Tribune de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire, dans "Présent pour l'avenir" du 23 septembre 2008, sur les enjeux et la mise en place du haut et du très-haut débit.

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Mesdames et Messieurs,
L'évocation du très haut débit me fait personnellement rêver, car j'imagine les transformations possibles de notre société s'il apporte autant que le haut-débit. Mais aussitôt je suis conscient du besoin qu'il va faire naître pour nos entreprises qui vont légitimement souhaiter en disposer afin de rester compétitif, et je suis également conscient de l'attente de nos concitoyens qui souhaitent tous profiter des nouvelles technologies et ne pas rester en marge de ce progrès. Voila les raisons pour lesquelles le très haut débit constitue un enjeu majeur d'aménagement du territoire : de nouveaux réseaux doivent être construits, comme le furent le téléphone ou l'électricité, et ils emporteront les mêmes difficultés et les mêmes risques de rupture d'égalité devant le service public.
Le très haut débit se matérialise aujourd'hui par la fibre optique, mais déjà les spécialistes prédisent que la fibre optique se développera en priorité dans les zones les plus denses où l'investissement est le plus rentable pour les opérateurs privés. La fibre optique suppose des travaux de génie civil pour être enterrée, et on peut effectivement supposer que son développement sera plus long dans les territoires ruraux pour cette raison. Aussi des solutions alternatives doivent être trouvées en attendant que la fibre optique irrigue nos campagnes.
Grâce au très haut débit se développerons des nouveaux services pour nos entreprises et les Français. Face au risque et de déséquilibre ente les territoires, je ne peux rester indifférent. Les déploiements ne font que commencer à l'échelle de l'effort nécessaire pour équiper notre pays, nous avons l'opportunité de s'assurer de la cohésion sociale dès aujourd'hui.
1. Tout d'abord, je souhaite souligner que pour se saisir de cet enjeu majeur qu'est le très haut débit, il convient de bien travailler à achever les étapes du haut-débit, et de la téléphonie mobile de deuxième et troisième génération. Ces batailles se jouent aujourd'hui, il ne faut pas les abandonner en ne pensant qu'à l'étape d'après : ces services sont essentiels dès aujourd'hui et ils jettent les bases pour notre société des usages de demain.
C'est la raison pour laquelle j'ai tenu dès mon arrivée à corriger la situation des 364 communes qui n'étaient pas couvertes en téléphonie mobile, mais qui n'avaient pas pu bénéficier du plan unique d'extension de la couverture mobile initié en 2003. Comment en effet aurais-je pu évoquer la question du très haut-débit sans résoudre cette situation.
Grâce à l'engagement des opérateurs mobiles, des collectivités et de financements de l'Etat, ces 364 communes seront couvertes dans les plus brefs délais. Même s'il faut au moins 24 mois pour ouvrir un site à partir de l'identification de son implantation, les opérateurs se sont engagés à couvrir 80% de ces communes dès la fin 2010. Ainsi, toutes les communes de France disposeront de la téléphonie mobile en 2011, au moins dans leur centre-bourg.
Dans le prolongement, j'étudie avec les opérateurs les améliorations possibles des réseaux de deuxième génération, mais ce sont surtout les réseaux de troisième génération (3G) auxquels je m'attache maintenant, car ils permettront dans une certaine mesure d'offrir l'accès à internet à haut-débit sur tout le territoire. La démarche est celle prévue dans la loi de modernisation de l'économie votée cet été : l'Autorité de régulation va définir les bases de la mutualisation de ces réseaux 3G en vue d'accélérer la couverture des territoires ruraux.
Je souligne cette démarche nouvelle sur les réseaux 3G, car elle illustre bien l'expérience acquise sur les réseaux de deuxième génération. Les pouvoirs publics avaient attendu que les déploiements concurrentiels se terminent pour décider si une intervention publique était nécessaire ; à présent il semble souhaitable de tracer la ligne de départage entre concurrentiel et non concurrentiel au plus tôt, afin de pouvoir anticiper les déploiements et ne pas agir trop tardivement. C'est notamment cette démarche d'anticipation que les pouvoirs ont souhaité mettre en place pour le très haut débit en concertant au plus tôt sur les mesures nécessaires pour le bon développement du très haut débit.
2. La loi de la modernisation de l'économie a lancé véritablement le déploiement du très haut-débit. Elle assoit les principes qui guideront les premiers déploiements commerciaux, en introduisant notamment le principe de mutualisation. Le nombre d'opérateurs installant la fibre optique dans les immeubles sera limité et la concurrence pourra se développer.
L'importance et la place de cette loi vous a été présentée en détail par mon Collègue Eric Besson.
3. En parallèle de cette loi, j'a i souhaité pour la cohésion territoriale que la gouvernance sur les sujets du haut-débit et très haut-débit soit renforcée, notamment en ce qui concerne l'action des collectivités territoriales. Elles se sont illustrées dans la réalisation de projets de réseaux de communications électroniques qu'elles peuvent mettre à disposition de collectivités. L'Autorité de régulation recensait récemment plus de 85 projets couvrant chacun plus de 60000 habitants. Les collectivités ont fait la preuve de leur légitimité sur ce sujet, alors qu'elles ne sont compétentes que depuis 2004. Il demeure que ces projets manquent de cohérence entre eux : en effet, certains sont menés par les départements, d'autres par les agglomérations, plusieurs d'entre eux concernent un ou deux départements, voire des communes appartenant à des régions différentes... Trop souvent, les collectivités locales se retrouvent un peu seules, ou isolées face aux opérateurs. Il est grand temps de jouer collectif pour construire une vision et une stratégie communes de couverture numérique de nos territoires.
La cohérence territoriale est l'une de mes grandes préoccupations, et c'est pourquoi je suis attaché de manière générale au développement des schémas de cohérence territoriale dans l'urbanisme qui permet d'organiser l'espace entre lieux de vie, zones cultivés ou espaces protégés. En cohérence avec cet aménagement, on doit prévoir l'agencement des infrastructures de transport et de communications. Les infrastructures numériques ont vocation à intégrer la réflexion globale sur l'aménagement ; un schéma directeur permettrait de manière optionnelle de dresser les grandes lignes partagées localement des futurs aménagements numériques.
Mais vous l'avez compris la cohérence doit se jouer également nationalement ; et c'est la raison pour laquelle j'ai mis en place, avec mes collègues Eric BESSON et Luc CHATEL, un « comité pour la couverture numérique » réunissant uniquement l'Etat et les collectivités locales. C'est un lieu d'échanges et de concertation où se construisent des réflexions communes sur le développement du haut-débit et du très haut-débit, j'en ai confié l'animation à la DATAR. On y travaille également sur des projets concrets de textes réglementaires permettant à l'Etat et aux collectivités d'avoir une meilleure connaissance des réseaux déjà déployés. Ainsi les interventions des collectivités à l'avenir seront plus efficientes, et nous aurons de meilleures garanties que de nouveaux réseaux ne dupliquent pas inutilement des réseaux existants. Le gouvernement s'est engagé à sortir les décrets d'application de la loi de modernisation de l'économie d'ici la fin de l'année.
3. Pour conclure, je souhaite revenir sur des actions que nous pouvons engager nationalement et localement pour le très haut débit, alors que les opérateurs s'attaquent aux grandes agglomérations.
Je vous rappelais en introduction que la fibre optique ne pourrait être déployée partout rapidement, et c'est la raison pour laquelle un déploiement rapide est plus réaliste en utilisant des technologies hertziennes. Vous êtes familiers maintenant de la question du dividende numérique, dont la décision est attendue prochainement dans le cadre de l'annonce du plan numérique 2012 qu'Eric Besson doit remettre au Premier Ministre. Une décision en faveur de l'attribution d'une partie de ce dividende pour la construction d'un réseau de très haut débit sans fil constituerait une solution pour limiter la rupture technologique entre les territoires.
Sur le terrain, des actions pragmatiques peuvent être engagées : le très haut débit se construit dès aujourd'hui dans nos territoires si les investissements réalisés pour le haut débit peuvent être réutilisés plus tard. En particulier, cela peut être le cas pour les plus grosses artères du réseau qui irriguent ensuite les habitations. De plus, lorsque des travaux de génie civil doivent être réalisés, il est pertinent de s'interroger sur la pertinence d'installer à l'occasion des fourreaux. Mais je sais que je prêche ici des responsables avisés, voire convaincus.
La connaissance de ces sujets numériques est compliquée pour des élus qui sont généralistes et doivent maîtriser une palette de sujets très variés. C'est pourquoi je vais mettre en place un cycle de sensibilisation des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités, afin de faire profiter ceux qui le souhaitent des expériences qui ont pu être vécues par les uns et les autres, afin que les élus locaux le soient plus dépourvus s'ils souhaitent aborder le sujet et prendre en main leur destin numérique.
Source http://odebit.blogspirit.com, le 11 décembre 2008