Texte intégral
18 mois après son entrée en vigueur, le rapport sur l'application à mi-parcours de la convention AERAS, nous permet aujourd'hui de mesurer le chemin parcouru.
Je salue la qualité et la grande rigueur du travail des membres de la commission de suivi présidée par Jean-Michel BELORGEY.
La convention AERAS fonctionne depuis le 6 janvier 2007. Elle prolonge les efforts communs de l'Etat, des professionnels de la banque et de l'assurance et des associations de patients depuis 1991 pour faciliter l'accès des personnes malades ou ayant été touchées par un grave problème de santé à l'assurance et donc à l'emprunt.
Les innovations de cette convention ont suscité des attentes très fortes pour toute une partie des emprunteurs qui, hier encore, étaient souvent éloignés du crédit immobilier ou professionnel : je pense par exemple à l'obligation de motiver les refus de financement ou à la mise en place d'une médiation en cas de litige.
Je pense également au mécanisme permettant de limiter le montant des primes d'assurance emprunteur ainsi qu'à l'extension du champ de la convention à la garantie contre le risque d'invalidité.
Cette convention propose donc de réelles avancées.
Toutefois, à la lumière de ce rapport d'évaluation, il apparaît que la traduction dans les faits de certains de ces engagements peut encore être améliorée.
Les pouvoirs publics ont toujours indiqué, au moment de l'entrée en vigueur de la convention, qu'ils se réservaient à tout moment la possibilité d'intervenir pour l'améliorer ou en assurer une application effective.
Ce lieu nous semble donc bien choisi avec Christine LAGARDE pour proposer de façon pragmatique les pistes d'amélioration concrètes à partir des recommandations du rapport.
L'évaluation de l'application de la convention met en évidence plusieurs attentes au regard de la nécessité que les malades ou les anciens malades soient assurés comme les autres et puissent accéder à l'emprunt.
L'accès à une assurance emprunteur constitue en effet un élément déterminant pour obtenir un crédit immobilier ou professionnel.
La convention AERAS vise précisément à "repousser les limites de l'assurabilité" pour les personnes atteintes d'un risque aggravé de santé.
Ainsi :
- 93% des demandes d'assurance présentant un risque aggravé de santé font aujourd'hui l'objet d'une proposition d'assurance ;
- je relève également que la commission de médiation a fonctionné de façon satisfaisante ; en moins d'un an et demi, elle a été destinataire de plus de demandes que la précédente convention en trois ans ;
- plusieurs enquêtes montrent enfin que les candidats à l'emprunt sont relativement bien informés de l'existence de la convention.
Ces quelques exemples montrent que la convention a permis des progrès réels dont il ne faut pas mésestimer l'ampleur.
Nous ne saurions nous arrêter en si bon chemin. Il s'agit en effet d'aider nos concitoyens les plus fragiles à réaliser leurs projets de vie et leurs ambitions professionnelles.
Il est donc indispensable de nous assurer que la mise en oeuvre concrète de la convention soit à la hauteur des espoirs qu'elle a suscités.
La convention fait l'objet pour la première fois d'un suivi précis au moyen d'indicateurs chiffrés, ce qui permet d'introduire plus de transparence dans ce domaine.
Certes, toute méthode d'évaluation comporte ses limites. Nous ne sommes pas encore en mesure d'évaluer précisément tous les engagements de la convention.
Par exemple, il est difficile de savoir dans quelle proportion les banques acceptent des contrats autres que ceux de leur propre établissement. Ce mécanisme de délégation d'assurance constitue pourtant un engagement fort de la part des établissements de crédits ;
De même, le suivi des conditions de la couverture du risque invalidité pourrait être amélioré : les assureurs s'étaient engagés à couvrir au moins un tiers des candidats à l'emprunt concernés par la convention au titre du risque invalidité. De leur côté, les établissements de crédit se sont engagés à ce que l'absence de garantie invalidité n'entraîne pas de refus systématique de prêt. Or, les données transmises à la commission de suivi et de propositions ne permettent pas de connaître l'étendue du risque couvert ni le type de contrat proposé. En outre, le rapport de suivi ne parvient pas à déterminer si les propositions d'assurance reçues par les personnes atteintes de risques aggravés aboutissent au final à l'octroi d'un prêt ou pas.
Il est donc difficile de déterminer, concernant ces points cruciaux de la convention AERAS, si les objectifs sont atteints.
Des efforts supplémentaires, dont les partenaires de la convention sont conscients ainsi qu'en témoignent leurs recommandations, doivent impérativement être engagés au cours des prochains 18 prochains mois pour améliorer l'application de la convention.
Je souhaite à cet égard que nous engagions sans attendre les améliorations qui s'imposent pour faciliter l'accès à l'emprunt des personnes présentant un risque aggravé de santé.
Il y a quelques mois au début de cette année, je célébrais avec plusieurs d'entre vous le 90e anniversaire de la Ligue contre le cancer.
Je soulignais à cette occasion combien la Ligue avait su se constituer par ses initiatives concrètes en véritable aiguillon de l'action publique.
Cette démarche doit une fois de plus nous inspirer.
Ainsi, la commission d'évaluation et de suivi suggère de nombreuses pistes d'amélioration : suivant l'exemple de la Ligue, je voudrais insister plus particulièrement sur deux propositions du rapport.
Une des premières demandes des candidats à l'emprunt est d'être accompagné et mieux informé dans leurs démarches.
Le rapport de la commission de suivi propose d'offrir aux futurs emprunteurs AERAS une information plus personnalisée et plus concrète sur la convention et en lien avec leurs projets immobiliers.
La plateforme "AIDEA" que Christine et moi allons visiter dans quelques instants constitue précisément le type de réponse adaptée aux attentes des malades.
Cette plateforme téléphonique assure tous les jours de la semaine de 8H00 à 20H00 une assistance gratuite, confidentielle et anonyme par des professionnels permettant aux candidats à l'emprunt d'avoir des informations sur la convention AERAS.
Elle permet un accompagnement individualisé allant jusqu'à aider les candidats à l'emprunt à constituer leur dossier grâce à la mobilisation de relais départementaux de la Ligue.
Cette plateforme permet ainsi aux personnes atteintes d'un risque aggravé de prendre connaissance de certains aspects particulièrement innovants de la convention et d'augmenter ainsi leurs chances d'obtenir un emprunt.
Elle a fait la preuve de son utilité en traitant de manière approfondie plus de 5600 appels depuis sa mise en place il y a deux ans. Elle bénéficie d'un bon niveau de notoriété tant auprès des candidats à l'emprunt que des professionnels du secteur de la banque et de l'assurance.
Je propose donc de mutualiser cet outil au service de toutes les parties prenantes à la Convention.
Pour cela, le champ de compétence de la plateforme AIDEA devra être élargi au-delà du cancer. Il conviendra de réfléchir aux modalités pratiques les plus appropriées pour opérer cette mutualisation : accord de partenariat, transfert. Toutes les options sont ouvertes.
Je souhaite également améliorer la notoriété de la plateforme et son accessibilité par les candidats à l'emprunt AERAS. Pour cela, j'envisage que son numéro d'appel devienne gratuit et soit simplifié à 4 chiffres afin d'en faciliter la mémorisation.
J'invite les membres de la commission de suivi à se réunir prochainement pour définir les modalités du développement d'AIDEA
La deuxième piste d'amélioration doit viser à améliorer la tarification des risques par les assureurs au regard des avancées des traitements médicaux.
De nombreux emprunteurs se sentent aujourd'hui pénalisés par les surprimes qu'ils estiment, à tort ou à raison, en décalage avec les avancées médicales et leur état de santé.
On observe, en effet, pour certaines pathologies, des améliorations spectaculaires du taux de survie des patients atteints de risques aggravés de santé : l'amélioration est réelle pour les cancers du sein, de la prostate ou de la thyroïde par exemple.
De même, l'introduction des multithérapies dans les pays industrialisés depuis le milieu des années 90 a transformé radicalement le pronostic des séropositifs avec une réduction très marquée de la mortalité et l'amélioration de l'espérance de vie des patients infectés.
Il est parfaitement justifié que les assureurs fixent leurs tarifs en proportion du risque qu'ils prennent en charge.
On comprend moins toutefois que les assureurs continuent parfois d'évaluer le risque de décès ou d'invalidité sur la base d'un état de l'art parfois dépassé.
Lors de la négociation de la convention AERAS, les parties signataires avaient identifié cette difficulté et tenté d'y apporter une réponse en créant la commission des études et des recherches.
Cette instance a pour mission de fournir une base scientifique permettant aux actuaires de répercuter l'impact des progrès techniques sur le pronostic des pathologies les plus problématiques pour l'accès à l'emprunt et à l'assurance. Ce travail est en cours, mais il promet d'être long compte tenu du temps nécessaire au suivi de cohortes et au recueil de résultats.
Toutefois, le travail de la commission des études et des recherches ne porte pas sur des situations individuelles. Il n'entre pas dans sa compétente de se prononcer sur les décisions qui relèvent de la seule politique commerciale de l'assureur, comme par exemple les limitations ou les exclusions de garantie, le niveau de la prime ou de la surprime d'assurance, le refus d'assurance, ni sur la décision et les conditions d'attribution du crédit qui relèvent de la responsabilité de l'établissement de crédit.
Je souscris donc à la proposition du rapport de mettre en place un observatoire des risques qui aurait vocation à se saisir, dans le respect de l'anonymisation des données individuelles de santé, de décisions individuelles des professionnels de l'assurance prises au regard de l'état de l'art en vigueur.
Cet observatoire pourrait examiner, dans le respect de l'anonymat des candidats à l'emprunt et sur la base de cas individuels, les décisions prises par les médecins assureurs dans le cadre du pool des risques les plus graves, c'est-à-dire du troisième niveau d'examen des risques aggravés. Cet examen porterait sur des pathologies pour lesquelles sont intervenues de nouveaux traitements ou de nouvelles thérapies.
Les décisions des assureurs seraient examinées par un collège de médecins, spécialistes de ces pathologies, chargés d'analyser les décisions prises au regard de l'état de l'art en vigueur.
Un tel observatoire permettrait d'y voir plus clair sur l'existence supposé ou non d'un retard des compagnies d'assurance à tirer les conséquences du progrès médical dans l'examen des demandes des candidats à l'emprunt présentant un risque aggravé de santé.
Le Président de la République s'est engagé pendant sa campagne à ce que les malades soient assurés comme les autres et puissent accéder à l'emprunt.
Il s'agit d'un combat politique et social crucial qui nécessite l'engagement de tous.
La convention AERAS n'en est aujourd'hui qu'à la moitié de son existence. Les engagements les plus emblématiques doivent encore trouver une traduction tangible.
Les candidats à l'emprunt AERAS attendent de nous des avancées concrètes.
Nous les leur devons.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 28 octobre 2008