Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Effectivement, vous parlez l'allemand, vous aimez l'Allemagne et il paraît que c'est en partie à cela que vous devez votre poste que vous étrennez donc aujourd'hui sur RTL, de secrétaire d'Etat aux Affaires européennes. Qu'est-ce qui ne va pas aujourd'hui entre la France et l'Allemagne, B. Le Maire ?
Je crois que les difficultés font partie de la relation franco-allemande ; et on a une vision un peu trop axée sur le présent quand on dit qu'il y a, aujourd'hui, une crise entre la France et l'Allemagne, ce qui me paraît très exagéré.
Qu'est-ce qu'il y a alors ?
Si on prend un tout petit peu de recul simplement sur l'histoire des relations franco-allemandes, regardez ce qui se passait lorsque le général de Gaulle défendait certaines idées qui étaient refusées par l'Allemagne. Lorsque l'Allemagne disait "il faut que la Grande- Bretagne rentre dans l'Union européenne", et que le général de Gaulle disait "il n'en est pas question !". Lorsque le général venait en Pologne, il disait il faut reconnaître la ligne Oder-Neisse comme une frontière intangible et que les Allemands s'y opposaient". Lorsque F. Mitterrand hésitait à reconnaître la réunification allemande alors que c'était évidemment le destin allemand. La relation franco-allemande a traversé des crises beaucoup plus importantes que celles que nous connaissons aujourd'hui.
Mais il y a une crise ?
Il y a des difficultés, et ce sont des difficultés sérieuses, je crois qu'il faut le reconnaître, qui n'ont rien à voir avec la relation personnelle entre A. Merkel et N. Sarkozy, que j'ai eu l'occasion de constater, qui est une bonne relation. Les vraies difficultés sont beaucoup plus profondes. Nous avons une nouvelle Allemagne : une Allemagne réunifiée qui a retrouvé sa puissance, qui a retrouvé toute sa place en Europe. Nous avons aussi une nouvelle Europe qui s'est ouverte vers les pays de l'Est avec des pays qui souhaitent occuper toute leur place en Europe, et nous avons face à cela une France qui doit comprendre ses évolutions, qui doit faire toute sa place à cette Allemagne et qui doit donc refonder sa relation avec ce pays.
Et votre travail, c'est de rapprocher, malgré tout, les points de vue franco-allemands et peut-être aussi les personnalités. Vous savez, on lit beaucoup, ces temps-ci que les proches d'A. Merkel lui ont donné ce conseil : si vous voulez comprendre N. Sarkozy, regardez les films de Louis de Funès...
Oui, ça me paraît tout à fait exagéré.
Qu'est-ce qui est exagéré ? Qu'on lui ait donné ce conseil ou bien que les deux personnages se ressemblent ?
La comparaison me paraît tout à fait malencontreuse. Simplement, je crois que si l'on veut vraiment avancer dans cette relation entre la France et l'Allemagne, il va y falloir beaucoup de patience, beaucoup d'écoute, beaucoup de dialogues précisément parce que sur beaucoup de sujets, que ce soit l'économie, les questions de société, la place de chacun en Europe, il y a des malentendus qui se sont créés. Eh bien, je crois que ce sera une partie de ma tâche, en tout cas ça a toujours été ma passion de travailler entre la France et l'Allemagne, d'arriver à retrouver un lien fort entre ces deux pays. Il est indispensable parce que si on regarde de manière très concrète, de manière très pragmatique : lorsque la France et l'Allemagne sont d'accord, les choses avancent, y compris sur des sujets qui ne vont pas de soi. L'Union pour la Méditerranée s'est faite lorsqu'on a trouvé un accord entre la France et l'Allemagne. Le plan climat a été adopté lorsque la France et l'Allemagne ont réussi à trouver un compromis. Lorsqu'il n'y a pas de compromis, l'Europe n'avance pas. Lorsqu'il y a un compromis entre la France et l'Allemagne, l'Europe peut aller de l'avant, c'est bien ça notre objectif à tous.
Vous êtes donc secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Bruno Le Maire, êtes-vous pour ou contre l'adhésion de la Turquie à l'Union ?
Je ne suis pas favorable, actuellement, à l'adhésion de la Turquie dans l'Europe. Je crois que les conditions ne sont pas réunies. Mais il y a un processus qui est en cours, avec des chapitres que l'on étudie au fur et à mesure ; et je crois que c'est le processus qu'il faut suivre. Je crois également - c'est très important - qu'il faut respecter pleinement l'identité de la Turquie et la place de la Turquie dans le reste du monde. Je le dis parce que lorsque nous avons eu l'examen du projet de loi constitutionnel, avec le fameux article sur un éventuel référendum en cas d'adhésion de la Turquie, je me suis opposé à toutes les propositions qui auraient abouti à stigmatiser la Turquie et en faire un pays à part par rapport aux autres candidats de l'Union européenne. Reconnaissons à la Turquie toute sa valeur et reconnaissons également qu'aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies pour l'adhésion de la Turquie à l'Union.
Quel intérêt de poursuivre des négociations avec un pays si on pense qu'il n'a pas sa place dans l'Union ?
Je vous dis qu'aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies.
Mais vous avez dit que vous étiez hostile à son adhésion parce que c'est un pays qui n'a pas vocation à entrer dans l'Europe.
J'ai dit qu'aujourd'hui, les conditions n'étaient pas réunies.
Faut-il maintenir un secrétariat d'Etat aux Droits de l'homme dans le Gouvernement français ?
Je crois que tout ce qui est fait pour défendre les droits de l'homme est bien. C'est au ministre lui-même d'évaluer de quel secrétaire d'Etat il a besoin, au président de la République, au Premier ministre. Je pense que tout ce que l'on peut faire pour défendre les droits de l'homme, pour les valoriser, a de l'importance et doit être défendu dans notre pays.
Et donc un secrétariat d'Etat dédié à cette action vous paraît bienvenu ?
Un secrétariat d'Etat, pourquoi pas ? Quand je vois le travail que fait R. Yade dans certains sujets très précis, je pense notamment aux droits des Femmes, je pense à l'adoption, eh bien je trouve qu'elle a fait un travail utile.
Donc, vous aurez un motif de discussion avec B. Kouchner, qui est votre ministre de tutelle...
Je n'aurai pas un motif de discussion, on aura un motif d'échange là-dessus. Je crois que B. Kouchner, parmi toutes les qualités qu'il a, a celle-ci d'avoir toujours défendu les droits de l'Homme, d'avoir été d'ailleurs secrétaire d'Etat à l'Action humanitaire et d'être une des figures, justement, des droits de l'Homme qui sont valorisantes pour notre pays aux yeux des autres pays du monde.
Vous proclamez toujours votre amitié avec D. de Villepin. Vous avez été son directeur de cabinet, à Matignon, notamment. La justice vous a interdit de contact avec lui depuis qu'il a été mis en examen dans l'affaire Clearstream. A votre avis, que pense-t-il de votre entrée dans le gouvernement de N. Sarkozy ?
Je crois qu'il l'a dit. Il a eu cette phrase très gentille à mon égard en disant : "C'est une bonne chose pour Bruno, c'est une bonne chose pour la France". Ce que je veux dire là-dessus, c'est que j'ai toujours affirmé et répété mon amitié personnelle à l'égard de D. de Villepin. J'ai fait avec lui une partie de ma carrière politique et je dois dire que je suis fier de ce que nous avons fait ensemble. Fier de ce que nous avons fait au Quai d'Orsay pendant la crise irakienne, et très fier de ce que nous avons fait à Matignon lorsque nous avons fait baisser le chômage de deux points en moins de deux ans. Cela fait partie de mon contrat avec le président de la République et avec le Premier ministre. Je mets au service du Gouvernement, au service de la majorité, mes compétences, ma volonté de changement mais je le fais avec mes convictions, avec ma sensibilité et avec cette amitié personnelle pour D. de Villepin.
D. de Villepin qui dit que dans cette affaire Clearstream - il vient d'être renvoyé en correctionnelle - "N. Sarkozy - je le cite - est aveuglé par la passion".
L'affaire Clearstream est de l'ordre de la relation personnelle entre N. Sarkozy et D. de Villepin. Elle est entre les mains de la justice. Il y a un procès qui aura lieu dans quelques mois et la justice rendra sa décision. Je crois que c'est cette décision qui fera foi. Pour le reste, dans le domaine de la politique, qui est le domaine qui nous intéresse, je crois qu'on peut très bien faire une place à quelqu'un qui garde son amitié pour D. de Villepin, sa fierté d'avoir travaillé avec lui, ses convictions. Il faut encore sa sensibilité particulière dans la majorité.
Vous n'êtes plus député depuis vendredi. Vous échappez donc au débat, demain, sur le travail du dimanche. Si vous aviez été député, vous l'auriez votée la loi telle qu'elle est ?
J'aurais voté la loi telle qu'elle est. Mais j'ai eu l'occasion de m'exprimer comme député et j'ai gardé la même position comme ministre, et j'essaie de faire preuve de cohérence dans cette construction politique. Je pense que le dimanche doit rester un jour particulier de la semaine. Et par conséquent, que l'on adopte une loi dans laquelle on remet de la cohérence quand le dispositif dominical en France, c'est très bien. Je pense qu'il faut s'arrêter là.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 décembre 2008
Je crois que les difficultés font partie de la relation franco-allemande ; et on a une vision un peu trop axée sur le présent quand on dit qu'il y a, aujourd'hui, une crise entre la France et l'Allemagne, ce qui me paraît très exagéré.
Qu'est-ce qu'il y a alors ?
Si on prend un tout petit peu de recul simplement sur l'histoire des relations franco-allemandes, regardez ce qui se passait lorsque le général de Gaulle défendait certaines idées qui étaient refusées par l'Allemagne. Lorsque l'Allemagne disait "il faut que la Grande- Bretagne rentre dans l'Union européenne", et que le général de Gaulle disait "il n'en est pas question !". Lorsque le général venait en Pologne, il disait il faut reconnaître la ligne Oder-Neisse comme une frontière intangible et que les Allemands s'y opposaient". Lorsque F. Mitterrand hésitait à reconnaître la réunification allemande alors que c'était évidemment le destin allemand. La relation franco-allemande a traversé des crises beaucoup plus importantes que celles que nous connaissons aujourd'hui.
Mais il y a une crise ?
Il y a des difficultés, et ce sont des difficultés sérieuses, je crois qu'il faut le reconnaître, qui n'ont rien à voir avec la relation personnelle entre A. Merkel et N. Sarkozy, que j'ai eu l'occasion de constater, qui est une bonne relation. Les vraies difficultés sont beaucoup plus profondes. Nous avons une nouvelle Allemagne : une Allemagne réunifiée qui a retrouvé sa puissance, qui a retrouvé toute sa place en Europe. Nous avons aussi une nouvelle Europe qui s'est ouverte vers les pays de l'Est avec des pays qui souhaitent occuper toute leur place en Europe, et nous avons face à cela une France qui doit comprendre ses évolutions, qui doit faire toute sa place à cette Allemagne et qui doit donc refonder sa relation avec ce pays.
Et votre travail, c'est de rapprocher, malgré tout, les points de vue franco-allemands et peut-être aussi les personnalités. Vous savez, on lit beaucoup, ces temps-ci que les proches d'A. Merkel lui ont donné ce conseil : si vous voulez comprendre N. Sarkozy, regardez les films de Louis de Funès...
Oui, ça me paraît tout à fait exagéré.
Qu'est-ce qui est exagéré ? Qu'on lui ait donné ce conseil ou bien que les deux personnages se ressemblent ?
La comparaison me paraît tout à fait malencontreuse. Simplement, je crois que si l'on veut vraiment avancer dans cette relation entre la France et l'Allemagne, il va y falloir beaucoup de patience, beaucoup d'écoute, beaucoup de dialogues précisément parce que sur beaucoup de sujets, que ce soit l'économie, les questions de société, la place de chacun en Europe, il y a des malentendus qui se sont créés. Eh bien, je crois que ce sera une partie de ma tâche, en tout cas ça a toujours été ma passion de travailler entre la France et l'Allemagne, d'arriver à retrouver un lien fort entre ces deux pays. Il est indispensable parce que si on regarde de manière très concrète, de manière très pragmatique : lorsque la France et l'Allemagne sont d'accord, les choses avancent, y compris sur des sujets qui ne vont pas de soi. L'Union pour la Méditerranée s'est faite lorsqu'on a trouvé un accord entre la France et l'Allemagne. Le plan climat a été adopté lorsque la France et l'Allemagne ont réussi à trouver un compromis. Lorsqu'il n'y a pas de compromis, l'Europe n'avance pas. Lorsqu'il y a un compromis entre la France et l'Allemagne, l'Europe peut aller de l'avant, c'est bien ça notre objectif à tous.
Vous êtes donc secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Bruno Le Maire, êtes-vous pour ou contre l'adhésion de la Turquie à l'Union ?
Je ne suis pas favorable, actuellement, à l'adhésion de la Turquie dans l'Europe. Je crois que les conditions ne sont pas réunies. Mais il y a un processus qui est en cours, avec des chapitres que l'on étudie au fur et à mesure ; et je crois que c'est le processus qu'il faut suivre. Je crois également - c'est très important - qu'il faut respecter pleinement l'identité de la Turquie et la place de la Turquie dans le reste du monde. Je le dis parce que lorsque nous avons eu l'examen du projet de loi constitutionnel, avec le fameux article sur un éventuel référendum en cas d'adhésion de la Turquie, je me suis opposé à toutes les propositions qui auraient abouti à stigmatiser la Turquie et en faire un pays à part par rapport aux autres candidats de l'Union européenne. Reconnaissons à la Turquie toute sa valeur et reconnaissons également qu'aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies pour l'adhésion de la Turquie à l'Union.
Quel intérêt de poursuivre des négociations avec un pays si on pense qu'il n'a pas sa place dans l'Union ?
Je vous dis qu'aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies.
Mais vous avez dit que vous étiez hostile à son adhésion parce que c'est un pays qui n'a pas vocation à entrer dans l'Europe.
J'ai dit qu'aujourd'hui, les conditions n'étaient pas réunies.
Faut-il maintenir un secrétariat d'Etat aux Droits de l'homme dans le Gouvernement français ?
Je crois que tout ce qui est fait pour défendre les droits de l'homme est bien. C'est au ministre lui-même d'évaluer de quel secrétaire d'Etat il a besoin, au président de la République, au Premier ministre. Je pense que tout ce que l'on peut faire pour défendre les droits de l'homme, pour les valoriser, a de l'importance et doit être défendu dans notre pays.
Et donc un secrétariat d'Etat dédié à cette action vous paraît bienvenu ?
Un secrétariat d'Etat, pourquoi pas ? Quand je vois le travail que fait R. Yade dans certains sujets très précis, je pense notamment aux droits des Femmes, je pense à l'adoption, eh bien je trouve qu'elle a fait un travail utile.
Donc, vous aurez un motif de discussion avec B. Kouchner, qui est votre ministre de tutelle...
Je n'aurai pas un motif de discussion, on aura un motif d'échange là-dessus. Je crois que B. Kouchner, parmi toutes les qualités qu'il a, a celle-ci d'avoir toujours défendu les droits de l'Homme, d'avoir été d'ailleurs secrétaire d'Etat à l'Action humanitaire et d'être une des figures, justement, des droits de l'Homme qui sont valorisantes pour notre pays aux yeux des autres pays du monde.
Vous proclamez toujours votre amitié avec D. de Villepin. Vous avez été son directeur de cabinet, à Matignon, notamment. La justice vous a interdit de contact avec lui depuis qu'il a été mis en examen dans l'affaire Clearstream. A votre avis, que pense-t-il de votre entrée dans le gouvernement de N. Sarkozy ?
Je crois qu'il l'a dit. Il a eu cette phrase très gentille à mon égard en disant : "C'est une bonne chose pour Bruno, c'est une bonne chose pour la France". Ce que je veux dire là-dessus, c'est que j'ai toujours affirmé et répété mon amitié personnelle à l'égard de D. de Villepin. J'ai fait avec lui une partie de ma carrière politique et je dois dire que je suis fier de ce que nous avons fait ensemble. Fier de ce que nous avons fait au Quai d'Orsay pendant la crise irakienne, et très fier de ce que nous avons fait à Matignon lorsque nous avons fait baisser le chômage de deux points en moins de deux ans. Cela fait partie de mon contrat avec le président de la République et avec le Premier ministre. Je mets au service du Gouvernement, au service de la majorité, mes compétences, ma volonté de changement mais je le fais avec mes convictions, avec ma sensibilité et avec cette amitié personnelle pour D. de Villepin.
D. de Villepin qui dit que dans cette affaire Clearstream - il vient d'être renvoyé en correctionnelle - "N. Sarkozy - je le cite - est aveuglé par la passion".
L'affaire Clearstream est de l'ordre de la relation personnelle entre N. Sarkozy et D. de Villepin. Elle est entre les mains de la justice. Il y a un procès qui aura lieu dans quelques mois et la justice rendra sa décision. Je crois que c'est cette décision qui fera foi. Pour le reste, dans le domaine de la politique, qui est le domaine qui nous intéresse, je crois qu'on peut très bien faire une place à quelqu'un qui garde son amitié pour D. de Villepin, sa fierté d'avoir travaillé avec lui, ses convictions. Il faut encore sa sensibilité particulière dans la majorité.
Vous n'êtes plus député depuis vendredi. Vous échappez donc au débat, demain, sur le travail du dimanche. Si vous aviez été député, vous l'auriez votée la loi telle qu'elle est ?
J'aurais voté la loi telle qu'elle est. Mais j'ai eu l'occasion de m'exprimer comme député et j'ai gardé la même position comme ministre, et j'essaie de faire preuve de cohérence dans cette construction politique. Je pense que le dimanche doit rester un jour particulier de la semaine. Et par conséquent, que l'on adopte une loi dans laquelle on remet de la cohérence quand le dispositif dominical en France, c'est très bien. Je pense qu'il faut s'arrêter là.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 décembre 2008