Déclaration de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur le programme européen de lutte contre le changement climatique et la préparation de la conférence de Copenhague sur le climat, Alger le 20 novembre 2008.

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Circonstance : Conférence africaine des ministres chargés de l'environnement, sur le changement climatique, à Alger (Algérie), les 19 et 20 novembre 2008

Texte intégral

Excellences,
Mesdames et Messieurs les Ministres, Présidents, délégués généraux, directeurs et partenaires, banques, fonds pour l'environnement mondial,
Mon cher Chérif,
Merci d'avoir élargi cette réunion familiale, régionale, extrêmement importante, et merci d'y avoir invité l'Union européenne.
Un remerciement que j'adresse en accord avec la République Tchèque, la Suède, qui sera aussi votre partenaire dans la négociation de Copenhague et qui m'a chargé de vous saluer particulièrement.
Permettez-moi pour commencer, de féliciter Monique BARBUT, et de remercier tous les Etats qui ont unanimement soutenu, non seulement sa personne mais sa stratégie : un développement massif fondé sur l'écoute et l'initiative locale.
Merci au gouvernement algérien, merci à vous, cher ami.
Je crois très sincèrement qu'il se passe quelque chose en ce moment de tout à fait essentiel. Ici, à Alger, à la même heure, à Addis Abeba, récemment par la déclaration du futur président des Etats-Unis d'Amérique, au Parlement européen qui va annoncer tout à l'heure qu'il accepte de différer son vote sur le paquet climat, pour s'assurer de l'homogénéité des gouvernements européens.
Je crois vraiment, sincèrement, que par cette réunion d'Alger, cet appel d'Alger, l'Afrique-continent est un pôle de négociations à part entière, avec une stratégie opérationnelle, et proposant une alliance intercontinentale, et nous disons évidemment « oui ».
Mon cher Chérif,
Je crois fondamentalement qu'on sort des habitudes de négociations antérieures, qui ont eu parfois des avancées dans bien des domaines, mais qui dans notre problème particulier du changement climatique n'étaient, je crois, pas tout à fait à la hauteur. Alors, la négociation, la gentillesse, la courtoisie des négociations faisaient qu'on s'en contentait mais on avait un problème de méthode.
Je crois que cet appel d'Alger, cette réunion d'Alger, marque une évolution absolument décisive dans le chemin qui nous mène à Copenhague, qui est le rendez-vous de l'humanité.
Il n'y a pas 50 solutions, ou nous réussissons Copenhague tous ensemble, ou nous échouons à Copenhague tous ensemble.
Mon cher Chérif connaît ma position depuis longtemps, l'Europe est historiquement un réchauffeur si j'ose dire, et l'Afrique est historiquement une victime.
Vous savez que l'Europe a décidé de faire un énorme programme de lutte contre le changement climatique. Il est en cours de négociations. Il s'agit de faire moins 20% d'émission de CO2 d'ici 2020, et un facteur 4 d'ici 2050. Ces 20% devenant 30% dès lors qu'il y aura un accord général à Copenhague. 20% d'amélioration d'efficacité énergétique, de réduction des besoins. 20% d'énergies renouvelables ; elle est en gros à 10%.
Ce qui demande un changement fondamental de stratégie énergétique et industrielle. Cela nécessite que nous payions les émissions de CO2 que nous envoyons dans l'atmosphère. L'ensemble du marché des quotas d'émission représenteront 500 milliards d'euros d'ici 2020, si on prend une bourse à 50 euros la tonne.
Donc, nous sommes sur des enjeux majeurs et nous savons aujourd'hui que si nous y parvenons au Conseil européen du 11 au 12 [décembre], et au vote du Parlement le 17 décembre, si nous y parvenions, alors que nous avons des histoires énergétiques aussi différentes, des pays très charbonnés, d'autres pas du tout, des climats très différents, des richesses très différentes, ça prouve que c'est possible, d'une manière générale sur l'ensemble de notre planète.
Alors, mon cher Chérif, j'avais fait une promesse , quand on en avait parlé à Bali, puis ici, on a fait des promesses respectives d'ailleurs, que nous ayons un mandat pour discuter directement avec l'Afrique. Ce mandat, l'Union Européenne, [( inaudible) l'a approuvé ?] le 20 octobre pour proposer, dans le respect des contraintes de chacun et des alliances de chacun, une forme de vision commune et de deal commun sur le chemin de Copenhague.
Je suis extrêmement heureux de cette déclaration d'Alger, de cette proposition d'alliance intercontinentale et d'un plan triennal d'actions opérationnelles sur trois dossiers essentiels : l'eau, l'énergie, la forêt. Toutes les autres en découlent, l'eau, l'énergie, la forêt. L'énergie, l'eau et la forêt, et certains se superposent. Mon ami de la République Tchèque, Jan, a proposé une réunion à Nairobi, au mois de février, il a raison qu'on commence tout de suite et qu'on ait notre groupe d'accompagnement de positions communes pour Pozna? et pour Copenhague.
Je suis heureux de savoir qu'à cette heure-ci, mon cher Chérif, à Addis Abeba, nos collègues continuent à travailler sur ce point, pour qu'on essaie d'avoir une déclaration commune de cette alliance intercontinentale à Pozna?.
Vous savez, le monde change et, depuis que j'exerce cette fonction, j'ai tellement appris de choses que j'ignorais. J'ai notamment appris que l'Afrique est la chance de l'Europe. Que l'Afrique est le continent qui a le plus grand potentiel d'énergie durable du monde. Selon les endroits, ce n'est pas le même potentiel, le bassin du Congo, ce n'est pas le Sahel, évidemment.
Mais si on prend l'hydraulique d'eau douce, l'énergie marine, la géothermie, le solaire concentré, le petit photovoltaïque, (inaudible), le vent, la puissance africaine, l'Afrique peut être le premier continent totalement autonome au plan énergétique et contributeur net de la planète.
Alors, la Banque mondiale disait tout à l'heure : 24% seulement d'Africains ont accès à l'énergie, et je permettrais d'ajouter : et dans 50% des pays, c'est moins de 9%, avec tous les problèmes d'autonomie alimentaire, de développement économique, d'emplois dans les filières professionnelles.
En réalité, Copenhague, ce n'est pas le rendez-vous de la dernière chance, c'est le rendez-vous de la première chance, pour que tous ensemble, en tous les cas Européens et Africains, nous permettions qu'il y ait un développement majeur de toutes ces filières professionnelles, de toutes ces technologies, qui sont en fait le véritable bond en avant économique et social de l'Afrique.
Voilà ce que, au nom de l'Union, je suis venu redire, vous redire. Je revois beaucoup de visages amis, affectueux devrais-je dire, de l'ensemble de l'Afrique.
Vous savez, je suis, nous sommes convaincus, que le XXIe siècle ce ne sera pas comme le XXe siècle, un peu modifié. Le XXe siècle a puisé sur les fruits de la nature, en tous les cas, nous Européens, l'avons fait largement. Largement, plus que ce qui était raisonnable et possible. Nous avons absolument l'intention de restituer et de contribuer au combat pour la planète et de mener ce combat aux côtés des Africains. Pour redonner un véritable espoir de développement économique, de développement énergétique et de développement durable.
Mon cher Chérif, j'espère que le paquet climat énergie européen sera adopté. Si c'est le cas, nous nous revoyons, dans tous les cas de figure, mais beaucoup plus détendus évidemment, à Pozna?.
Sachez que dans ce paquet climat énergie, il s'agit d'une modification fondamentale du paradigme industriel et énergétique de l'Europe. Et il s'agira de mettre pour l'Europe les moyens nécessaires au grand bond en avant énergétique de l'Afrique, à la préservation de sa biodiversité, à la préservation de ses forêts, et en allant au fond de chacun des sujets.
J'apprécie également le total soutien des uns et des autres, pour la mise en place de la Task-force de travail opérationnel et ( inaudible) dès samedi [Paris, 22 novembre], un certain nombre d'entre nous, nous nous retrouverons sur le plan solaire, plan solaire méditerranéen au d??part, évidemment extensible à l'ensemble de l'Afrique, et nous avons demandé à nos experts de se mettre à la disposition des vôtres, dans le cadre de l'expertise que tu as voulu mettre en place, pour que ce chemin qui nous amène à Copenhague, nous permette d'avoir une vision commune et des capacités opérationnelles pour réussir.
Moi je suis absolument, résolument optimiste et convaincu. Je vois comment se comporte le gouvernement chinois, je vois quelle est la problématique du gouvernement indien, je connais ce qui bat dans le coeur des Australiens, j'ai vu les débats de l'élection américaine des Etats-Unis d'Amérique, je vois cette conférence d'Alger, je vois ce qui se passe au Parlement européen et dans l'Union européenne.
Je pense vraiment que ce XXIe siècle, si on accepte de raisonner totalement autrement, sera un très beau siècle.
En tous les cas, mon cher Chérif, tu sais que l'Union, l'Union dans sa continuité avec la République Tchèque et la Suède, on travaille ensemble. Il n'y a pas une feuille de papier à cigarettes entre nous.
L'Union sera avec vous, vous estime et vous aide.
Source http://www.ambafrance-dz.org, le 8 décembre 2008