Déclarations de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, sur l'avancée des priorités de la Présidence française de l'Union européenne dans le domaine du travail et des affaires sociales, Assemblée nationale le 21 octobre 2008.

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Circonstance : Audition par la Délégation aux affaires européennes et la Commission chargée des affaires européennes à l'Assemblée nationale le 21 octobre 2008

Texte intégral

Audition par la délégation aux Affaires européennes
à l'Assemblée Nationale.
Intervention de Xavier Bertrand
21/10/08
Nous nous sommes vus pour la dernière fois le 4 juin dernier et je vous avais alors présenté les projets de la Présidence française dans le domaine du travail et des affaires sociales.
La deuxième audition qui nous réunit aujourd'hui est l'occasion de faire le point, à mi-parcours, sur l'état d'avancement des différents dossiers dont nous avions alors parlé.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais vous rappeler ce qu'est l'objectif principal de la Présidence française dans le domaine social : donner l'impulsion nécessaire pour que 2008 soit l'année du redémarrage de l'Europe sociale.
Je dirais que cet objectif prend une force toute particulière dans le contexte actuel de crise. J'ai la conviction que, comme en matière financière, les Européens doivent agir de manière coordonnée en matière sociale. Agir de manière coordonnée, cela signifie précisément relancer l'Europe sociale. C'est ce à quoi travaille la Présidence française.
I. EN CE QUI CONCERNE LES TEXTES, VOUS SAVEZ QUE NOUS AVONS UN AGENDA CHARGÉ
* Directive sur le travail intérimaire
Nous étions en négociations depuis l'année 2001, et le déblocage a été rendu possible par un accord entre le Gouvernement du Royaume Uni et les partenaires sociaux britanniques, ainsi que par le lien qui a été fait avec la directive sur le temps de travail.
Cette directive est actuellement en cours d'examen au Parlement européen.
J'étais hier à Strasbourg pour participer au débat en session plénière qui lui était consacré. Les choses se présentent bien car la position commune du Conseil convient aux groupes PPE et PSE, qui ont décidé de ne pas déposer d'amendements.
Le vote du Parlement européen doit avoir lieu demain, et selon toute vraisemblance, il sera favorable. La directive devrait donc être adoptée.
Ce sera un progrès important pour les Européens qui travaillent dans le secteur de l'intérim, puisque la directive introduit le principe de l'égalité de traitement au premier jour entre les travailleurs intérimaires et les travailleurs permanents.
Ce n'est pas une nouveauté en France, mais ça l'est, par exemple, au Royaume Uni et en Irlande. Pour les entreprises d'intérim, cela signifie qu'à l'avenir, les conditions d'une concurrence loyale seront assurées sur l'ensemble du territoire de l'Union. Ce n'est pas négligeable.
* Directive sur le temps de travail
Cette directive était l'autre volet de la position commune adoptée par le Conseil à Luxembourg le 9 juin. Là aussi, les discussions étaient engagées depuis longtemps, puisqu'elles avaient commencé en 2004.
Si nous avons pu sortir du blocage, c'est que nous nous sommes décidés à regarder en face le rapport de force au Conseil, qui ne permet pas à l'heure actuelle de supprimer définitivement l'opt out. Nous sommes donc parvenus à une solution qui maintient l'opt out tout en apportant des garanties supplémentaires pour les travailleurs.
Le texte est maintenant soumis à l'examen du Parlement européen, où les choses sont beaucoup plus complexes que sur la directive relative au travail intérimaire.
Nous attendons le vote de la Commission Emploi et Affaires sociales du Parlement, qui aura lieu le 2 décembre.
A ce jour, je n'ai pas reçu de mandat de ce type de mes homologues, et la Présidence continue donc à défendre, comme elle l'a toujours fait, la position commune du 9 juin.
* Directive sur les comités d'entreprises européens
Dans ce dossier, la Présidence française a demandé aux partenaires sociaux européens, dès le début du mois de juillet, de réfléchir aux amendements communs moyennant lesquels ils seraient prêts à accepter la proposition de la Commission.
Les partenaires sociaux ont accepté de jouer le jeu et ils ont présenté, à la fin de l'été 2008, 8 propositions communes complétant la proposition de la Commission.
Le 2 octobre, le Conseil EPSSCO a accepté que ces 8 propositions communes soient intégrées aux négociations. Nous sommes désormais très proches d'un accord au Conseil.
Reste le Parlement européen, où tout dépendra de la stratégie d'amendement des différents groupes politiques.
Ce serait de mon point de vue très utile, car dans le contexte de crise actuelle, il va y avoir des restructurations à l'échelle européenne. C'est vraiment le moment de renforcer les droits des comités d'entreprise européens. Chacun est face à ses responsabilités.
* Directive relative à la lutte contre les discriminations
Le 2 juillet, la Commission a présenté une proposition de directive visant à interdire les discriminations fondées sur le handicap, l'âge, la religion et l'orientation sexuelle, dans tous les domaines hormis celui de l'emploi (déjà couvert par une directive).
La Présidence française a ouvert les négociations sur ce texte dès le mois de juillet.
Nous avons tenu un débat d'orientation sur le sujet au Conseil EPSSCO du 2 octobre, et nous avons organisé à Paris, avec la Commission, un sommet européen de l'égalité des chances les 29 et 30 septembre.
Ce que je retiens de ces échanges, c'est d'abord que notre objectif doit être avant tout de maintenir un niveau d'ambition élevé sur ce texte. C'est le souhait d'une très grande majorité d'Etats membres au Conseil et c'est aussi le souhait des ONG, qui préfèrent que nous assurions la qualité du texte plutôt que la rapidité de la procédure.
Les travaux se poursuivent donc pour préciser le texte et assurer une meilleure sécurité juridique.
* Directive transposant la convention de l'OIT sur le travail maritime
En 2007, l'OIT a adopté une convention sur le travail maritime.
Les partenaires sociaux européens se sont accordés pour reprendre à leur compte cette convention et ils ont demandé à la Commission d'entériner leur accord par le biais d'une directive.
Cette proposition de directive sera présentée au Conseil du 15 décembre. Il faut une décision du Conseil pour qu'elle soit adoptée, et j'ai bon espoir que tel soit le cas.
* Paquet législatif sur la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle
La Commission a présenté deux nouvelles propositions de révision de directive au début du mois d'octobre : l'une concerne les congés maternité, et l'autre l'égalité de traitement pour les conjoints aidants.
La Présidence française a ouvert hier les négociations sur ces deux textes.
Sur le contenu de ces deux révisions, le débat ne fait que commencer, notamment sur la question de la durée des congés maternité. Les Etats membres et le Parlement européen auront l'occasion de faire valoir leur position.
* Règlement d'application en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale
En 2004, le Conseil et le Parlement européen ont adopté un nouveau règlement de coordination des systèmes de sécurité sociale, pour remplacer le règlement de 1971, alors applicable.
Ce règlement de 2004 n'est toujours pas entré en vigueur car il est nécessaire pour cela de prendre un règlement d'application. Le Parlement et le Conseil y travaillent depuis plusieurs années, mais la tâche est de grande ampleur.
La Présidence française fait tout son possible pour permettre l'adoption définitive de ce règlement d'application par le Conseil, le 15 décembre.
Dans ce cas, le Parlement européen aura à se prononcer en seconde lecture sous Présidence tchèque.
En ce qui concerne les textes, vous le voyez, il y a de bonnes chances que la Présidence française parvienne à dénouer plusieurs dossiers. Il s'agira là de signes concrets du redémarrage de l'Europe sociale.
II. HORS DE CES INITIATIVES LEGISLATIVES, LA PRESIDENCE FRANÇAISE SOUHAITE AUSSI FAIRE AVANCER UN CERTAIN NOMBRE DE THEMES ARRETS DE LA COUR DE JUSTICE
Les arrêts Laval, Viking, Rüffert et Luxembourg ont créé beaucoup d'émotion dans le monde du travail, avec le sentiment que la Cour de justice consacrait une sorte de droit au dumping social.
La Commission et la Présidence française ont donc demandé aux partenaires sociaux de travailler à un avis paritaire conjoint sur la mobilité des travailleurs en Europe. Les partenaires sociaux européens ont répondu favorablement, à l'occasion d'un forum organisé à Bruxelles le 9 octobre dernier.
Le débat devra s'engager sans tabou quant aux solutions sur lesquelles il peut déboucher. En particulier, la révision de la directive sur le détachement ne doit être considérée ni comme exclue, ni comme inévitable.
* Services sociaux d'intérêt général
La prochaine étape importante sur ce dossier sera le forum sur les SSIG, qui a lieu les 28 et 29 octobre.
Ce forum sera l'occasion de travailler à partir de l'expérience concrète des opérateurs de SSIG. Les difficultés que ces acteurs feront remonter permettront d'alimenter la feuille de route de la Présidence française et de la Commission.
Vous le voyez, le contenu de cette feuille de route n'est pas prédéterminé. Il dépendra très largement de ce que les opérateurs du secteur souhaiteront y voir figurer, en accord avec la Commission et la Présidence française.
Nous avons bien sûr quelques idées qui nous tiennent à coeur et que nous souhaiterions intégrer à cette feuille de route.
1- Je pense par exemple à l'institutionnalisation du forum sur les SSIG, qui pourrait avoir lieu à l'avenir tous les ans ou tous les deux ans pour entretenir le débat sur la dimension sociale du marché intérieur.
2 - Je pense aussi à l'élaboration d'un cadre européen pour la qualité des SSIG, qui pourrait être préparé par le Comité de la protection sociale et soumis au Conseil.
3- Je pense enfin à la clarification de la notion de mandatement et à la sécurisation des subventions publiques aux SSIG.
* Flexicurité
Après l'adoption de huit principes communs de flexicurité le 5 décembre 2007, le Conseil a décidé le lancement d'une mission européenne pour la flexicurité.
Cette mission réunit les partenaires sociaux européens, sous la co-présidence de Vladimir SPIDLA et de Gérard LARCHER. Son rôle est d'aider les acteurs nationaux à s'approprier les principes communs, en vue de faciliter leur déclinaison en droit national.
La mission s'est rendue dès le mois de mai 2008 dans 5 Etats membres de l'Union européenne : France, Pologne, Suède, Finlande et Espagne.
Au Conseil EPSSCO du 2 octobre, elle a présenté son rapport d'étape. Les conclusions définitives sont attendues pour le Conseil EPSSCO du 15 décembre.
D'ores et déjà, le travail de la mission rencontre des échos très positifs, notamment chez les partenaires sociaux des Etats membres, ce qui montre que son action en faveur de la pédagogie est efficace.
* Agenda social
Avec la crise, nous mesurons tous la nécessité de définir de nouvelles règles du jeu pour un progrès plus équilibré.
Cet équilibre suppose notamment une articulation étroite entre le progrès social et le progrès économique. Cette articulation est depuis l'origine au coeur du projet européen, et les événements récents montrent toute sa pertinence.
L'enjeu de la rénovation de l'agenda social, c'est de définir ce que doit être cette articulation pour les années à venir. La discussion a été lancée à ce sujet dès le début du mois de juillet, à Chantilly. Plusieurs thèmes ont été mis en avant, notamment les SSIG, dont nous avons déjà parlé, la mobilité professionnelle ou encore la solidarité entre les générations.
Nous reprendrons le débat à l'occasion du conseil EPSSCO du 15 décembre, en jetant quelques bases pour le travail des Présidences à venir.
Il ne s'agit pas de préempter les initiatives des Présidences qui vont nous succéder, il s'agit de préparer le travail pour que les deux années à venir, en dépit des échéances électorales, soient deux années utiles au plan européen.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 23 octobre 2008AUDITION
DU MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES,
DE LA FAMILLE ET DE LA SOLIDARITE,
M. XAVIER BERTRAND,
DEVANT LA COMMISSION
CHARGEE DES AFFAIRES EUROPEENNES
de l'ASSEMBLEE NATIONALE
(Paris, 21 octobre 2008)
J'avais souhaité vous rencontrer de nouveau à l'automne pour vous tenir au courant de l'avancée des travaux de la présidence française. J'étais hier au Parlement européen à Strasbourg pour le débat sur la directive portant sur le travail intérimaire. Celle-ci devrait être adoptée demain et j'espère bien que d'autres suivront, afin que 2008 soit l'année du redémarrage de l'Europe sociale.
La crise financière actuelle aura des conséquences économiques et il faut veiller à ce qu'elle n'ait pas de conséquences sociales pour les plus fragiles d'entre nous. Voilà pourquoi la relance de l'Europe sociale est plus que jamais indispensable. Permettez-moi de vous présenter d'abord l'état d'avancement des textes, à mi-parcours de la présidence française.
La négociation sur la directive relative au travail intérimaire durait depuis 2001. Un accord entre les partenaires sociaux au Royaume-Uni est intervenu. Il a permis de débloquer la situation. Le vote qui aura lieu demain devrait marquer une avancée considérable pour des millions de salariés ; l'égalité de traitement au premier jour mettra fin au dumping social.
Le vote sur la directive relative à l'aménagement du temps de travail, prévu début décembre, devrait intervenir plus tôt. La commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen s'est réunie hier, laissant apparaître des divergences importantes avec la position exprimée par le Conseil le 6 juin. Mais, après le travail important effectué par le rapporteur, M. Alejandro Cercas, la balle est désormais dans le camp du Parlement.
S'agissant de la directive relative aux comités d'entreprise européens, la présidence française a demandé dès juillet aux partenaires sociaux de réfléchir aux aménagements qu'il convenait d'apporter au texte de la Commission. Les partenaires sociaux ont accepté de jouer le jeu sans s'engager dans une négociation officielle et longue. J'ai fait adopter par le Conseil "Emploi et affaires sociales" - EPSCO -, le 2 octobre, leurs huit propositions, afin qu'elles puissent être intégrées aux négociations. Au Conseil, nous sommes très proches d'un accord et, si le calendrier du Parlement le permet, d'un examen avant la fin de l'année.
Le 2 juillet, la Commission européenne a présenté la directive visant à interdire les discriminations fondées sur le handicap, l'âge, la religion et l'orientation sexuelle dans tous les domaines, hormis celui de l'emploi, déjà couvert. Un débat d'orientation s'est tenu au Conseil EPSCO du 2 octobre. Il est clair que nous ne parlons pas de la même voix. Mais, tant les parlementaires que les Etats membres, les partenaires sociaux et les ONG, préfèrent prendre le temps de la négociation afin de respecter les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés. Nous travaillons actuellement sur la sécurisation juridique et sur les points de frottement entre les législations nationales et la réglementation communautaire.
La proposition de directive transposant la convention de l'OIT sur le travail maritime de 2007 sera examinée au Conseil le 15 décembre. Les partenaires sociaux se sont accordés pour reprendre à leur compte cette convention. Là encore, nous pouvons avoir bon espoir de voir la directive prochainement adoptée.
Quant au paquet "conciliation des vies familiale et professionnelle", le Conseil a présenté deux nouvelles propositions de révision de directive au début du mois d'octobre, portant sur le congé de maternité et l'égalité de traitement pour les "conjoints aidants" qui participent à l'activité des petites entreprises familiales. Le débat ne fait que commencer.
Je fais tout mon possible pour que le règlement d'application en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale soit adopté de manière définitive lors du Conseil du 15 décembre ; le Parlement européen aurait alors à se prononcer en seconde lecture sous la présidence tchèque.
Nous tentons de sortir du trouble semé par les arrêts Viking, Laval et Rüffert de la CJCE. Un forum s'est tenu à Bruxelles le 9 octobre, qui a permis d'engager le débat sans tabou et de constater que la directive " Détachement des travailleurs " ne constituait pas forcément un préalable. Businesseurope et la Confédération européenne des syndicats - CES - ont donné leur accord pour fournir un avis paritaire sur la mobilité des travailleurs en Europe.
En ce qui concerne les services sociaux d'intérêt général - SSIG - un forum se tiendra à Paris les 28 et 29 octobre, lors duquel les opérateurs feront valoir leur expérience concrète. Je prône l'idée d'une feuille de route commune à la présidence et à la Commission européenne. Son contenu dépendra de ce que les opérateurs souhaiteront y voir figurer : cadre européen sur la qualité, question du mandatement, question de la sécurisation des subventions publiques.
Un bilan d'étape de la mission sur la flexicurité a été donné lors du dernier Conseil EPSCO. Présidée par le commissaire européen Vladimir Spidla et par le président du sénat Gérard Larcher, cette mission tente de déterminer comment les principes communs peuvent être appliqués dans chacun des pays. Intégrant à part entière les partenaires sociaux, la mission s'est déjà rendue dans cinq Etats membres et rendra ses conclusions lors du prochain Conseil EPSCO du 15 décembre.
La mise en place d'un Agenda social rénové dépendra de l'articulation qui sera faite entre progrès économique et progrès social. Le Conseil EPSCO du 15 décembre jettera les bases de travail des présidences futures. Sans vouloir préempter les initiatives, je veux que les deux prochaines années soient utiles à cette Europe sociale, dont je vous avais dit qu'elle serait une priorité.
Q - Qu'en est-il de la directive sur la mobilité des patients, qui fait partie du "paquet social" ?
R - Elle n'a pas été évoquée, car elle ne relève pas du ministre du travail.
Q - Existe-t-il un accord avec les Tchèques et les Suédois pour poursuivre cet effort au cours des présidences suivantes ?
Q - Concernant l'application de mêmes règles pour tous ?
Q - Au sujet de l'impact de la crise financière sur les engagements dans le domaine social à l'échelle européenne ?
R - Nous sommes dans la logique du trio des présidences. J'ai rencontré à Luxembourg le ministre tchèque du travail et des affaires sociales, M. Petr Ne?as et le ministre suédois de l'emploi, M. Sven-Otto Littorin. Il est certain que la France ne pourra pas exercer de droit de suite. En revanche, elle continuera d'être un acteur clé, et elle aura de la mémoire.
Construire l'Europe sociale permettra de lutter contre le dumping, car nous obligerons tous les joueurs de foot à porter le même équipement. Lorsqu'il n'y a pas égalité de traitement au premier jour, le travail intérimaire coûte moins cher.
Il est difficile d'expliquer aux Français, qui connaissent des niveaux de protection sociale bien plus élevés que la moyenne européenne, l'importance de telles avancées. Ainsi, la directive relative au temps de travail a fait couler beaucoup d'encre, mais il faut faire comprendre que ceux qui travaillaient jusqu'à 90 heures par semaine ne pourront désormais plus travailler plus de 65 heures. Les citoyens attendent de l'Europe qu'elle les protège, des conflits extérieurs, de la crise financière, du contexte économique difficile. Ainsi, nous serons jugés sur nos actes.
La directive relative au travail intérimaire était en souffrance depuis sept ans, celle relative au temps de travail depuis quatre ans. Il nous faut désormais choisir : soit nous faisons adopter ces textes, soit nous les retirons. Que chacun prenne ses responsabilités !
Il n'est pas certain que le contexte économique change la donne car l'Europe sociale ne crée pas forcément de nouvelles charges ou, si tel est le cas, il doit s'agir de charges validées par le dialogue social. Nous recherchons le dialogue social, même si cela est complexe. Il n'y a pour l'instant pas d'accord sur la directive relative aux comités d'entreprise européens entre John Monks, secrétaire général de la CES, et Philip de Buck, secrétaire général de Businesseurope.
En revanche, la crise financière et ses conséquences économiques montrent bien qu'il faut construire l'Europe sociale. Croyez que j'utilise cet argument auprès des partenaires sociaux, des députés européens, des représentants des gouvernements : qui ira expliquer aux salariés qu'ils perdent des droits potentiels si la directive relative aux comités d'entreprise européens n'est pas adoptée ? Si certains devaient ne pas jouer le jeu le 15 décembre prochain, je n'hésiterais pas à le dire.
Pour être crédibles, nous devons avancer. Chacun l'a compris, ne serait-ce que pour des raisons électorales. Cette volonté est partagée et nous cherchons tous le compromis, à l'image des responsables des deux grands groupes du Parlement européen, que j'ai rencontrés récemment. Sur la directive relative au travail intérimaire, Harlem Désir s'est contenté d'établir un rapport sommaire pour favoriser le consensus et l'adoption de la directive. Du moment qu'un accord existe avec les partenaires sociaux, l'idée est de ne pas compliquer la tâche.
Nous avons intérêt à prendre beaucoup d'élan avant la fin de l'année ; tout ce qui est pris ne sera plus à prendre. Cette dynamique nous permettra d'être plus crédibles car, si l'Europe parle aux voyageurs ou aux consommateurs, elle ne s'adresse, pour l'instant, pas aux travailleurs.
La Commission européenne a semblé manquer d'allant sur des sujets comme les SSIG ou les arrêts de la CJCE. Mais il lui faut, en fin de mandat, un bilan social, et de cela, Vladimír ?pidla est bien conscient. La conjoncture est favorable : le Parlement ne bloque pas, la présidence veut bouger, personne ne se place en travers du chemin. L'occasion est historique pour une Commission qui a tout intérêt à voir ses directives adoptées aussi par le Parlement.
Il y a eu peu d'échos concernant les SSIG à Chantilly ou au Conseil EPSCO. Je participerai au forum et y ferai des propositions précises, revenant entre autres sur la question de la feuille de route. Si les étapes sont fixées par avance, elles devront être respectées par toutes les présidences, sans exception. Pour le moment, la Commission européenne et une majorité d'Etats sont contre l'idée d'une directive spécifique ; les autres préfèrent ne pas en parler. Pour ma part, j'évoquerai le sujet.
Monsieur Myard, si l'Europe parle du congé parental, c'est que la Stratégie de Lisbonne a permis de fixer des objectifs ambitieux en matière de conciliation entre les vies familiale et professionnelle. En dépit du coût important que cela peut représenter, cette question a un sens pour la France - fût-elle le premier pays européen pour la natalité.
S'agissant de la directive "Anti-discriminations", je crois beaucoup au rôle des ONG, regroupées au sein de la plate-forme sociale. Elles-mêmes préfèrent que nous allions plus loin plutôt que trop vite. Nous devons nous attacher à l'articulation entre le niveau communautaire et le niveau national et intégrer les droits des personnes handicapées dans cette problématique, afin de faire de l'Europe le continent le plus accessible. Le Parlement a exigé que cette directive couvre tous les champs de discrimination. La tâche est difficile : certains pays, comme l'Allemagne, la Tchéquie et l'Italie dans une moindre mesure, sont réticents en raison des risques de télescopage avec leurs propres législations. Mais, si cette directive aboutit, elle aura du sens.
Madame Saugues, la question du salaire minimum n'est pas à l'ordre du jour. Les difficultés d'application sont telles qu'aucun pays ne souhaite en faire une priorité. Le sujet n'a pas été évoqué lors des différents conseils EPSCO, quelle que soit la couleur politique des ministres qui y participaient. Ce salaire minimum entraînerait une augmentation générale des salaires et d'aucuns objecteraient que cela crée une charge nouvelle.
Q - Concernant l'harmonisation des pratiques sociales à l'échelle européenne et la concurrence mondiale ?
R - Je veux bien parier avec vous que la Chine mettra en place, à terme, un système de protection sociale. Car il y a toujours un pays moins-disant pour vous concurrencer et il est impossible de résister aux tensions sociales et politiques que crée une absence de protection sociale. Je ne suis pas un rêveur, mais je pense que la mondialisation peut permettre d'élever le niveau social partout.
Q - A propos des arrêts de la Cour de Justice de la Communauté européenne ?
R - Les arrêts que rend la CJCE sont plus qu'inquiétants. Il ne faut pas s'étonner que la jurisprudence prenne la place des textes lorsque ceux-ci mettent tant de temps à être mis en oeuvre. Les politiques doivent désormais assumer leurs responsabilités et, s'ils font mal leur travail, ils perdront les élections. Je crois à la politique, parce qu'il existe une sanction.
Q - Concernant l'attitude de l'Europe face aux disparités sociales enregistrées entre les pays de l'Union européenne ?
R - Pour fixer un salaire minimum, il faut commencer par tenir compte du niveau de vie dans chaque pays. Si vous n'y parvenez pas, quel message enverrez-vous aux citoyens ? Il y a de grands risques à enfourcher un cheval de bataille pour finalement ne rien obtenir. Rappelez-vous la directive relative au travail intérimaire, qui a failli être retirée après sept ans de discussions par le commissaire ! Voyez la directive relative au temps de travail, caricaturée faute d'une bonne communication ! Sur tous ces sujets, nous devons faire preuve de pédagogie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 octobre 2008