Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, à Europe 1 le 14 novembre 2008, sur les grèves à Air France et à la SNCF.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Le trafic ce matin est très perturbé dans les aéroports. Est-ce une mauvaise nouvelle pour vous que le mouvement soit aussi suivi ?
C'est une mauvaise nouvelle, d'abord pour tous ceux qui veulent prendre l'avion en cette fin de semaine.
Bien sûr, mais pour le secrétaire d'Etat chargé des Transports ?
C'est surtout une mauvaise nouvelle pour le transport aérien français. On a la chance qu'Air France, dans cette période difficile pour notre économie mondiale, est une des compagnies qui s'en tire le mieux parce qu'elle a une bonne fidélité de ses clients de bons produits, les avions qu'il faut, les lignes là où il le faut. Et donc, c'est Air France qui va trouver la compagnie la plus pénalisée ; le président d'Air France a parlé de 200 millions de pertes. C'est l'équivalent d'un Boeing triple 7, que nous connaissons tous.
Il dit que c'est une grève inutile et dangereuse ; vous dites la même chose, "inutile". Les pilotes, eux, s'opposent au relèvement à 65 ans de l'âge de cessation d'activité.
C'est plus compliqué que ça, parce que les pilotes, jusqu'à présent, partaient à 60 ans. Dans le cadre du projet de loi pour la Sécurité sociale, il leur est proposé un choix, c'est-à-dire que soit ils partent à 60 ans, et comme toujours, dans les conditions actuelles, mêmes indemnités défiscalisées, exactement les mêmes conditions. Si certains sont volontaires pour aller plus loin - volontaires -, ils peuvent aller plus loin.
Vous ne les comprenez pas les pilotes ce matin...
Franchement, non. Si on leur avait imposé une limite d'âge supérieur, on pourrait comprendre leur colère. En réalité, la limite d'âge est restée la même, simplement sur la base du volontariat, ceux qui veulent aller un peu plus loin peuvent aller plus loin. Je ne comprends vraiment pas l'intérêt de cette grève par rapport à tout ce que nous avions apporté dans la négociation.
Les pilotes, eux, considèrent que cet amendement parlementaire dont vous parlez, est une violation à l'engagement que vous avez pris, à savoir une négociation préalable en cas de modification de l'âge de la cessation d'activité.
D'abord, on n'a pas arrêté de négocier. On a négocié tout le week-end, y compris le 11 novembre, on a négocié avant-hier. On a négocié jusqu'à la dernière minute, et nous pensions, après avoir discuté avec les pilotes de ligne d'ailleurs, qu'ils allaient suivre nos propositions, qui étaient de propositions très équilibrées...
Donc c'est une surprise pour vous ?
Oui, c'est une surprise, parce que ce qu'on leur avait proposé, si vous me permettez l'expression, c'est un peu "ceinture et bretelles".
Donc ils veulent les deux, c'est ça ?
Un peu plus même, si je comprends bien.
Vous aviez l'impression d'avoir donné tout ce qui était possible ?
On a ouvert les choses, comme peu de catégories professionnelles dans notre pays ont de souplesse...
Donc vous dites que ce sont des privilégiés, des enfants gâtés les pilotes ?
Non, je ne dirais jamais cela. Ce sont des gens dont nous avons besoin, qui jouent un rôle très important dans notre économie, parfaitement qualifiés, parfaitement assurés de...
Mais vous leur dites quoi ce matin ?
Je leur dis que cette grève est inutile et dangereuse. Et comme tous ceux qui sont en ce moment à Roissy, à Orly, ou dans d'autres aéroports français, qui nous écoutent ou qui se préparent à prendre l'avion, comprennent exactement ce que cela veut dire.
Après les avions, il y aura la galère cette fois-ci dans le rail, pour le train, comme pour le transport aérien. Les syndicats protestent contre une modification de la règlement du temps de travail des conducteurs de fret demandée par le SNCF au Gouvernement. Est-ce que ça vous parait juste de revenir sur des droits acquis depuis des années ?
C'est à peu près la même chose que pour les pilotes, la encore, c'est sur la base du volontariat.
C'est "bretelles et ceinture" ?
Non, je ne vais pas dire ça à chaque fois. La SNCF veut faire plus de trains de fret, nous voulons tous plus de trains, moins de camions sur les routes. Pour cela, elle demande, sur la base du volontariat, aux conducteurs qui le souhaitent, de modifier légèrement leurs conditions de travail. Il y a 2.200 conducteurs qui ont été interrogés, 800 ont répondu positivement. Donc nous laissons à la SNCF faire ce qu'elle souhaite avec ces 800. Là encore, c'est sur la base du volontariat.
Donc vous ne comprenez toujours pas aujourd'hui les cheminots se mettent en grève alors qu'ils ont le choix ?
Ce qui est embêtant dans tout cela, c'est qu'on est en plein Grenelle de l'Environnement, c'est ce qu'on a souhaité avec J.-L. Borloo, on souhaite qu'il y ait de plus en plus de monde qui prenne le train, de plus en plus de marchandises qui prennent le train. Et une grève à la SNCF, sur un problème de souplesse permettant de développer le trafic marchandises que souhaitent les Français, cela ne me parait pas non plus une très bonne chose pour la SNCF et je dirais même pour l'image des cheminots qui sont très appréciés par tous les Français.
Et donc vous leur dites quoi aux cheminots, ce matin ?
Que cette grève est aussi inutile et que je souhaiterais que le temps que nous avons d'ici son déclenchement, d'ici mardi, soit mis à profit pour parler avec la direction de l'entreprise.
Et avec vous ?
Et puis nous sommes toujours disponibles. L'Etat est le propriétaire de la SNCF, il est à la disposition des uns et des autres pour parler le moment venu.
Pour que l'on comprenne bien, si les pilotes et les cheminots sont en grève alors qu'ils ont le choix, pourquoi font-ils grève à votre avis ?
Je n'en sais rien. Pour les pilotes, il n'y a vraiment aucune raison, puisque, aussi bien au plan de la sécurité, du déroulement de leur carrière, sur le plan du volontariat pour travailler plus, qui sera peut-être le fait de quelques uns seulement, il n'y a pas de raison de faire grève. Dans le cas de la SNCF, on ne touche pas aux avantages acquis, on permet simplement aux volontaires de bouger, de travailler un peu plus s'ils le souhaitent. Je trouve que ce sont des grèves inutiles parce que ce sont... je ne veux pas dire des grèves "d'enfants gâtés", parce que ce serait injuste, mais c'est un peu dommage. Et je ne suis pas sûr que l'opinion publique comprenne très bien la validité de ces mouvements. La grève est un droit dans notre pays et dans la Constitution. Il y a des moments où on peut le comprendre et là, on est plein de question. Et je le répète, le Gouvernement est à la disposition des uns et des autres pour parler de tout ça à tout moment.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 novembre 2008