Interview de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, à RTL le 10 octobre 2008, sur la mise en oeuvre du revenu de solidarité active (RSA) et la crise financière internationale.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

 
 
 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour, M. Hirsch.
 
Bonjour.
 
L'Assemblée nationale a adopté, mercredi soir, le Revenu de solidarité active, dont vous êtes le promoteur depuis des années. Ce sera bientôt autour du Sénat de se pencher sur la question. Qu'avez-vous appris ou retenu du débat parlementaire, M. Hirsch ?
 
Qu'on ne devait jamais se laisser intimider.
 
Parce qu'on a essayé de vous intimider ?
 
Ah ben, si j'avais été timide, je peux vous dire que le projet serait arrêté depuis longtemps, qu'on pouvait écouter les uns et les autres puisque dans ce débat, plus de la moitié des amendements qui ont été déposés, ont été pris, autant d'amendements qui venaient des communistes, des socialistes, de l'UMP et du Centre ; que c'était le bon moment, qu'il fallait vraiment y aller. Et puis, que certains d'entre eux avaient été à la hauteur.
 
Ah ! Pas tous ?
 
Non. De quoi s'agissait-il ?
 
On va se parler franc. On va parler franchement. Vous dites : certains ont été à la hauteur, vous suggérez que tous ne l'ont pas été ?
 
De quoi s'agissait-il ? Qu'est-ce qu'il va dire ce projet de loi quand il va être adopté ?
 
Non, non ce n'est pas ma question.
 
Non, non, mais pour y répondre. Ça veut dire qu'un Français sur quinze va voir son revenu augmenter de plus 8% à partir de juin prochain, en période de crise. Et qui seront ces Français sur quinze ? Ça sera les plus modestes. Est-ce que face à ça, on peut répondre par un silence terrible ?
 
Ça, vous visez les socialistes qui se sont abstenus.
 
Ecoutez, moi je comprends...
 
Vous êtes déçu par la position des socialistes ?
 
e n'est pas moi qui suis déçu. D'abord, ce n'est pas fini, ça n'est pas fini. Il va y avoir le vote définitif. Moi je ne comprends pas : tout le monde peut voter pour ce texte sans se renier. Et il ne s'agit pas de la norme des boîtes de petits pois, il s'agit du revenu des plus modestes. Il s'agit de la lutte contre la pauvreté. Il s'agit de renverser la tendance. Il s'agit de pouvoir agir en période de crise et en période difficile. On ne peut pas dire : je m'en fiche ! On ne peut pas dire : ça m'est indifférent ! On ne peut pas dire : je prends prétexte de telle ou telle chose. On ne peut pas dire : j'attends... Mettez-vous face... Si vous êtes face à quelqu'un qui est en très grande difficulté et qui vous dit : j'ai besoin d'aide. Vous allez lui dire : ah oui, mais là comme il y en a d'autres qui ont de l'argent, je ne vois pas pourquoi... Vous n'allez pas leur faire un sermon, qui se termine par : finalement, face à votre difficulté, je vais faire de l'abstention dont on m'a expliqué - parce que moi je ne suis pas un homme responsable politique, je n'ai pas d'engagement partisan, j'ai eu du mal à comprendre - j'ai demandé, j'ai vu un député socialiste, hier, au milieu des allocataires du RSA en lui demandant : que signifie son vote ? Il m'a dit : c'est une abstention positive.
 
Et alors ?
 
Moi, c'est un concept que je ne sais pas comprendre... Je sais comprendre l'action positive. Je sais comprendre : dire oui. Je sais comprendre : dire non. "Je m'en fiche, ou etc." : je ne sais pas le comprendre.
 
Vous êtes déçu, désappointé par le rôle des socialistes ?
 
Non. Je dis...
 
Mais mettez les mots sur les sentiments que vous exprimez, là.
 
Mais non. Déçu ? Je trouve ça troublant... Mais déçu ? Je ne sais pas... Je pense que c'est eux qui sont déçus. Je pense que c'est eux qui sont déçus. Je pense que c'est les électeurs qui sont déçus. Je pense que c'est les gens qui sont déçus. Vous savez, hier, j'étais avec des allocataires, des personnes qui expérimentent le RSA. Il y avait une dame, 47 ans, qui était dans le dispositif de ces dizaines de milliers de personnes qui expérimentent. Elle racontait juste une chose. Elle disait : "Le mois dernier, pour la première fois de ma vie, j'ai gagné 900 euros par mois. Ça ne m'était jamais arrivé". Elle n'avait jamais atteint... Un enfant à charge, elle n'avait jamais atteint 900 euros par mois. Et face à ça, on va dire : il y a peut-être des gens qui peuvent avoir 450, 500, 600 euros... Non, je ne crois pas que ce n'est pas possible !
 
Les dirigeants socialistes, pour être précis, se sont abstenus parce que les taxes qui vont financer le RSA seront incluses dans le calcul du bouclier fiscal. Ma question, M. Hirsch, c'est celle-là : Le bouclier fiscal, c'est une bonne ou une mauvaise chose ? Ce n'est pas le sujet. Mais moi, c'est ma question.
 
Oui, oui, mais c'est votre question.
 
C'est ma question. Vous n'allez pas y répondre.
 
Si, si. Moi je vais vous répondre.
 
C'est bien ou ce n'est pas bien, le bouclier fiscal ?
 
Moi j'ai toujours dit ce que je pensais.
 
Allez-y ! Répétez-le !
 
Si j'avais à choisir, si j'étais libre, s'il y avait le choix, si on cherchait la perfection à 100%, j'aurais essayé d'empocher les deux. D'empocher à la fois le plafonnement des niches, et puis de dire que symboliquement cette taxe était en dehors de 1,1%. Voilà.
 
Ma question, c'était : le bouclier fiscal c'est une bonne chose ou pas une bonne chose ?
 
C'est pas une chose qui va nous gêner aujourd'hui, voilà.
 
Ah ! vous voyez que vous apprenez vite la politique !
 
Mais non je n'apprends pas du tout la politique. Oui alors moi ce que j'ai appris en politique, c'est qu'effectivement que si on cherchait la pureté à 100 %, etc., si on cherchait à voir les trucs à perfection, on ne foutait rien.
 
J'ai une autre question : la crise financière va déboucher sur une crise économique. Le pouvoir d'achat des Français va baisser. Et pour financer le RSA on va faire des taxes supplémentaires. C'est bien le moment, M. Hirsch ?
 
Ah plus que jamais ! Alors ça, plus que jamais ! Alors là, il faut comprendre cela. Ceux qui n'ont rien, ceux qui ont des petits revenus, ceux qui ont 600, les salariés modestes, mais ils ont besoin plus que jamais de pouvoir être soutenus, pour consommer, pour travailler, pour être intégrés, pour survivre, pour supporter... Vous savez, on fait tout le temps des comparaisons par rapport à la crise de 1929. Il y a une différence fondamentale par rapport à la crise de 1929, et là, on va s'en souvenir : c'est qu'on a mis en place des systèmes de protection sociale, qu'on a mis en place des systèmes d'euros distribution qui fonctionnaient. Et c'est ceux-là qui soutiennent. Si on ne les avait pas, alors là on serait dans un catastrophe et dans une panade terrible. Donc, les renforcer intelligemment, sans aller à l'encontre du travail, aller taxer les assurances vie, l'immobilier, les revenus du patrimoine, au moment où il faut soutenir les revenus du travail, c'est évidemment indispensable.
 
Vous avez dit, M. Hirsch, que le RSA concernerait un Français sur quinze. Redoutez-vous qu'avec la crise il n'en concerne davantage ?
 
Je redoute les temps qui sont difficiles. Oui. Il faut mettre toutes les digues possibles. Oui, moi je suis un naturel assez inquiet et je le comprends. Voilà. Donc, c'est pour ça que s'il faut aller trois fois plus vite, il faut aller trois fois plus vite.
 
Le président de l'Assemblée nationale, B. Accoyer - on l'entendra tout à l'heure dans le journal de 8 heures avec V. Parizot - propose, ce matin, de lancer un grand emprunt auprès des Français parce que voilà, on a besoin d'argent pour financer tout ce qui est devant nous. Et pour réussir la souscription, il propose une amnistie fiscale pour ceux qui sont partis payer leurs impôts - les Français qui sont partis payés leurs impôts - en Suisse ou en Belgique. Une amnistie fiscale, M. Hirsch, est-elle envisageable ?
 
En tout cas, moi ce n'est pas ma tasse de thé. Vous avez compris que ce n'est pas mon point de vue. Mon point de vue, c'est de ne pas d'aider ceux qui ont quitté le navire en s'en mettant dans les poches. Monter ceux qui sont dans la cale en ayant des difficultés. Mais moi, c'est clair...
 
Si vous appartenez à un gouvernement qui propose une amnistie fiscale, qu'est-ce que vous ferez ?
 
Mais je me battrai. Mais je ne sais pas ce qui se passera. Mais je dirai ce que je pense comme d'habitude. Je dirai ce que je pense. Entre le RSA et une éventuelle... Mais non, ça n'a pas de sens, quoi ! Il n'y a pas de doute là-dessus.
 
Vous n'êtes pas inquiet ? Il n'y aura pas d'amnistie fiscale ?
 
Je ne pense pas que ça soit à l'ordre du jour. Je ne pense pas que ça soit le type de signal qu'on donne. Et puis, je pense qu'il faut, encore une fois, se mobiliser au maximum pour les plus modestes.
 
M. Hirsch pour qui RSA et amnistie fiscale ne vont pas ensemble, était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée. Merci.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 octobre 2008