Texte intégral
Monsieur le Président, cher Yvan Halimi,
Mesdames et Messieurs,
Je remercie Yvan Halimi de m'avoir invitée à l'ouverture de ces journées. Elles constituent un moment fort des débats constructifs que la conférence nationale des présidents des commissions médicales d'établissements (CME) des centres hospitaliers spécialisés mène avec l'ensemble des acteurs de la psychiatrie et de la santé mentale.
Vos métiers, ce n'est jamais par hasard qu'on les choisit.
Travailler en psychiatrie, en effet, c'est exercer dans la cité une fonction toute particulière.
Bien sûr, la mission de psychiatre, comme celle de tout médecin, est de porter remède, mais les maux que vous soignez vous obligent à porter attention à la personne tout entière.
L'exercice de la psychiatrie, en ce sens, implique toujours égard et considération envers une personne saisie dans la singularité de son être, appréhendée dans sa globalité, et envers des familles nécessairement engagées. Claude Finkelstein et Jean Canneva ne me démentiraient pas.
Vos exigences font la noblesse d'une profession dont nul n'ignore les servitudes, et dont je ne voudrais pas sous-estimer les difficultés.
Les évolutions de la société et les progrès des pratiques professionnelles font évoluer les demandes et les attentes.
La diversité de ces demandes indique bien la complexité de votre pratique.
Elle témoigne aussi de l'ampleur des questions que nos sociétés, avides de réponses et de solutions, vous somment de régler aujourd'hui.
Ce sont, par exemple, les personnes malades et leurs familles qui demandent une prise en charge globale, intégrant par exemple les soins somatiques, la reconnaissance du handicap psychique et l'accompagnement dans des lieux de vie plus petits et à dimension humaine.
Ce sont les professionnels et acteurs des autres disciplines sanitaires qui vous sollicitent pour répondre à de multiples demandes : urgences, situations de crise, prévention du suicide, prises en charge des personnes âgées, des adolescents, des suicidants et de leur entourage.
Vos partenaires institutionnels expriment eux aussi des requêtes de plus en plus nombreuses : une prise en charge juste et respectueuse des personnes détenues et des victimes de violences, par exemple.
Les acteurs des champs social et médico-social, depuis la loi de 2005 qui reconnaît le handicap psychique, développent leurs propres structures d'insertion des patients et souhaitent promouvoir des coopérations nouvelles avec les professionnels spécialisés.
D'autres acteurs de politiques publiques veulent améliorer la prise en charge des troubles mentaux et de la souffrance psychosociale dans les situations de précarité, chez les sans domicile fixe par exemple, comme en témoigne le rapport du député Etienne Pinte sur les personnes en situation de précarité.
Ces évolutions, qui entrent en résonance avec les évolutions sociales et sociétales, peuvent déstabiliser les équipes psychiatriques.
Consciente de l'ampleur des problèmes et déterminée à apporter des réponses à vos inquiétudes, j'ai installé le 7 juillet une commission pluridisciplinaire sur les missions et l'organisation des soins en psychiatrie et en santé mentale, dont j'ai confié la présidence à Edouard Couty, que vous connaissez bien.
Alors même que le plan psychiatrie et santé mentale vient à échéance et que les réformes sont en cours, nous devons préparer une politique ambitieuse en faveur de la santé mentale, imaginer la psychiatrie de demain.
Les enjeux ne sont pas minces. Il s'agit d'avancer sans préjugé ni tabou sans négliger aucune compétence.
Ces enjeux sont d'ordre médical et scientifique, lorsqu'ils posent le problème du soin et de la recherche en psychiatrie.
Ils sont d'ordre social et, en quelque sorte, sociologique, lorsqu'est envisagée la place du malade et de la psychiatrie dans la société : comment modifier l'image de la psychiatrie, des patients et des institutions pour que la maladie mentale ne soit plus stigmatisée ?
Doivent ainsi être considérés tout à la fois la prévention des troubles, l'organisation des soins et la réinsertion des patients.
Les problématiques d'organisation et d'accès aux soins sont bien évidemment incontournables, parce que les familles attendent des réponses adaptées à leur situation.
La question des partenariats et de la répartition des responsabilités et des compétences doit, en ce sens, être posée, afin de garantir une prise en charge et un accompagnement plus efficaces.
En amont de cette organisation des soins, quelles politiques de prévention et de repérage précoce devons-nous mettre en place ?
Faut-il des campagnes d'information sur les grandes pathologies, comme la schizophrénie ?
En aval, comment permettre au malade de retrouver sa place dans la société ?
Il est en effet indispensable de réfléchir aux conditions de retour au logement et à l'emploi.
Le travail de cette commission est vaste. Il ne doit pas rester sans effet.
Ainsi, je souhaite vivement que dans le cadre de sa discussion au Parlement la loi "Hôpital, patients, santé, territoires" soit enrichie par les conclusions de la mission Couty.
La psychiatrie ne saurait être l'oubliée de nos politiques de santé publique.
Elle ne le sera pas.
Le degré de développement d'une société se mesure bien, en effet, à sa capacité à prendre en charge toutes celles et tous ceux qui souffrent de troubles mentaux.
La forte prévalence de ces troubles dans notre pays montre l'ampleur de votre tâche : 10 millions de personnes sont concernées et près d'1,2 millions d'adultes sont pris en charge tous les ans en psychiatrie publique.
Ces chiffres spectaculaires restent néanmoins abstraits.
Nous savons, en effet, que les personnes atteintes de troubles psychiques souffrent, aussi, d'être jugées, condamnées, parce que leurs pathologies ont longtemps été objets d'ignorance ou de mépris.
En ce sens, la psychiatrie a également un rôle essentiel à jouer dans la modification des représentations encore trop souvent attachées à la maladie mentale.
Compte tenu de l'importance de vos missions et de la hauteur de vos exigences, il est urgent de redonner à la psychiatrie française, fière de son histoire, à juste titre, conformément aux valeurs qui sont les siennes, les moyens de son ambition.
Je m'y emploierai, soyez-en certains, avec la plus grande détermination.
Les psychiatres ont toujours été à l'avant-garde du combat pour faire progresser la qualité des soins.
Ainsi, vous avez été précurseurs en termes d'ancrage territorial des politiques de santé.
Dès les années 1960, la psychiatrie a pensé et décliné les concepts de continuité et de proximité des soins, ainsi que de respect de la personne.
C'est dans cet esprit qu'ont été mis en place les secteurs, dans lesquels doivent être assurées la cohérence du parcours de soins des personnes malades et les actions de prévention.
Vous avez ainsi su ouvrir la voie à d'autres disciplines sanitaires pour qu'elles prennent mieux en compte ce modèle global en intégrant prévention, gestion de la chronicité et développement des collaborations entre professionnels, dans le cadre de territoires de proximité.
Vous avez démontré, par là même, votre capacité à agir, et à penser votre action.
Je ne doute pas que nous saurons trouver ensemble les moyens de relever demain de nouveaux défis.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 28 octobre 2008
Mesdames et Messieurs,
Je remercie Yvan Halimi de m'avoir invitée à l'ouverture de ces journées. Elles constituent un moment fort des débats constructifs que la conférence nationale des présidents des commissions médicales d'établissements (CME) des centres hospitaliers spécialisés mène avec l'ensemble des acteurs de la psychiatrie et de la santé mentale.
Vos métiers, ce n'est jamais par hasard qu'on les choisit.
Travailler en psychiatrie, en effet, c'est exercer dans la cité une fonction toute particulière.
Bien sûr, la mission de psychiatre, comme celle de tout médecin, est de porter remède, mais les maux que vous soignez vous obligent à porter attention à la personne tout entière.
L'exercice de la psychiatrie, en ce sens, implique toujours égard et considération envers une personne saisie dans la singularité de son être, appréhendée dans sa globalité, et envers des familles nécessairement engagées. Claude Finkelstein et Jean Canneva ne me démentiraient pas.
Vos exigences font la noblesse d'une profession dont nul n'ignore les servitudes, et dont je ne voudrais pas sous-estimer les difficultés.
Les évolutions de la société et les progrès des pratiques professionnelles font évoluer les demandes et les attentes.
La diversité de ces demandes indique bien la complexité de votre pratique.
Elle témoigne aussi de l'ampleur des questions que nos sociétés, avides de réponses et de solutions, vous somment de régler aujourd'hui.
Ce sont, par exemple, les personnes malades et leurs familles qui demandent une prise en charge globale, intégrant par exemple les soins somatiques, la reconnaissance du handicap psychique et l'accompagnement dans des lieux de vie plus petits et à dimension humaine.
Ce sont les professionnels et acteurs des autres disciplines sanitaires qui vous sollicitent pour répondre à de multiples demandes : urgences, situations de crise, prévention du suicide, prises en charge des personnes âgées, des adolescents, des suicidants et de leur entourage.
Vos partenaires institutionnels expriment eux aussi des requêtes de plus en plus nombreuses : une prise en charge juste et respectueuse des personnes détenues et des victimes de violences, par exemple.
Les acteurs des champs social et médico-social, depuis la loi de 2005 qui reconnaît le handicap psychique, développent leurs propres structures d'insertion des patients et souhaitent promouvoir des coopérations nouvelles avec les professionnels spécialisés.
D'autres acteurs de politiques publiques veulent améliorer la prise en charge des troubles mentaux et de la souffrance psychosociale dans les situations de précarité, chez les sans domicile fixe par exemple, comme en témoigne le rapport du député Etienne Pinte sur les personnes en situation de précarité.
Ces évolutions, qui entrent en résonance avec les évolutions sociales et sociétales, peuvent déstabiliser les équipes psychiatriques.
Consciente de l'ampleur des problèmes et déterminée à apporter des réponses à vos inquiétudes, j'ai installé le 7 juillet une commission pluridisciplinaire sur les missions et l'organisation des soins en psychiatrie et en santé mentale, dont j'ai confié la présidence à Edouard Couty, que vous connaissez bien.
Alors même que le plan psychiatrie et santé mentale vient à échéance et que les réformes sont en cours, nous devons préparer une politique ambitieuse en faveur de la santé mentale, imaginer la psychiatrie de demain.
Les enjeux ne sont pas minces. Il s'agit d'avancer sans préjugé ni tabou sans négliger aucune compétence.
Ces enjeux sont d'ordre médical et scientifique, lorsqu'ils posent le problème du soin et de la recherche en psychiatrie.
Ils sont d'ordre social et, en quelque sorte, sociologique, lorsqu'est envisagée la place du malade et de la psychiatrie dans la société : comment modifier l'image de la psychiatrie, des patients et des institutions pour que la maladie mentale ne soit plus stigmatisée ?
Doivent ainsi être considérés tout à la fois la prévention des troubles, l'organisation des soins et la réinsertion des patients.
Les problématiques d'organisation et d'accès aux soins sont bien évidemment incontournables, parce que les familles attendent des réponses adaptées à leur situation.
La question des partenariats et de la répartition des responsabilités et des compétences doit, en ce sens, être posée, afin de garantir une prise en charge et un accompagnement plus efficaces.
En amont de cette organisation des soins, quelles politiques de prévention et de repérage précoce devons-nous mettre en place ?
Faut-il des campagnes d'information sur les grandes pathologies, comme la schizophrénie ?
En aval, comment permettre au malade de retrouver sa place dans la société ?
Il est en effet indispensable de réfléchir aux conditions de retour au logement et à l'emploi.
Le travail de cette commission est vaste. Il ne doit pas rester sans effet.
Ainsi, je souhaite vivement que dans le cadre de sa discussion au Parlement la loi "Hôpital, patients, santé, territoires" soit enrichie par les conclusions de la mission Couty.
La psychiatrie ne saurait être l'oubliée de nos politiques de santé publique.
Elle ne le sera pas.
Le degré de développement d'une société se mesure bien, en effet, à sa capacité à prendre en charge toutes celles et tous ceux qui souffrent de troubles mentaux.
La forte prévalence de ces troubles dans notre pays montre l'ampleur de votre tâche : 10 millions de personnes sont concernées et près d'1,2 millions d'adultes sont pris en charge tous les ans en psychiatrie publique.
Ces chiffres spectaculaires restent néanmoins abstraits.
Nous savons, en effet, que les personnes atteintes de troubles psychiques souffrent, aussi, d'être jugées, condamnées, parce que leurs pathologies ont longtemps été objets d'ignorance ou de mépris.
En ce sens, la psychiatrie a également un rôle essentiel à jouer dans la modification des représentations encore trop souvent attachées à la maladie mentale.
Compte tenu de l'importance de vos missions et de la hauteur de vos exigences, il est urgent de redonner à la psychiatrie française, fière de son histoire, à juste titre, conformément aux valeurs qui sont les siennes, les moyens de son ambition.
Je m'y emploierai, soyez-en certains, avec la plus grande détermination.
Les psychiatres ont toujours été à l'avant-garde du combat pour faire progresser la qualité des soins.
Ainsi, vous avez été précurseurs en termes d'ancrage territorial des politiques de santé.
Dès les années 1960, la psychiatrie a pensé et décliné les concepts de continuité et de proximité des soins, ainsi que de respect de la personne.
C'est dans cet esprit qu'ont été mis en place les secteurs, dans lesquels doivent être assurées la cohérence du parcours de soins des personnes malades et les actions de prévention.
Vous avez ainsi su ouvrir la voie à d'autres disciplines sanitaires pour qu'elles prennent mieux en compte ce modèle global en intégrant prévention, gestion de la chronicité et développement des collaborations entre professionnels, dans le cadre de territoires de proximité.
Vous avez démontré, par là même, votre capacité à agir, et à penser votre action.
Je ne doute pas que nous saurons trouver ensemble les moyens de relever demain de nouveaux défis.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 28 octobre 2008