Intervention de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, au nom de l'Union européenne, sur la coopération entre l'OSCE et l'Union européenne sur les questions de sécurité, les conflits non résolus, la défense des droits de l'homme et de la démocratie, Helsinki le 4 décembre 2008.

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Circonstance : Intervention de Bernard Kouchner à la session d'ouverture du conseil ministériel de l'OSCE à Helsinki le 4 décembre 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Président de l'Assemblée parlementaire,
Mesdames et Messieurs les Ministres, Chers Collègues,
C'est un plaisir pour moi de m'adresser, au nom de l'Union européenne, au 16eme conseil ministériel de l'OSCE. J'aimerais tout d'abord féliciter Alexander Stubb pour sa remarquable présidence et le remercier de nous accueillir si chaleureusement ici, à Helsinki.
L'OSCE est la seule institution au sein de laquelle tous les pays d'Europe et d'Asie centrale, ainsi que les Etats-Unis et le Canada, peuvent dialoguer, ensemble, des questions de sécurité qui les préoccupent. C'est un modèle unique de coopération fondée sur la conviction que la sécurité de notre continent va de pair avec la défense des Droits de l'Homme, de la démocratie et de l'Etat de droit. Ce modèle, cette coopération librement consentie sont, nous le savons tous, plus que jamais nécessaires. L'OSCE est donc un acteur indispensable de la sécurité en Europe et est appelée à jouer à ce titre un rôle important, nous en discuterons tout à l'heure au cours du déjeuner.
Le 17 juillet dernier, j'étais allé à Vienne présenter les priorités de la Présidence française de l'Union européenne à tous nos ambassadeurs. J'avais insisté sur la nécessité d'une meilleure coordination entre nos deux organisations. Je crois pouvoir dire aujourd'hui que l'OSCE et l'Union européenne ont remarquablement bien travaillé ensemble, pour le bénéfice des deux organisations.
Il y a encore trop de conflits non résolus qui entraînent trop de souffrances. D'année en année, cette réunion ministérielle est l'occasion de faire le point et de regretter la détresse humaine qui perdure. Où en est-on en cette fin d'année 2008 ?
1) La Géorgie tout d'abord : l'OSCE y était présente depuis des années, et y faisait un travail remarquable. Ce qu'on appelait les "conflits gelés" d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, sont devenus cet été des conflits ouverts d'une extrême gravité, impliquant militairement deux Etats membres de l'OSCE. Comme vous le savez, trois jours après le début du conflit, Alexander et moi-même, main dans la main, représentant l'OSCE et l'Union européenne, nous sommes rendus sur place, à Tbilissi et à Moscou, et avons obtenu le cessez-le-feu.
Je veux réaffirmer aujourd'hui solennellement, au nom de ses 27 Etats membres, la condamnation par l'Union européenne de la décision unilatérale de la Russie de reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Cette prise de position reste inchangée. L'Union européenne invite les parties à poursuivre la mise en oeuvre de leurs engagements et est déterminée à participer de la manière la plus active, par l'intermédiaire de son représentant spécial pour la crise en Géorgie, aux discussions internationales lancées depuis le 15 octobre sous les auspices de l'UE, de l'ONU et de l'OSCE. Ces discussions doivent permettre de traiter l'ensemble des questions qui demeurent, notamment celle des modalités de sécurité et de stabilité dans la région, et la question urgente des personnes déplacées, y compris la question de la vallée de la Haute Kodori et de la région d'Akhalgori. Nos actions doivent tendre à la promotion de la stabilité de la région. A cet égard, l'Union européenne n'est pas convaincue que le déploiement de milliers de soldats et l'établissement de bases militaires dans les deux régions séparatistes contribue à cet objectif.
La solution pacifique et durable des conflits en Géorgie doit être fondée sur le plein respect des principes d'indépendance, de souveraineté et d'intégrité territoriale. Je tiens à saluer, ici, au nom de l'Union européenne, le travail remarquable effectué, parfois dans des conditions difficiles, par la mission de l'OSCE en Géorgie. Nous sommes convaincus que l'OSCE doit continuer à jouer un rôle important en Géorgie, y compris en ce qui concerne les conflits, et j'invite tous les Etats participants à s'engager dans des discussions constructives à cet égard.
2) Au Haut-Karabakh, de graves incidents ont eu lieu cette année. Mais les co-présidents du Groupe de Minsk, agissant sous l'égide de l'OSCE, ont poursuivi leurs efforts pour que les principes prop osés à Madrid l'an dernier restent la base du dialogue. Les présidents de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan se sont rencontrés en juin à l'initiative des médiateurs, puis à Moscou le 2 novembre à l'initiative du président Medvedev. Cette rencontre, saluée par l'Union européenne, a permis de réaffirmer le rôle central joué par les co-présidents du Groupe de Minsk pour parvenir a une solution négociée. La déclaration signée à cette occasion sur la nécessité d'un règlement pacifique du conflit est le premier document politique jamais signé par les présidents des deux pays en conflit et ouvre une nouvelle phase des négociations. Aujourd'hui, les trois ministres du Groupe de Minsk rencontreront comme l'an dernier les ministres d'Azerbaïdjan et d'Arménie pour les inviter à faire un pas supplémentaire sur la voie d'un règlement définitif et à prendre les décisions proposées par les médiateurs visant à limiter les pertes humaines sur la ligne de cessez le feu.
3) La Transnistrie continue de retenir notre attention : l'Union européenne rappelle son attachement à un règlement politique, fondé sur le respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, du non recours à la force et de l'inviolabilité des frontières de la République de Moldavie. Les négociations doivent reprendre dans le format "5+2", seul en mesure de garantir la transparence et la légitimité nécessaires pour définir une solution durable.
4) Plus près de nous, les Balkans occidentaux ont fait face cette année à d'importants défis. Nous savons tous combien leur stabilité demeure essentielle pour la sécurité en Europe. L'Union européenne tient donc à saluer l'action déterminée de l'OSCE pour la consolider et les progrès enregistrés dans l'approfondissement de ses relations avec les pays de la région. Elle soutient pleinement la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux, énoncée dans l'agenda de Thessalonique et la Déclaration de Salzbourg.
Enfin, je veux évoquer la stratégie de l'Union européenne pour l'Asie centrale, lancée en juin 2007 sous présidence allemande, qui est désormais entrée dans une phase opérationnelle associant d'ailleurs l'OSCE. Le 1er Forum UE/Asie centrale du 18 septembre dernier sur les enjeux de sécurité et la conférence de Douchanbé sur la gestion des frontières et la lutte contre les stupéfiants en Asie centrale les 21 et 22 octobre ont souligné la nécessité pour toutes les parties d'accroître leur coopération afin de trouver des réponses communes aux nouvelles menaces qui pèsent sur la stabilité de la région.
Monsieur le Président,
Il y a 60 ans, l'Assemblée générale des Nations unies adoptait la déclaration universelle des Droits de l'Homme, texte fondateur où le processus d'Helsinki a puisé son inspiration. Réunissons-nous, à l'occasion de cet anniversaire, pour donner un nouvel élan à l'exigence d'universalité des Droits de l'Homme et aux libertés fondamentales portées par l'OSCE !
Notre organisation doit rester à la pointe du combat contre les entraves aux élections démocratiques, contre les atteintes aux libertés d'expression, d'association et de réunion, contre la peine de mort, la torture, les mauvais traitements et l'arbitraire de la justice, contre l'antisémitisme, le racisme, la xénophobie et toutes les formes d'intolérance, contre le fléau que représente la traite des êtres humains. L'initiative de la Présidence finlandaise visant à renforcer l'efficacité des réponses judiciaires soucieuses des victimes doit être saluée, et surtout mise en oeuvre. C'est avant tout dans nos propres pays que nous devons lutter contre ces fléaux. L'Union européenne soutient de même une initiative afin d'encourager l'Etat de droit dans l'espace OSCE. L'OSCE doit aussi pouvoir faire plus pour les défenseurs des Droits de l'Homme. L'Union européenne souhaite un engagement plus résolu de notre organisation auprès de ces hommes et femmes qui, souvent au péril de leur vie, luttent pacifiquement pour le respect de l'universalité des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Pour cela, nous avons besoin d'institutions fortes. Le rôle du bureau des institutions démocratiques et des Droits de l'Homme, en particulier, est essentiel. Son autonomie, son impartialité et son professionnalisme font sa force, notamment en matière d'observation électorale. Il est donc très important que nous les préservions, y compris lorsqu'ils nous mettent face à nos responsabilités, car c'est leur rôle, car nous avons tous accepté volontairement de nous soumettre à son expertise pour nous aider à avancer dans la bonne voie. Pour la même raison, l'Union européenne apporte son soutien le plus total au bureau pour la liberté des médias, aux services du Haut commissaire aux minorités nationales et au bureau de la Représentante spéciale pour la lutte contre la traite des êtres humains.
Monsieur le Président,
Dans la dimension politico-militaire, les progrès que vous avez obtenus durant votre présidence sur les armes légères et de petit calibre, ainsi que sur les stocks de munitions conventionnelles, ne peuvent que réjouir les hommes et les femmes de paix que nous sommes. Et plus généralement, il nous faut saluer le travail accompli sur le code de conduite sur les aspects politico-militaires de la sécurité et sur la non-prolifération.
Depuis 1990, le Traité sur les Forces conventionnelles en Europe (FCE) est parvenu à atteindre ses objectifs. Il a préservé et prouvé sa viabilité au cours d'une période de changements politiques fondamentaux qui a marqué le début d'une ère nouvelle de coopération et de sécurité en Europe. Le régime FCE reste une pierre angulaire de la sécurité européenne. Aussi l'Union européenne engage-t-elle la Fédération de Russie à recommencer immédiatement à appliquer le Traité et à oeuvrer avec les Etats concernés pour parvenir à un accord sur la base de l'ensemble de mesures parallèles, afin que nous puissions préserver ensemble les bienfaits du régime FCE, de manière à favoriser la sécurité de tous les Etats participants de l'OSCE.
L'OSCE joue également un rôle significatif dans les aspects non militaires de la sécurité. A ce titre, l'Union européenne soutient les initiatives de la Présidence finlandaise sur la gestion et la sécurité des frontières, et sur la lutte contre le terrorisme qui reste une préoccupation majeure pour nos Etats. Les efforts déployés par l'OSCE pour soutenir la stratégie mondiale de l'ONU doivent d'être encouragés.
L'Union européenne attache une grande importance au renforcement de la dimension économique et environnementale de l'OSCE. Nous sommes convaincus que la sécurité environnementale est, d'ores et déjà, une composante à part entière de la sécurité des Etats. Nous souhaitons donc que l'OSCE mette sa force de conviction au service d'une prise de conscience de ce nouveau défi dont les aspects économiques, humains, sécuritaires constituent une préoccupation croissante.
Je voudrais pour finir rappeler l'attachement de l'Union européenne à l'adoption du statut juridique de l'OSCE qui renforcera son efficacité. Une OSCE mieux outillée juridiquement pour agir sera plus efficace pour trouver des réponses collectives aux défis auxquels l'OSCE et l'Union européenne font face.
Monsieur le Président,
L'Union européenne est heureuse d'accueillir la Grèce comme prochaine Présidence en exercice en 2009. Nous souhaitons à Mme Dora Bakoyannis une présidence réussie et l'assurons que l'Union européenne coopérera pleinement avec la Présidence grecque.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2008