurs des banquiers ?
Vous avez raison, c'est un énorme bouleversement qui affecte le capitalisme américain, et en particulier le monde de la finance. C'est plus que ça, vous savez c'est plus que 700 milliards, puisqu'il y a eu d'autres sauvetages avant.
Ça fait plus de 1.000 milliards !
On est à peu près à 1.000 milliards, enfin les Américains en sont à peu près à 1.000 milliards de sauvetage, puisqu'ils ont sauvé AIG, qui était la plus grande compagnie d'assurance américaine, à laquelle ils ont prêté, alors que d'habitude ce sont les assureurs qui prêtent plutôt, donc ils ont prêté aux assureurs ; là un plan de sauvetage de 700 milliards de dollars pour mettre... Vous voulez que j'explique en deux minutes ?
Allez-y !
En gros, aujourd'hui, on a des banques qui ont des tas de produits, des banques américaines qui ont des produits toxiques dans leur bilan et dont personne ne veut. Résultat : le système est grippé et ces banques n'arrivent pas à se refinancer. Donc, c'est un peu comme si vous étiez... Enfin, l'économie américaine aujourd'hui est dans la situation où vous seriez, si vous voulez faire des achats, utiliser votre carte de crédit pour prendre de l'argent, et ça ne fonctionne pas parce que, aujourd'hui, le système est grippé, personne ne prête à personne parce que tout le monde se méfie de ce qui est dans les bilans. Donc ce que fait aujourd'hui le gouvernement américain, il dit, « sortons tous les actifs toxiques qui bloquent le système, qui font cet espèce de thrombose de la finance actuellement, mettons-les de côté dans une espèce de structure d'entrepôt, et permettons au système de marcher ». Voilà ce que propose le plan de sauvetage américain.
Oui, mais les Américains qui nous demandent aussi de les aider, j'ai vu ça.
Les Américains demandent la chose suivante, ils demandent que les autres pays prennent des mesures là où c'est opportun. Nous, nous n'avons pas décidé de prendre de mesures, autre que celle qui consiste à interdire ce qu'on appelle "les ventes à découvert", et c'est une pratique qui consiste, pour un opérateur boursier, à vendre ce qu'il n'a pas encore acheté, c'est-à-dire qu'il vend à un prix élevé ce qu'il pense acheter plus tard à un prix plus bas. C'est de la spéculation à la baisse. Donc, ça, nous l'avons interdit. L'Autorité des marchés financiers, vendredi soir, a interdit cette pratique et ça me paraît une bonne mesure.
O. Besancenot, évidemment, se régale... Il dit, « la facture c'est pour la majorité et les profits pour quelques-uns ».
Il a sa vision du monde qui n'a rien à voir avec l'économie dans laquelle nous fonctionnons, la société dans laquelle nous fonctionnons, mais c'est vrai qu'on assiste à un bouleversement au niveau du fonctionnement des marchés financiers.
J. Attali, lui, dit, de son côté, que les banques françaises, certaines, peuvent être touchées. Est-ce que vous dites non ?
Je dis que toutes les banques au monde sont nécessairement affectées parce que ces produits toxiques circulaient sur la planète. Ce que je dis aussi, c'est que les banques françaises sont beaucoup plus solides que les banques américaines, évidemment, et que d'autres banques...
Oui, mais certaines peuvent être touchées
Oui, mais je voudrais d'abord vous dire pourquoi...
Allez-y !
...Elles ne sont pas en danger et pourquoi elles sont solides. Parce que les banques américaines qui sont touchées et dont on entend parler tous les jours, ce sont des banques d'affaires, des banques d'investissement, de marché, pas des banques de dépôt. Si vous voulez ouvrir un compte chez Goldman Sachs ou si vous vouliez le faire chez Lehman Brothers, non, on vous disait non ; ce ne sont pas des banques de dépôt. Nos banques en France, elles sont banques de dépôt et elles sont accessoirement banques d'affaires. Mais elles sont accessoirement banques d'affaires parce que c'est 25 % de leur activité, 75 % de leur activité, c'est de la banque de dépôt. Donc, ça leur donne une solidité parce que tout simplement elles ont un modèle diversifié et que quand il y a un petit secteur de 25 % qui va mal, le secteur de 75 % équilibre.
Donc, vous dites "non", aucune banque française ne peut être réellement et durablement et durement touchée ?
Elles ont subi des pertes, je ne le cache pas, elles ont subi à peu près 20 milliards de pertes pour l'ensemble de l'année de crise qu'on vient de passer. Et la faillite de Lehman Brothers, enfin le redressement judiciaire si vous préférez, leur a coûté 1,5 milliard. Donc, on sait très bien où sont les pertes, de combien elles sont, et ça les a entraîné, pour certaines, à recapitaliser. Vous vous souvenez que la Société Générale a augmenté son capital, que le Crédit Agricole a augmenté son capital, et donc elles ont des actifs largement suffisants, compte tenu de la taille de leur bilan.
Donc, pas d'inquiétude, c'est ce que vous dites, c'est le message clair, ce matin ?
Je dis qu'elles ont toutes été affectées, comme toutes les banques du monde, mais il n'y a pas d'inquiétude à avoir sur la solidité des banques françaises.
Ni pour Natixis ni pour Dexia ?
Je vous décris la situation du système bancaire. Il est solide parce qu'il est beaucoup plus diversifié et bien mieux équilibré que le système américain.
Parlons des crédits, parce que là, tout le monde est concerné, tout monte, vous l'avez vu, et évidemment les banques pensent à leurs marges, et c'est compréhensible. Alors, que se passe-t-il ? Eh bien, les crédits sont rares, la consommation évidemment ralentit et l'économie aussi ralentit. Que faire ?
Alors, on a engagé des actions dans deux directions. Première direction : les entreprises ; deuxième direction : les ménages. Pour les entreprises, moi, mon souci premier, c'est que les petites et moyennes entreprises en particulier puissent avoir accès au financement parce que ce sont...
"Il faut créer une banque pour les PME", c'est ce que dit S. Royal. Vous avez vu ça ?
Vous savez, elle n'a rien inventé parce qu'elle existe. Elle existe depuis longtemps, elle s'appelle OSEO, elle a toute son activité et toute sa stratégie au service des PME, donc elle existe, et elle mobilise des sommes très importantes au service des PME. Mais, moi, j'ai souhaité qu'on aille plus loin parce qu'il faut absolument que les banques aient accès à de la ressource spécialement dédiée aux PME. Et avec l'ensemble des pays européens, le week-end dernier, on décidé, enfin on a demandé à la Banque européenne d'investissement d'affecter une ligne de crédit spécifique aux PME qui sera sur trois ans de 30 milliards d'euros, avec 15 milliards d'euros tout de suite. Le conseil d'administration de la BEI se tient cette semaine ; j'ai bon espoir qu'ils approuvent ce processus et surtout qu'ils disent que les banques auront accès à ce financement-là, à condition, un, que ce soit strictement pour les petites et moyennes entreprises et deux, que ce soit simple, parce qu'il ne faut pas à nouveau qu'on tombe sur un mécanisme terriblement compliqué qui rebuterait les PME. Donc, ça, c'est pour les PME.
Donc on aide les PME. Et les citoyens ?
En ce qui concerne les ménages, il a deux choses. Premièrement, en ce qui concerne l'immobilier. Dans tout ce qui se passe il y a bonnes nouvelles/mauvaises nouvelles, d'une certaine manière pour les ménages, la bonne nouvelle c'est que l'immobilier cesse d'augmenter dans des proportions très fortes. Il a augmenté régulièrement de 10 % au cours des dernières années.
Oui, encore faut-il avoir un crédit pour acheter...
Oui, mais attendez, j'y viens. D'abord, les prix baissent un peu.
Bon, d'accord, ça c'est vrai.
Et, pour ceux qui veulent acquérir, en tout cas, c'est plutôt une bonne nouvelle. Deuxièmement, on avait fait voter, et vous vous en souviendrez, une loi qu'on a appelé la loi "travail, emploi, pouvoir d'achat", et qui prévoyait en particulier que lorsque un ménage voulait acheter une maison, un appartement, sa résidence principale, eh bien il bénéficiait d'un crédit d'impôt sur ses intérêts d'emprunt. Ce crédit d'impôt, ça peut représenter à peu près 0,8 de taux, c'est-à-dire que le fait de pouvoir obtenir un crédit d'impôt sur l'ensemble des intérêts versés à la banque, ça diminue le taux du crédit de 0,8 %. Donc c'est une mesure qui vient à point nommé. Elle a été critiquée, les socialistes l'ont déferrée au Conseil constitutionnel pour qu'elle soit cassée. Heureusement, il en reste quelque chose et j'espère que sur le plan de l'acquisition de résidence principale, ça va donner un petit coup de pouce à ceux qui voudraient le faire.
Oui, encore faut-il obtenir, encore une fois, un prêt. Alors, qu'est-ce que vous dites aux banques ? Qu'est-ce que vous dites aux banques ce matin ?
Ce que je leur dis c'est de continuer à avoir une pratique prudente mais évidemment ne de pas exclure ceux qui sont éligibles au crédit. Je vous explique : la différence entre ce qui s'est passé aux Etats-Unis et le fait que chez nous ça fonctionne, c'est qu'aux Etats-Unis, justement, les banques prêtaient à des gens qui ne pouvaient pas rembourser, et ils le savaient, et c'est pour ça que ça a entraîné une espèce de complète faillite du système. Alors qu'en France, on le sait, les banques ne souhaitent pas que les remboursements excèdent 30 % du revenu et en général elles demandent un apport personnel de 20 %. Alors, les règles s'étaient un peu détendues ces derniers temps, les banques reviennent à ces deux paramètres : un, les remboursements n'excéderont pas 30 % du revenu ; deux apport personnel de 20 %. Alors, c'est vrai que c'est frustrant....
...Contraignant.
...Pour ceux qui veulent acquérir un logement et qui voudraient que le logement soit un peu mieux, un peu plus grand, avec une pièce de plus, et que le remboursement dès lors soit de 40 % du revenu, mais c'est aussi une pratique de salubrité. Si on veut un système bancaire qui tienne, si on veut que la confiance règne, il faut aussi s'appliquer des règles.
Les crédits à la consommation : vous en avez parlé hier sur Europe 1, et vous avez dit « je vais faire des propositions pour éviter les difficultés aux ménages surendettés ». Quelles sont ces propositions ? Alors, moi, j'en vois plusieurs : étaler les remboursements dans le temps - c'est ça ? -, mettre en place un fichier positif, par exemple,
Ce sont tous les axes de réflexion actuelle.
Mettre en place un fichier positif, ça serait efficace, non ?
Vous savez, il faut tout à la fois...
C'est quoi le fichier positif ? Je voudrais expliquer aux auditeurs, C. Lagarde...
Le fichier positif, c'est celui qui permet à des banques immédiatement de vérifier si la personne à laquelle ils font du crédit à la consommation fait l'objet de procédure, a déjà d'autres crédits et se trouve en bonne ou en mauvaise situation.
Bonne idée ou mauvaise ?
Il faut arbitrer entre...
...Bonne idée ou mauvaise, C. Lagarde ?
Je ne vais pas trancher parce que j'attends d'avoir l'avis du Conseil supérieur du crédit.
Mais est-ce l'une des pistes suivies ?
C'est une des pistes examinées, oui. Et je crois qu'on a intérêt à deux choses, d'une part trancher la question de principe et surtout vérifier ce qui se fait à l'étranger. Il y a des pays, par exemple, comme la Belgique, qui pratiquent le fichier positif depuis longtemps. Bon, il faut tirer parti de leur expérience et se dire « est-ce que pour nous, ça vaut aussi ? ». Vous savez, il y a deux courants de pensée. Il y un courant de pensée consistant à dire "il faut mettre en place le fichier positif, c'est aux banques de faire la vérification et de dire oui ou non vous pouvez bénéficier ou vous êtes au-delà de votre endettement maximum". Et puis, il y a un autre courant de pensée qui dit que chaque français est responsable, il est libre, il est indépendant, c'est à lui de faire le calcul de ses remboursements et de déterminer s'il peut ou non prendre un prêt supplémentaire pour le canapé qu'il a envie de changer ou pour tel ou tel produit. Moi, je suis assez partagée entre les deux. J'attends vraiment de voir sur le terrain...
Décision quand ?
Ecoutez, j'attends l'avis du Conseil supérieur de crédit parce que je veux avoir leur sentiment, je veux avoir l'avis des consommateurs. Donc je suis dans une phase de consultation et dès qu'on aura terminé cette phase-là...
...Avant la fin de l'année ?
Oui, avant la fin de l'année. Mais surtout, vous savez ce que je veux ? C'est que les organismes de crédits à la consommation, qui aujourd'hui ont plutôt moins d'activité, n'aillent pas dans des politiques extraordinairement agressives vis-à-vis de ménages qui sont fragiles, voilà.
Oui, donc, on les limitera aussi au niveau de la publicité ou on leur dira de faire attention ?
On va voir, on va voir, ce sont les questions de principe qui d'abord m'intéressent.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 septembre 2008
Vous avez raison, c'est un énorme bouleversement qui affecte le capitalisme américain, et en particulier le monde de la finance. C'est plus que ça, vous savez c'est plus que 700 milliards, puisqu'il y a eu d'autres sauvetages avant.
Ça fait plus de 1.000 milliards !
On est à peu près à 1.000 milliards, enfin les Américains en sont à peu près à 1.000 milliards de sauvetage, puisqu'ils ont sauvé AIG, qui était la plus grande compagnie d'assurance américaine, à laquelle ils ont prêté, alors que d'habitude ce sont les assureurs qui prêtent plutôt, donc ils ont prêté aux assureurs ; là un plan de sauvetage de 700 milliards de dollars pour mettre... Vous voulez que j'explique en deux minutes ?
Allez-y !
En gros, aujourd'hui, on a des banques qui ont des tas de produits, des banques américaines qui ont des produits toxiques dans leur bilan et dont personne ne veut. Résultat : le système est grippé et ces banques n'arrivent pas à se refinancer. Donc, c'est un peu comme si vous étiez... Enfin, l'économie américaine aujourd'hui est dans la situation où vous seriez, si vous voulez faire des achats, utiliser votre carte de crédit pour prendre de l'argent, et ça ne fonctionne pas parce que, aujourd'hui, le système est grippé, personne ne prête à personne parce que tout le monde se méfie de ce qui est dans les bilans. Donc ce que fait aujourd'hui le gouvernement américain, il dit, « sortons tous les actifs toxiques qui bloquent le système, qui font cet espèce de thrombose de la finance actuellement, mettons-les de côté dans une espèce de structure d'entrepôt, et permettons au système de marcher ». Voilà ce que propose le plan de sauvetage américain.
Oui, mais les Américains qui nous demandent aussi de les aider, j'ai vu ça.
Les Américains demandent la chose suivante, ils demandent que les autres pays prennent des mesures là où c'est opportun. Nous, nous n'avons pas décidé de prendre de mesures, autre que celle qui consiste à interdire ce qu'on appelle "les ventes à découvert", et c'est une pratique qui consiste, pour un opérateur boursier, à vendre ce qu'il n'a pas encore acheté, c'est-à-dire qu'il vend à un prix élevé ce qu'il pense acheter plus tard à un prix plus bas. C'est de la spéculation à la baisse. Donc, ça, nous l'avons interdit. L'Autorité des marchés financiers, vendredi soir, a interdit cette pratique et ça me paraît une bonne mesure.
O. Besancenot, évidemment, se régale... Il dit, « la facture c'est pour la majorité et les profits pour quelques-uns ».
Il a sa vision du monde qui n'a rien à voir avec l'économie dans laquelle nous fonctionnons, la société dans laquelle nous fonctionnons, mais c'est vrai qu'on assiste à un bouleversement au niveau du fonctionnement des marchés financiers.
J. Attali, lui, dit, de son côté, que les banques françaises, certaines, peuvent être touchées. Est-ce que vous dites non ?
Je dis que toutes les banques au monde sont nécessairement affectées parce que ces produits toxiques circulaient sur la planète. Ce que je dis aussi, c'est que les banques françaises sont beaucoup plus solides que les banques américaines, évidemment, et que d'autres banques...
Oui, mais certaines peuvent être touchées
Oui, mais je voudrais d'abord vous dire pourquoi...
Allez-y !
...Elles ne sont pas en danger et pourquoi elles sont solides. Parce que les banques américaines qui sont touchées et dont on entend parler tous les jours, ce sont des banques d'affaires, des banques d'investissement, de marché, pas des banques de dépôt. Si vous voulez ouvrir un compte chez Goldman Sachs ou si vous vouliez le faire chez Lehman Brothers, non, on vous disait non ; ce ne sont pas des banques de dépôt. Nos banques en France, elles sont banques de dépôt et elles sont accessoirement banques d'affaires. Mais elles sont accessoirement banques d'affaires parce que c'est 25 % de leur activité, 75 % de leur activité, c'est de la banque de dépôt. Donc, ça leur donne une solidité parce que tout simplement elles ont un modèle diversifié et que quand il y a un petit secteur de 25 % qui va mal, le secteur de 75 % équilibre.
Donc, vous dites "non", aucune banque française ne peut être réellement et durablement et durement touchée ?
Elles ont subi des pertes, je ne le cache pas, elles ont subi à peu près 20 milliards de pertes pour l'ensemble de l'année de crise qu'on vient de passer. Et la faillite de Lehman Brothers, enfin le redressement judiciaire si vous préférez, leur a coûté 1,5 milliard. Donc, on sait très bien où sont les pertes, de combien elles sont, et ça les a entraîné, pour certaines, à recapitaliser. Vous vous souvenez que la Société Générale a augmenté son capital, que le Crédit Agricole a augmenté son capital, et donc elles ont des actifs largement suffisants, compte tenu de la taille de leur bilan.
Donc, pas d'inquiétude, c'est ce que vous dites, c'est le message clair, ce matin ?
Je dis qu'elles ont toutes été affectées, comme toutes les banques du monde, mais il n'y a pas d'inquiétude à avoir sur la solidité des banques françaises.
Ni pour Natixis ni pour Dexia ?
Je vous décris la situation du système bancaire. Il est solide parce qu'il est beaucoup plus diversifié et bien mieux équilibré que le système américain.
Parlons des crédits, parce que là, tout le monde est concerné, tout monte, vous l'avez vu, et évidemment les banques pensent à leurs marges, et c'est compréhensible. Alors, que se passe-t-il ? Eh bien, les crédits sont rares, la consommation évidemment ralentit et l'économie aussi ralentit. Que faire ?
Alors, on a engagé des actions dans deux directions. Première direction : les entreprises ; deuxième direction : les ménages. Pour les entreprises, moi, mon souci premier, c'est que les petites et moyennes entreprises en particulier puissent avoir accès au financement parce que ce sont...
"Il faut créer une banque pour les PME", c'est ce que dit S. Royal. Vous avez vu ça ?
Vous savez, elle n'a rien inventé parce qu'elle existe. Elle existe depuis longtemps, elle s'appelle OSEO, elle a toute son activité et toute sa stratégie au service des PME, donc elle existe, et elle mobilise des sommes très importantes au service des PME. Mais, moi, j'ai souhaité qu'on aille plus loin parce qu'il faut absolument que les banques aient accès à de la ressource spécialement dédiée aux PME. Et avec l'ensemble des pays européens, le week-end dernier, on décidé, enfin on a demandé à la Banque européenne d'investissement d'affecter une ligne de crédit spécifique aux PME qui sera sur trois ans de 30 milliards d'euros, avec 15 milliards d'euros tout de suite. Le conseil d'administration de la BEI se tient cette semaine ; j'ai bon espoir qu'ils approuvent ce processus et surtout qu'ils disent que les banques auront accès à ce financement-là, à condition, un, que ce soit strictement pour les petites et moyennes entreprises et deux, que ce soit simple, parce qu'il ne faut pas à nouveau qu'on tombe sur un mécanisme terriblement compliqué qui rebuterait les PME. Donc, ça, c'est pour les PME.
Donc on aide les PME. Et les citoyens ?
En ce qui concerne les ménages, il a deux choses. Premièrement, en ce qui concerne l'immobilier. Dans tout ce qui se passe il y a bonnes nouvelles/mauvaises nouvelles, d'une certaine manière pour les ménages, la bonne nouvelle c'est que l'immobilier cesse d'augmenter dans des proportions très fortes. Il a augmenté régulièrement de 10 % au cours des dernières années.
Oui, encore faut-il avoir un crédit pour acheter...
Oui, mais attendez, j'y viens. D'abord, les prix baissent un peu.
Bon, d'accord, ça c'est vrai.
Et, pour ceux qui veulent acquérir, en tout cas, c'est plutôt une bonne nouvelle. Deuxièmement, on avait fait voter, et vous vous en souviendrez, une loi qu'on a appelé la loi "travail, emploi, pouvoir d'achat", et qui prévoyait en particulier que lorsque un ménage voulait acheter une maison, un appartement, sa résidence principale, eh bien il bénéficiait d'un crédit d'impôt sur ses intérêts d'emprunt. Ce crédit d'impôt, ça peut représenter à peu près 0,8 de taux, c'est-à-dire que le fait de pouvoir obtenir un crédit d'impôt sur l'ensemble des intérêts versés à la banque, ça diminue le taux du crédit de 0,8 %. Donc c'est une mesure qui vient à point nommé. Elle a été critiquée, les socialistes l'ont déferrée au Conseil constitutionnel pour qu'elle soit cassée. Heureusement, il en reste quelque chose et j'espère que sur le plan de l'acquisition de résidence principale, ça va donner un petit coup de pouce à ceux qui voudraient le faire.
Oui, encore faut-il obtenir, encore une fois, un prêt. Alors, qu'est-ce que vous dites aux banques ? Qu'est-ce que vous dites aux banques ce matin ?
Ce que je leur dis c'est de continuer à avoir une pratique prudente mais évidemment ne de pas exclure ceux qui sont éligibles au crédit. Je vous explique : la différence entre ce qui s'est passé aux Etats-Unis et le fait que chez nous ça fonctionne, c'est qu'aux Etats-Unis, justement, les banques prêtaient à des gens qui ne pouvaient pas rembourser, et ils le savaient, et c'est pour ça que ça a entraîné une espèce de complète faillite du système. Alors qu'en France, on le sait, les banques ne souhaitent pas que les remboursements excèdent 30 % du revenu et en général elles demandent un apport personnel de 20 %. Alors, les règles s'étaient un peu détendues ces derniers temps, les banques reviennent à ces deux paramètres : un, les remboursements n'excéderont pas 30 % du revenu ; deux apport personnel de 20 %. Alors, c'est vrai que c'est frustrant....
...Contraignant.
...Pour ceux qui veulent acquérir un logement et qui voudraient que le logement soit un peu mieux, un peu plus grand, avec une pièce de plus, et que le remboursement dès lors soit de 40 % du revenu, mais c'est aussi une pratique de salubrité. Si on veut un système bancaire qui tienne, si on veut que la confiance règne, il faut aussi s'appliquer des règles.
Les crédits à la consommation : vous en avez parlé hier sur Europe 1, et vous avez dit « je vais faire des propositions pour éviter les difficultés aux ménages surendettés ». Quelles sont ces propositions ? Alors, moi, j'en vois plusieurs : étaler les remboursements dans le temps - c'est ça ? -, mettre en place un fichier positif, par exemple,
Ce sont tous les axes de réflexion actuelle.
Mettre en place un fichier positif, ça serait efficace, non ?
Vous savez, il faut tout à la fois...
C'est quoi le fichier positif ? Je voudrais expliquer aux auditeurs, C. Lagarde...
Le fichier positif, c'est celui qui permet à des banques immédiatement de vérifier si la personne à laquelle ils font du crédit à la consommation fait l'objet de procédure, a déjà d'autres crédits et se trouve en bonne ou en mauvaise situation.
Bonne idée ou mauvaise ?
Il faut arbitrer entre...
...Bonne idée ou mauvaise, C. Lagarde ?
Je ne vais pas trancher parce que j'attends d'avoir l'avis du Conseil supérieur du crédit.
Mais est-ce l'une des pistes suivies ?
C'est une des pistes examinées, oui. Et je crois qu'on a intérêt à deux choses, d'une part trancher la question de principe et surtout vérifier ce qui se fait à l'étranger. Il y a des pays, par exemple, comme la Belgique, qui pratiquent le fichier positif depuis longtemps. Bon, il faut tirer parti de leur expérience et se dire « est-ce que pour nous, ça vaut aussi ? ». Vous savez, il y a deux courants de pensée. Il y un courant de pensée consistant à dire "il faut mettre en place le fichier positif, c'est aux banques de faire la vérification et de dire oui ou non vous pouvez bénéficier ou vous êtes au-delà de votre endettement maximum". Et puis, il y a un autre courant de pensée qui dit que chaque français est responsable, il est libre, il est indépendant, c'est à lui de faire le calcul de ses remboursements et de déterminer s'il peut ou non prendre un prêt supplémentaire pour le canapé qu'il a envie de changer ou pour tel ou tel produit. Moi, je suis assez partagée entre les deux. J'attends vraiment de voir sur le terrain...
Décision quand ?
Ecoutez, j'attends l'avis du Conseil supérieur de crédit parce que je veux avoir leur sentiment, je veux avoir l'avis des consommateurs. Donc je suis dans une phase de consultation et dès qu'on aura terminé cette phase-là...
...Avant la fin de l'année ?
Oui, avant la fin de l'année. Mais surtout, vous savez ce que je veux ? C'est que les organismes de crédits à la consommation, qui aujourd'hui ont plutôt moins d'activité, n'aillent pas dans des politiques extraordinairement agressives vis-à-vis de ménages qui sont fragiles, voilà.
Oui, donc, on les limitera aussi au niveau de la publicité ou on leur dira de faire attention ?
On va voir, on va voir, ce sont les questions de principe qui d'abord m'intéressent.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 septembre 2008