Déclaration de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, sur l'impact de la crise économique et financière sur l'industrie aéronautique et le trafic aérien et sur la mise en place d'un plan de gestion de la navigation aérienne européenne, Bordeaux le 19 novembre 2008.

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Circonstance : Sommet européen de l'aviation civile à Bordeaux (Gironde), du 17 au 19 novembre 2008

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Députés,
Messieurs les présidents et directeurs généraux,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de conclure ces deux journées de travail du Sommet Européen de l'Aviation 2008, organisé dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Vous avez eu, hier le plaisir de passer la soirée dans une grande maison du Médoc, que je connais bien, étant élu d'une région voisine.
Bordeaux et la région Aquitaine font partie des hauts lieux de la filière aéronautique française. Aussi, je me réjouis d'avoir rassemblé dans cette ville l'ensemble des parties concernées par le transport aérien européen : les législateurs, les régulateurs, les constructeurs, les exploitants, les gestionnaires du trafic aérien et des aéroports, ainsi que tous les personnels sans lesquels l'ensemble du système de transport aérien serait inopérant.
Le secteur du transport aérien traverse actuellement une phase difficile. Tout d'abord, le prix élevé du kérosène a pesé sur les compagnies aériennes, en particulier au premier semestre. Les carnets de commandes restent bien remplis ; mais la période est difficile. La sous-évaluation du prix du dollar porte préjudice à la compétitivité de l'industrie aéronautique européenne sur le marché mondial. Ensuite, le secteur souffre de la crise financière et des risques de récession. Le ralentissement économique a déjà eu un impact sensible sur l'activité, impact dont il est difficile de prévoir l'ampleur et la durée. Le retournement de tendance est net : le trafic du mois de septembre a diminué de 2% en France par rapport à 2007, le trafic mondial est, selon l'Association Internationale du Transport Aérien (IATA), en baisse de 2,9% pour le transport de passagers, et de 7,7% pour le fret.
Le secteur du transport aérien doit relever plusieurs défis : un défi économique, un défi énergétique et un défi environnemental. Je suis convaincu que c'est à l'échelle de l'Europe que nous parviendrons à le faire. Le chemin parcouru lors des cinq premiers mois de présidence française de l'Union européenne me conforte dans cette conviction.
Tout d'abord, grâce aux initiatives de la présidence slovène, grâce aux travaux constructifs conduits avec le Parlement, nous avons adopté deux règlements importants, attendus avec impatience par les compagnies aériennes. Ces deux règlements portent sur les systèmes informatisés de réservation et sur les redevances aéroportuaires.
L'objectif de la France, durant ces six mois de présidence de l'Union, est de faire avancer la construction du Ciel unique européen, qui repose sur :
1) une gestion plus performante du réseau européen des services de navigation aérienne, restructuré autour de blocs fonctionnels d'espaces aériens transfrontaliers (FAB) ;
2) la poursuite du programme SESAR de modernisation des systèmes de navigation ;
3) la révision du premier paquet réglementaire sur le « Ciel unique européen » ;
4) l'extension des compétences de l'Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA).
1. La construction du Ciel unique européen a pour objectif d'améliorer la performance du contrôle aérien en Europe. Cette amélioration passe par la réalisation de nouveaux blocs d'espace aérien fonctionnels intégrant les espaces aériens nationaux. Un grand nombre de pays ont d'ores et déjà engagé cette démarche.
J'insiste à dessein sur ce point car, d'une façon générale, le ciel européen est trop morcelé, ce qui allonge les trajectoires, accroît les durées de vol et les coûts. Ainsi, entre Milan et Amsterdam, du fait du manque d'intégration de nos espaces aériens, le trajet est rallongé de 155 km par vol, ce qui représente 448 kg de carburant supplémentaires pour chaque avion, et bien sûr, plus de temps pour les passagers.
En raison de notre situation géographique, en raison de l'intensité des flux de trafic et des interfaces existantes, notamment avec le centre de contrôle en route de Maastricht et de la Suisse, il était logique pour la France de se rapprocher de ses États voisins. Le projet « FAB Europe Central » associe notre espace aérien à ceux du Benelux, de l'Allemagne et de la Suisse. Cette association sera bénéfique en termes de sécurité, d'environnement, de capacité et surtout de réduction des coûts.
Dans la conjoncture économique que nous connaissons, la réalisation de ces blocs d'espace aérien se justifie d'autant plus. Aussi, je comprends l'impatience des transporteurs à voir les FAB devenir opérationnels.
C'est pourquoi le projet « FAB Europe Central » a mon entier soutien. Pour qu'il soit rapidement mis en oeuvre, il doit être porté par tous les États partenaires. C'est l'objet de la déclaration d'intention qui vient d'être signée au cours de ce sommet. Par cette déclaration, les autorités civiles et militaires des six États du « FABEC » s'engagent à travailler ensemble pour mettre en place les modalités juridiques, techniques, et opérationnelles de ce FAB, jusqu'à la conclusion d'un accord définitif, en 2010. Mais d'ores et déjà, les sept prestataires des services de navigation aérienne concernés (le centre de navigation aérienne d'Eurocontrol à Maastricht faisant également partie de ce FAB) se mettent en ordre de marche pour dégager des améliorations sur le court terme et sur le long terme. L'accord de coopération qu'ils viennent également de signer lors de ce sommet prévoit la mise en place d'un budget commun afin de financer les projets prévus. Ainsi, dès demain jeudi, les interfaces entre les centres de Paris et Maastricht vont être optimisées au bénéfice des usagers. Comme ils vous l'ont dit hier, ces prestataires de service veulent agir comme s'ils formaient une entité unique. Cela montre la voie à suivre, ainsi que la qualité des relations entre partenaires au sein de ce FAB Europe central, dans lequel je mets beaucoup d'espoir et de confiance.
Bien évidemment, cette intégration au niveau des prestataires de service est susceptible d'appeler d'autres mouvements ou initiatives. Ce sera notamment le cas pour l'organisation de la surveillance des opérateurs. Les autorités nationales de surveillance vont devoir ainsi examiner la façon dont ils accompagneront l'intégration de la prestation de service.
2. Le Ciel unique, c'est aussi la modernisation des systèmes techniques de navigation aérienne. C'est la raison pour laquelle nous attachons une importance particulière au volet technique du Ciel unique : le programme SESAR. Le Parlement européen nous a toujours apporté son soutien dans ce domaine.
Lors du Conseil des ministres du 9 octobre, nous avons validé les travaux de la phase de définition de ce programme, nous avons lancé la phase de développement et permis aux industriels d'adhérer à l'entreprise commune, qui sera inaugurée le 8 décembre à Bruxelles.
La conduite de ce projet fondamental suivra les lignes directrices définies par le Plan d'ensemble de la gestion du trafic aérien européen (l'« ATM Master Plan ») qui est également en voie d'être approuvé.
La France a l'intention de participer pleinement à ce programme : les services français de la navigation aérienne sont candidats à l'adhésion à l'entreprise commune. Ils souhaitent apporter toute leur expertise et leur savoir faire au projet SESAR en lui dédiant la majeure partie de leurs moyens de recherche et développement.
3. Ensuite, nous poursuivons la révision du premier paquet « Ciel unique » de 2004. La présidence française fera tout ce qu'elle peut pour faire adopter par le Conseil des ministres un texte d'orientation introduisant une régulation économique fondée sur la performance des services de navigation aérienne et une approche globale de la stratégie du réseau des routes aériennes. Je suis convaincu qu'une orientation générale du Conseil du 9 décembre est à notre portée. J'appelle chacun à faire des efforts en ce sens.
4. Enfin, nous examinons actuellement la proposition d'extension des compétences de l'Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA) au contrôle de la sécurité des aérodromes et de la gestion du trafic aérien. Compte tenu des liens étroits entre les différentes composantes du paquet, il est souhaitable que leur examen progresse en parallèle. Je voudrais que nous répondions avant la fin de l'année aux questions légitimes des États membres sur la mise en oeuvre de ce texte. Nous voulons faire avancer son examen et établir une feuille de route de façon à faciliter le travail des présidences suivantes : je pense bien sûr à nos amis tchèques et suédois.
J'ai insisté à propos du programme SESAR sur la nécessité de coordonner nos travaux de recherche et de développement des nouvelles technologies. Il est indispensable que les pays européens continuent à fédérer leurs moyens techniques, humains et financiers. L'Europe a adopté une politique volontariste dans ce sens, avec la création de l'ACARE et le lancement du projet « Clean Sky ». Le renforcement de la compétitivité de notre industrie aéronautique, les objectifs de réduction des nuisances sonores, des émissions de CO2 et de NOx définis par l'ACARE nous imposent de rassembler autant que possible nos ressources et nos efforts de recherche.
C'est pourquoi la France a créé, sur le modèle de l'ACARE européen, le Conseil stratégique pour la recherche aéronautique (le CORAC). En travaillant en totale concertation au sein du CORAC, les acteurs du transport aérien (constructeurs, compagnies aériennes, aéroports...) sont en train de définir ensemble la feuille de route technologique qui devra guider l'ensemble des travaux de recherche de ces dix prochaines années et orienter l'attribution des soutiens publics français.
De plus, ces objectifs de réduction de la pollution et de développement durable ne seront atteints qu'en incluant l'aviation dans le mécanisme de marché des droits d'émission, l'ETS (Emissions Trading Scheme). La directive qui vient d'être adoptée sur ce sujet sera applicable en 2012. Je le dis ici de manière très ferme : le compromis trouvé en juin sur ce dossier m'apparaît très raisonnable. Nous devons d'ici 2012 définir les modalités de sa mise en oeuvre, et obtenir le ralliement des pays tiers les plus importants. Il s'agira de convaincre nos partenaires de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) d'étendre progressivement ce dispositif au niveau mondial. Cela doit être notre priorité.
J'ai bien entendu l'intervention, hier, de Jean-Cyril Spinetta, qui s'inquiète d'une éventuelle évolution du taux de mise aux enchères dans le cadre de la directive générale. Il est en effet impératif que ce système ne conduise pas à remettre en cause l'équilibre économique fragile du secteur du transport aérien européen. En particulier, il ne doit pas obérer la capacité des compagnies à renouveler leurs flottes. Je serai donc extrêmement attentif à ce que le taux de mise aux enchères ne compromette pas la compétitivité du secteur du transport aérien. L'objectif premier doit être celui de la modernisation des flottes, seul moyen de réduire effectivement les émissions de CO2. Un effort particulier doit être fait pour les courts et moyens courriers, avions dits « à couloir unique » : il y a une attente forte, au plan européen comme au plan mondial, pour de nouveaux modèles.
C'est l'un des nombreux défis auxquels le secteur devra faire face au cours des prochaines années. Toutefois, l'avancée des programmes européens me rendent confiant dans la capacité de l'Europe à les relever, à surmonter les crises que j'évoquais en commençant. En fédérant nos forces, nous permettrons à nos industriels de maintenir leur leadership technique et leur compétitivité sur le marché mondial.
La France agira dans cet objectif dans les dernières semaines de sa présidence européenne, et je sais que vous avez tous oeuvré dans ce sens au cours de ce sommet.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.ue2008.fr, le 24 novembre 2008