Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C'est un plaisir pour moi de venir m'exprimer ce matin devant vous en ouverture de cette importante conférence sur les "Nouvelles questions sociales dans l'Europe en mutation".
Elle offre l'occasion d'échanger de manière approfondie, entre représentants des Etats membres et des institutions européennes, des partenaires sociaux, des ONG et du monde académique, sur les nouvelles orientations que l'Europe doit donner aux politiques sociales.
Je salue la qualité des personnalités réunies aujourd'hui à Paris, à l'initiative de Xavier Bertrand et de ses services. La réflexion qui s'engage doit être partenariale car il s'agit de déterminer des pistes d'action à long terme pour l'Europe qui concernent l'ensemble de ses citoyens.
Nous pouvons nous appuyer pour ce débat sur la contribution essentielle de la Commission. Sa Communication sur l'Agenda social, adoptée au tout début de la Présidence française en juillet dernier, propose les grands axes pour cette réflexion européenne. Je salue la qualité de ce travail réalisé par les équipes du Commissaire Vladimir Spidla (notamment Jérome Vignon), et qui avait été précédé par une large consultation des parties prenantes européennes.
Nous pouvons compter aussi sur l'important rapport que Xavier Bertrand et moi-même avions commandé l'an dernier à Bernard Bruhnes à qui je rends hommage. Ce rapport sur "Un agenda social pour une Europe compétitive et solidaire" pose, je crois, les bonnes questions que l'Europe doit résoudre et esquisse des axes d'action qui me semblent très pertinents.
Les ministres des Affaires sociales ont eu une première occasion de débattre de ces contributions lors de leur rencontre informelle de Chantilly, au début du mois de juillet dernier. Cette conférence est l'occasion de croiser le regard des institutions européennes et des Etats membres avec celui des experts, des partenaires sociaux et de la société civile.
Xavier Bertrand aura l'occasion ce soir, avec le Commissaire Spidla, de vous indiquer les prochaines étapes de ce processus européen lancé en juillet dernier. La Présidence française et ses partenaires tchèque et suédois, qui exerceront la présidence en 2009, accorderont une grande importance à vos travaux pour les traduire politiquement. Veillez donc à rester opérationnels et à faire des propositions.
Les quatre tables rondes qui vont suivre cette intervention d'ouverture vont permettre de couvrir largement le spectre des questions que la Présidence française a voulu mettre sur la table.
Le premier thème, sur l'Europe sociale dans la mondialisation, est central. Il s'agit bien, au fond, de réfléchir à la compatibilité de la démarche européenne d'insertion réussie dans la mondialisation économique avec la préservation de ses traditions sociales. Comme me l'a souvent répété Bernard Brunhes, nous avons trop souvent tendance, entre Européens, à considérer que nos différences sont considérables en matière sociale. Mais vu de Pékin, de Brasilia ou de Johannesburg, et même de Washington, il ne fait pas de doute qu'une forme de "modèle social européen" existe bien. Comment peut-on et doit-on l'adapter en ces temps de mondialisation ?
L'Europe a, je crois, commencé à répondre :
- en prenant acte de la diversité de ses populations et de la nécessité d'une démarche commune en matière d'immigration. Le Pacte européen sur les Migrations adopté au Conseil européen d'octobre marque, de ce point de vue, une étape décisive dans le cadre d'une approche équilibrée;
- en développant des stratégies de "flexicurité" qui permettent de renforcer la compétitivité de nos entreprises tout en garantissant les sécurités indispensables à nos concitoyens ;
- en développant aussi de nouveaux outils, comme le fonds d'ajustement à la mondialisation auquel, vous le savez, la France attache une grande importance. Dans la situation économique présente - et sans doute durable -, la nécessité d'action ambitieuse et de fonds d'ajustement d'ampleur ne fait aucun doute. Il est anormal que ces fonds soient si peu utilisés alors qu'ils sont déjà inférieurs aux besoins de conversion et de formation.
Vos débats porteront également sur la question du vieillissement démographique et de la solidarité entre les générations. Nous avons tendance, notamment en période de crise, à sous-estimer l'importance des défis de long terme. Il faut néanmoins prendre conscience que le défi du vieillissement est déjà une réalité pour la plupart des Etats membres de l'Union européenne.
Il s'agit d'un domaine d'action décisif, pour lequel le dialogue entre Européens et les échanges de bonnes pratiques sont particulièrement riches.
Il s'agit aussi de réfléchir aux actions que l'Union peut conduire en propre. Je pense notamment à l'accompagnement de l'emploi des seniors qui est en train de devenir un sujet majeur dans toutes nos sociétés.
Troisième thème de fond, la diversité et la cohésion sociale, thème qui est, je l'ai rappelé, en parti lié à la mondialisation. Le dialogue européen peut favoriser la prise de conscience de notre besoin, indiscutable, de nouvelles formes d'immigration. Comme l'ont indiqué les Chefs d'Etat et de gouvernement dans le Pacte européen pour les Migrations, une bonne intégration des populations issues de la diversité doit être une priorité européenne. Au-delà de nos traditions nationales, souvent très différentes, nous pouvons déterminer ensemble des priorités et des instruments communs. Dans son ensemble, l'Europe est en retard par rapport aux Etats-Unis dans le renouvellement de ses élites, pas uniquement politiques, mais aussi administratives et économiques, et dans les actions de discrimination positive sans doute nécessaires.
La diversité sociale en Europe, c'est plus largement une exigence d'égalité des chances. Comme l'a bien montré Bernard Brunhes dans son rapport, les Européens sont en demande de mesures nouvelles pour mettre en oeuvre ce principe qui doit être au coeur de notre approche européenne de la vie en société.
La Présidence française a mis tout son poids dans la négociation en cours au Conseil des ministres de la proposition de directive de la Commission sur les différentes formes de discriminations. C'est une discussion difficile, mais vous pouvez compter sur notre détermination pour convaincre, avec l'appui du Parlement européen. Ce texte est de nature à répondre aux attentes de nos concitoyens vis-à-vis d'une Europe plus solidaire, plus concrète et plus proche des préoccupations de ses populations.
L'égalité des chances, c'est enfin une exigence face à la pauvreté. Sous l'impulsion de Martin Hirsch, la Présidence française est l'occasion de faire partager avec tous les Européens, l'expérience que nous menons s'agissant du Revenu de Solidarité active. Nous prouvons aussi de cette manière que l'Europe peut faire avancer la solidarité avec les plus démunis.
Vous débattrez enfin des instruments de l'Europe sociale. Au-delà des débats sur les principes, il s'agit en effet de passer à l'action. C'est une préoccupation forte de Xavier Bertrand qui a tenu à inscrire au programme de la Présidence française une réflexion sur les outils d'action nouveaux que l'Europe doit envisager. Quelle place pour le droit social européen ? Quels moyens propres dans le budget de l'Union ? Comment améliorer la coordination ? Je sais que les partenaires sociaux européens ont des vues divergentes sur ces questions importantes. Cette conférence a pour objet de confronter les points de vue et de faire émerger des points de consensus.
Pour conclure, permettez-moi de vous faire part d'une conviction personnelle forte, dans les circonstances économiques et financières très particulières que nous connaissons en ce moment.
Nous le savons bien, la crise financière est en train d'affecter gravement l'économie réelle et les Européens devront, dans les trimestres qui viennent, en affronter les conséquences en termes d'activité et d'emploi.
La Présidence française ne s'épargne aucun effort pour favoriser une coordination européenne la plus forte possible, en réponse à cette crise. Nous avons réussi à apporter des réponses indispensables en urgence au plan financier. Le président de la République travaille avec acharnement à obtenir, lors du Conseil européen de décembre, une réponse européenne la plus ambitieuse possible face au ralentissement économique.
Je crois que l'Europe doit aussi se mobiliser pour apporter une réponse sociale à la crise. Votre réflexion d'aujourd'hui doit prendre en compte ce contexte nouveau par rapport à juillet dernier. L'Agenda social européen doit prendre en compte, dans les mois qui viennent, le ralentissement économique et le retour du chômage.
Bon nombre d'instruments proposés par la Commission dans son paquet social vont dans le bon sens. Je pense au comité d'entreprise européen, qui est le lieu naturel du dialogue social pour une répartition plus équilibrée des fruits de la croissance. Je pense aussi aux politiques de flexicurité qui doivent permettre aux entreprises et aux travailleurs de faire face dans de meilleures conditions au ralentissement économique.
Je pense néanmoins que nous pourrions aller plus loin : dans le dialogue social, au plus haut niveau. Ce dialogue est plus que jamais indispensable quand nous assistons à l'affaissement d'un mode de développement économique et financier par trop dominé par les préoccupations de rentabilité de court terme, quand nous devons mettre en place un modèle de développement plus attentif à la rareté des ressources, aux liens entre l'homme et son environnement, aux investissements collectifs à long terme et à faire de notre diversité une richesse.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention et vous souhaite une bonne conférence.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 novembre 2008
Chers Amis,
C'est un plaisir pour moi de venir m'exprimer ce matin devant vous en ouverture de cette importante conférence sur les "Nouvelles questions sociales dans l'Europe en mutation".
Elle offre l'occasion d'échanger de manière approfondie, entre représentants des Etats membres et des institutions européennes, des partenaires sociaux, des ONG et du monde académique, sur les nouvelles orientations que l'Europe doit donner aux politiques sociales.
Je salue la qualité des personnalités réunies aujourd'hui à Paris, à l'initiative de Xavier Bertrand et de ses services. La réflexion qui s'engage doit être partenariale car il s'agit de déterminer des pistes d'action à long terme pour l'Europe qui concernent l'ensemble de ses citoyens.
Nous pouvons nous appuyer pour ce débat sur la contribution essentielle de la Commission. Sa Communication sur l'Agenda social, adoptée au tout début de la Présidence française en juillet dernier, propose les grands axes pour cette réflexion européenne. Je salue la qualité de ce travail réalisé par les équipes du Commissaire Vladimir Spidla (notamment Jérome Vignon), et qui avait été précédé par une large consultation des parties prenantes européennes.
Nous pouvons compter aussi sur l'important rapport que Xavier Bertrand et moi-même avions commandé l'an dernier à Bernard Bruhnes à qui je rends hommage. Ce rapport sur "Un agenda social pour une Europe compétitive et solidaire" pose, je crois, les bonnes questions que l'Europe doit résoudre et esquisse des axes d'action qui me semblent très pertinents.
Les ministres des Affaires sociales ont eu une première occasion de débattre de ces contributions lors de leur rencontre informelle de Chantilly, au début du mois de juillet dernier. Cette conférence est l'occasion de croiser le regard des institutions européennes et des Etats membres avec celui des experts, des partenaires sociaux et de la société civile.
Xavier Bertrand aura l'occasion ce soir, avec le Commissaire Spidla, de vous indiquer les prochaines étapes de ce processus européen lancé en juillet dernier. La Présidence française et ses partenaires tchèque et suédois, qui exerceront la présidence en 2009, accorderont une grande importance à vos travaux pour les traduire politiquement. Veillez donc à rester opérationnels et à faire des propositions.
Les quatre tables rondes qui vont suivre cette intervention d'ouverture vont permettre de couvrir largement le spectre des questions que la Présidence française a voulu mettre sur la table.
Le premier thème, sur l'Europe sociale dans la mondialisation, est central. Il s'agit bien, au fond, de réfléchir à la compatibilité de la démarche européenne d'insertion réussie dans la mondialisation économique avec la préservation de ses traditions sociales. Comme me l'a souvent répété Bernard Brunhes, nous avons trop souvent tendance, entre Européens, à considérer que nos différences sont considérables en matière sociale. Mais vu de Pékin, de Brasilia ou de Johannesburg, et même de Washington, il ne fait pas de doute qu'une forme de "modèle social européen" existe bien. Comment peut-on et doit-on l'adapter en ces temps de mondialisation ?
L'Europe a, je crois, commencé à répondre :
- en prenant acte de la diversité de ses populations et de la nécessité d'une démarche commune en matière d'immigration. Le Pacte européen sur les Migrations adopté au Conseil européen d'octobre marque, de ce point de vue, une étape décisive dans le cadre d'une approche équilibrée;
- en développant des stratégies de "flexicurité" qui permettent de renforcer la compétitivité de nos entreprises tout en garantissant les sécurités indispensables à nos concitoyens ;
- en développant aussi de nouveaux outils, comme le fonds d'ajustement à la mondialisation auquel, vous le savez, la France attache une grande importance. Dans la situation économique présente - et sans doute durable -, la nécessité d'action ambitieuse et de fonds d'ajustement d'ampleur ne fait aucun doute. Il est anormal que ces fonds soient si peu utilisés alors qu'ils sont déjà inférieurs aux besoins de conversion et de formation.
Vos débats porteront également sur la question du vieillissement démographique et de la solidarité entre les générations. Nous avons tendance, notamment en période de crise, à sous-estimer l'importance des défis de long terme. Il faut néanmoins prendre conscience que le défi du vieillissement est déjà une réalité pour la plupart des Etats membres de l'Union européenne.
Il s'agit d'un domaine d'action décisif, pour lequel le dialogue entre Européens et les échanges de bonnes pratiques sont particulièrement riches.
Il s'agit aussi de réfléchir aux actions que l'Union peut conduire en propre. Je pense notamment à l'accompagnement de l'emploi des seniors qui est en train de devenir un sujet majeur dans toutes nos sociétés.
Troisième thème de fond, la diversité et la cohésion sociale, thème qui est, je l'ai rappelé, en parti lié à la mondialisation. Le dialogue européen peut favoriser la prise de conscience de notre besoin, indiscutable, de nouvelles formes d'immigration. Comme l'ont indiqué les Chefs d'Etat et de gouvernement dans le Pacte européen pour les Migrations, une bonne intégration des populations issues de la diversité doit être une priorité européenne. Au-delà de nos traditions nationales, souvent très différentes, nous pouvons déterminer ensemble des priorités et des instruments communs. Dans son ensemble, l'Europe est en retard par rapport aux Etats-Unis dans le renouvellement de ses élites, pas uniquement politiques, mais aussi administratives et économiques, et dans les actions de discrimination positive sans doute nécessaires.
La diversité sociale en Europe, c'est plus largement une exigence d'égalité des chances. Comme l'a bien montré Bernard Brunhes dans son rapport, les Européens sont en demande de mesures nouvelles pour mettre en oeuvre ce principe qui doit être au coeur de notre approche européenne de la vie en société.
La Présidence française a mis tout son poids dans la négociation en cours au Conseil des ministres de la proposition de directive de la Commission sur les différentes formes de discriminations. C'est une discussion difficile, mais vous pouvez compter sur notre détermination pour convaincre, avec l'appui du Parlement européen. Ce texte est de nature à répondre aux attentes de nos concitoyens vis-à-vis d'une Europe plus solidaire, plus concrète et plus proche des préoccupations de ses populations.
L'égalité des chances, c'est enfin une exigence face à la pauvreté. Sous l'impulsion de Martin Hirsch, la Présidence française est l'occasion de faire partager avec tous les Européens, l'expérience que nous menons s'agissant du Revenu de Solidarité active. Nous prouvons aussi de cette manière que l'Europe peut faire avancer la solidarité avec les plus démunis.
Vous débattrez enfin des instruments de l'Europe sociale. Au-delà des débats sur les principes, il s'agit en effet de passer à l'action. C'est une préoccupation forte de Xavier Bertrand qui a tenu à inscrire au programme de la Présidence française une réflexion sur les outils d'action nouveaux que l'Europe doit envisager. Quelle place pour le droit social européen ? Quels moyens propres dans le budget de l'Union ? Comment améliorer la coordination ? Je sais que les partenaires sociaux européens ont des vues divergentes sur ces questions importantes. Cette conférence a pour objet de confronter les points de vue et de faire émerger des points de consensus.
Pour conclure, permettez-moi de vous faire part d'une conviction personnelle forte, dans les circonstances économiques et financières très particulières que nous connaissons en ce moment.
Nous le savons bien, la crise financière est en train d'affecter gravement l'économie réelle et les Européens devront, dans les trimestres qui viennent, en affronter les conséquences en termes d'activité et d'emploi.
La Présidence française ne s'épargne aucun effort pour favoriser une coordination européenne la plus forte possible, en réponse à cette crise. Nous avons réussi à apporter des réponses indispensables en urgence au plan financier. Le président de la République travaille avec acharnement à obtenir, lors du Conseil européen de décembre, une réponse européenne la plus ambitieuse possible face au ralentissement économique.
Je crois que l'Europe doit aussi se mobiliser pour apporter une réponse sociale à la crise. Votre réflexion d'aujourd'hui doit prendre en compte ce contexte nouveau par rapport à juillet dernier. L'Agenda social européen doit prendre en compte, dans les mois qui viennent, le ralentissement économique et le retour du chômage.
Bon nombre d'instruments proposés par la Commission dans son paquet social vont dans le bon sens. Je pense au comité d'entreprise européen, qui est le lieu naturel du dialogue social pour une répartition plus équilibrée des fruits de la croissance. Je pense aussi aux politiques de flexicurité qui doivent permettre aux entreprises et aux travailleurs de faire face dans de meilleures conditions au ralentissement économique.
Je pense néanmoins que nous pourrions aller plus loin : dans le dialogue social, au plus haut niveau. Ce dialogue est plus que jamais indispensable quand nous assistons à l'affaissement d'un mode de développement économique et financier par trop dominé par les préoccupations de rentabilité de court terme, quand nous devons mettre en place un modèle de développement plus attentif à la rareté des ressources, aux liens entre l'homme et son environnement, aux investissements collectifs à long terme et à faire de notre diversité une richesse.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention et vous souhaite une bonne conférence.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 novembre 2008