Texte intégral
Monsieur le Président de la République,
Au début de cette année, vous avez appelé de vos voeux une transformation en profondeur de notre télévision publique. Vous avez demandé au gouvernement de travailler aux moyens de réaffirmer son identité, de renforcer sa vocation de service public. Vous avez souhaité pour cela libérer France Télévisions de toute logique commerciale en supprimant la publicité sur ses antennes. Pour mettre fin à cette schizophrénie d'une télévision qui est censée, dans le même temps, éclairer le citoyen et séduire le consommateur.
En s'appuyant sur les conclusions de la commission pour la nouvelle télévision publique, le Gouvernement a préparé cette grande réforme du paysage audiovisuel. Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui est le fruit de ce travail de plusieurs mois.
Le titre I concerne la réforme de l'audiovisuel public.
Le projet de loi fixe les missions de service public de France Télévisions : rassembler, informer, instruire, promouvoir les valeurs qui fondent la Communauté nationale. Toutes ces obligations seront développées en détails, chapitre par chapitre, dans un nouveau cahier des charges qui répond à une note d'engagements du Président de France Télévisions. Nos attentes sont nombreuses, précises, elles concernent notamment la culture, l'information, la citoyenneté française et européenne.
Pour rendre cette grande ambition possible, le projet de loi met en place la fin de la publicité sur les antennes de France Télévisions : dès le lundi 5 janvier 2009 entre 20h et 6h du matin, sauf pour les programmes régionaux, puis totalement, quand la diffusion de la télévision analogique aura cessé. Les Français pourront donc voir une vraie différence sur leurs écrans dans moins de trois mois.
La suppression de la publicité fera l'objet d'une compensation financière de l'Etat :
- la redevance sera indexée sur l'indice des prix à la consommation, afin qu'elle ne baisse plus mécaniquement chaque année, comme c'est le cas depuis 2001 ;
- deux taxes sont créées par le titre II : l'une sur le chiffre d'affaires des chaînes de télévision à hauteur de 3%, l'autre sur les opérateurs de communications électroniques à hauteur de 0,9%.
Le projet de loi précise également les missions de la nouvelle société chargée de l'audiovisuel extérieur qui doit promouvoir la culture française et francophone à l'étranger et diffuser dans le monde un regard français sur l'actualité.
Les sociétés publiques de l'audiovisuel seront réorganisées :
- France Télévisions deviendra une société unique avec différentes antennes.
- conformément à la révision constitutionnelle adoptée par le Congrès en juillet dernier, la nomination des présidents de France Télévisions, Radio France et de la société chargée de l'audiovisuel extérieur se fera par décret, après un avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'accord des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles à une majorité qualifiée des 3/5e. Cette modification fait aussi l'objet du projet de loi organique qui accompagne le texte que je vous présente aujourd'hui.
Le nouveau mode de nomination ne sera effectif qu'à l'issue des mandats en cours. En revanche, leur mode de révocation, selon la même procédure, entrera en vigueur dès la promulgation de la loi.
Le titre III est consacré à la transposition de la directive européenne « Services de médias audiovisuels » adoptée en décembre 2007.
Il donne une définition des nouveaux modes de consommation des programmes audiovisuels qui complètent aujourd'hui la télévision traditionnelle, ce qu'on appelle les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) - vidéo à la demande et télévision de rattrapage. Le régime juridique qui s'appliquera aux SMAD leur fixe des objectifs de promotion des oeuvres et de contribution à la production et à la création.
Le projet de loi prévoit aussi l'accessibilité des médias aux personnes handicapées visuelles grâce à la technique dite de l'audiodescription.
Autres mesures prévues : l'autorisation du placement de produits, dont les modalités seront établies et précisées ensuite par le CSA, et la possibilité d'une seconde coupure publicitaire dans les films et les fictions télé.
Le titre IV va permettre au Gouvernement de réformer par voie d'ordonnances la gouvernance du Centre national de la cinématographie (CNC) et le droit du cinéma, ce qui n'avait pas été fait depuis 1956.
Au-delà, ce projet de loi est la clé de voûte d'un ensemble plus global de réformes qui visent à adapter notre législation et notre cadre règlementaire à la télévision d'aujourd'hui. C'est en effet tout le paysage audiovisuel qui s'est radicalement modifié en seulement quelques années avec l'arrivée d'Internet et de la TNT.
C'est pourquoi il nous faut repenser en profondeur le financement de la production et de la création audiovisuelles :
- en revoyant tout d'abord les rapports entre les différents acteurs du secteur audiovisuel, réglementés depuis 2001 par les décrets dits Tasca, une réglementation devenue obsolète et qui corsète la production audiovisuelle. A la rigidité de ces décrets, je préfère substituer des accords interprofessionnels qui vont permettre aux grands groupes de bénéficier d'un retour sur investissements, de baisser les contraintes qui pèsent sur les chaînes tout en sanctuarisant la production d'oeuvres patrimoniales, comme la fiction ou le documentaire.
- en favorisant ensuite l'investissement publicitaire à la télévision par un assouplissement du décret de 1992. Les chaînes pourront ainsi offrir davantage de temps aux annonceurs, et comme elles sont les principaux financeurs de la création en France, c'est tout le secteur audiovisuel qui en bénéficiera. Par ailleurs, la publicité est un des vecteurs essentiels pour favoriser la consommation et dynamiser notre économie. En dopant la publicité à la télévision, nous contribuerons à créer les conditions favorables à la croissance économique.
Monsieur le Président de la République, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui représente, dans le domaine de l'audiovisuel, la réforme la plus importante depuis plus de vingt ans. Il ouvre la voie à une modification radicale du service public audiovisuel, qui sera enfin libre de remplir ses missions et de donner à voir sa différence. Il modernise en profondeur notre législation pour l'adapter au nouveau paysage audiovisuel, en offrant plus de souplesse, plus de liberté aux chaînes, tout en renforçant le financement de la création. Comme la loi Création et Internet que je présenterai au Sénat la semaine prochaine, il vise à tirer le meilleur parti des progrès technologiques en matière de communication, au bénéfice des créateurs et de tous nos concitoyens.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 23 octobre 2008