Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je viens d'avoir l'honneur de déjeuner avec mon ami Nicolas Maduro Moros, le ministre du Pouvoir populaire pour les Relations extérieures du Venezuela, accompagné d'une importante délégation ministérielle. Cette rencontre a été très sympathique et, surtout, très productive.
Nous entretenons, comme vous le savez, les meilleures relations avec le Venezuela. Le président Chavez a visité Paris à plusieurs reprises depuis sa première visite le 20 novembre 2007. Il avait visité Paris, je m'en souviens, avec le président Chirac et il est venu le 26 septembre dernier. Je me suis rendu à Caracas en février et en avril dernier. Nous entretenons donc des relations extrêmement suivies.
J'ai remercié une fois de plus nos amis vénézuéliens pour les efforts consentis et le travail qu'ils ont accompli pour la libération des otages. En effet, six des otages détenus en Colombie par les FARC ont été libérés grâce aux efforts de nos amis vénézuéliens, ce qui a entraîné - les efforts de la France n'étant pas moins importants - une prise de conscience continentale en ce qui concerne le sort de ces otages. Ce qui était un problème intérieur colombien s'est transformé en un problème continental et international. C'est grâce à nos amis vénézuéliens que cela a été initié. Nous avons ainsi eu le bonheur, grâce aux efforts du président Uribe, de voir libérer d'Ingrid Betancourt. Notre compatriote est maintenant en France et je tiens à le souligner.
Aujourd'hui, la commission franco-vénézuélienne s'est réunie et le dialogue à haut niveau qui va s'installer va concerner de multiples sujets de discussion et de coopération. La France et le Venezuela vont signer dix accords dans plusieurs domaines : depuis l'énergie jusqu'à l'éducation ; de la culture aux télécommunications... Dans tous ces domaines, nous aurons avec nos amis deux journées de travail, aujourd'hui et demain.
Par ailleurs, comme l'a annoncé le président Sarkozy, nous allons visiter le Venezuela l'année prochaine et ce dialogue de haut niveau va se poursuivre et avancer avec la réunion de cette commission, tous les deux ans.
Nous avons évidemment abordé le domaine de l'énergie, avec le gaz et le pétrole, mais aussi le domaine ferroviaire avec, peut-être, la création d'autres lignes de métro et de chemins de fer. Nous avons parlé de la coopération dans le domaine automobile ; les autorisations de Renault seront plus larges que celles qui prévalaient jusqu'à maintenant. Nous avons aussi parlé de l'agriculture, des échanges culturels et d'éducation. Nous espérons accueillir très bientôt en France, dès l'an prochain, au moins un millier de boursiers vénézuéliens. En somme, les réunions ont été extrêmement riches en projets.
Cela ne veut pas dire que tout est réglé, que nous sommes d'accord sur tout, sûrement pas, mais la façon dont nous nous parlons - en tout cas entre ministres des Affaires étrangères - permet d'aborder l'évolution du monde, les difficultés idéologiques, la façon dont les peuples doivent se rencontrer. Nous avons parlé de la situation internationale : de l'Iran, de l'Afghanistan, etc. C'est un dialogue que nous entendons poursuivre avec nos amis.
Je souhaite à nouveau la bienvenue au ministre du Pouvoir populaire pour les Relations extérieures du Venezuela ainsi qu'à tous les ministres qui l'accompagnent.
Q - Je voudrais que vous nous donniez un peu plus d'informations sur la lutte contre le trafic de drogue. Pouvez-vous nous dire quelle est la teneur et le nombre d'accords que vous allez signer ? Est-ce que la coopération entre la France et le Venezuela vous a vraiment permis d'obtenir d'importants succès dans ce domaine ?
R - Je ne peux pas vous donner les détails de la lutte que nous allons entreprendre tous les deux. Nos deux pays se trouvent en effet dans des endroits différents du monde et se situent à des étapes différentes de la chaîne de production et de consommation de la drogue.
Je suis tout à fait disposé à vous donner la liste des accords, mais je crois cependant qu'il est préférable d'attendre que les groupes de travail se réunissent ; je ne vais pas vous donner le résultat de leurs réunions avant. Il y a trois groupes de travail importants qui vont se réunir durant deux jours.
Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons travaillé, avec Nicolas Maduro Moros, à notre perception des dangers de la culture aussi bien de la cocaïne que de l'héroïne ; nous avons en effet parlé des sites de production d'Amérique latine et d'Asie. Nous avons analysé le rôle des organisations internationales, en particulier de l'agence qui, à Vienne, au nom de l'ONU, s'occupe des trafics de stupéfiants.
Nous nous sommes interrogés sur la manière dont les trafics s'organisent et nous avons souligné au passage que c'est à chaque fois les paysans pauvres, aussi bien pour la coca que pour le pavot, qui en font la culture mais qui en retirent très peu d'argent, alors que ce sont les intermédiaires qui gagnent des fortunes colossales et qui inondent le monde.
Il faut également s'interroger sur la consommation des produits stupéfiants parce que nous ne produisons pas de drogue ou très peu - il y a des gens qui ont un peu de marijuana dans leur jardin mais pas beaucoup -, mais nous en consommons.
Nous avons décidé de travailler ensemble pour que ce trafic ne soit pas profitable et pour qu'il cesse de favoriser l'exploitation, la dépendance et, finalement, la mort des gens. Pour cela, il faut avoir une démarche d'espoir pour notre jeunesse. Nous allons nous consacrer à cette tâche avec Nicolas et les amis ici présents.
Q - Pourriez-vous nous donner des détails sur les accords qui touchent à l'énergie, c'est-à-dire le pétrole, les énergies alternatives et également les transferts de technologie ?
R - Nous sommes très favorables aux énergies renouvelables. Encore faut-il qu'elles suffisent à fournir l'énergie dont nous avons besoin. En attendant que l'on trouve suffisamment d'idées nouvelles pour les énergies renouvelables, nous pensons que l'énergie, l'usage pacifique de l'énergie nucléaire est la source d'énergie la moins polluante et la moins dommageable pour l'humanité. Nous sommes évidemment prêts à travailler avec nos amis vénézuéliens. Dans le domaine de la sécurité nucléaire, je crois que les Français sont très en avance. Nous sommes prêts, car je crois que l'énergie nucléaire sera l'avenir du monde.
En revanche, nous ne sommes pas d'accord - et nous avons échangé nos expériences sur cette question - avec le développement par les Iraniens d'une énergie nucléaire incontrôlée. A cet égard, l'Agence internationale de l'Energie atomique vient de publier un rapport reprenant les réponses de l'Iran aux questions très pertinentes des experts de l'Agence. Celui-ci est accablant et alarmant.
Nous sommes partisans du dialogue et pas seulement des sanctions contre l'Iran. Nous sommes prêts à dialoguer avec nos amis vénézuéliens pour qu'ils confirment aux Iraniens que nos offres de dialogue sont réelles ; simplement, il n'y a personne en face, les Iraniens ne répondent pas. Nous les avons souvent rencontrés, bien sûr. Voilà où nous en sommes et c'est très dommageable. Vous savez que de ce point de vue les 5+1, c'est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l'Allemagne, ont fait passer une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, samedi dernier, pour dire que nous restions unis, préoccupés et que les dangers s'accumulent autour de l'Iran. Il faut absolument trouver une solution à ce problème grave d'une éventuelle menace atomique militaire.
Q - Avez-vous réfléchi avec votre invité à ce qu'il a appelé une nouvelle architecture monétaire ? Pourriez-vous développer et nous donner peut-être quelques détails sur le mini-sommet du G4 qui aura lieu samedi ?
R - Bien sûr, nous en avons parlé. Nous avons parlé de la crise financière mondiale actuelle qui, pour le moment, ne touche pas - et je souhaite qu'elle ne la touche pas - la nation vénézuélienne. En Europe, nous sommes déjà très préoccupés.
Nous en avons parlé à deux niveaux. Tout d'abord, quelle peut être la réponse immédiate pour qu'un certain nombre d'établissements bancaires continue de servir les épargnants ? Ce sont les gens qui ont déposé leur argent dans ces établissements qui sont en péril et ils sont inquiets. Même s'il n'y a pas lieu d'être inquiet en France parce que nous avons décidé que nous soutiendrons les établissements bancaires. Ceci, c'est la première réponse dans l'urgence.
Et puis, nous avons évoqué avec nos amis ce qu'ils avaient déjà proposé sur la scène internationale, c'est-à-dire des règles nouvelles pour que la régulation bancaire puisse être un peu plus sérieuse, que la spéculation financière ne soit pas anarchique, que des produits financiers ne puissent pas passer de mains en mains sans que l'on sache bien à qui ils appartiennent, sur quoi ils sont gagés.
Les pays européens vont dans ce sens puisque nous aurons une réunion à Paris samedi. Cette rencontre, qui sera d'abord une réunion des quatre membres européens du G8, peut s'étendre mais nous souhaitons que ce soit une réflexion européenne. De leur côté, en Amérique latine, le Venezuela a proposé une régulation qui soit un peu plus conforme à l'équilibre et à la justice.
Nous en avons parlé, bien entendu, et nous étions heureux de voir que nous partagions les mêmes préoccupations, sinon les remèdes. Parce que les remèdes, il faudra du temps pour les dégager. Et pourtant, nous devons faire vite - cela, je pense que tout le monde le comprend - et, à l'avenir, il faudra développer un équilibre qui soit moins dommageable aux plus faibles de la planète.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2008