Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur l'Europe de la santé, la qualité des soins médicaux et la lutte contre la maladie d'Alzheimer, Paris le 13 octobre 2008.

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Circonstance : Ouverture de la conférence "l'Europe de la santé au service des patients" à Paris le 13 octobre 2008

Texte intégral


Je souhaite également en ouverture de cette conférence saluer, à distance, Androulla VASSILIOU, notre Commissaire européenne à la santé qui s'exprimera dans quelques minutes par un message vidéo.
Mesdames, Messieurs,
Les problématiques de santé ne sont pas hexagonales. Ce sont pour tous les pays membres de l'Union des défis communs qui restent à relever : celui du vieillissement de la population, celui de l'accès à une offre de soins de qualité, celui du financement de la recherche médicale, celui du financement des traitements innovants, celui de la nécessaire sécurité juridique qui doit encadrer la mobilité des patients européens, enfin celui de l'avenir des régimes de sécurité sociale de nos Etats, y compris dans sa dimension communautaire avec la question du remboursement des soins transfrontaliers.
Au fond, c'est pour tous une même question qui se pose : "quelle vision aujourd'hui pour quelle Europe de la santé demain ?"
Sans doute, nos systèmes de santé nationaux sont loin d'être identiques. Pourtant, ils doivent faire face à des défis communs et nos destins unis au sein d'une même communauté politique impliquent de mieux nous coordonner.
L'Europe de la santé sera une Europe de la coordination et non de l'harmonisation.
Personne ne peut croire qu'il pourrait en être autrement dans un avenir proche. Aucun pays ne saurait, d'ailleurs, prétendre être le détenteur d'un modèle universalisable.
Et pourtant, cette diversité n'implique pas de concurrence entre nous. Nos impératifs de santé sont des impératifs partagés. La qualité des soins et la sécurité des patients sont bien, en effet, des préoccupations communes.
Celles et ceux qui sont investis depuis longtemps dans les affaires communautaires savent qu'une rupture est intervenue récemment à Bruxelles sur ces sujets. Probablement sous la pression des opinions publiques et du besoin d'envisager l'Europe de façon plus concrète et pour lui donner une dimension plus protectrice, les thématiques sociales et sanitaires font une apparition spectaculaire sur notre scène politique européenne.
Le thème "de l'Europe de la santé au service des patients" s'est imposé pour cette raison comme une priorité évidente du trio présidentiel, France-République Tchèque-Suède pour notre programme commun sur 18 mois.
Je veux saluer également la campagne transnationale lancée par la Commission européenne le 30 septembre dernier : "L'Europe pour les patients/ Europe for patients "
Notre conférence ministérielle marquera, par ses travaux une étape importante de ce programme commun et pourra inspirer utilement nos partenaires Tchèques et Suédois dans les responsabilités qui seront celles de mes excellents collègues, Tomas JULIENEK et Goran HAGGLUND tout au long de l'année prochaine.
Cette priorité pourra également s'appuyer sur de nombreuses initiatives législatives de la Commission européenne qui viendront illustrer cette Europe concrète que nous appelons de nos voeux et qui doit faire émerger la plus-value communautaire dans le champ sanitaire.
Il reste, il est vrai, encore bien des efforts à accomplir pour convaincre certains responsables politiques de bonne foi de l'intérêt de cette démarche européenne.
Le premier défi que nous ayons à relever, sans nul doute, est bien de contredire le préjugé selon lequel la santé ne serait pas un sujet communautaire, en raison même de la faiblesse de notre corpus juridique commun dans ce domaine.
Ceux qui soutiennent cette idée reçue réduisent trop souvent l'Europe à une pure construction juridique, visant à assurer les conditions du libre-échange.
Construire l'Europe de la santé, comme l'Europe de l'éducation, ce serait pourtant construire cette Europe concrète, une Europe qui protège et émancipe, une Europe solidaire, une Europe susceptible de se faire aimer par nos concitoyens.
Alors que l'actualité est marquée par une très grave crise financière, nous ne devons pas ignorer le besoin des citoyens européens de mieux ressentir la présence d'une action politique venant répondre directement à leurs attentes profondes.
Construire l'Europe, en effet, c'est d'abord édifier cette maison commune, soutenue par des valeurs partagées et soucieuse de répondre aux préoccupations de nos concitoyens, préoccupations qui, en matière de santé, ne changent pas de nature parce qu'on passe les frontières.
Chacun d'entre nous se trouve, en effet, peu ou prou, confronté aux mêmes problèmes.
Cette unité des problématiques devrait ainsi nous conduire à développer des politiques plus convergentes. La mise en oeuvre d'une stratégie européenne en santé, adoptée sous présidence Slovène apparaît donc nécessaire et pourra nous aider à palier les carences du Traité, dont il faut bien reconnaître que l'article 152 ne nous donne pas autant de marge de manoeuvre sur les pratiques médicales que les dispositions plus ambitieuses qui peuvent exister pour les produits de santé.
L'étroite coopération des Etats-membres, au plus grand bénéfice de tous, devrait pourtant permettre de relever un triple défi : un défi scientifique, un défi médical et un défi social.
De manière évidente, le vieillissement de la population constitue pour les pays de l'Union une tendance commune, induisant la prévalence des mêmes formes de pathologie.
Nul doute que le partage d'expériences dans ce domaine soit profitable à tous.
C'est pourquoi, d'ailleurs, la Présidence française a voulu faire de la lutte contre la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées une priorité qui puisse trouver toute sa place dans l'axe de travail sur les défis du vieillissement proposé par le trio présidentiel France-République Tchèque-Suède.
D'autres enjeux font l'objet d'initiatives importantes de la Commission européenne. Certaines ne sont pas encore officielles et sont particulièrement attendues.
Je ne citerais que quelques dossiers emblématiques :
* Dans le domaine du médicament, les projets de directive sur la lutte contre la contrefaçon et sur l'information aux patients.
* De même, la stratégie européenne dans le domaine des maladies rares est particulièrement attendue et fera l'objet d'échanges cet après-midi sous la présidence d'Evelyne GEBHARDT. Vous le savez, sur cette thématique la France dispose d'une expertise reconnue internationalement et d'un réseau associatif exceptionnellement mobilisé et que je veux saluer.
* Enfin, s'il est bien une question primordiale, pour laquelle nos concitoyens auraient tout à gagner d'une plus grande coopération européenne, c'est bien celle de la sécurité des soins.
John BOWIS présidera vos travaux cet après-midi sur ce sujet essentiel.
Plusieurs études, réalisées dans l'union européenne, suggèrent ainsi que 10% des admissions à l'hôpital entraînent des dommages pour les patients. Les dommages évitables, bien entendu, se produisent également dans des contextes non-hospitaliers.
Ainsi, c'est de manière globale qu'il convient d'aborder cette question, en incluant à notre réflexion les impératifs de pharmacovigilance et de matériovigilance, mais aussi, en veillant à la sécurité des organes, tissus, cellules et produits dérivés du sang.
Aussi, le projet de recommandation du Conseil sur la sécurité des patients et la qualité des services de santé, incluant la prévention et le contrôle des infections nosocomiales, constitue une initiative dont je voudrais souligner l'excellence.
De manière plus générale, toutes les actions visant à développer la coopération entre Etats membres pour accroître la sécurité et diffuser les bonnes pratiques, doivent être encouragées.
C'est tout l'objet de la mise en place d'un réseau d'échanges relatif à la sécurité du patient : EUNet Pas. Je me félicite que la Haute autorité de santé (HAS) puisse vous présenter cet après-midi par la voix de son Président, le Professeur DEGOS, ce projet formidable.
Mesdames, Messieurs,
Construire une Europe du concret, c'est, bien entendu, d'abord apprendre à vivre ensemble.
Nous devons pour cela, au commencement de tout, nous représenter clairement la réalité de nos destins liés.
Dans cet esprit, il paraît notamment indispensable, aujourd'hui, de renforcer la sécurité juridique qui encadre la mobilité des patients sur notre continent. Ce thème sera largement débattu au cours de la journée de demain.
Nous savons tous que le droit communautaire ne s'applique pas de façon satisfaisante dans ce domaine. Il existe trop de contentieux et la jurisprudence elle-même n'est pas uniformément respectée par les 27 Etats membres. Le parlementaire européen Alain LAMASSOURE vous en parlera et la Commission européenne sera amenée à vous présenter son projet de directive sur "les soins de santé transfrontaliers et les droits des patients".
J'attends beaucoup des conclusions des tables-rondes de demain dans ce domaine. Comme vous le savez, les négociations ont commencé sur le projet de directive depuis sa présentation le 2 juillet dernier dans le cadre de l'agenda social rénové présenté par le Président José-Manuel BARROSO. Il s'agit là d'une négociation difficile pour laquelle un équilibre devra être trouvé entre les droits des patients à la mobilité et le droit des Etats à garder la maitrise du financement de leur offre de soins.
Oui, ce débat est difficile. Mais je maintiens ce que j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer devant le Parlement européen le 25 septembre dernier. Il n'est pas envisageable que le droit européen de la santé puisse continuer à se bâtir dans ce domaine sur la base de la seule jurisprudence. C'est aux deux colégislateurs, le Parlement européen et les Etats membres de définir une ligne politique harmonieuse, juste et respectée de tous. Cette réflexion n'est nullement l'expression d'une défiance vis-à-vis de la Cour de justice des communautés européennes dont les arrêts ont incontestablement fait progresser de façon bienvenue les droits des patients. Cette conviction est en réalité l'expression d'un souci démocratique.
Ainsi, je suis convaincue que notre Europe de la santé ne saurait être une Europe de la seule concurrence, du refus de la régulation, ou de l'égoïsme défensif des Etats.
Le progrès général de la santé en Europe est, pour nous tous, un objectif d'intérêt général, quelle que soient nos nationalités, nos âges, nos histoires personnelles ou celles de nos proches.
Défendre la santé, c'est ne l'oublions pas non plus, défendre le capital humain d'une Union confrontée aux mêmes défis, connaissant les mêmes mutations démographiques, affrontant les mêmes difficultés de financement de soins couteux et qui ne renonce pas à la promesse de son modèle social.
Je suis heureuse de constater que nous sommes nombreux aujourd'hui à souhaiter débattre de ces enjeux avec un même objectif : Bâtir l'Europe des patients pour les patients et avec les patients.
Je vous souhaite à toutes et tous de fructueux échanges.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 14 octobre 2008