Texte intégral
R. Elkrief R. Hue demande un report du vote solennel sur la loi de modernisation sociale. Il l'a demandé hier soir et tout le monde attend votre réponse ce matin.
- "Il a posé cette question au Premier ministre qui va lui répondre."
Mais vous êtes la ministre des Affaires sociales, en charge de ces dossiers !
- "R. Hue a écrit au Premier ministre. Il examine donc la question qui lui est posée et il lui répondra certainement dans la matinée."
Quelle est votre inclination personnelle, vous qui êtes en charge de ce dossier, qui avez ferraillé à l'Assemblée nationale depuis quelques jours ?
- "Je n'ai pas à m'exprimer sur une question posée au Premier ministre. Je crois que c'est un texte important qui comporte de grandes avancées sociales, notamment sur les problèmes de l'emploi, avec pour la première fois dans notre droit des sanctions contre le harcèlement moral par exemple, ou contre l'abus du travail précaire - les sanctions sont considérablement renforcées ; ou des dispositions pour prévenir les licenciements économiques et faire en sorte que ce soit le dernier recours. Lorsqu'ils sont devenus inévitables, il convenait d'imposer des reclassements au chef d'entreprise et des réindustrialisations."
Donc, vous dites aux communistes que c'est un projet qui doit passer ?
- "Je n'ai pas d'ordre à donner, chacun se détermine, nous sommes dans un pays démocratique. C'est un texte qui comporte de grandes avancées sociales et, par conséquent, il est important qu'il soit adopté parce que beaucoup d'acteurs sociaux l'attendent. Prenons un exemple dont on ne parle jamais : nous avons des compatriotes qui travaillent à l'étranger qui n'ont pas la chance d'être diplomate ou d'être cadre dans des entreprises, ils n'ont donc pas une couverture maladie suffisante et le texte se propose de le faire. Je crois donc que ce texte mérite d'être voté, c'est un bon texte qui comporte des avancées. Si l'on considère que ce texte ne va pas assez loin sur les licenciements en matière de droit des salariés dans l'entreprise, j'ai déjà indiqué mercredi dernier à l'Assemblée nationale que j'étais prête à engager une réflexion, à avoir un groupe de travail avec les parlementaires de tous les groupes qui le souhaitaient pour voir comment..."
...vous l'avez répété hier. C'est cela qui a fait basculé les communistes, à votre avis ?
- "Je n'en sais rien. Je suis donc prête à engager une réflexion pour voir comment nous pouvons modifier le droit des sociétés cette fois-ci, et pas le code de Travail, pour introduire les salariés dans les conseils d'administration et les conseil de surveillance des groupes. C'est une voie qui me parait extrêmement prometteuse. Pourquoi ? Parce que c'est la voie de la démocratie sociale, ce n'est pas la voie de l'autorisation administrative ou de l'autorisation judiciaire à laquelle je ne crois pas. En revanche, je crois à la voie de la démocratie sociale."
Cela peut-il faire basculer les communistes et les convaincre ? Cela les séduira-t-il ?
- "Je ne sais pas, c'est à eux de se déterminer. Ce que je sais, c'est que j'ai proposé cette voie il y a trois semaines aux partenaires sociaux et aux syndicats que j'ai reçus dans des entretiens officiels - inutile de vous dire que nous avons des entretiens officieux beaucoup plus fréquents. J'ai dit aux syndicats que nous avons besoin de réfléchir à la démocratie sociale et de voir comment nous pouvons avancer sur la représentation des salariés dans l'entreprise parce que nous voyons bien, en effet, que le pouvoir du chef d'entreprise est aujourd'hui, en France, absolument sans partage. Ce n'est pas le cas dans d'autres pays européens. Si nous voulons la démocratie sociale dans l'entreprise, il faut que les salariés aient le droit à la parole et le droit de peser sur les décisions."
J'entends un discours qui veut dire qu'à la gauche de la gauche, y compris à votre gauche à l'intérieur du PS, on tient compte des soucis des salariés et on est bien à gauche...
- "Depuis le début, je dis que notre but est de faire en sorte que les salariés puissent avoir le droit à la parole et puissent peser sur les décisions de l'entreprise. Là où nous divergeons, notamment avec le PC, c'est sur les modalités. Moi, je dis "non" à l'autorisation administrative ou judiciaire de licenciement..."
Vous continuerez à dire "non", y compris, si par exemple le Gouvernement acceptait de reporter le vote et que des discussions s'engageaient avec les communistes pour obtenir leur vote ou au moins leur abstention ?
- "Sur l'autorisation judiciaire ou administrative, oui. Je ne crois pas qu'on puisse le faire."
Quelles concessions pourrez-vous faire ? Qu'est-ce qui peut les faire changer d'avis ?
- "D'abord, je ne sais pas quelle sera la décision du Premier ministre. Il va décider ce matin.
Mais vous avez bien une petite idée !
- "Certainement, mais je ne me sens pas autorisée à vous la dire. Il va décider ce matin. Deuxièmement, je propose une voie très positive et féconde qui consiste à travailler avec les partenaires sociaux, de commencer à la fin du mois de juin sur le chantier de la démocratie sociale, d'ouvrir ce chantier - c'est demandé depuis très longtemps par plusieurs syndicats - et d'ouvrir, parallèlement, un travail avec les parlementaires. C'est ce que je pense que l'on peut faire."
Sur le plan politique, est-ce que tout ce qui est en train de se passer ne révèle pas que, fondamentalement, il y a des désaccords de fond entre les communistes et vous : par exemple, d'une certaine façon, ils n'acceptent toujours pas l'économie de marché. C'est une heure de vérité pour la majorité plurielle. Si aujourd'hui ça passe éventuellement, la semaine prochaine il y aura un autre problème ?
- "Non. Nous avons pu avancer depuis quatre ans. Il est vrai qu'il y a des différences dans la majorité plurielle, personne ne songe à le nier. C'est d'ailleurs ce qui fait sa force, à la condition que l'on puisse se retrouver sur des objectifs fondamentaux. Je pense que nous avons réussi à avancer depuis quatre ans parce que, précisément, même si certains dans la majorité plurielle considéraient qu'il n'aurait pas fallu faire les choses de cette façon, qu'on aurait pu faire autrement, qu'il aurait peut-être fallu aller plus vite, nous avons toujours réussi à dire : "consacrons les avancés et engageons des réflexions pour aller plus loin.""
Mais là il y a un blocage ?
- "On verra. Je ne peux pas m'exprimer à la place du PC. Manifestement, le PC est en réflexion. S'il a demandé le report du vote, c'est que lui-même hésite sur l'attitude à tenir. Je pense que c'est un signe d'ouverture."
Vous inclineriez peut-être pour un report du vote de façon à pouvoir discuter ?
- "Si cela peut aider à mieux se comprendre, pourquoi pas ? Le Gouvernement a défini un cap, une position. Pourquoi ne peut-il pas être question de l'autorisation judiciaire de licenciement ? Parce que je crois au contrôle du juge sur la procédure de licenciement, sur la qualité des plans sociaux parce que ce sont des choses que l'ont peut écrire dans la loi, mais je ne crois pas - parce qu'on ne peut pas l'écrire dans la loi - que l'on puisse donner à un juge le pouvoir de contrôler la gestion d'une entreprise. On ne peut pas l'écrire dans la loi. La seule solution pour contrebalancer le pouvoir du chef d'entreprise, c'est la démocratie sociale dans l'entreprise et sur cela qu'il faut travailler. Vous voyez bien que nous avons le même but et que nous divergeons sur les modalités."
Vous n'avez pas l'impression que c'est une rupture ? L'élection présidentielle, le score d'A. Laguiller vont-ils durablement - en tout cas dans l'année qui vient - faire une rupture interne à la majorité plurielle ?
- "Je vous laisse libre de toutes les interprétations que vous voulez donner..."
Vous ne voulez pas vous mouillez aujourd'hui.
- "Si on raisonne sur le texte lui-même, franchement..."
Je parle à E. Guigou, la femme politique, la numéro trois du Gouvernement !
- "Si on raisonne sur le texte lui-même, il y a franchement toutes les raisons de l'adopter. Si on a d'autres soucis en tête, on peut peut-être se déterminer autrement. Mais la majorité plurielle est une force qu'il faut préserver."
Vous avez demandé un rapport à l'IGAS sur les disparues de l'Yonne. Il est accablant pour la DDASS, les services de l'Etat qui n'ont pas assez contrôlé l'association des handicapés. Est-ce que vous allez le rendre public et quelles mesures allez prendre ?
- "J'ai déjà pris des mesures parce que quand j'ai demandé ce rapport au début de l'année, j'ai eu très vite, dans les huit jours qui ont suivi, une note des inspecteurs et des inspectrices de l'IGAS que j'ai d'ailleurs reçus dans mon bureau. Ils m'ont parlé des constations qu'ils avaient faites et que l'on trouve actuellement dans le rapport. C'est sur la base de cette première note et de ce premier compte-rendu que j'ai pris la décision de retirer l'agrément administratif de cet établissement qui dépend de l'Apage de l'Yonne et de nommer un administateur provisoire, le rapport confiant hélas ! - mais c'était prévisible - ces constats accablants. Il faut que l'Apage nationale - mais elle en a manifesté l'intention - prenne toutes ses responsabilités vis-à-vis de cette antenne départementale qui a gravement failli. Naturellement, nous ferons en sorte que les responsabilités au niveau administratif soient également bien établies."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 29 mai 2001)
- "Il a posé cette question au Premier ministre qui va lui répondre."
Mais vous êtes la ministre des Affaires sociales, en charge de ces dossiers !
- "R. Hue a écrit au Premier ministre. Il examine donc la question qui lui est posée et il lui répondra certainement dans la matinée."
Quelle est votre inclination personnelle, vous qui êtes en charge de ce dossier, qui avez ferraillé à l'Assemblée nationale depuis quelques jours ?
- "Je n'ai pas à m'exprimer sur une question posée au Premier ministre. Je crois que c'est un texte important qui comporte de grandes avancées sociales, notamment sur les problèmes de l'emploi, avec pour la première fois dans notre droit des sanctions contre le harcèlement moral par exemple, ou contre l'abus du travail précaire - les sanctions sont considérablement renforcées ; ou des dispositions pour prévenir les licenciements économiques et faire en sorte que ce soit le dernier recours. Lorsqu'ils sont devenus inévitables, il convenait d'imposer des reclassements au chef d'entreprise et des réindustrialisations."
Donc, vous dites aux communistes que c'est un projet qui doit passer ?
- "Je n'ai pas d'ordre à donner, chacun se détermine, nous sommes dans un pays démocratique. C'est un texte qui comporte de grandes avancées sociales et, par conséquent, il est important qu'il soit adopté parce que beaucoup d'acteurs sociaux l'attendent. Prenons un exemple dont on ne parle jamais : nous avons des compatriotes qui travaillent à l'étranger qui n'ont pas la chance d'être diplomate ou d'être cadre dans des entreprises, ils n'ont donc pas une couverture maladie suffisante et le texte se propose de le faire. Je crois donc que ce texte mérite d'être voté, c'est un bon texte qui comporte des avancées. Si l'on considère que ce texte ne va pas assez loin sur les licenciements en matière de droit des salariés dans l'entreprise, j'ai déjà indiqué mercredi dernier à l'Assemblée nationale que j'étais prête à engager une réflexion, à avoir un groupe de travail avec les parlementaires de tous les groupes qui le souhaitaient pour voir comment..."
...vous l'avez répété hier. C'est cela qui a fait basculé les communistes, à votre avis ?
- "Je n'en sais rien. Je suis donc prête à engager une réflexion pour voir comment nous pouvons modifier le droit des sociétés cette fois-ci, et pas le code de Travail, pour introduire les salariés dans les conseils d'administration et les conseil de surveillance des groupes. C'est une voie qui me parait extrêmement prometteuse. Pourquoi ? Parce que c'est la voie de la démocratie sociale, ce n'est pas la voie de l'autorisation administrative ou de l'autorisation judiciaire à laquelle je ne crois pas. En revanche, je crois à la voie de la démocratie sociale."
Cela peut-il faire basculer les communistes et les convaincre ? Cela les séduira-t-il ?
- "Je ne sais pas, c'est à eux de se déterminer. Ce que je sais, c'est que j'ai proposé cette voie il y a trois semaines aux partenaires sociaux et aux syndicats que j'ai reçus dans des entretiens officiels - inutile de vous dire que nous avons des entretiens officieux beaucoup plus fréquents. J'ai dit aux syndicats que nous avons besoin de réfléchir à la démocratie sociale et de voir comment nous pouvons avancer sur la représentation des salariés dans l'entreprise parce que nous voyons bien, en effet, que le pouvoir du chef d'entreprise est aujourd'hui, en France, absolument sans partage. Ce n'est pas le cas dans d'autres pays européens. Si nous voulons la démocratie sociale dans l'entreprise, il faut que les salariés aient le droit à la parole et le droit de peser sur les décisions."
J'entends un discours qui veut dire qu'à la gauche de la gauche, y compris à votre gauche à l'intérieur du PS, on tient compte des soucis des salariés et on est bien à gauche...
- "Depuis le début, je dis que notre but est de faire en sorte que les salariés puissent avoir le droit à la parole et puissent peser sur les décisions de l'entreprise. Là où nous divergeons, notamment avec le PC, c'est sur les modalités. Moi, je dis "non" à l'autorisation administrative ou judiciaire de licenciement..."
Vous continuerez à dire "non", y compris, si par exemple le Gouvernement acceptait de reporter le vote et que des discussions s'engageaient avec les communistes pour obtenir leur vote ou au moins leur abstention ?
- "Sur l'autorisation judiciaire ou administrative, oui. Je ne crois pas qu'on puisse le faire."
Quelles concessions pourrez-vous faire ? Qu'est-ce qui peut les faire changer d'avis ?
- "D'abord, je ne sais pas quelle sera la décision du Premier ministre. Il va décider ce matin.
Mais vous avez bien une petite idée !
- "Certainement, mais je ne me sens pas autorisée à vous la dire. Il va décider ce matin. Deuxièmement, je propose une voie très positive et féconde qui consiste à travailler avec les partenaires sociaux, de commencer à la fin du mois de juin sur le chantier de la démocratie sociale, d'ouvrir ce chantier - c'est demandé depuis très longtemps par plusieurs syndicats - et d'ouvrir, parallèlement, un travail avec les parlementaires. C'est ce que je pense que l'on peut faire."
Sur le plan politique, est-ce que tout ce qui est en train de se passer ne révèle pas que, fondamentalement, il y a des désaccords de fond entre les communistes et vous : par exemple, d'une certaine façon, ils n'acceptent toujours pas l'économie de marché. C'est une heure de vérité pour la majorité plurielle. Si aujourd'hui ça passe éventuellement, la semaine prochaine il y aura un autre problème ?
- "Non. Nous avons pu avancer depuis quatre ans. Il est vrai qu'il y a des différences dans la majorité plurielle, personne ne songe à le nier. C'est d'ailleurs ce qui fait sa force, à la condition que l'on puisse se retrouver sur des objectifs fondamentaux. Je pense que nous avons réussi à avancer depuis quatre ans parce que, précisément, même si certains dans la majorité plurielle considéraient qu'il n'aurait pas fallu faire les choses de cette façon, qu'on aurait pu faire autrement, qu'il aurait peut-être fallu aller plus vite, nous avons toujours réussi à dire : "consacrons les avancés et engageons des réflexions pour aller plus loin.""
Mais là il y a un blocage ?
- "On verra. Je ne peux pas m'exprimer à la place du PC. Manifestement, le PC est en réflexion. S'il a demandé le report du vote, c'est que lui-même hésite sur l'attitude à tenir. Je pense que c'est un signe d'ouverture."
Vous inclineriez peut-être pour un report du vote de façon à pouvoir discuter ?
- "Si cela peut aider à mieux se comprendre, pourquoi pas ? Le Gouvernement a défini un cap, une position. Pourquoi ne peut-il pas être question de l'autorisation judiciaire de licenciement ? Parce que je crois au contrôle du juge sur la procédure de licenciement, sur la qualité des plans sociaux parce que ce sont des choses que l'ont peut écrire dans la loi, mais je ne crois pas - parce qu'on ne peut pas l'écrire dans la loi - que l'on puisse donner à un juge le pouvoir de contrôler la gestion d'une entreprise. On ne peut pas l'écrire dans la loi. La seule solution pour contrebalancer le pouvoir du chef d'entreprise, c'est la démocratie sociale dans l'entreprise et sur cela qu'il faut travailler. Vous voyez bien que nous avons le même but et que nous divergeons sur les modalités."
Vous n'avez pas l'impression que c'est une rupture ? L'élection présidentielle, le score d'A. Laguiller vont-ils durablement - en tout cas dans l'année qui vient - faire une rupture interne à la majorité plurielle ?
- "Je vous laisse libre de toutes les interprétations que vous voulez donner..."
Vous ne voulez pas vous mouillez aujourd'hui.
- "Si on raisonne sur le texte lui-même, franchement..."
Je parle à E. Guigou, la femme politique, la numéro trois du Gouvernement !
- "Si on raisonne sur le texte lui-même, il y a franchement toutes les raisons de l'adopter. Si on a d'autres soucis en tête, on peut peut-être se déterminer autrement. Mais la majorité plurielle est une force qu'il faut préserver."
Vous avez demandé un rapport à l'IGAS sur les disparues de l'Yonne. Il est accablant pour la DDASS, les services de l'Etat qui n'ont pas assez contrôlé l'association des handicapés. Est-ce que vous allez le rendre public et quelles mesures allez prendre ?
- "J'ai déjà pris des mesures parce que quand j'ai demandé ce rapport au début de l'année, j'ai eu très vite, dans les huit jours qui ont suivi, une note des inspecteurs et des inspectrices de l'IGAS que j'ai d'ailleurs reçus dans mon bureau. Ils m'ont parlé des constations qu'ils avaient faites et que l'on trouve actuellement dans le rapport. C'est sur la base de cette première note et de ce premier compte-rendu que j'ai pris la décision de retirer l'agrément administratif de cet établissement qui dépend de l'Apage de l'Yonne et de nommer un administateur provisoire, le rapport confiant hélas ! - mais c'était prévisible - ces constats accablants. Il faut que l'Apage nationale - mais elle en a manifesté l'intention - prenne toutes ses responsabilités vis-à-vis de cette antenne départementale qui a gravement failli. Naturellement, nous ferons en sorte que les responsabilités au niveau administratif soient également bien établies."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 29 mai 2001)