Texte intégral
Chers amis, chers camarades,
Pendant quatre jours, à partir d'aujourd'hui, les regards en Europe sont tournés vers Nice.
Oui, cette belle ville du sud de la France devient pour quelques jours le rendez-vous citoyen de celles et ceux qui, à l'occasion de la présidence française et du Conseil européen qui la clôture, veulent intervenir et peser, pour que cette construction se réalise avec et pour les peuples d'Europe.
Oui, à Nice se retrouvent celles et ceux, de plus en plus nombreux, pour qui le plein emploi, la lutte contre les inégalités et l'exclusion, la défense et le développement des services publics, le droit à un environnement, à une alimentation sains, passent par de profonds changements en Europe.
C'est bien le sens de notre présence ici aujourd'hui, avec le sommet de la gauche transformatrice européenne de cet après-midi, puis le meeting de ce soir, demain nous serons dans la grande manifestation qui va constituer, j'en suis sûr, un événement marquant.
Je viens d'évoquer le colloque qui s'est tenu il y a quelques heures. Je tiens à remercier, au nom du Parti communique et en votre nom les représentants des 15 partis progressistes de l'Union européenne qui y ont participé, et qui sont parmi nous ce soir.
Nous avons discuté de notre vision de l'Europe, de son avenir..
Nous avons réfléchi, aussi, sur ce que nous pouvons faire, comme forces politiques de gauche, pour répondre aux besoins d'agir ensemble.
Et nous pensons qu'il y a besoin d'un fort signal à gauche pour contribuer à dynamiser le mouvement de contestation des politiques libérales qui enfoncent l'Europe dans la crise profonde que nous connaissons.
Il ne m'appartient pas, vous le comprenez, de parler au nom de chacun. Pourtant, je suis certain d'exprimer un sentiment partagé si je dis que la mobilisation populaire, syndicale, sociale, citoyenne, est d'autant plus puissante aujourd'hui, que convergent ici, à l'occasion du Conseil européen, la poussée du mouvement antilibéral, et les attentes suscitées par l'existence en France d'une expérience originale, à gauche, avec la majorité plurielle.
Il n'est pas dans mes intentions d'entrer dans le détail de l'ordre du jour du Conseil, d'autant plus que de grandes incertitudes planent encore sur ses conclusions.
Cependant, il faut bien admettre que ce qui domine c'est un sentiment d'insatisfaction. Le souffle attendu pour redonner confiance en l'Europe n'est pas au rendez-vous. Le poids des politiques et des conceptions libérales fait obstacle, durablement, obstinément aux réformes de progrès qui permettraient de répondre aux urgences du moment, à des attentes sociales et démocratiques grandissantes.
Il ne s'agit pas de prétendre que rien n'aurait été fait ni entrepris. Mais pour l'essentiel le chantier de la réorientation progressiste de la construction européenne est encore à ouvrir. Et il y a urgence à le faire. C'est le sens même du projet européen qui est en cause. Le niveau de l'abstention aux élections européennes en est un témoignage, tout comme le défi du plein emploi? Face à la mondialisation ultra-libérale, s'agit-il de s'inscrire dans une compétition aveugle avec les Etats-unis ou bien de peser pour infléchir le cours des évènements?Quant aux pays d'Europe centrale et orientale ils frappent à la porte. Ils veulent être parties prenantes du projet. Mais quelle réponse leur apportons-nous? Plus d'austérité, plus de privatisations, plus de dépenses militaires?
Oui, vraiment, l'Europe a besoin d'un souffle nouveau. Et ce souffle, elle ne peut le trouver qu'en donnant réellement la priorité à la satisfaction des besoins sociaux, et en faisant de l'intervention démocratique et citoyenne le critère de la construction institutionnelle.
Je retire des discussions de cet après-midi, la conviction que la lucidité sur les difficultés vaut infiniment mieux, pour affronter les obstacles et changer le cours des choses, que les discours d'autosatisfaction en décalage avec les déceptions et les frustrations populaires.
Il faut dire que la Présidence française et le Conseil européen de Nice ont un ordre du jour particulièrement chargé. Il suffit d'évoquer la réforme des institutions, la charte des droits fondamentaux, ou bien l'agenda social, après le bilan du dialogue euroméditerranéen de Marseille, en novembre, marqué par la gravité de la crise au Proche-orient.
Sur le devenir des institutions, le débat est loin d'être épuisé entre nous, tant les approches sont légitimement imprégnées par les réalités nationales et culturelles. Pourtant, il est des repères communs, qui tiennent à des valeurs communes, de progrès, d'égalité. En effet, comment accepter des réformes qui figeraient des clivages, des oppositions entre "grands" et "petits" pays? Quel que soit le nombre d'Etats membres à l'avenir, l'union doit être fondée sur le respect absolu de l'égalité entre tous, en excluant tout esprit de domination.
De même, autant je pense qu'il est naturel d'envisager toutes les coopérations mutuellement avantageuses entre tous ceux qui le souhaitent, autant l'idée d'un "noyau dur" m'apparaît contraire à une conception progressiste du projet européen.
Et s'il est un point sur lequel il n'est pas possible de transiger, c'est l'extension du vote à la majorité qualifiée pour la politique commerciale commune, en amendant le fameux article 133 du traité. Un tel amendement est porteur de risques majeurs de mise en cause des services publics et de l'exception culturelle. Nous n'avons pas, ensemble, réussi à mettre en échec l'AMI, à bloquer le nouveau cycle de l'OMC à Seattle, pour qu'aujourd'hui on refasse entrer pas la fenêtre ce que nous avons réussi à faire sortir, et avec quelle vigueur, par la grande porte!
Concernant la Charte des droits fondamentaux, les appréciations peuvent être différentes d'un pays à l'autre, et au sein même du mouvement social. Et on sait que pour nous, communistes français, elle est franchement insuffisante, notamment en ce qui concerne les droits sociaux, environnementaux, et la situation faite aux étrangers -. Pourtant, nous pouvons converger autour de l'idée d'une grande consultation dans tous les pays de l'union afin d'aboutir, lors d'un prochain sommet, à une Charte qui réponde mieux, beaucoup mieux aux attentes et aux besoins d'une démocratisation nouvelle de la construction européenne. C'est dans tous les cas la proposition que nous avons avancée.
Nous ne pouvons que nous féliciter de la décision de proposer un agenda social. Oui la question sociale, celle de l'emploi, deviennent incontournables. Et nous y sommes tous ici pour quelque chose! Car il s'agit bien de la vie quotidienne de centaines de milliers de femmes, d'hommes, de jeunes, quand on parle droit à l'emploi, à la santé, au logement, à l'éducation, à une protection sociale de qualité... Mais force est de constater que les résultats des compromis européens sont très en deçà des nécessités et, par conséquent, très décevants.
Ce qu'il faut, selon nous, ce sont des objectifs clairs, quantifiés, contraignants et vérifiables dans la lutte contre le chômage. C'est l'affirmation de l'harmonisation vers le haut des législations sociales, de la réduction du temps de travail sans perte de salaire; c'est le renforcement de la lutte contre le travail précaire, un relèvement des minima sociaux et l'instauration d'un revenu minimum dans tous les états membres. Et quant à nous, nous avançons la proposition d'un droit à un emploi et une formation tout au long de la vie.
Et puis, ce qu'il faut c'est une politique monétaire européenne au service de l'emploi et de la croissance, ce qui appelle une redéfinition des missions et des pouvoirs de la banque centrale européenne, et la mise en cause du fameux pacte de stabilité libéral qui prétend enfermer à jamais les dépenses sociales dans le carcan libéral, -quelle que soit la majorité élue-. Il convient donc maintenant d'amplifier le mouvement pour l'instauration de la taxe Tobin sur les mouvements de capitaux!
Ce qu'il faut aussi ce sont des droits nouveaux pour les salariés et leurs syndicats dans leurs entreprises. C'est l'affirmation du rôle essentiel des services publics, et l'interruption du processus de libéralisation. Vous comprendrez que dans cet esprit je me félicite de l'engagement des ministres communistes français pour faire prévaloir, dans des conditions difficiles, très difficiles, l'intérêt général face aux pressions financières et ultra-libérales.
Quant à la sécurité alimentaire, sujet légitimement extrêmement sensible, on est en droit d'attendre des autorités européennes, si tatillonnes quand il s'agit de concurrence ou de liberté pour les capitaux, d'être infiniment plus exigeantes et rigoureuses en la matière. Quitte à mettre en cause la recherche effrénée du profit, dont nous voyons aujourd'hui, à travers les questions de pollution maritime, de la vache folle, ou avec l'échec de la conférence de La Haye sur l'effet de serre, combien elle met en péril l'environnement, et l'avenir même de la planète.
Si de si grandes interrogations planent sur le Conseil de Nice, c'est aussi que l'échéance de l'élargissement aux autres pays d'Europe se rapproche inexorablement. Réussir cet élargissement est sans doute un des défis majeurs pour la paix et la sécurité en Europe dans les décennies à venir. Je suis plus que jamais convaincu, après bien des discussions, ici comme en Europe centrale, c'est que pour s'élargir, l'Europe doit se transformer. C'est sur les contraintes ultra-libérales et les tensions qu'elles génèrent que bute l'élargissement, plutôt que sur les difficultés institutionnelles. Et c'est ensemble, par le dialogue, à tous les niveaux, dans une participation réelle des pays concernés à la construction, en s'appuyant sur leurs acquis sociaux et culturels, que nous pourrons surmonter les obstacles et trouver des solutions.
Oui, l'Europe de la paix et des coopérations, l'Europe de l'après-guerre froide, c'est ensemble, que nous pourrons la construire!
Dans le même sens, penser l'Europe dans toutes ses dimensions, c'est tourner nos regards vers le sud, pour relancer sur de nouvelles bases le partenariat euro-méditerranéen. Un partenariat qui, justement, ne doit pas être caricaturalement réduit à une vaste zone de libre-échange, alors que le modèle ultra-libéral a fait la preuve de son incapacité à répondre aux besoins de développement humain. Tout au contraire il ne fait qu'aggraver les inégalités, les frustrations, les exclusions.
Ce qu'on attend de l'Europe, des européens -et de la France en particulier- sur l'autre rive de la Méditerranée, jusqu'en Afrique, c'est une autre perspective. C'est de s'opposer à la logique prédatrice des marchés pour d'autres rapports fondés sur l'échange égal, sur le partage.
Evoquer les attentes envers les Européens, aujourd'hui ici à Nice, c'est également insister sur notre responsabilité pour contribuer à l'arrêt de la violence et à l'établissement de la paix au Proche-Orient. Il est impossible de rester spectateur devant la violence faite à un peuple, avec des milliers de victimes, des morts chaque jour, dont des enfants, un processus de paix bloqué, le risque permanent d'un embrasement. Les femmes et les hommes, les forces qui, en Palestine et en Israël, protestent contre la violence de la répression; qui agissent pour le retrait des territoires occupés, pour la reprise d'un processus sur des bases nouvelles ont besoin que la solidarité ne faiblisse pas. Et ici, il faut entendre les voix nombreuses qui dénoncent l'impasse où a mené le monopole américain sur les négociations. Pour réussir, les pourparlers doivent reprendre dans un cadre élargi, avec les Nations-Unies, mais aussi pour ce qui nous concerne, avec un engagement beaucoup plus net et déterminé des pays européens, et de l'union européenne. Un engagement au service d'un règlement conforme aux droits de tous les peuples de la région, et en premier lieu, bien entendu, du peuple palestinien, et aux principes définis par la communauté internationale. Il y a urgence à tout entreprendre pour qu'il en soit bien ainsi.
Chers amis, chers camarades,
On le voit, la rencontre entre responsables de partis de gauche européens, à la veille du Conseil de Nice revêt une grande signification. Nous sommes fiers qu'elle se tienne dans notre pays.
J'ai eu l'occasion de dire combien notre engagement pour réorienter l'Europe participe de notre engagement pour ancrer à gauche la politique de la France. Et quand la commission de Bruxelles -en écho au FMI, au patronat et à la droite- sermonne la France, parfois menaces à l'appui, comme plus mauvais élève de la classe, pour cause de 35 heures, ou de défense du service public, ou parce que le tabou du gel des emplois publics est levé par la création de milliers d'emploi dans l'éducation et la santé, eh bien nous prenons ces critiques des hérauts de l'ultra libéralisme pour des compliments qui nous encouragent à poursuivre.
Dans le même temps nous avons été amenés à lancer un avertissement sur les risques pour le gouvernement "d'aller dans le mur" s'il restait sourd aux attentes populaires, particulièrement en matière de salaires, de justice fiscale. Un sommet de la gauche vient de se tenir à notre demande. Il faut s'employer maintenant à mettre en uvre ce qui a été décidé, et poursuivre dans le pays le débat et l'action pour débloquer ce qui doit l'être.
Si je lance cet appel en présence des délégations venues d'autres pays, c'est d'abord parce que tout ce qui bouge positivement dans un de nos pays peut contribuer, peu ou prou, à des avancées chez les autres. Il existe ainsi une solidarité de fait entre nous, par delà les différences, dans les succès comme dans les difficultés. Je souhaite témoigner aussi des débats qui existent au sein même de la majorité plurielle en France, parce que je sais que la confrontation sur les conditions des succès lors les échéances électorales à venir est vive à gauche, dans tous les pays, face aux pressions libérales et social-libérales.
A la veille d'un Conseil européen dont les décisions -ou l'absence de décisions- pèseront sur l'avenir, et à la veille d'une manifestation dont tout laisse penser qu'elle fera événement, notre sommet de Nice donne à voir l'existence et l'engagement de partis et de forces de gauche influent, résolument antilibéraux et anticapitalistes, porteurs des exigences de citoyenneté, fortement ancrés dans les mouvements sociaux, civiques, féministes, écologistes, pacifistes, antiracistes...
Ce sommet de forces de la gauche transformatrice, s'inscrit dans la continuité d'autres rencontres à Madrid, Berlin, Rome, Lisbonne, Amsterdam, Stockholm, ou Paris... Dans les circonstances présentes il s'efforce de répondre à des attentes citoyennes fortes, pour l'appel à développer nos échanges, à travailler à des actions communes ou convergentes. Oui, nous sommes dans un moment où le rejet grandissant du modèle, des dogmes, et des politiques libérales appelle une affirmation visible, offensive des forces politiques qui se réclament de la transformation de la société.
Donner la parole aux citoyens, faire reculer les politiques libérales, travailler à ouvrir des perspectives nouvelles, imposer la transparence et la démocratie pour les décisions européennes: tels sont les objectifs sur lesquels nous sommes engagés, chacun dans des situations originales.
C'est sur ces objectifs que nous avons avancé l'idée d'une base commune pour une pétition européenne. Une pétition portant les exigences sociales immédiates, l'agenda du mouvement sociale en quelque sorte. Une pétition revendiquant le droit des citoyens d'être partie prenante des décisions européennes. Dans chacun de nos pays, à partir de nos propres réalités, de l'originalité de nos situations respectives nous pouvons, j'en suis convaincu, enrichir cette base commune, et la faire partager, soutenir, par des millions d'Européennes et d'Européens.
Pour ce qui nous concerne, nous allons faire signer ce texte commun, dès demain dans la manifestation. Et nous pourrions nous donner rendez-vous l'an prochain en Suède, avant l'été, à l'occasion de la présidence suédoise de l'union européenne.
Chers amis, chers camarades,
Un mouvement est en train de prendre corps à l'échelle européenne, à travers rencontres, manifestations, marches, eurogrèves...
L'appel à des actions communes entre forces politiques, sur la politique européenne elle-même revêt pour nous une grande signification. Chacun peut ainsi puiser dans ce mouvement des forces nouvelles. Chacun peut prendre la mesure d'une efficacité accrue, avec la conviction que l'action menée dans son propre pays s'inscrit dans un mouvement plus vaste. Oui, nous voulons nous faire entendre, comme ces milliers de femmes et d'hommes, de salariés, de citoyens, qui se retrouvent à Nice pendant ces quatre jours. Nous voulons nous faire entendre pour dire le besoin de changement, le besoin de politiques résolument ancrées à gauche!
Oui. Faisons nous entendre ensemble. Ce sera efficace pour changer en Europe. Pour changer l'Europe!
(Source http://www.pcf.fr, le 19 décembre 2000).
Pendant quatre jours, à partir d'aujourd'hui, les regards en Europe sont tournés vers Nice.
Oui, cette belle ville du sud de la France devient pour quelques jours le rendez-vous citoyen de celles et ceux qui, à l'occasion de la présidence française et du Conseil européen qui la clôture, veulent intervenir et peser, pour que cette construction se réalise avec et pour les peuples d'Europe.
Oui, à Nice se retrouvent celles et ceux, de plus en plus nombreux, pour qui le plein emploi, la lutte contre les inégalités et l'exclusion, la défense et le développement des services publics, le droit à un environnement, à une alimentation sains, passent par de profonds changements en Europe.
C'est bien le sens de notre présence ici aujourd'hui, avec le sommet de la gauche transformatrice européenne de cet après-midi, puis le meeting de ce soir, demain nous serons dans la grande manifestation qui va constituer, j'en suis sûr, un événement marquant.
Je viens d'évoquer le colloque qui s'est tenu il y a quelques heures. Je tiens à remercier, au nom du Parti communique et en votre nom les représentants des 15 partis progressistes de l'Union européenne qui y ont participé, et qui sont parmi nous ce soir.
Nous avons discuté de notre vision de l'Europe, de son avenir..
Nous avons réfléchi, aussi, sur ce que nous pouvons faire, comme forces politiques de gauche, pour répondre aux besoins d'agir ensemble.
Et nous pensons qu'il y a besoin d'un fort signal à gauche pour contribuer à dynamiser le mouvement de contestation des politiques libérales qui enfoncent l'Europe dans la crise profonde que nous connaissons.
Il ne m'appartient pas, vous le comprenez, de parler au nom de chacun. Pourtant, je suis certain d'exprimer un sentiment partagé si je dis que la mobilisation populaire, syndicale, sociale, citoyenne, est d'autant plus puissante aujourd'hui, que convergent ici, à l'occasion du Conseil européen, la poussée du mouvement antilibéral, et les attentes suscitées par l'existence en France d'une expérience originale, à gauche, avec la majorité plurielle.
Il n'est pas dans mes intentions d'entrer dans le détail de l'ordre du jour du Conseil, d'autant plus que de grandes incertitudes planent encore sur ses conclusions.
Cependant, il faut bien admettre que ce qui domine c'est un sentiment d'insatisfaction. Le souffle attendu pour redonner confiance en l'Europe n'est pas au rendez-vous. Le poids des politiques et des conceptions libérales fait obstacle, durablement, obstinément aux réformes de progrès qui permettraient de répondre aux urgences du moment, à des attentes sociales et démocratiques grandissantes.
Il ne s'agit pas de prétendre que rien n'aurait été fait ni entrepris. Mais pour l'essentiel le chantier de la réorientation progressiste de la construction européenne est encore à ouvrir. Et il y a urgence à le faire. C'est le sens même du projet européen qui est en cause. Le niveau de l'abstention aux élections européennes en est un témoignage, tout comme le défi du plein emploi? Face à la mondialisation ultra-libérale, s'agit-il de s'inscrire dans une compétition aveugle avec les Etats-unis ou bien de peser pour infléchir le cours des évènements?Quant aux pays d'Europe centrale et orientale ils frappent à la porte. Ils veulent être parties prenantes du projet. Mais quelle réponse leur apportons-nous? Plus d'austérité, plus de privatisations, plus de dépenses militaires?
Oui, vraiment, l'Europe a besoin d'un souffle nouveau. Et ce souffle, elle ne peut le trouver qu'en donnant réellement la priorité à la satisfaction des besoins sociaux, et en faisant de l'intervention démocratique et citoyenne le critère de la construction institutionnelle.
Je retire des discussions de cet après-midi, la conviction que la lucidité sur les difficultés vaut infiniment mieux, pour affronter les obstacles et changer le cours des choses, que les discours d'autosatisfaction en décalage avec les déceptions et les frustrations populaires.
Il faut dire que la Présidence française et le Conseil européen de Nice ont un ordre du jour particulièrement chargé. Il suffit d'évoquer la réforme des institutions, la charte des droits fondamentaux, ou bien l'agenda social, après le bilan du dialogue euroméditerranéen de Marseille, en novembre, marqué par la gravité de la crise au Proche-orient.
Sur le devenir des institutions, le débat est loin d'être épuisé entre nous, tant les approches sont légitimement imprégnées par les réalités nationales et culturelles. Pourtant, il est des repères communs, qui tiennent à des valeurs communes, de progrès, d'égalité. En effet, comment accepter des réformes qui figeraient des clivages, des oppositions entre "grands" et "petits" pays? Quel que soit le nombre d'Etats membres à l'avenir, l'union doit être fondée sur le respect absolu de l'égalité entre tous, en excluant tout esprit de domination.
De même, autant je pense qu'il est naturel d'envisager toutes les coopérations mutuellement avantageuses entre tous ceux qui le souhaitent, autant l'idée d'un "noyau dur" m'apparaît contraire à une conception progressiste du projet européen.
Et s'il est un point sur lequel il n'est pas possible de transiger, c'est l'extension du vote à la majorité qualifiée pour la politique commerciale commune, en amendant le fameux article 133 du traité. Un tel amendement est porteur de risques majeurs de mise en cause des services publics et de l'exception culturelle. Nous n'avons pas, ensemble, réussi à mettre en échec l'AMI, à bloquer le nouveau cycle de l'OMC à Seattle, pour qu'aujourd'hui on refasse entrer pas la fenêtre ce que nous avons réussi à faire sortir, et avec quelle vigueur, par la grande porte!
Concernant la Charte des droits fondamentaux, les appréciations peuvent être différentes d'un pays à l'autre, et au sein même du mouvement social. Et on sait que pour nous, communistes français, elle est franchement insuffisante, notamment en ce qui concerne les droits sociaux, environnementaux, et la situation faite aux étrangers -. Pourtant, nous pouvons converger autour de l'idée d'une grande consultation dans tous les pays de l'union afin d'aboutir, lors d'un prochain sommet, à une Charte qui réponde mieux, beaucoup mieux aux attentes et aux besoins d'une démocratisation nouvelle de la construction européenne. C'est dans tous les cas la proposition que nous avons avancée.
Nous ne pouvons que nous féliciter de la décision de proposer un agenda social. Oui la question sociale, celle de l'emploi, deviennent incontournables. Et nous y sommes tous ici pour quelque chose! Car il s'agit bien de la vie quotidienne de centaines de milliers de femmes, d'hommes, de jeunes, quand on parle droit à l'emploi, à la santé, au logement, à l'éducation, à une protection sociale de qualité... Mais force est de constater que les résultats des compromis européens sont très en deçà des nécessités et, par conséquent, très décevants.
Ce qu'il faut, selon nous, ce sont des objectifs clairs, quantifiés, contraignants et vérifiables dans la lutte contre le chômage. C'est l'affirmation de l'harmonisation vers le haut des législations sociales, de la réduction du temps de travail sans perte de salaire; c'est le renforcement de la lutte contre le travail précaire, un relèvement des minima sociaux et l'instauration d'un revenu minimum dans tous les états membres. Et quant à nous, nous avançons la proposition d'un droit à un emploi et une formation tout au long de la vie.
Et puis, ce qu'il faut c'est une politique monétaire européenne au service de l'emploi et de la croissance, ce qui appelle une redéfinition des missions et des pouvoirs de la banque centrale européenne, et la mise en cause du fameux pacte de stabilité libéral qui prétend enfermer à jamais les dépenses sociales dans le carcan libéral, -quelle que soit la majorité élue-. Il convient donc maintenant d'amplifier le mouvement pour l'instauration de la taxe Tobin sur les mouvements de capitaux!
Ce qu'il faut aussi ce sont des droits nouveaux pour les salariés et leurs syndicats dans leurs entreprises. C'est l'affirmation du rôle essentiel des services publics, et l'interruption du processus de libéralisation. Vous comprendrez que dans cet esprit je me félicite de l'engagement des ministres communistes français pour faire prévaloir, dans des conditions difficiles, très difficiles, l'intérêt général face aux pressions financières et ultra-libérales.
Quant à la sécurité alimentaire, sujet légitimement extrêmement sensible, on est en droit d'attendre des autorités européennes, si tatillonnes quand il s'agit de concurrence ou de liberté pour les capitaux, d'être infiniment plus exigeantes et rigoureuses en la matière. Quitte à mettre en cause la recherche effrénée du profit, dont nous voyons aujourd'hui, à travers les questions de pollution maritime, de la vache folle, ou avec l'échec de la conférence de La Haye sur l'effet de serre, combien elle met en péril l'environnement, et l'avenir même de la planète.
Si de si grandes interrogations planent sur le Conseil de Nice, c'est aussi que l'échéance de l'élargissement aux autres pays d'Europe se rapproche inexorablement. Réussir cet élargissement est sans doute un des défis majeurs pour la paix et la sécurité en Europe dans les décennies à venir. Je suis plus que jamais convaincu, après bien des discussions, ici comme en Europe centrale, c'est que pour s'élargir, l'Europe doit se transformer. C'est sur les contraintes ultra-libérales et les tensions qu'elles génèrent que bute l'élargissement, plutôt que sur les difficultés institutionnelles. Et c'est ensemble, par le dialogue, à tous les niveaux, dans une participation réelle des pays concernés à la construction, en s'appuyant sur leurs acquis sociaux et culturels, que nous pourrons surmonter les obstacles et trouver des solutions.
Oui, l'Europe de la paix et des coopérations, l'Europe de l'après-guerre froide, c'est ensemble, que nous pourrons la construire!
Dans le même sens, penser l'Europe dans toutes ses dimensions, c'est tourner nos regards vers le sud, pour relancer sur de nouvelles bases le partenariat euro-méditerranéen. Un partenariat qui, justement, ne doit pas être caricaturalement réduit à une vaste zone de libre-échange, alors que le modèle ultra-libéral a fait la preuve de son incapacité à répondre aux besoins de développement humain. Tout au contraire il ne fait qu'aggraver les inégalités, les frustrations, les exclusions.
Ce qu'on attend de l'Europe, des européens -et de la France en particulier- sur l'autre rive de la Méditerranée, jusqu'en Afrique, c'est une autre perspective. C'est de s'opposer à la logique prédatrice des marchés pour d'autres rapports fondés sur l'échange égal, sur le partage.
Evoquer les attentes envers les Européens, aujourd'hui ici à Nice, c'est également insister sur notre responsabilité pour contribuer à l'arrêt de la violence et à l'établissement de la paix au Proche-Orient. Il est impossible de rester spectateur devant la violence faite à un peuple, avec des milliers de victimes, des morts chaque jour, dont des enfants, un processus de paix bloqué, le risque permanent d'un embrasement. Les femmes et les hommes, les forces qui, en Palestine et en Israël, protestent contre la violence de la répression; qui agissent pour le retrait des territoires occupés, pour la reprise d'un processus sur des bases nouvelles ont besoin que la solidarité ne faiblisse pas. Et ici, il faut entendre les voix nombreuses qui dénoncent l'impasse où a mené le monopole américain sur les négociations. Pour réussir, les pourparlers doivent reprendre dans un cadre élargi, avec les Nations-Unies, mais aussi pour ce qui nous concerne, avec un engagement beaucoup plus net et déterminé des pays européens, et de l'union européenne. Un engagement au service d'un règlement conforme aux droits de tous les peuples de la région, et en premier lieu, bien entendu, du peuple palestinien, et aux principes définis par la communauté internationale. Il y a urgence à tout entreprendre pour qu'il en soit bien ainsi.
Chers amis, chers camarades,
On le voit, la rencontre entre responsables de partis de gauche européens, à la veille du Conseil de Nice revêt une grande signification. Nous sommes fiers qu'elle se tienne dans notre pays.
J'ai eu l'occasion de dire combien notre engagement pour réorienter l'Europe participe de notre engagement pour ancrer à gauche la politique de la France. Et quand la commission de Bruxelles -en écho au FMI, au patronat et à la droite- sermonne la France, parfois menaces à l'appui, comme plus mauvais élève de la classe, pour cause de 35 heures, ou de défense du service public, ou parce que le tabou du gel des emplois publics est levé par la création de milliers d'emploi dans l'éducation et la santé, eh bien nous prenons ces critiques des hérauts de l'ultra libéralisme pour des compliments qui nous encouragent à poursuivre.
Dans le même temps nous avons été amenés à lancer un avertissement sur les risques pour le gouvernement "d'aller dans le mur" s'il restait sourd aux attentes populaires, particulièrement en matière de salaires, de justice fiscale. Un sommet de la gauche vient de se tenir à notre demande. Il faut s'employer maintenant à mettre en uvre ce qui a été décidé, et poursuivre dans le pays le débat et l'action pour débloquer ce qui doit l'être.
Si je lance cet appel en présence des délégations venues d'autres pays, c'est d'abord parce que tout ce qui bouge positivement dans un de nos pays peut contribuer, peu ou prou, à des avancées chez les autres. Il existe ainsi une solidarité de fait entre nous, par delà les différences, dans les succès comme dans les difficultés. Je souhaite témoigner aussi des débats qui existent au sein même de la majorité plurielle en France, parce que je sais que la confrontation sur les conditions des succès lors les échéances électorales à venir est vive à gauche, dans tous les pays, face aux pressions libérales et social-libérales.
A la veille d'un Conseil européen dont les décisions -ou l'absence de décisions- pèseront sur l'avenir, et à la veille d'une manifestation dont tout laisse penser qu'elle fera événement, notre sommet de Nice donne à voir l'existence et l'engagement de partis et de forces de gauche influent, résolument antilibéraux et anticapitalistes, porteurs des exigences de citoyenneté, fortement ancrés dans les mouvements sociaux, civiques, féministes, écologistes, pacifistes, antiracistes...
Ce sommet de forces de la gauche transformatrice, s'inscrit dans la continuité d'autres rencontres à Madrid, Berlin, Rome, Lisbonne, Amsterdam, Stockholm, ou Paris... Dans les circonstances présentes il s'efforce de répondre à des attentes citoyennes fortes, pour l'appel à développer nos échanges, à travailler à des actions communes ou convergentes. Oui, nous sommes dans un moment où le rejet grandissant du modèle, des dogmes, et des politiques libérales appelle une affirmation visible, offensive des forces politiques qui se réclament de la transformation de la société.
Donner la parole aux citoyens, faire reculer les politiques libérales, travailler à ouvrir des perspectives nouvelles, imposer la transparence et la démocratie pour les décisions européennes: tels sont les objectifs sur lesquels nous sommes engagés, chacun dans des situations originales.
C'est sur ces objectifs que nous avons avancé l'idée d'une base commune pour une pétition européenne. Une pétition portant les exigences sociales immédiates, l'agenda du mouvement sociale en quelque sorte. Une pétition revendiquant le droit des citoyens d'être partie prenante des décisions européennes. Dans chacun de nos pays, à partir de nos propres réalités, de l'originalité de nos situations respectives nous pouvons, j'en suis convaincu, enrichir cette base commune, et la faire partager, soutenir, par des millions d'Européennes et d'Européens.
Pour ce qui nous concerne, nous allons faire signer ce texte commun, dès demain dans la manifestation. Et nous pourrions nous donner rendez-vous l'an prochain en Suède, avant l'été, à l'occasion de la présidence suédoise de l'union européenne.
Chers amis, chers camarades,
Un mouvement est en train de prendre corps à l'échelle européenne, à travers rencontres, manifestations, marches, eurogrèves...
L'appel à des actions communes entre forces politiques, sur la politique européenne elle-même revêt pour nous une grande signification. Chacun peut ainsi puiser dans ce mouvement des forces nouvelles. Chacun peut prendre la mesure d'une efficacité accrue, avec la conviction que l'action menée dans son propre pays s'inscrit dans un mouvement plus vaste. Oui, nous voulons nous faire entendre, comme ces milliers de femmes et d'hommes, de salariés, de citoyens, qui se retrouvent à Nice pendant ces quatre jours. Nous voulons nous faire entendre pour dire le besoin de changement, le besoin de politiques résolument ancrées à gauche!
Oui. Faisons nous entendre ensemble. Ce sera efficace pour changer en Europe. Pour changer l'Europe!
(Source http://www.pcf.fr, le 19 décembre 2000).