Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur l'utilisation des technologies de l'information et de la communication au service de la santé, Paris le 4 novembre 2008.

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Circonstance : Rencontres parlementaires sur les systèmes d'information de santé à Paris le 4 novembre 2008

Texte intégral


C'est avec plaisir et fierté que je viens aujourd'hui clore ce colloque sur l'utilisation des technologies de l'information et de la communication au service de la santé.
Mon intervention, demain, en Conseil des ministres, sur la E-santé montre combien les préoccupations et les priorités du Parlement et du Gouvernement sont en phase sur ce sujet.
Justement, responsables politiques, professionnels de santé, experts, représentants de patients : au-delà de la diversité des points de vue qui se sont exprimés aujourd'hui, je voudrais insister sur ce qui nous rassemble, car c'est là, je crois, que se situe l'essentiel.
L'essentiel, c'est d'abord cette conviction, que nous partageons tous, que la « E-santé » n'est pas un sujet comme un autre, mais LE sujet qui, dans les années à venir, va transformer les pratiques médicales, voire la manière même dont nous concevons la santé.
L'essentiel, c'est surtout l'ardente ambition qui doit tous nous animer. La E-santé ne pourra apporter tous ses bienfaits, considérables, aux patients comme aux professionnels de santé, que si nous en faisons, chacun, une priorité et si nous veillons à agir toujours de manière cohérente et coordonnée.
La E-santé est un des principaux outils à notre disposition pour répondre aux nouveaux besoins des patients et des professionnels de santé.
Elle offre aux professionnels de santé les outils qui correspondent aux pratiques collaboratives et pluridisciplinaires qui sont les leurs aujourd'hui.
En réponse au défi du vieillissement, la E-santé peut renouveler notre approche des maladies chroniques, des pathologies lourdes et de la dépendance. Le réseau d'oncologie des Pays de-la-Loire, fondé sur la partage d'informations entre des experts ambulatoires et hospitaliers, de toutes disciplines, est une véritable réussite.
Elle offre également de nouvelles perspectives pour faire face aux problèmes de démographie médicale et d'accès aux soins.
Je pense par exemple aux transferts d'imagerie, qui existent déjà et qui permettent aux services d'urgence d'accéder à une expertise neurologique en permanence, même en cas d'intervention non programmée, même quand un spécialiste n'est pas immédiatement disponible sur place.
Il va de soi, pour autant, qu'il ne s'agit pas de mettre en place un système de santé virtuel. Les technologies, aussi sophistiquées soient-elles, doivent accompagner, et en aucun cas remplacer, la relation personnelle et primordiale entre le patient et le professionnel de santé. Le colloque qui vous a réunis a bien saisi ces enjeux.
Faciliter les pratiques collectives et pluridisciplinaires, mutualiser les compétences, accélérer les échanges, renforcer la sécurité des patients, améliorer leur prise en charge : ma priorité, je tiens à le dire clairement, est de mettre les technologies au service de l'accès aux soins et de la qualité des soins, pour tous nos concitoyens.
Cette priorité s'articule parfaitement avec l'axe central que j'ai souhaité donner à ma politique de santé, axe qui est celui de mon projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » : replacer l'usager et le professionnel au coeur de nos projets, en proposant un parcours de soins moins cloisonné et mieux coordonné.
Concrètement, comment faire ?
Pour réussir, il nous faut une stratégie claire et des acteurs mobilisés et coordonnés.
Ma stratégie repose sur quatre piliers : les systèmes d'information hospitaliers (SIH), les services de partage de données de santé, la télésanté, et la gouvernance d'ensemble du système d'information de santé.
J'ai déjà eu l'occasion de dire l'importance que j'accorde au déploiement de systèmes d'information hospitaliers performants.
C'est la raison pour laquelle les financements du plan « Hôpital 2012 » seront mobilisés pour porter des projets structurants, permettant l'optimisation des processus hospitaliers, susceptibles d'être ouverts sur la ville, et respectant les contraintes d'interopérabilité et de sécurité.
L'ANAP, agence nationale de la performance des établissements de santé et des établissements médico-sociaux, dont j'ai inscrit la création au PLFSS, aura justement pour mission de concevoir des outils permettant aux établissements de développer de bons projets SIH, en rapprochant leurs demandes de l'offre des industriels. En appui aux ARS, elle aidera les établissements à réussir le déploiement de leurs projets et à rénover leur organisation afin d'optimiser les gains de productivité rendus possibles par les SIH.
Le second pilier, ce sont les systèmes d'information de santé partagés. Le rapport de Michel Gagneux avait mis en évidence la nécessité incontournable d'une agence unique pour renforcer le pilotage et la cohérence des systèmes d'information de santé partagés.
J'ai donc inscrit au PLFSS la création de cette agence, l'ASIP, qui regroupera ainsi les missions du GIP-DMP, du GIP-CPS, ainsi que les missions d'interopérabilité du GMSIH, facilitant le partage d'information entre les professionnels de santé exerçant en ville et en établissement de santé.
En coopération étroite avec les différents acteurs concernés, l'ASIP contribuera à l'élaboration des normes d'interopérabilité et de sécurité des systèmes d'information de santé. Elle mettra en cohérence les services en ligne existants (tels que le dossier communicant cancer, le dossier pharmaceutique, l'historique du remboursement) avec le DMP.
Elle assurera la gestion et le déploiement de la carte du professionnel de santé (CPS) et du référentiel partagé des professionnels de santé (RPPS), en relation avec les Ordres, deux projets essentiels et que je soutiens pleinement.
Surtout, l'ASIP va relancer le projet DMP, dont la nature est clarifiée : il sera à la fois personnel, et partagé. Personnel car le patient contrôlera ses données de santé, et partagé car le dossier sera un outil au service des professionnels de santé pour une meilleure coordination des soins.
Le DMP est repositionné comme un ensemble de services, répondant à des besoins concrets, alors qu'il avait été échafaudé de manière technique sans assez associer les professionnels de santé.
Sa mise en oeuvre sera recentrée sur l'expérimentation des services sur le terrain, et non plus sur la seule mise en place des infrastructures. Un DMP « socle », avec une présentation basique des données de santé et des services simples (consultation des données, agenda) sera diffusé progressivement sur l'ensemble du territoire à partir de la fin de l'année prochaine.
Simultanément, des projets pilote en région vont expérimenter, en plus de ce DMP « socle », de nouveaux services à forte valeur ajoutée, pour les patients (rappels automatiques de vaccins, de dépistage) et pour les professionnels de santé (vision synthétique du parcours du patient, messagerie électronique sécurisée). Seront aussi développés le DMP de l'enfant, le suivi des malades diabétiques, ou encore la prise en charge coordonnée des cancers.
Enfin, la place des acteurs est redéfinie, en recentrant chacun sur ses savoir-faire.
L'Etat sera le porteur du projet et le garant de la sécurité des données ; l'Assurance maladie verra son rôle renforcé, à la fois dans la gouvernance et dans la construction du portail de confiance pour l'accès au DMP ; les industriels se verront confier le déploiement des solutions techniques.
Le conseil d'administration du GIP DMP devrait nommer dans les prochains jours un nouveau directeur, qui sera chargé de mettre en oeuvre cette feuille de route et de préparer la mise en place de l'ASIP, dans les 6 prochains mois. Le plan d'action de l'ASIP sera présenté dès le début 2009.
Le troisième pilier de ma stratégie, c'est la télésanté, c'est-à-dire l'ensemble des technologies qui facilitent la surveillance, le diagnostic, l'expertise voire les soins à distance. A Strasbourg, la dialyse péritonéale à domicile est rendue possible grâce à un centre de télésurveillance installé dans le CHU.
Les besoins sont réels, les technologies émergent, les expérimentations existent, mais il nous faut changer d'échelle, et passer d'initiatives locales à un déploiement à large échelle de ces nouveaux services.
Je veux avancer sur le volet juridique. Mais je veux aussi aller plus loin et, en concertation avec tous les acteurs concernés, définir une stratégie en matière de télésanté. Il faudra pour cela mobiliser et coordonner les acteurs, pour proposer des objectifs que nous devons nous fixer, identifier les freins au développement de la télésanté et les moyens de les lever, et préparer des plans d'action concrets pour atteindre les objectifs définis. Je vais réfléchir, au cours des prochaines semaines, au meilleur moyen pour y parvenir.
Enfin, une gouvernance efficiente doit garantir la mise en oeuvre ordonnée de ces orientations.
Le manque de cohérence, le manque de coordination, le manque de pilotage des systèmes d'information de santé constituent, tous les rapports convergent pour le dire, y compris bien sûr celui de Jean-Pierre Door, un frein majeur à leur développement.
En créant l'ASIP et l'ANAP, j'ai voulu renforcer résolument la cohérence de l'action publique. Ce mouvement de mise en cohérence ne doit pas s'arrêter là.
De nombreux projets ont permis, notamment au niveau régional, des expérimentations diverses et riches d'enseignement. Il nous faut désormais, en lien avec les acteurs de terrain, faire converger ces projets. L'ASIP veillera ainsi à la cohérence de l'ensemble et à éviter la dispersion des moyens, tant humains que financiers, qui sont comptés. Seul un cadre national s'imposant à tous permettra de libérer les initiatives et l'innovation, tout en garantissant le bon niveau de mutualisation et le respect des règles de sécurité et d'interopérabilité.
Je n'ignore pas, par ailleurs, la nécessité de renforcer la capacité de pilotage stratégique du ministère.
C'est pourquoi je vais mettre en place une instance décisionnelle à cet effet, le Conseil national des systèmes d'information de santé, qui réunira notamment l'Etat et l'Assurance maladie. Ce Conseil s'appuiera, au sein du ministère, sur une Mission pour l'informatisation des systèmes de santé dont les missions seront recentrées sur le pilotage et la coordination stratégique, et dont les moyens seront renforcés.
Les systèmes d'information hospitaliers, le dossier médical personnel, la télésanté, sont autant de projets de grande envergure, porteurs de progrès majeurs.
Ambition et coordination doivent être les maîtres-mots du déploiement de ces nouvelles technologies, au service des patients, et des professionnels de santé.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 5 novembre 2008