Texte intégral
C. Barbier.- "Les marchés doivent reprendre leurs esprits", implore J.-C. Trichet, le patron de la Banque centrale européenne. On est là, à faire de la psychologie de bazar ?
Ce n'est pas de la psychologie de bazar, mais c'est juste comme dans toute crise financière, il y a une dimension de confiance, et donc d'irrationnel. Et là, ce qu'il faut, c'est tout que le monde comprenne bien qu'il ne faut pas sombrer dans l'irrationnel parce que personne n'a rien à y gagner. Donc, c'est le sens de l'intervention de F. Fillon hier, c'est le sens des actions coordonnées entre N. Sarkozy et A. Merkel, c'est de montrer que, on ne laissera pas le système partir dans le fossé, donc il faut que les gens aient confiance.
Confiance ça veut dire exigence de vérité. 0,2 % de croissance pour la zone euro en 2009, prévoit le FMI. Avec 1 % affiché, est-ce que le Gouvernement se moque de nous ? !
Non, d'abord la prévision du FMI elle est sur l'ensemble de la zone. La deuxième chose, c'est qu'en matière de prévisions, le FMI est assez spécialistes des ajustements successifs dans tous les sens. On a une prévision qui est à 1 % avec une marge d'erreur qui a été incorporée dans le budget, donc pour l'instant on est dans quelque chose qui est soutenable. Mais honnêtement, la priorité d'abord, c'est de s'occuper de la crise financière, de gérer ce qu'on est en train de vivre, on verra ensuite.
Néanmoins, le budget est caduc ! F. Hollande a attaqué hier à l'Assemblée nationale : le budget est d'ores et déjà, disait-il, totalement à côté de la plaque" !
Je pense vraiment que c'est une période qui n'ouvre absolument aucune place pour les petites querelles politiciennes.
La loi de Finances, ce n'est pas une petite querelle !
Non, mais les attaques consistant à dire "le budget est caduc, le budget n'est pas caduc"... On a d'abord une situation d'urgence à gérer, qui est de faire face à cette crise financière, de s'assurer qu'on a aucun incendie qui prend, et ensuite de voir comment est-ce qu'on fait l'année 2009. Commençons les choses les unes après les autres ; d'abord, faire face à la crise dans laquelle on est et dont on n'est pas encore sortis. Et je ne suis pas sûr que ce genre de petite polémique apporte quoi que ce soit.
Le Gouvernement a sous-estimé la crise, estime la gauche. N'êtes-vous pas obligé de dire oui, vous avez sous-estimé, peut-être comme tout le monde, mais vous avez sous-estimé la crise ?
La crise des subprimes, on a commencé à en parler, le président de la République a été le premier à saisir A. Merkel dès juillet de l'année dernière. C'est vrai qu'à cette époque-là, certains dirigeants européens lui ont dit : "mais non, tout ça va bien passer". Dès que la crise est arrivée, ça a été le premier dirigeant européen, lors du discours de Toulon, à poser les bases, qui sont les bases de l'action aujourd'hui de l'ensemble des dirigeants, c'est-à-dire, de dire : on ne laissera pas une banque faire faillite parce qu'on ne veut pas que les épargnants soient touchés, et que le système ait ensuite une contagion sur l'économie réelle. Donc, c'est très facile sur un fauteuil de studio - de radio pour S. Royal - de donner des leçons à tout le monde, je pense surtout que, là, on doit être chacun, les uns et les autres, dans une ambiance qui soit un tout petit peu constructive pour les politiques.
Alors, constructif, F. Fillon a essayé de l'être hier après-midi, en annonçant la création d'une structure juridique pour soutenir les banques. Est-ce à dire que vous vous attendez à des faillites bancaires françaises prochainement ?
Non, ce qu'a fait F. Fillon, c'est qu'il a expliqué quelque part l'instrument financier par lequel on veut agir. Pourquoi ? Rien de pire face à une crise, une crise qui pourrait affecter un établissement bancaire, que de réagir au coup par coup. Donc, le but c'est que, pour l'ensemble des marchés financiers, soit très claire la manière dont l'Etat français va agir, en passant par une structure juridique qui permet aussi d'apporter la garantie de l'Etat. Donc, ça, c'est un système qui est totalement transparent et qui permet de s'assurer qu'on a vraiment un outil efficace et surtout mobilisable dans l'urgence. Je rappelle par exemple, que pour l'affaire de Dexia, le président de la République a convoqué immédiatement une réunion à l'Elysée à 4 heures du matin, pour s'assurer qu'on puisse être en ordre de bataille au moment où la journée allait s'ouvrir à partir de 8 heures. Donc, le but, c'est d'agir en amont et d'avoir un instrument qui nous permette de réagir à toutes les crises possibles.
Et vous avez en tête la liste des banques les plus fragiles, celles qu'il faut surveiller, les malades ?
Non, et d'ailleurs si on le voit, le système bancaire français aujourd'hui, est quand même beaucoup plus...enfin, résiste beaucoup mieux par rapport à ce qu'on voit aujourd'hui en Allemagne, ou en Angleterre, ou ce qui s'est passé encore sur la banque, notamment par Internet islandaise. Donc, on a un système français qui est plus solide, ça ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas qu'on se dote des instruments qui permettront de réagir très vite, si on a un sujet.
Et le cas échéant, si nécessaire, on nationaliste totalement une banque ?
Nationaliser ce n'est pas forcé...enfin nationaliser n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est de s'assurer qu'on n'a pas une banque qui part en faillite. Pourquoi ? Parce que si une banque part en faillite, ce sont les épargnants qui payeront l'addition et surtout derrière on aura tout notre système bancaire qui sera fragilisé et donc l'économie réelle qui sera touchée. Donc, ce sont des genres de situations où il faut qu'on agisse tout de suite, parce que plus vous attendez, plus ça coûte.
Si l'Etat prend des participations, est-ce qu'il s'engage à les revendre uniquement quand elles redeviendront bénéficiaires, pour que le contribuable ait fait une bonne affaire au passage ?
Ça, c'est un point très important, c'est-à-dire que ce n'est pas juste faire tourner la planche à déficit. En contrepartie des participations que prend l'Etat, il y a des actifs ; en contrepartie de ce qu'on a mis sur la table, par exemple pour Dexia, il y a les actifs chez Dexia. Ça veut donc dire que cet argent-là, on pourra le revendre, ces actifs-là pourront être revendues ensuite, et éventuellement, même, il ne faut pas l'exclure, ça peut faire des bonnes affaires pour l'Etat. Je rappelle que, quand on l'avait fait pour Alstom, le résultat avait été positif pour le budget de l'Etat. Donc, on gèrera effectivement en bon père de famille, et en étant attentifs, au fur et à mesure qu'on sortira de la crise, pour que l'argent des contribuables qu'on a investi, on ait un bon retour sur investissement.
F. Bayrou, propose un état-major de crise au niveau européen, 24 heures sur 24. Que répondez-vous, vous souriez ?
Mais c'est d'une naïveté terrible. Qu'est-ce qu'il croit ? Qu'il n'y a pas d'état-major de crise ? A. Merkel, N. Sarkozy, G. Brown, les responsables italiens, espagnols se parlent quasiment quatre à cinq fois par jour pour faire le point entre eux, les administrations sont en lien étroit. J'ai envie de dire "de grâce !". Je pense que tous les politiques dans cette crise ont un devoir, qui est de donner quand même une image responsable, de ne pas chercher à instrumentaliser leurs petits ego, il ne faut pas que F. Bayrou cherche à se faire de la pub gratuite, ni S. Royal, ni nous. Le but, c'est qu'on soit plus un peu responsables. Cet état-major de crise c'est juste ridicule. Il existe évidemment, et on est en pleine coordination entre tous les grands Etats européens pour réagir le plus vite possible. Je pense que dans une crise comme celle-là, les politiques doivent un peu hausser le niveau.
Justement, pour faire l'unité nationale, pour hausser le niveau, pourquoi ne créez-vous pas une sorte de comité de pilotage où tous les grands politiques du pays, droite, gauche, Centre, seraient réunis pour les informer ?
C'est un peu ce qu'on a fait hier avec un grand débat à l'Assemble nationale qui a permis à chacun de s'exprimer. Mais ce qui me frappe, et notamment, si on compare avec les autres pays européens, je trouve que notre scène politique française doit éviter la médiocrité politicienne, voilà.
Le chômage a brutalement augmenté en août ; F. Fillon annonce, il l'a répété hier, que la crise aura des conséquences encore sur l'emploi. Alors, quel chiffre attendez-vous pour le mois de septembre ? On le connaîtra dans quelques jours, quelques semaines. Je l'ai dit, j'ai voulu être très clair là-dessus. : on va avoir, parce qu'il y a nécessairement un impact sur l'économie réelle, une période qui va être difficile.
Vous aviez dit un an. Vous aggravez votre pronostic aujourd'hui ?
Non, je n'aggrave pas mon pronostic. Par contre, la seule chose maintenant qui m'intéresse c'est : qu'est-ce qu'on va mettre comme moyens d'action sur la table ? Par exemple, cet après-midi, je vais recevoir l'ensemble des partenaires sociaux, à la demande du président de la République de chez Renault, pour faire le point avec eux sur la situation à Sandouville et voir ce qu'on peut mobiliser.
Qu'allez-vous leur dire ?
Donc, on a un site qui est très fragilisé par... l'avenir de Sandouville. Le but d'abord c'est s'assurer que Sandouville ne fermera pas. La deuxième chose c'est qu'on va avoir des nouveaux véhicules qui vont arriver, et on a une période intermédiaire qui est difficile à gérer. Quand on a fait le déplacement, on a des salariés qui sont venus nous voir en nous disant : nous, ça fait cinq mois qu'on a du chômage partiel, ça représente une perte de 300 à 400 euros sur notre feuille de paye. Le but, c'est plutôt qu'ils perdent cet argent, plutôt que cette période-là ne serve à rien, de financer de la formation qui leur permettra d'apprendre des nouvelles techniques, de se préparer pour les nouveaux véhicules, et en même temps, d'avoir un complément de salaire. Ça c'est la première piste. La deuxième piste, c'est que, à situation exceptionnelle sur Sandouville, je veux une réponse exceptionnelle. Et c'est ce que m'a demandé de préparer le président de la République avec les partenaires sociaux ce soir, en travaillant sur un contrat de transition professionnelle, qui permettra de travailler sur Renault, mais aussi sur les sous-traitants de l'ensemble du bassin. Et si ça marche bien, on le généralisera à l'ensemble du pays.
C'est-à-dire que le Gouvernement bascule dans le traitement social du chômage ?
Non, ça veut dire que dans une période difficile, il faut qu'on ne soit pas seulement le nez dans le guidon, en essayant de préparer chaque outil, mais qu'on se dote d'une amélioration du service public de l'emploi. Prenons des exemples concrets : non seulement répondre à Renault, mais aussi poursuivre la réforme de l'ANPE-Assedic, mettre en place la réforme de la formation professionnelle, se doter de meilleurs outils d'accompagnement du retour à l'emploi, et d'ailleurs ça marche, vous avez sans doute vu que la France a gagné deux places en termes de compétitivité dans le classement de Davos.
Vous prévoyiez 280.000 contrats aidés pour 2009, vous allez monter la barre ?
Si nécessaire, on le fera.
Avec quel argent ?
Les contrats aidés. Dans une période de crise, je préfère investir de l'argent qui permet de remettre un pied à l'étier à des salariés, à condition que ce ne soit pas des contrats aidés voie de garage. Je ne veux pas refaire le coup des emplois jeunes qui étaient destinés à des personnes qui n'en avaient pas besoin. Ce qui m'intéresse, c'est d'avoir des contrats aidés qui permettent de faire un sas pour des personnes qui ont des vraies difficultés pour accéder à l'emploi, et pendant lesquels on s'occupe d'eux. Juste un chiffre : une personne sur cinq qui est aujourd'hui en contrat aidé n'est pas accompagnée, c'est-à-dire qu'on la met dans un contrat aidé, on la met dans une boîte et on lui dit "sois sage et tais-toi". Je veux un vrai accompagnement qui permet un vrai retour à l'emploi.
Et qu'en même temps, il va falloir durcir les conditions pour touchers les allocations de chômage, en allant plus durement vers les offres raisonnables d'emploi, voire diminuer le montant des indemnités ?
Non, je crois surtout qu'il faut que la France, et ça c'est une réflexion d'ensemble, trouve le bon dosage entre la flexibilité de son marché de l'emploi mais aussi la sécurité quand on traverse des périodes dures comme celle-là.
Aujourd'hui, plus de sécurité ?
Aujourd'hui, on a essayé d'avancer sur la méthode sur la voie de la souplesse. La souplesse c'est tout simplement ces à-coups dans l'économie, et la sécurité c'est aussi celle qu'on doit voir émerger à l'occasion de la négociation de la Convention assurance-chômage.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 octobre 2008
Ce n'est pas de la psychologie de bazar, mais c'est juste comme dans toute crise financière, il y a une dimension de confiance, et donc d'irrationnel. Et là, ce qu'il faut, c'est tout que le monde comprenne bien qu'il ne faut pas sombrer dans l'irrationnel parce que personne n'a rien à y gagner. Donc, c'est le sens de l'intervention de F. Fillon hier, c'est le sens des actions coordonnées entre N. Sarkozy et A. Merkel, c'est de montrer que, on ne laissera pas le système partir dans le fossé, donc il faut que les gens aient confiance.
Confiance ça veut dire exigence de vérité. 0,2 % de croissance pour la zone euro en 2009, prévoit le FMI. Avec 1 % affiché, est-ce que le Gouvernement se moque de nous ? !
Non, d'abord la prévision du FMI elle est sur l'ensemble de la zone. La deuxième chose, c'est qu'en matière de prévisions, le FMI est assez spécialistes des ajustements successifs dans tous les sens. On a une prévision qui est à 1 % avec une marge d'erreur qui a été incorporée dans le budget, donc pour l'instant on est dans quelque chose qui est soutenable. Mais honnêtement, la priorité d'abord, c'est de s'occuper de la crise financière, de gérer ce qu'on est en train de vivre, on verra ensuite.
Néanmoins, le budget est caduc ! F. Hollande a attaqué hier à l'Assemblée nationale : le budget est d'ores et déjà, disait-il, totalement à côté de la plaque" !
Je pense vraiment que c'est une période qui n'ouvre absolument aucune place pour les petites querelles politiciennes.
La loi de Finances, ce n'est pas une petite querelle !
Non, mais les attaques consistant à dire "le budget est caduc, le budget n'est pas caduc"... On a d'abord une situation d'urgence à gérer, qui est de faire face à cette crise financière, de s'assurer qu'on a aucun incendie qui prend, et ensuite de voir comment est-ce qu'on fait l'année 2009. Commençons les choses les unes après les autres ; d'abord, faire face à la crise dans laquelle on est et dont on n'est pas encore sortis. Et je ne suis pas sûr que ce genre de petite polémique apporte quoi que ce soit.
Le Gouvernement a sous-estimé la crise, estime la gauche. N'êtes-vous pas obligé de dire oui, vous avez sous-estimé, peut-être comme tout le monde, mais vous avez sous-estimé la crise ?
La crise des subprimes, on a commencé à en parler, le président de la République a été le premier à saisir A. Merkel dès juillet de l'année dernière. C'est vrai qu'à cette époque-là, certains dirigeants européens lui ont dit : "mais non, tout ça va bien passer". Dès que la crise est arrivée, ça a été le premier dirigeant européen, lors du discours de Toulon, à poser les bases, qui sont les bases de l'action aujourd'hui de l'ensemble des dirigeants, c'est-à-dire, de dire : on ne laissera pas une banque faire faillite parce qu'on ne veut pas que les épargnants soient touchés, et que le système ait ensuite une contagion sur l'économie réelle. Donc, c'est très facile sur un fauteuil de studio - de radio pour S. Royal - de donner des leçons à tout le monde, je pense surtout que, là, on doit être chacun, les uns et les autres, dans une ambiance qui soit un tout petit peu constructive pour les politiques.
Alors, constructif, F. Fillon a essayé de l'être hier après-midi, en annonçant la création d'une structure juridique pour soutenir les banques. Est-ce à dire que vous vous attendez à des faillites bancaires françaises prochainement ?
Non, ce qu'a fait F. Fillon, c'est qu'il a expliqué quelque part l'instrument financier par lequel on veut agir. Pourquoi ? Rien de pire face à une crise, une crise qui pourrait affecter un établissement bancaire, que de réagir au coup par coup. Donc, le but c'est que, pour l'ensemble des marchés financiers, soit très claire la manière dont l'Etat français va agir, en passant par une structure juridique qui permet aussi d'apporter la garantie de l'Etat. Donc, ça, c'est un système qui est totalement transparent et qui permet de s'assurer qu'on a vraiment un outil efficace et surtout mobilisable dans l'urgence. Je rappelle par exemple, que pour l'affaire de Dexia, le président de la République a convoqué immédiatement une réunion à l'Elysée à 4 heures du matin, pour s'assurer qu'on puisse être en ordre de bataille au moment où la journée allait s'ouvrir à partir de 8 heures. Donc, le but, c'est d'agir en amont et d'avoir un instrument qui nous permette de réagir à toutes les crises possibles.
Et vous avez en tête la liste des banques les plus fragiles, celles qu'il faut surveiller, les malades ?
Non, et d'ailleurs si on le voit, le système bancaire français aujourd'hui, est quand même beaucoup plus...enfin, résiste beaucoup mieux par rapport à ce qu'on voit aujourd'hui en Allemagne, ou en Angleterre, ou ce qui s'est passé encore sur la banque, notamment par Internet islandaise. Donc, on a un système français qui est plus solide, ça ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas qu'on se dote des instruments qui permettront de réagir très vite, si on a un sujet.
Et le cas échéant, si nécessaire, on nationaliste totalement une banque ?
Nationaliser ce n'est pas forcé...enfin nationaliser n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est de s'assurer qu'on n'a pas une banque qui part en faillite. Pourquoi ? Parce que si une banque part en faillite, ce sont les épargnants qui payeront l'addition et surtout derrière on aura tout notre système bancaire qui sera fragilisé et donc l'économie réelle qui sera touchée. Donc, ce sont des genres de situations où il faut qu'on agisse tout de suite, parce que plus vous attendez, plus ça coûte.
Si l'Etat prend des participations, est-ce qu'il s'engage à les revendre uniquement quand elles redeviendront bénéficiaires, pour que le contribuable ait fait une bonne affaire au passage ?
Ça, c'est un point très important, c'est-à-dire que ce n'est pas juste faire tourner la planche à déficit. En contrepartie des participations que prend l'Etat, il y a des actifs ; en contrepartie de ce qu'on a mis sur la table, par exemple pour Dexia, il y a les actifs chez Dexia. Ça veut donc dire que cet argent-là, on pourra le revendre, ces actifs-là pourront être revendues ensuite, et éventuellement, même, il ne faut pas l'exclure, ça peut faire des bonnes affaires pour l'Etat. Je rappelle que, quand on l'avait fait pour Alstom, le résultat avait été positif pour le budget de l'Etat. Donc, on gèrera effectivement en bon père de famille, et en étant attentifs, au fur et à mesure qu'on sortira de la crise, pour que l'argent des contribuables qu'on a investi, on ait un bon retour sur investissement.
F. Bayrou, propose un état-major de crise au niveau européen, 24 heures sur 24. Que répondez-vous, vous souriez ?
Mais c'est d'une naïveté terrible. Qu'est-ce qu'il croit ? Qu'il n'y a pas d'état-major de crise ? A. Merkel, N. Sarkozy, G. Brown, les responsables italiens, espagnols se parlent quasiment quatre à cinq fois par jour pour faire le point entre eux, les administrations sont en lien étroit. J'ai envie de dire "de grâce !". Je pense que tous les politiques dans cette crise ont un devoir, qui est de donner quand même une image responsable, de ne pas chercher à instrumentaliser leurs petits ego, il ne faut pas que F. Bayrou cherche à se faire de la pub gratuite, ni S. Royal, ni nous. Le but, c'est qu'on soit plus un peu responsables. Cet état-major de crise c'est juste ridicule. Il existe évidemment, et on est en pleine coordination entre tous les grands Etats européens pour réagir le plus vite possible. Je pense que dans une crise comme celle-là, les politiques doivent un peu hausser le niveau.
Justement, pour faire l'unité nationale, pour hausser le niveau, pourquoi ne créez-vous pas une sorte de comité de pilotage où tous les grands politiques du pays, droite, gauche, Centre, seraient réunis pour les informer ?
C'est un peu ce qu'on a fait hier avec un grand débat à l'Assemble nationale qui a permis à chacun de s'exprimer. Mais ce qui me frappe, et notamment, si on compare avec les autres pays européens, je trouve que notre scène politique française doit éviter la médiocrité politicienne, voilà.
Le chômage a brutalement augmenté en août ; F. Fillon annonce, il l'a répété hier, que la crise aura des conséquences encore sur l'emploi. Alors, quel chiffre attendez-vous pour le mois de septembre ? On le connaîtra dans quelques jours, quelques semaines. Je l'ai dit, j'ai voulu être très clair là-dessus. : on va avoir, parce qu'il y a nécessairement un impact sur l'économie réelle, une période qui va être difficile.
Vous aviez dit un an. Vous aggravez votre pronostic aujourd'hui ?
Non, je n'aggrave pas mon pronostic. Par contre, la seule chose maintenant qui m'intéresse c'est : qu'est-ce qu'on va mettre comme moyens d'action sur la table ? Par exemple, cet après-midi, je vais recevoir l'ensemble des partenaires sociaux, à la demande du président de la République de chez Renault, pour faire le point avec eux sur la situation à Sandouville et voir ce qu'on peut mobiliser.
Qu'allez-vous leur dire ?
Donc, on a un site qui est très fragilisé par... l'avenir de Sandouville. Le but d'abord c'est s'assurer que Sandouville ne fermera pas. La deuxième chose c'est qu'on va avoir des nouveaux véhicules qui vont arriver, et on a une période intermédiaire qui est difficile à gérer. Quand on a fait le déplacement, on a des salariés qui sont venus nous voir en nous disant : nous, ça fait cinq mois qu'on a du chômage partiel, ça représente une perte de 300 à 400 euros sur notre feuille de paye. Le but, c'est plutôt qu'ils perdent cet argent, plutôt que cette période-là ne serve à rien, de financer de la formation qui leur permettra d'apprendre des nouvelles techniques, de se préparer pour les nouveaux véhicules, et en même temps, d'avoir un complément de salaire. Ça c'est la première piste. La deuxième piste, c'est que, à situation exceptionnelle sur Sandouville, je veux une réponse exceptionnelle. Et c'est ce que m'a demandé de préparer le président de la République avec les partenaires sociaux ce soir, en travaillant sur un contrat de transition professionnelle, qui permettra de travailler sur Renault, mais aussi sur les sous-traitants de l'ensemble du bassin. Et si ça marche bien, on le généralisera à l'ensemble du pays.
C'est-à-dire que le Gouvernement bascule dans le traitement social du chômage ?
Non, ça veut dire que dans une période difficile, il faut qu'on ne soit pas seulement le nez dans le guidon, en essayant de préparer chaque outil, mais qu'on se dote d'une amélioration du service public de l'emploi. Prenons des exemples concrets : non seulement répondre à Renault, mais aussi poursuivre la réforme de l'ANPE-Assedic, mettre en place la réforme de la formation professionnelle, se doter de meilleurs outils d'accompagnement du retour à l'emploi, et d'ailleurs ça marche, vous avez sans doute vu que la France a gagné deux places en termes de compétitivité dans le classement de Davos.
Vous prévoyiez 280.000 contrats aidés pour 2009, vous allez monter la barre ?
Si nécessaire, on le fera.
Avec quel argent ?
Les contrats aidés. Dans une période de crise, je préfère investir de l'argent qui permet de remettre un pied à l'étier à des salariés, à condition que ce ne soit pas des contrats aidés voie de garage. Je ne veux pas refaire le coup des emplois jeunes qui étaient destinés à des personnes qui n'en avaient pas besoin. Ce qui m'intéresse, c'est d'avoir des contrats aidés qui permettent de faire un sas pour des personnes qui ont des vraies difficultés pour accéder à l'emploi, et pendant lesquels on s'occupe d'eux. Juste un chiffre : une personne sur cinq qui est aujourd'hui en contrat aidé n'est pas accompagnée, c'est-à-dire qu'on la met dans un contrat aidé, on la met dans une boîte et on lui dit "sois sage et tais-toi". Je veux un vrai accompagnement qui permet un vrai retour à l'emploi.
Et qu'en même temps, il va falloir durcir les conditions pour touchers les allocations de chômage, en allant plus durement vers les offres raisonnables d'emploi, voire diminuer le montant des indemnités ?
Non, je crois surtout qu'il faut que la France, et ça c'est une réflexion d'ensemble, trouve le bon dosage entre la flexibilité de son marché de l'emploi mais aussi la sécurité quand on traverse des périodes dures comme celle-là.
Aujourd'hui, plus de sécurité ?
Aujourd'hui, on a essayé d'avancer sur la méthode sur la voie de la souplesse. La souplesse c'est tout simplement ces à-coups dans l'économie, et la sécurité c'est aussi celle qu'on doit voir émerger à l'occasion de la négociation de la Convention assurance-chômage.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 octobre 2008