Interview de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, à Canal Plus le 9 décembre 2008, sur la nomination de X. Bertrand comme secrétaire général de l'UMP par intérim, le débat au sein du parti et le débat parlementaire sur le projet de loi sur l'audiovisuel.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

M. Biraben : Bonjour, soyez le bienvenu. Alors le président de l'Assemblée nationale que vous êtes sait gérer le groupe, avec les états d'âme que cela représente. Est-ce que vous pensez que X. Bertrand sera le faire gérer, le groupe avec les états d'âme que cela représente à la tête de l'UMP ?
Gérer l'UMP vous voulez dire, gérer le parti politique, oui, certainement. Xavier est un militant, il a toujours eu cette fibre et il devient le chef des militants. C'est en quelque sorte un parcours naturel.
C. Roux : Qu'est-ce que vous en attendez de lui ?
Je crois qu'il faut surtout faire un travail de terrain, un parti politique c'est d'abord le lien avec ceux et celles qui se retrouvent dans ce parti, dans ces idées, dans ces objectifs, dans les personnalités qu'il faut soutenir.
C. Roux : Cela manquait jusque là, le travail de terrain cela manquait ?
Non, mais c'est extrêmement épuisant et il faut régulièrement renouveler les troupes. Eh bien il y a un changement, P. Devedjian a fait très bien, X. Bertrand ce sera autre chose. Je pense que c'est une bonne chose.
C. Roux : Faire un cahier des charges pas trop lourd, là que vous lui donnez. Faire du terrain pour un responsable de parti, ça va, il devrait s'en sortir.
Oui, mais on n'en fait jamais assez.
C. Roux : En revanche, il y a des sujets qui vont être peut-être un peu plus compliqués pour lui, c'est de gérer le débat au sein de l'UMP. Est-ce que vous diriez que sa première mission cela sera de mettre de la cohérence à l'UMP sur un sujet compliqué à gérer, celui du travail le dimanche.
On ne discute jamais assez et c'est valable partout. Mais particulièrement dans un parti politique et l'UMP en a besoin et je lui fais tout à fait confiance pour cela. Alors s'agissant...ce n'est pas le travail du dimanche, c'est quelques dérogations, dans quatre régions d'un million d'habitants, de plus d'un million d'habitants, d'ouverture pour des grandes surfaces non alimentaires, ce n'est pas le travail du dimanche. D'ailleurs l'article 1 du projet de loi le précise. Il précise que le repos dominical est quelque chose qui est évidemment maintenu.
C. Roux : Cela reste malgré tout un sujet compliqué à aborder pour la majorité. Oui, c'est vrai, c'est un sujet qui fait débat, parfois polémique, avec des divergences et tout n'est pas encore tout à fait résolu, même si, à mon sens on ira vers une convergence. C. Roux : Est-ce que c'est une bonne nouvelle pour vous, personnellement, le retour de X. Bertrand à l'Assemblée nationale, qui fera entendre une voix un peu différente de celle de J.-F. Copé ?
Vous savez, la parole est libre à l'Assemblée et c'est valable dans la majorité, c'est valable dans l'opposition et c'est également une exigence d'aujourd'hui, donc les personnalités se renouvellent, qu'elles changent. Cela s'inscrit dans cette nécessité d'un débat, que personnellement je souhaite de plus en plus vif à l'intérieur des groupes, comme à l'intérieur du Parlement.
C. Roux : Vous souhaitez le débat de plus en plus vif, y compris au sein de la majorité ?
Il faut qu'il y ait des échanges. Vous savez, s'il n'y a pas de discussions, elles ont lieu ailleurs. Donc ce n'est pas un handicap, au contraire d'avoir des personnalités qui peuvent échanger pour trouver la meilleure solution.
C. Roux : Alors vous parlez d'une parole libre, il y a un député, il s'appelle D. Garrigue, qui a claqué la porte de l'UMP, hier. Il dit que l'UMP s'est transformée en ectoplasme, ce n'est pas très gentil. Et il dit, à propos d'un vote sur un amendement qui concernait le bouclier fiscal : j'étais le seul du groupe UMP, tant les pressions exercées sur les uns et sur les autres avaient été fortes. Est-ce qu'on est libre de son vote à l'UMP, qu'est-ce que vous pensez de la déclaration de Monsieur Garrigue ?
M. Biraben : Il l'a dit dans Le Monde, il ne l'a pas dit à l'Assemblée nationale, il l'a dit dans Le Monde.
Oui, j'ai vu cet article, je connais bien Daniel qui est un ami de longue date, qui a des qualités personnelles, formidables. Il y a un problème dans sa fédération en Dordogne et je pense qu'il y a dans ses déclarations, une petite confusion entre les problèmes départementaux qu'il connaît et ses réflexions générales. Même si, encore une fois, on peut toujours regretter de ne pas avoir assez l'occasion de marquer sa différence au sein d'un groupe - qui dans la majorité a nécessairement besoin de soutenir le gouvernement.
C. Roux : Alors un mot sur l'audiovisuel, cela n'avance pas. Le ton est monté hier entre la majorité et l'opposition sur ce texte. Est-ce que vous dites "du calme", ou vous dites, en gros "il faut du débat, même s'il est vif et prenons le temps du débat".
Eh bien je vais dire les deux.
C. Roux : Non, vous n'avez pas le droit, il faut choisir.
Du débat absolument, mais du débat dans la sérénité. Et c'est ce que j'essaye de rechercher, ce n'est pas facile. Parce que, quand on est dans l'opposition, on voudrait tout bloquer et quand on est dans la majorité, on voudrait que tout aille très vite. C'est donc cet équilibre qu'il faut rechercher.
C. Roux : Ça c'est la version consensuelle. Mais est-ce que, on a C. Albanel qui nous dit : attention, parce que si cela traîne trop, il faudra passer par un décret, est-ce que c'est ce que vous dites aussi ? Il y a quand même des limites à l'obstruction, au débat et à la discussion. Comme en toute chose, l'excès conduit à des impasses. Et c'est vrai que quand on a une obstruction qui ne permet plus d'avancer, qui ne permet plus de résoudre les problèmes, de décliner ce qui a été décidé par l'exécutif qui a toute la légitimité pour le faire. Il peut y avoir besoin de trouver d'autres solutions, celle que vous évoquez en est une. C'est-à-dire qu'au lieu de passer par la loi pour certaines dispositions, seulement pour certaines, temporairement passer par la voie réglementaire.
C. Roux : Est-ce qu'on est dans cette situation là, est-ce qu'il y a urgence ?
Eh bien oui, c'est une décision qui a été engagée et il faut que l'on sorte de cette discussion et la mise en oeuvre va intervenir en début d'année. Alors l'interruption de la publicité intervient en début d'année. C'est sur cette disposition qu'il pourrait y avoir une mesure réglementaire. Pour le reste, les textes viendront, notamment les dispositions financières.
C. Roux : Est-ce que cela complique le calendrier du président de l'Assemblée nationale, le fait que le débat s'éternise sur l'audiovisuel ? Est-ce que cela veut dire que le travail le dimanche va devoir attendre, alors que c'est une priorité du président de la République ?
Evidemment que lorsqu'un texte dure beaucoup plus longtemps, cela repousse tous ceux qui étaient prévus, ensuite, notamment les exceptions d'ouvertures de grandes surfaces non alimentaires le dimanche...
M. Biraben : Appellation impropre Caroline.
Inadaptée, disons !
C. Roux : Oui, j'ai bien compris. Alors vous avez travaillé sur de nouvelles règles à l'Assemblée nationale, il y a une loi organique qui sera donc déposée en Conseil des ministres mercredi. Qu'est-ce qui va changer à l'Assemblée avec des nouvelles règles donc issues de la révision constitutionnelle et du nouveau rapport de force entre l'exécutif et le législatif. Qu'est-ce qui va changer, est-ce que cela sera possible avec les nouvelles règles ce qui se passe en ce moment sur le texte audiovisuel ?
Eh bien le but, c'est que les nouveaux pouvoirs donnés au Parlement s'accompagnent d'une réhabilitation, d'une meilleure image, d'une meilleure lisibilité des travaux qui sont les nôtres. D'une part pour légiférer - et ça c'est ce que vous dites - est-ce qu'il est utile, est-ce que c'est efficace pour la démocratie, est-ce que nous donnons le sentiment de bien faire notre travail, nous les députés, lorsque l'on s'affronte, pendant des semaines et des semaines avec des milliers d'amendements, en répétant inlassablement les mêmes arguments ? Personnellement je ne le pense pas.
C. Roux : Donc ça, cela ne sera plus possible !
Je reconnais volontiers l'avoir fait, il n'y a pas si longtemps. Mais je crois qu'il faut tendre vers quelque chose, des débats beaucoup plus lisibles, beaucoup plus compréhensibles, beaucoup plus intéressants pour les Français, qui auront l'impression de participer, de suivre, de réfléchir.
C. Roux : Alors comment est-ce que l'on fait pour qu'ils deviennent plus intéressants, on met un temps de parole limité pour chaque groupe par exemple ?
C'est une des hypothèses, nous sommes en train de réfléchir au nouveau règlement.
C. Roux : C'est mercredi, j'espère que vous avez fini, parce que...
Oui, mais c'est une des hypothèses qui peut être retenue. Et puis il y a l'autre partie, il y avait "légiférer" et puis il y a "contrôler" l'action du Gouvernement, les pouvoirs publics. Et là, le nouveau règlement prévoira, parce que la Constitution nous le permet, c'est une avancée énorme, prévoira de rendre publics les contrôles. D'interpeller les ministres sur les suites données à ces contrôles, sur les suites données aux recommandations.
C. Roux : Quelle forme cela pourrait prendre, c'est-à-dire un ministre vient devant l'Assemblée nationale s'expliquer sur ce qui a été mis en oeuvre et il laisse filmer, c'était séance publique.
Voilà ce sera public ; qu'avez-vous fait ? Il y a six mois, on vous a recommandé telle ou telle disposition, l'avez-vous fait, pourquoi ne l'avez-vous pas fait.
M. Biraben : B. Accoyer, une question de spectateur avec L. Mercadet. L. Mercadet : Oui, bonjour monsieur le président, une question de Gaël, qui apparemment vous a écouté avec attention tout à l'heure lorsque vous parliez d'UMP. Et qui dit : c'est marrant, quand cela se passe à l'UMP, on ne discute jamais assez. Mais quand c'est dans l'opposition socialiste, c'est ridicule. Il aimerait comprendre Gaël.
Il ne faut pas confondre les débats internes qui réunissent des militants d'un parti, quel qu'il soit d'ailleurs et qui peuvent s'étende autant qu'ils veulent, il n'y a qu'eux qui sont concernés ces militants. Et puis le débat qui est le débat public, qui doit rester accessible, compréhensible par les Français, par les médias, pour qu'on puisse - non pas sur un mois de suite, mais sur quelques jours, sur, à la rigueur quelques semaines, grand maximum - voir évoluer les débats, les décisions, les amendements de texte.
C. Roux : Est-ce que vous allez établir de nouvelles règles sur l'absentéisme, comme vous l'aviez dit, il y a quelque temps ?
Je le souhaite, oui, je le souhaite, je pense que l'hémicycle vide est une image calamiteuse pour refléter en réalité le travail très important que font les parlementaires qui est complètement méconnu. Et donc, il faut que nous débats soient organisés d'une manière différente, plus de travail en commission.
C. Roux : Il y aura des sanctions pour les députés absents ?
Alors oui, je voudrais appliquer les articles du règlement qui aujourd'hui ne sont pas applicables et je compte bien le faire avant la fin de mon mandat de président.
M. Biraben : On va passer au "J'aime, j'aime pas". C. Roux : J'aime, j'aime pas R. Yade qui ne veut pas des européennes ?
Je n'aime pas.
C. Roux : Elle doit y aller ?
Oui, je pense que quand on est dans une formation politique, je comprends qu'on puisse hésiter, mais il y a des moments où il faut aussi plonger.
M. Biraben : Il faut oser se faire élire... J'aime, j'aime pas le président Sarkozy qui demande le départ de R. Mugabe ?
J'aime. J'aime parce qu'il y a des limites à ne pas franchir et là, elles sont franchies, hélas depuis longtemps. Et ce qui se passe dans ce pays est tout à fait inacceptable.
C. Roux : J'aime, j'aime pas la nouvelle équipe du PS ?
Ecoutez, moi j'aime les additions et je n'ai pas vraiment l'impression qu'il s'agisse d'une addition. J'ai plutôt l'impression qu'on a soigneusement trié et pris seulement une partie des dirigeants du Parti socialiste. Je n'ai pas à m'immiscer dans ces affaires là.
M. Biraben : Vous pouvez donner votre avis, ce que vous venez de faire, vous n'aimez pas les soustractions, c'est clair. Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 décembre 2008