Texte intégral
N. Demorand.- Vous présentez ce matin en Conseil des ministres le texte "hôpital, patients, santé et territoire". On va entrer dans les détails, mais un mot de la philosophie d'ensemble de ce texte : est-ce que vous pouvez garantir aux Français qui nous écoutent qu'ils seront encore bien soignés, voire mieux soignés, et qu'ils trouveront après l'application de votre texte toutes les conditions pour le faire facilement ?
C'est précisément le but de ce projet de loi, c'est de sauvegarder un système de santé solidaire qui a fait ses preuves. Nous avons sans doute un des meilleurs systèmes de santé du monde, il a des fragilités, c'est ces fragilités que je veux combattre ; inégalité d'accès aux soins sur le territoire, inégalité en fonction de vos revenus, à cause, par exemple, des dépassements d'honoraires ou mauvaise information, qui fait que ceux qui ont de l'argent ou qui ont de l'information peuvent être mieux soignés que d'autres.
La nouvelle manière de gérer les hôpitaux, je vous pose la même question mais différemment, ne va donc pas compliquer la tâche des médecins et ne va pas dégrader la qualité des soins ?
Bien au contraire, on peut mieux gérer pour mieux soigner. Ce qui menace l'hôpital ou ce qui peut menacer les hôpitaux, en particulier les hôpitaux de proximité, c'est la mauvaise gestion. Nous avons un maillage hospitalier qui est d'ailleurs un des succès du système de santé français, nous avons le maillage hospitalier le plus resserré du monde, je veux le sauvegarder. L'hôpital de proximité est un hôpital qu'il faut certes recentrer sur ses missions, sinon il n'y aurait pas une bonne qualité des soins, mais justement la réforme de l'hôpital que je propose, la réforme du système de santé, en faisant ce qu'on appelle à travers des communautés hospitalières "une gradation des soins"...
Des échelons, définir des échelons ?
Voilà, c'est ça, définir des échelons. L'hôpital de proximité ce sont les services d'urgences, les soins courants, ce qu'on appelle les soins "postaigus", les personnes âgées, mais pas seulement les personnes âgées. Vous avez une opération, vous revenez dans votre hôpital de proximité, là où votre famille peut venir à vos côtés. Vous accouchez - pas vous évidemment -, mais...
Un jour, qui sait ?...
...Une femme accouche de son petit bébé dans une maternité, dans un plateau technique, mais elle est suivie auparavant dans un centre périnatal de proximité, puis elle revient près de sa famille pour ses suites de couche, voilà l'hôpital de proximité. Les plateaux techniques, actuellement, un bloc chirurgical, un service de chirurgie c'est 100 personnes, mutualisés avec des équipements, des personnes hautement spécialisées. Et puis le grand hôpital de référence, tout ça, il faut qu'ils travaillent ensemble, qu'ils mutualisent leur logistique, éventuellement leurs personnels. Comment ? Si on ne mutualise pas les personnels dans une communauté hospitalière de territoire, on pourra demander à un professionnel hautement qualifié de venir travailler dans un plateau dans un petit hôpital. C'est tout ça que je veux faire, pour les Français.
Est-ce que l'un des risques très pratiques de cette réforme, ce n'est pas d'obliger les patients à courir les routes pour aller se faire soigner ?
Alors tout dépend du soin. Si vous avez évidemment une opération de très haut niveau, on ne va pas faire une transplantation cardiaque, on ne va pas faire une opération d'orthopédie compliquée dans un hôpital de proximité. Mais je veux que quand vous avez eu cette opération qui demande un très haut niveau de technicité, je veux que vous puissiez revenir auprès de votre famille dans l'hôpital de proximité. C'est ça la gradation des soins, parce qu'on est dans un système où les progrès de la technologie sont absolument incroyables. Il y a, par exemple, regardez ce qu'on fait : actuellement, on peut traiter des tumeurs à l'intérieur du crâne par des appareils hautement sophistiqués, qui font qu'on n'ouvre plus le crâne. Evidemment, ce sont des appareils extrêmement sophistiqués, on en a six ou sept dans notre pays, on n'a pas besoin de plus.
Autre question pratique : est-ce qu'on ne va pas se retrouver face à des délais délirants, R. Bachelot, pour avoir un rendez-vous ?
C'est précisément pour cela que j'ai institué la tarification à l'activité sur l'ensemble des hôpitaux. Parce que moi, ce que je veux, c'est que le malade soit au centre du système. Avant, les hôpitaux travaillaient avec des enveloppes globales, des dotations globales, quand tout d'un coup l'enveloppe était épuisée, par exemple au mois de novembre, on ne traitait les plus les malades, on les reportait sur l'année suivante. Avec la tarification à l'activité, eh bien les malades ils sont au coeur du système. Ils ont besoin d'une opération, l'hôpital a intérêt à la faire puisqu'ils sont rémunérés à l'activité.
R. Bachelot, un hôpital ça doit faire des bénéfices ou juste avoir un budget à l'équilibre ?
L'hôpital, d'abord, ce n'est pas une entreprise, c'est un service public, je veux le redire ici. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu que les communautés hospitalières de territoire ne regroupent que des hôpitaux publics, pour garder le caractère public à ces communautés hospitalières. Mais il ne faut pas opposer la bonne gestion et le bon soin et le service public, un hôpital ça doit être à l'équilibre. Ce n'est pas là pour faire des bénéfices, c'est là, par contre, pour être à l'équilibre dans une bonne gestion, parce que ce qui menacerait l'hôpital public, ce sont les déficits.
Alors quand est-ce que ce texte sera présenté au Parlement pour entrer dans la phase concrète des choses ? Pas de date pour l'instant ?
Je le présente ce matin en Conseil des ministres, je devais le présenter au mois de décembre, mais avec la crise financière, je ne vous fais pas l'injure de vous dire qu'il y a eu un certain nombre de textes qui ont légèrement été décalé.
Donc nous le verrons à la rentrée de janvier.
A la rentrée de janvier 2009. Et les premiers effets escomptés de ce texte, c'est pour quand, d'après vous, de cette nouvelle organisation ?
Il y aura des effets immédiats. Par exemple, dans la gouvernance de l'hôpital, donner des moyens nouveaux aux directeurs. Mais il y a des mesures qui prendront effet à plus long terme, en particulier sur les agences régionales de santé qui vont territorialiser l'organisation de la santé. Vous savez, on a un système de santé qui est extrêmement centralisé, j'ai voulu le déconcentrer et y associer des acteurs qui pour l'instant ne sont jamais consultés ; les associations de malades, les élus, les professionnels, et je vais les installer...
Ça se jouera donc à l'échelle de la région ?
Ça se jouera au niveau de la région et ces agences régionales de santé, nous allons les installer au cours de l'année 2009, top départ 1er janvier 2010.
Autre aspect du texte que vous présentez, les mesures visant à interdire la vente d'alcool aux moins de dix-huit ans ; c'était une urgence ?
Oui, c'est une urgence parce que vraiment, l'alcool chez les jeunes, ça devient un problème de santé publique. Donc il y a dans le texte un certain nombre de mesures. Les règles d'interdiction étaient un véritable fouillis, maintenant c'est clair, que ce soit de la vente à emporter, de la vente à consommer sur place, interdiction de vente d'alcool aux mineurs, interdiction de vente d'alcool dans les stations-service, interdiction des open bar, ces ventes au forfait où on peut boire autant d'alcool que l'on veut...
Oui, jusqu'à ce que mort s'en suive ou presque !
Pratiquement, ce qu'on appelle la "biture express" ou le "binch drinking". Alors donc, avec un renforcement des sanctions, 7.500 euros d'amende pour la première infraction, portée à 15.000 en cas de récidive et jusqu'à un an de prison.
Et ce sont les revendeurs qui vont demander les papiers aux consommateurs, comme ça se fait aux Etats-Unis, par exemple ?
Voilà, c'est aux vendeurs, aux détaillants, cafetiers ou, j'allais dire, patrons de supermarché, de s'assurer que l'âge est bien respecté.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 octobre 2008