Conférence de presse de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur l'intervention militaire au Kosovo, la décision slovaque d'ouvrir son espace aérien aux avions de l'OTAN et sur le calendrier de l'élargissement de l'Union européenne à la Slovaquie, Bratislava le 30 mars 1999.

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Circonstance : Voyage en Slovaquie les 29 et 30 mars 1999-entretien avec M. Pavol Hamzik, vice-premier ministre slovaque chargé de l'intégration européenne

Texte intégral

Q - Pouvez-vous dire quelques mots à propos de votre visite ?
R - Cétait une visite passionnante, loccasion davoir des contacts de haut niveau. Avec M. Hamzik, cest la deuxième fois que nous nous voyons, la première fois cétait à Paris. Avec M. Kukan, on se voit pour la troisième fois. Jai vu également le Premier ministre, M. Dzurinda, le vice-Premier ministre Csaky, le vice-Premier ministre, M. Fogas. Nous avons fait déjà un tour - assez large - des questions concernent ladhésion de la Slovaquie à lUnion européenne.
Ce que je peux simplement dire pour lance notre conversation est que le message que je suis venu apporter est simple : la France soutient ladhésion de la Slovaquie à lUnion européenne, à lOCDE, à lOTAN. Notre sentiment est que le processus politique est en cours et il est positif ; les réformes économiques se poursuivent ; ladaptation de la législation se fait. Nous savons que des efforts sont encore nécessaires, nos amis slovaques le savent aussi mais nous avons le souci de rapprocher nos relations bilatérales, de travailler davantage ensemble à la préparation de lUnion européenne et, dans ces conditions, jespère et je crois que lors du Conseil européen dHelsinki à la fin de lannée, il y aura bien une décision positive pour louverture des négociations, quune décision positive pourra être prise.
Jajoute que nous attachons beaucoup dimportance à la visite du Premier ministre en France. Il sera reçu par le président de la République, Jacques Chirac, et par le Premier ministre, Lionel Jospin. Dans ce contexte, je voudrais insister sur deux aspects. Dabord sur le développement des relations économiques : nous avons évoqué, avec le Premier ministre, la perspective du développement des investissements étranges en Slovaquie et aussi des affaires conclues entre la France et la Slovaquie. Jespère que lon pourra voir des résultats lors de la visite de M. Dzurinda à Paris.
La deuxième chose, cest la Francophonie : la Slovaquie sest déclarée candidat à la Francophonie et nous y sommes favorables. Nous la souhaitons. Cest, pour nous, un signe damitié, un signe de culture.
Q - Si je peux vous poser une question de politique, jaimerais vous demander si la France continue à soutenir lopinion quil faut résoudre le conflit du Kosovo par le chemin militaire. Deuxième question : Quattendez-vous de la mission de paix de M. Evgueni Primakov ?
R - Ce nest pas lhabitude de sexprimer de la sorte sur des sujets internationaux quand on est à létranger, dautant que je nai pas les derniers éléments dinformation puisque je suis ici dans mon travail sur lUnion et la Slovaquie. Mais ce que je veux dire, cest que, pour nous, le but de cette intervention militaire est bien sûr un but politique et militaire. Nous souhaitons faire en sorte que M. Milosevic nait plus les moyens militaires dune politique répressive et, nous pensons que le but est toujours lautonomie du Kosovo, que cela passe par une solution politique. Pour le reste, nous allons observer les résultats de la mission de M. Primakov parce que nous savons que la Russie a son rôle à jouer.
Je voudrais également souligner puisque nous minterrogez sur ce point quil me semble que nous avons - avec le gouvernement slovaque, jen ai parlé hier avec M. Kukan , nous en avons encore parlé au déjeuner - une convergence danalyse sur le pourquoi de cette intervention qui est une intervention nécessaire même si lhistoire de la guerre est toujours dramatique et nous sommes très reconnaissants à la Slovaquie de la décision quelle a prise douvrir lespace aérien aux avions de lOTAN.
Q - Hier et également aujourdhui, vous avez exprimé le soutien de la part de la République française à la Slovaquie quant à son adhésion à lUnion européenne, à lOTAN, à lOCDE. Pourriez-vous dire concrètement dans quel domaine, par quels moyens la France pourrait soutenir la Slovaquie ?
R - Les choses sont simples : la France est un pays membre de lUnion européenne - et je peux me permettre - pas tout à fait nimporte quel pays de lUnion européenne. Cest un des pays qui exerce dans lUnion une capacité de « leadership ». Donc, au Sommet dHelsinki, nous aurons notre mot à dire. De ce point de vue, une rencontre comme celle daujourdhui, des échanges gouvernementaux, la visite du Premier ministre à Paris, sont des éléments importants et je pense que le président de la République, Jacques Chirac, le Premier ministre, Lionel Jospin, auront loccasion de confirmer à M. Dzurinda le soutien de la France. Ma petite expérience prouve quun soutien de poids est important. Jespère quil est apprécié comme tel.
Pour ce qui concerne lOCDE, nous allons peser pour quune attitude positive soit adoptée à légard de la Slovaquie, tout en sachant que les Américains ont la tentation de durcir les critères mais il y un comité de liaison entre lOCDE et la Slovaquie. Nous avons pris connaissance du programme du gouvernement, programme rigoureux, et nous allons dire que nous le jugeons positivement. Cette rencontre aura lieu le 21 avril.
Pour ce qui est de lOTAN, cest le cadre du Sommet de Washington où ces choses vont commencer à être discutées. Là aussi, nous avons peut-être une petite différence dapproche avec les Américains. Nous pensons que la porte doit être ouverte. Les Américains sont assez restrictifs mais je peux vous assurer que dans le cadre du Sommet de Washington, le président de la République défendra la Roumanie, la Slovénie, la Bulgarie, la Slovaquie et les Pays baltes, et souhaitera, en tout cas, quune mention soit faite et une perspective tracée. Parce que je pense quil faut être quand même réaliste, cela prendra un peu de temps.
Pour lUnion européenne à Helsinki, croyez-moi, le poids de la France comptera.
Q - Lors de votre rencontre avec le Premier ministre, vous avez dit quil y avait des entrepreneurs français qui souhaitaient travailler et développer leurs activités en Slovaquie, pourriez-vous nommer certains projets économiques concrets ? Quant à ma deuxième question, il vient de létranger deux évaluations différentes sur lévolution actuelle de la Slovaquie pour ce qui concerne la rapidité des changements. Quel est votre avis ?
R - Sur le premier point, je serais discret. Mais je crois que nous avons constaté des convergences sur les dossiers importants. Cest peut-être à Paris que seront trouvées les solutions définitives. En tout cas, je suis persuadé que le Premier ministre a lintention de venir à Paris avec des réalisations. Cet entretien sest très bien passé mais vous comprendrez que dans le monde des affaires la décision fait partie des choses. Demain, dailleurs, à Bratislava vient notre secrétaire dEtat au Commerce extérieur, M. Dondoux, qui pourra parler peut-être davantage de ces projets, de ce qui ont trouvé une finalité. Il vient avec des chefs dentreprises.
Sur le deuxième point, je me garderais de porter un jugement, la seule chose que je dirais est que ces réformes sont nécessaires et que jai la sensation que le gouvernement a tout à fait confiance en cela et cela fait partie des paramètres qui justifieront ladhésion de la Slovaquie à lUnion européenne. Puis elles seront rapides plus ladhésion sera rapide.
Q - Vous avez discuté avec votre partenaire, M. Kukan, des conclusions du Sommet de lUnion européenne à Berlin. A cette occasion, vous avez dit que vous considérez les conclusions comme un bon signal pas seulement pour lUnion européenne mais aussi pour les pays candidats comme la Slovaquie. A mon avis, si lon regarde le « paquet » des moyens financiers réservés aux pays dans le cadre de laide à la pré-adhésion et pour les nouveaux pays membres, cela ne me paraît pas suffisant. Quelle est votre opinion sur le calendrier du prochain élargissement prévu pour les années qui suivent après 2006 ou 2007 ?
Dabord, je répète que Berlin me paraît un bon signal car le fait que lUnion européenne soit capable de mettre à plat ses politiques communes veut dire que lon se tourne vers lélargissement.
Deuxièmement, je crois que lenveloppe de pré-adhésion est tout à fait suffisante et dailleurs elle a été fixée depuis longtemps. Cest vrai quil peut y avoir une petite ambiguïté sur les crédits qui sont donnés aux nouveaux pays adhérents. Cest dû à un phénomène très simple que lon connaît dans les entreprises. Nous ne savons pas exactement ce quil en retournera. Dans une entreprise où on passe des provisions, où on fait des amortissements et où nous navons pas eu exactement les mêmes raisonnements. Je peux vous assurer sil y a un élargissement rapide de lUnion européenne sera capable de dégager les moyens nécessaires. Il ny a donc aucune inquiétude à avoir sur ce point.
Quant au calendrier, je peux dire ici ce que je répète partout : je ne suis pas pour que lon dise une date ou une autre. Je suis pour quon dise : « le plus vite possible » ; cela veut dire dès que les candidats sont prêts. Il faut donc faire en sorte que la préparation à ladhésion soit déterminée, puis cela arrivera tôt, suffisamment tôt.
Q - Avez-vous quelques prévisions personnelles en ce qui concerne le calendrier ?
R - Il y aura des adhésions avant 2006.
Je vais ajouter un mot en comptabilité : il y a deux façons de comptabiliser. Certains disent : « first in, first out » et dautres disent : »last in, last out ». Cela veut dire que les premiers arrivés dans la négociation ne seront pas forcément les premiers adhérents et ceux qui arrivent un peu plus tard ne sont pas forcément les derniers adhérents. Cest donc une compétition dans laquelle chacun doit être jugé sur ses mérites propres.
Q - Vous avez dit quil y aura des adhésions avant 2006, nous supposons que vous avez des idées plus précises à ce sujet ?
R - Je vais répéter ce que jai dit : cela sera en fonction des mérites propres de chacun ; chacun voit quun certain nombre de pays qui sont entrés dans le processus ont des éléments avancés. On peut citer la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et on peut citer, en fait, tous les pays qui sont dans le premier groupe. Puis, il y en a dautres comme la Slovaquie, certains Pays baltes qui ont des atouts. Je pense quaujourdhui, un certain nombre de pays sont bien placés pour adhérer avant 2006. Je dis cela pour répondre à la question qui métait posée. Ce nest pas parce que dans lAgenda 2000 on na pas parlé de tel ou tel pays que les Européens ne sont pas prêts à accueillir les pays candidats avant 2006.
Lattitude de la France, sur ce sujet, est simple : nous sommes déterminés et réalistes. Nous sommes positifs mais pas démagogues. Donc, maintenant au travail dans lUnion européenne et chez les pays candidats, puis les rendez-vous viendront assez tôt./.
(Source http ://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 avril 1999)