Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, sur la politique de la famille, le vieillissement démographique et la natalité, Paris le 18 septembre 2008.

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Circonstance : Réunion informelle des ministres européens de la famille à Paris le 18 septembre 2008

Texte intégral


Les débats de Chantilly autour de l'agenda social rénové l'ont bien montré : le vieillissement démographique est l'un des grands défis auxquels les Européens ont à faire face ensemble.
Vous le savez, l'avenir de nos sociétés repose sur le dynamisme et les richesses irremplaçables qu'apporte la jeunesse.
C'est pourquoi quand Nadine MORANO, Secrétaire d'Etat chargée de la famille, m'a indiqué qu'elle souhaitait saisir l'occasion de la Présidence française de l'Union européenne pour organiser une réunion informelle des ministres en charge de la famille, je lui ai immédiatement, comme le Gouvernement dans son ensemble, apporté mon soutien. Je tiens à la remercier aujourd'hui pour son dynamisme et son implication totale dans la préparation de cette rencontre. Nadine MORANO s'y est impliquée avec toute sa passion d'élue locale, mais aussi de mère de famille, et a à coeur de faire bouger les choses.
Je tiens également à vous remercier toutes et tous d'avoir accepté de prendre le temps d'un échange sur les politiques familiales en Europe
1. Je voudrais vous faire passer un certain nombre de messages ce matin. Le premier d'entre eux, est que les Européens doivent travailler ensemble pour relever le défi de la démographie. Ce défi est crucial mais nous le relèverons plus efficacement avec une réflexion commune et des objectifs communs.
En moyenne dans l'Union européenne, le taux de natalité est de 1,52 enfant par femme. Nul besoin de faire remarquer qu'avec ce chiffre, le renouvellement des générations n'est pas assuré.
D'un Etat membre à l'autre, les résultats sont différents. Mais nous ne sommes pas ici pour décerner des bons ou des mauvais points, ce n'est pas l'enjeu. Car nous sommes tous finalement, quel que soit le niveau de notre taux de natalité, dans la même situation : si nous n'inversons pas le cours des choses, notre population est amenée à stagner puis à décroître. Se pose ensuite une autre question, celle du recours à l'immigration, mais elle vient en deuxième temps. Avant tout, se pose la question de la vitalité démographique européenne.
Quel est le poids d'ailleurs de la natalité européenne, même dans les pays où elle est la plus vigoureuse, au regard de la progression démographique du reste du monde ? Ce sera d'ailleurs le sujet du forum sur la démographie que la Commission organise les 24 et 25 novembre prochain, et auquel participera la Présidence française.
Alors que pouvons-nous faire au plan européen ?
Rien, diraient les pessimistes, qui pensent que la politique familiale relève de la seule compétence des Etats. Cela tombe bien, car nous ne sommes pas pessimistes. Je ne suis pas d'accord avec eux.
D'abord parce que la politique familiale n'est pas un objet étanche : elle touche à beaucoup d'autres politiques qui sont, elles, dans le champ des compétences communautaires. Je pense par exemple aux politiques en matière de santé et de sécurité des travailleurs, aux politiques de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe, de lutte contre la pauvreté et l'exclusion ou encore aux politiques d'aménagement du temps de travail.
L'Union européenne ne s'intéresserait pas à la politique familiale ? Qu'avons-nous fait alors lorsque, en 1992, nous adoptions une directive relative aux congés de maternité ? Qu'avons-nous fait alors lorsque les partenaires sociaux négociaient, en 1996, un accord cadre qui aboutissait à une directive sur les congés parentaux ?
Qu'avons-nous fait alors lorsque nous adoptions, en 2004, une directive tendant à interdire les discriminations entre les hommes et les femmes qui autorisait explicitement les différences de traitement ayant pour objet de protéger la grossesse ou la maternité ?
A ceux qui invoquent l'argument de la compétence, je réponds donc que c'est une fausse question. Et plutôt que les fausses questions, nous préférons, comme vous, les vrais débats : comment assurer le complet épanouissement des familles en Europe ? Comment mieux utiliser l'expérience accumulée collectivement pour aider les femmes à concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle ?
Nous avons besoin, pour répondre à ces questions, d'objectifs communs et d'une réflexion commune.
Pour ce qui est des objectifs communs, je pense bien sûr aux objectifs de Barcelone que les Européens se sont fixé en 2002 pour développer les modes de garde. C'est l'un des thèmes sur lesquels Nadine MORANO vous a invités à débattre aujourd'hui. Les objectifs de Barcelone sont ambitieux : garantir d'ici à 2010 l'accès à des services de garde pour 33% des enfants âgés de 0 à 3 ans et pour 90% des enfants ayant entre 3 ans et l'âge de scolarisation obligatoire. Pour l'instant, les Etats membres sont très loin de les atteindre. La Commission a annoncé sur ce point un bilan, qu'elle présentera sous la forme d'une communication au début du mois d'octobre. Les partenaires sociaux européens ont par ailleurs écrit, le 7 juillet 2008 , au Commissaire SPIDLA pour souligner l'urgence de la situation et appeler les Etats membres à investir massivement dans la création de nouvelles places.
Pour ce qui est de la réflexion commune, je veux insister sur le très bon outil dont l'Europe s'est dotée avec la création de l'alliance européenne pour les familles. Et je rends ici hommage à l'action de la Présidence allemande, qui a défendu la mise en place de cette alliance durant le premier semestre de l'année 2007.
2, Le second message que je veux vous adresser ce matin est que la Présidence française est prête à se mettre au service du Conseil pour continuer à bâtir ce cadre européen favorable à l'épanouissement des familles. Nous sommes prêts à avancer sur la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Vous le savez, dans ce domaine, les partenaires sociaux ont annoncé, le13 mars 2008, qu'ils ouvraient des discussions dans le but de présenter à l'automne des propositions communes. C'est un champ très vaste : il s'agit de la révision de la directive relative aux congés parentaux, mais aussi de la mise en place de nouveaux congés comme les congés de paternité, les congés d'adoption ou encore les congés filiaux. Sur toutes ces pistes, je souhaite que les partenaires sociaux nous fassent rapidement connaître leurs propositions pour leur donner, le plus rapidement possible, à tout le moins avant le renouvellement du Parlement européen, une traduction concrète.
Nous sommes prêts à avancer, ensuite, sur la protection des femmes enceintes salariées, travailleurs indépendants et conjointes aidantes. Sur tous ces sujets, nous attendons les propositions de la Commission, car il y a matière à améliorer la législation existante.
Nous souhaitons progresser dans le domaine de la solidarité entre les générations. Il en a été largement question à Chantilly, dans le cadre des discussions menées sur la rénovation de l'agenda social européen.
Enfin, je veux aborder un autre sujet qui n'est pas simple, j'en ai bien conscience : les services sociaux d'intérêt général. Cette dénomination recouvre notamment les services d'aide à la petite enfance et les services de garde d'enfants. La Présidence française souhaite avancer sur cette question pour garantir aux opérateurs de ces services une plus grande sécurité juridique et assurer les usagers de la qualité de ces services. Je sais que sur ce sujet, nous ne disons pas tous la même chose. Mais une chose est sûre : nous parlons tous de la même chose. Il nous faut commencer par recenser les cas concrets où le droit communautaire n'est pas satisfaisant Il nous faudra ensuite pouvoir prendre l'initiative, avec la Commission, d'une feuille de route qui fixerait un certain nombre d'objectifs intermédiaires pour continuer à avancer dans le dossier des services sociaux d'intérêt général. Cette feuille de route répondrait aux attentes des opérateurs du secteur et respecterait les grands principes dégagés par la Commission au moment de la publication de son « paquet sur le marché intérieur » en novembre 2007.
Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs, votre implication et votre engagement sont déterminants pour avancer sur les deux sujets qui sont à l'ordre du jour de cette rencontre : le développement des modes de garde et la protection de l'enfance sur internet, avec l'objectif de mieux coordonner nos efforts dans la lutte contre la cybercriminalité.
Les citoyens européens attendent que nous apportions des réponses concrètes aux difficultés qu'ils rencontrent dans leur vie quotidienne. Je suis sûr que nous aurons tous à coeur de relever ce défi.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 18 septembre 2008