Texte intégral
Monsieur le ministre du Burkina Faso,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, messieurs,
Je suis ravi d'être parmi vous en cette fin de matinée. Je vous dois tout d'abord des excuses pour le décalage de mon intervention. Je devais initialement conclure votre première journée, hier.
Je tenais à participer à vos travaux pour plusieurs raisons :
- la première, c'est l'initiative conjointe de FARM, de PLURIAGRI, de l'Institut de la gestion publique et du développement économique avec le Conseil stratégique de l'agriculture et de l'agro-industrie durables que j'ai installé en juin dernier. Ces lieux d'échanges, de débat sur des questions qui sont complexes parfois polémiques sont essentiels dans toute démocratie,
- la seconde raison, c'est bien sûr le thème : les prix agricoles dans une période très particulière où après l'envolée des prix des matières premières, nous vivons aujourd'hui un véritable reflux,
- et puis, c'est la manière de l'aborder en mettant en perspective les prix et les politiques publiques.
La question des prix agricoles est, en effet, au coeur du développement des agricultures dans le monde. Les travaux que vous avez présentés hier et ce matin permettent d'éclairer le débat et de montrer aussi la complexité de cette question.
J'en tire plusieurs enseignements sur l'agriculture, sur la politique agricole commune, et à l'égard des pays les plus pauvres.
Premier enseignement : l'agriculture et les agricultures du monde doivent répondre, en même temps, à un triple défi :
- nourrir une population plus nombreuse avec des habitudes alimentaires nouvelles,
- éradiquer la faim dans le monde qui s'aggrave,
- réduire l'impact de son activité sur les ressources naturelles. Notre planète doit être protégée. Elle use plus de ressources qu'elle n'en renouvelle.
Cette nouvelle donne concerne toutes les agricultures du monde.
Ce qui se passe sur les marchés de toutes les matières premières et pas seulement des matières premières agricoles doit être vu comme le signal d'une nouvelle époque.
Vos travaux ont montré hier que les déterminants de l'évolution des prix agricoles mondiaux sont non seulement complexes mais également difficiles à identifier. Les facteurs classiques : les surfaces, les rendements, l'évolution de la demande pour l'alimentation humaine et animale, les stocks n'épuisent pas l'analyse.
Ils ont, également, consolidé
- le consensus qui existait déjà sur l'extrême volatilité des prix
- et les perspectives sur la fermeté des cours des matières premières, compte-tenu des prévisions sur le prix du baril de pétrole.
Vos travaux ont enfin montré, ce matin, que les agriculteurs des pays pauvres n'ont pas, contrairement à ce que l'on pensait, profiter de la hausse des prix. Par contre, ils ont pris de plein fouet la hausse des intrants.
Se projeter dans l'avenir devient alors très difficile et beaucoup plus incertain.
L'extrême volatilité des prix agricoles a eu des conséquences pour nos agriculteurs, pour les consommateurs qui ont modifié leurs habitudes d'achat.
Cette volatilité des prix, dans un contexte de crise financière a également de lourdes conséquences pour les pays les plus pauvres.
Alors que les Etats-Unis et l'Europe ont augmenté de 10% leur production en 2008, les pays en développement, si on retire la Chine, l'Inde et le Brésil, ont vu la leur baisser de 2%. C'est ce qui explique qu'entre 2007 et 2008 les importations alimentaires de ces pays se sont accrues de 35%. Ces pays n'ont eu accès ni aux moyens de production, ni au crédit pour développer leur agriculture.
Selon l'Institut de recherche américain sur la politique internationale alimentaire, « une nouvelle crise alimentaire se profile ». Si la crise économique mondiale se traduit par un recul de l'investissement en recherche et développement agricole, en 2020 les prix des céréales seront plus élevés que ceux que l'on a connus avant la récession. Avec 5 à 10 milliards de dollars en recherche développement dans le secteur agricole, d'ici 2020, on sort 282 millions de personnes de la pauvreté grâce à une croissance de la production agricole de 1%.
La FAO tire la même sonnette d'alarme : « un nouveau cycle dramatique sur les prix alimentaires n'est pas exclu l'an prochain ». Alors qu'aujourd'hui, la planète compte déjà plus de 960 millions d'affamés. Développer les productions vivrières dans ces pays est un impératif.
L'urgence est là : il faut investir dans le secteur agricole pour rompre le double cycle de la faim et de la marginalisation économique.
Deuxième enseignement : l'agriculture, les marchés agricoles ont besoin de régulation
J'ai une conviction profonde que j'exprime une nouvelle fois devant vous
L'agriculture, notre alimentation ne peuvent être gouvernées par les seules lois des marchés, et soumises au moins disant sanitaire, environnemental ou social. Qui pourrait soutenir que l'alimentation, besoin vital de chaque être humain, peut être laissée, sans filet de sécurité, sans garde fou, sans gouvernance, à la main invisible du marché ? Les incertitudes que vous avez mises en lumière au cours de vos travaux ne font que le confirmer. Les agricultures ont besoin partout dans le monde de régulation et de gouvernance. C'est précisément ce que porte la politique agricole commune.
Ce débat de la régulation a été un des points durs de la négociation que je viens de terminer sur le bilan de santé de la PAC avec un accord adopté à la quasi-unanimité le 20 novembre dernier.
Régulation, ce terme n'est synonyme ni de protectionnisme, ni de repli sur soi. Il fait la une de l'actualité internationale avec les dérèglements des marchés financiers. Cette question est majeure pour les agriculteurs, pour les consommateurs, et pour la cohésion de notre territoire européen.
Sans régulation, on concentre, on aseptise et on abandonne les zones les plus difficiles.
Entre l'orientation par le seul marché préconisée par certains, dont on voit les limites au vu de la volatilité des cours et des prix administrés que personne ne revendique, il fallait trouver un juste équilibre.
La proposition initiale de la Commission allait trop loin, en prônant un démantèlement rapide de tous les outils de gestion des marchés. Le résultat après des heures de négociation :
- préserve nos mécanismes d'intervention sur les marchés des céréales et des produits laitiers,
- réintroduit un pilotage politique et économique sur l'avenir des quotas laitiers. On ne les augmente pas automatiquement parce qu'il faut les supprimer en 2015 : c'était le projet de la Commission. On regarde l'évolution des marchés et on décide.
L'agriculture en Europe a également besoin de régulation pour préserver certaines productions qui pourraient abandonner certains de nos territoires et pour compenser les surcoûts que nos exigences collectives imposent à nos agriculteurs. Il aurait été paradoxal que l'on démantèle la seule politique économique européenne au moment où l'on prône une gouvernance économique européenne.
Mais préserver la production agricole européenne est un objectif à long terme. C'est pour cette raison que j'ai mis sur la table au cours de la présidence française la question de la PAC après 2013. Les conclusions que j'ai présentées au nom de la présidence le 28 novembre ont été soutenues par 24 de mes collègues. Elles rappellent les objectifs que doit poursuivre la PAC, au nombre desquels
- la sécurité de nos approvisionnements pour plus de 400 millions de consommateurs européens,
- et la capacité de l'Europe à contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux. Mais, soyons clairs, il ne s'agit pas pour l'Europe de nourrir les autres mais de donner les moyens au monde de nourrir le monde. Et l'Union européenne dans ce débat peut simplement témoigner des résultats de sa politique.
Je ne suis pas naïf : les discussions vont être difficiles. Tous les Etats membres n'ont pas la même ambition pour la PAC. Nous le savons. Notre objectif : c'était lancer le débat sur la PAC suffisamment tôt pour qu'il ne soit pas l'otage du budget. Cet objectif, nous l'avons atteint : aucun Etat-membre n'a esquivé ce débat. Personne ne l'a trouvé prématuré. Et il va se poursuivre.
Troisième enseignement : la question des prix agricoles et alimentaires est une question vitale dans les pays en développement. C'est l'objet de vos échanges aujourd'hui.
Des prix élevés pénalisent les consommateurs urbains en particulier les consommateurs pauvres dont 60% des revenus sont consacrés à l'alimentation. A l'inverse, les prix trop bas pénalisent quant à eux les producteurs. En les maintenant dans la pauvreté, ils ne les incitent pas à produire davantage.
Les politiques visant à favoriser une alimentation à bas prix par des importations sur le marché international, se sont révélées dévastatrices pour les agricultures vivrières. Elles ont été dramatiques, lors du retournement brutal des marchés fin 2007.
C'est le déficit d'investissement dans le secteur agricole ces dernières décennies qui est à l'origine de cette situation. Les pays dans lesquels une réduction sensible de la pauvreté agricole est enregistrée sont ceux qui pendant de longues années ont mis le développement de leur agriculture à l'abri des aléas. Le constat est sans appel :
- l'agriculture a été négligée dans les politiques d'aide : sa part est passée de 17% au début des années 80 à 3% en 2006,
- l'agriculture a été négligée par les pays eux-mêmes : ils sont loin de l'engagement qu'ils avaient pris en 2002 de consacrer 10% de leur budget à l'agriculture.
L'instabilité sur les marchés agricoles que vous avez mis en lumière hier ne favorisera pas leur développement agricole.
Une meilleure protection contre la volatilité des marchés mondiaux passe par des politiques agricoles adaptées.
Ces politiques agricoles doivent s'inscrire dans une ambition de long terme.
Ces politiques doivent être assorties de politiques des échanges internationaux permettant d'assurer une meilleure régulation des marchés et une certaine stabilité des marchés domestiques.
Comment croire en effet que les seules lois du marché permettront l'essor des pays les plus pauvres dans un monde où les écarts de productivité vont de 1 à 1000 ?
Il faut le dire sans se cacher : la libéralisation intégrale du commerce agricole n'est certainement pas la solution à la crise, elle en est vraisemblablement la cause.
Ce n'est pas par hasard que, dans le contexte de crise alimentaire, la négociation à Genève à l'OMC ait achoppé sur la question des outils de protection des marchés agricoles des pays en développement.
Ma conviction à ce sujet, c'est que le niveau le plus pertinent pour la lutter contre l'insécurité alimentaire, est le niveau régional :
- Il est le niveau pertinent pour répondre à des enjeux communs et mutualiser les efforts afin de promouvoir une intensification durable de l'agriculture dans un contexte de changement climatique,
- Il est aussi le bon échelon pour faire jouer pleinement les avantages d'un marché unique régional et pour développer des échanges commerciaux plus équitables car entre économies comparables en termes de compétitivité,
- C'est également la bonne échelle pour construire une préférence à l'instar de ce qu'a fait l'Europe et qui lui a permis de réduire sa dépendance aux importations
- Enfin, et surtout la démarche d'intégration régionale est un moyen puissant pour contribuer à la stabilité politique et à la paix. L'histoire de la construction européenne, là aussi, l'illustre.
Je voudrais mentionner et saluer dans ce cadre l'important travail mené depuis 2004 par la CEDEAO pour l'élaboration de sa politique agricole régionale, conçue en étroite concertation avec ses Etats membres et les organisations socioprofessionnelles.
J'ai eu l'honneur de clôturer la réunion organisée conjointement entre la commission de la CEDEAO et la présidence française, la semaine dernière à Paris. Elle réunissait de nombreux Ministres de la région. Parmi les idées fortes qui ont émergé de ces échanges,
- j'ai retenu la volonté de remettre les agriculteurs et la production agricole au centre des politiques de ces pays.
- mais l'essentiel, c'est que nous sommes rentrés dans une phase opérationnelle avec un calendrier et une démarche pour avancer.
C'était un engagement que nous avions pris, lors de la conférence que la présidence française avait organisée le 3 juillet à Bruxelles, sur la question : qui va nourrir le monde ?
L'Union européenne pourra accompagner cette initiative. Elle a décidé d'attribuer un milliard d'euros aux pays en développement pour faire face à la crise alimentaire en aidant les agriculteurs à investir et à assurer leurs prochaines récoltes. Ils s'ajoutent aux 800 milions d'euros disponibles pour 2008-2009 pour l'aide alimentaire et les crises d'urgence.
La mobilisation sur les questions agricoles et alimentaires est aujourd'hui plus claire. Elle doit rester au coeur de l'agenda politique international et communautaire. C'est un des objectifs assignés au partenariat mondial sur l'agriculture et l'alimentation présenté par le Président Nicolas SARKOZY devant la FAO. Cette nouvelle gouvernance mondiale est en marche.
Je souhaite que vos échanges :
- fassent avancer les idées de régulation des marchés agricoles et de projets régionaux,
- et débouchent sur des propositions concrètes.
source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 décembre 2008
Messieurs les Présidents,
Mesdames, messieurs,
Je suis ravi d'être parmi vous en cette fin de matinée. Je vous dois tout d'abord des excuses pour le décalage de mon intervention. Je devais initialement conclure votre première journée, hier.
Je tenais à participer à vos travaux pour plusieurs raisons :
- la première, c'est l'initiative conjointe de FARM, de PLURIAGRI, de l'Institut de la gestion publique et du développement économique avec le Conseil stratégique de l'agriculture et de l'agro-industrie durables que j'ai installé en juin dernier. Ces lieux d'échanges, de débat sur des questions qui sont complexes parfois polémiques sont essentiels dans toute démocratie,
- la seconde raison, c'est bien sûr le thème : les prix agricoles dans une période très particulière où après l'envolée des prix des matières premières, nous vivons aujourd'hui un véritable reflux,
- et puis, c'est la manière de l'aborder en mettant en perspective les prix et les politiques publiques.
La question des prix agricoles est, en effet, au coeur du développement des agricultures dans le monde. Les travaux que vous avez présentés hier et ce matin permettent d'éclairer le débat et de montrer aussi la complexité de cette question.
J'en tire plusieurs enseignements sur l'agriculture, sur la politique agricole commune, et à l'égard des pays les plus pauvres.
Premier enseignement : l'agriculture et les agricultures du monde doivent répondre, en même temps, à un triple défi :
- nourrir une population plus nombreuse avec des habitudes alimentaires nouvelles,
- éradiquer la faim dans le monde qui s'aggrave,
- réduire l'impact de son activité sur les ressources naturelles. Notre planète doit être protégée. Elle use plus de ressources qu'elle n'en renouvelle.
Cette nouvelle donne concerne toutes les agricultures du monde.
Ce qui se passe sur les marchés de toutes les matières premières et pas seulement des matières premières agricoles doit être vu comme le signal d'une nouvelle époque.
Vos travaux ont montré hier que les déterminants de l'évolution des prix agricoles mondiaux sont non seulement complexes mais également difficiles à identifier. Les facteurs classiques : les surfaces, les rendements, l'évolution de la demande pour l'alimentation humaine et animale, les stocks n'épuisent pas l'analyse.
Ils ont, également, consolidé
- le consensus qui existait déjà sur l'extrême volatilité des prix
- et les perspectives sur la fermeté des cours des matières premières, compte-tenu des prévisions sur le prix du baril de pétrole.
Vos travaux ont enfin montré, ce matin, que les agriculteurs des pays pauvres n'ont pas, contrairement à ce que l'on pensait, profiter de la hausse des prix. Par contre, ils ont pris de plein fouet la hausse des intrants.
Se projeter dans l'avenir devient alors très difficile et beaucoup plus incertain.
L'extrême volatilité des prix agricoles a eu des conséquences pour nos agriculteurs, pour les consommateurs qui ont modifié leurs habitudes d'achat.
Cette volatilité des prix, dans un contexte de crise financière a également de lourdes conséquences pour les pays les plus pauvres.
Alors que les Etats-Unis et l'Europe ont augmenté de 10% leur production en 2008, les pays en développement, si on retire la Chine, l'Inde et le Brésil, ont vu la leur baisser de 2%. C'est ce qui explique qu'entre 2007 et 2008 les importations alimentaires de ces pays se sont accrues de 35%. Ces pays n'ont eu accès ni aux moyens de production, ni au crédit pour développer leur agriculture.
Selon l'Institut de recherche américain sur la politique internationale alimentaire, « une nouvelle crise alimentaire se profile ». Si la crise économique mondiale se traduit par un recul de l'investissement en recherche et développement agricole, en 2020 les prix des céréales seront plus élevés que ceux que l'on a connus avant la récession. Avec 5 à 10 milliards de dollars en recherche développement dans le secteur agricole, d'ici 2020, on sort 282 millions de personnes de la pauvreté grâce à une croissance de la production agricole de 1%.
La FAO tire la même sonnette d'alarme : « un nouveau cycle dramatique sur les prix alimentaires n'est pas exclu l'an prochain ». Alors qu'aujourd'hui, la planète compte déjà plus de 960 millions d'affamés. Développer les productions vivrières dans ces pays est un impératif.
L'urgence est là : il faut investir dans le secteur agricole pour rompre le double cycle de la faim et de la marginalisation économique.
Deuxième enseignement : l'agriculture, les marchés agricoles ont besoin de régulation
J'ai une conviction profonde que j'exprime une nouvelle fois devant vous
L'agriculture, notre alimentation ne peuvent être gouvernées par les seules lois des marchés, et soumises au moins disant sanitaire, environnemental ou social. Qui pourrait soutenir que l'alimentation, besoin vital de chaque être humain, peut être laissée, sans filet de sécurité, sans garde fou, sans gouvernance, à la main invisible du marché ? Les incertitudes que vous avez mises en lumière au cours de vos travaux ne font que le confirmer. Les agricultures ont besoin partout dans le monde de régulation et de gouvernance. C'est précisément ce que porte la politique agricole commune.
Ce débat de la régulation a été un des points durs de la négociation que je viens de terminer sur le bilan de santé de la PAC avec un accord adopté à la quasi-unanimité le 20 novembre dernier.
Régulation, ce terme n'est synonyme ni de protectionnisme, ni de repli sur soi. Il fait la une de l'actualité internationale avec les dérèglements des marchés financiers. Cette question est majeure pour les agriculteurs, pour les consommateurs, et pour la cohésion de notre territoire européen.
Sans régulation, on concentre, on aseptise et on abandonne les zones les plus difficiles.
Entre l'orientation par le seul marché préconisée par certains, dont on voit les limites au vu de la volatilité des cours et des prix administrés que personne ne revendique, il fallait trouver un juste équilibre.
La proposition initiale de la Commission allait trop loin, en prônant un démantèlement rapide de tous les outils de gestion des marchés. Le résultat après des heures de négociation :
- préserve nos mécanismes d'intervention sur les marchés des céréales et des produits laitiers,
- réintroduit un pilotage politique et économique sur l'avenir des quotas laitiers. On ne les augmente pas automatiquement parce qu'il faut les supprimer en 2015 : c'était le projet de la Commission. On regarde l'évolution des marchés et on décide.
L'agriculture en Europe a également besoin de régulation pour préserver certaines productions qui pourraient abandonner certains de nos territoires et pour compenser les surcoûts que nos exigences collectives imposent à nos agriculteurs. Il aurait été paradoxal que l'on démantèle la seule politique économique européenne au moment où l'on prône une gouvernance économique européenne.
Mais préserver la production agricole européenne est un objectif à long terme. C'est pour cette raison que j'ai mis sur la table au cours de la présidence française la question de la PAC après 2013. Les conclusions que j'ai présentées au nom de la présidence le 28 novembre ont été soutenues par 24 de mes collègues. Elles rappellent les objectifs que doit poursuivre la PAC, au nombre desquels
- la sécurité de nos approvisionnements pour plus de 400 millions de consommateurs européens,
- et la capacité de l'Europe à contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux. Mais, soyons clairs, il ne s'agit pas pour l'Europe de nourrir les autres mais de donner les moyens au monde de nourrir le monde. Et l'Union européenne dans ce débat peut simplement témoigner des résultats de sa politique.
Je ne suis pas naïf : les discussions vont être difficiles. Tous les Etats membres n'ont pas la même ambition pour la PAC. Nous le savons. Notre objectif : c'était lancer le débat sur la PAC suffisamment tôt pour qu'il ne soit pas l'otage du budget. Cet objectif, nous l'avons atteint : aucun Etat-membre n'a esquivé ce débat. Personne ne l'a trouvé prématuré. Et il va se poursuivre.
Troisième enseignement : la question des prix agricoles et alimentaires est une question vitale dans les pays en développement. C'est l'objet de vos échanges aujourd'hui.
Des prix élevés pénalisent les consommateurs urbains en particulier les consommateurs pauvres dont 60% des revenus sont consacrés à l'alimentation. A l'inverse, les prix trop bas pénalisent quant à eux les producteurs. En les maintenant dans la pauvreté, ils ne les incitent pas à produire davantage.
Les politiques visant à favoriser une alimentation à bas prix par des importations sur le marché international, se sont révélées dévastatrices pour les agricultures vivrières. Elles ont été dramatiques, lors du retournement brutal des marchés fin 2007.
C'est le déficit d'investissement dans le secteur agricole ces dernières décennies qui est à l'origine de cette situation. Les pays dans lesquels une réduction sensible de la pauvreté agricole est enregistrée sont ceux qui pendant de longues années ont mis le développement de leur agriculture à l'abri des aléas. Le constat est sans appel :
- l'agriculture a été négligée dans les politiques d'aide : sa part est passée de 17% au début des années 80 à 3% en 2006,
- l'agriculture a été négligée par les pays eux-mêmes : ils sont loin de l'engagement qu'ils avaient pris en 2002 de consacrer 10% de leur budget à l'agriculture.
L'instabilité sur les marchés agricoles que vous avez mis en lumière hier ne favorisera pas leur développement agricole.
Une meilleure protection contre la volatilité des marchés mondiaux passe par des politiques agricoles adaptées.
Ces politiques agricoles doivent s'inscrire dans une ambition de long terme.
Ces politiques doivent être assorties de politiques des échanges internationaux permettant d'assurer une meilleure régulation des marchés et une certaine stabilité des marchés domestiques.
Comment croire en effet que les seules lois du marché permettront l'essor des pays les plus pauvres dans un monde où les écarts de productivité vont de 1 à 1000 ?
Il faut le dire sans se cacher : la libéralisation intégrale du commerce agricole n'est certainement pas la solution à la crise, elle en est vraisemblablement la cause.
Ce n'est pas par hasard que, dans le contexte de crise alimentaire, la négociation à Genève à l'OMC ait achoppé sur la question des outils de protection des marchés agricoles des pays en développement.
Ma conviction à ce sujet, c'est que le niveau le plus pertinent pour la lutter contre l'insécurité alimentaire, est le niveau régional :
- Il est le niveau pertinent pour répondre à des enjeux communs et mutualiser les efforts afin de promouvoir une intensification durable de l'agriculture dans un contexte de changement climatique,
- Il est aussi le bon échelon pour faire jouer pleinement les avantages d'un marché unique régional et pour développer des échanges commerciaux plus équitables car entre économies comparables en termes de compétitivité,
- C'est également la bonne échelle pour construire une préférence à l'instar de ce qu'a fait l'Europe et qui lui a permis de réduire sa dépendance aux importations
- Enfin, et surtout la démarche d'intégration régionale est un moyen puissant pour contribuer à la stabilité politique et à la paix. L'histoire de la construction européenne, là aussi, l'illustre.
Je voudrais mentionner et saluer dans ce cadre l'important travail mené depuis 2004 par la CEDEAO pour l'élaboration de sa politique agricole régionale, conçue en étroite concertation avec ses Etats membres et les organisations socioprofessionnelles.
J'ai eu l'honneur de clôturer la réunion organisée conjointement entre la commission de la CEDEAO et la présidence française, la semaine dernière à Paris. Elle réunissait de nombreux Ministres de la région. Parmi les idées fortes qui ont émergé de ces échanges,
- j'ai retenu la volonté de remettre les agriculteurs et la production agricole au centre des politiques de ces pays.
- mais l'essentiel, c'est que nous sommes rentrés dans une phase opérationnelle avec un calendrier et une démarche pour avancer.
C'était un engagement que nous avions pris, lors de la conférence que la présidence française avait organisée le 3 juillet à Bruxelles, sur la question : qui va nourrir le monde ?
L'Union européenne pourra accompagner cette initiative. Elle a décidé d'attribuer un milliard d'euros aux pays en développement pour faire face à la crise alimentaire en aidant les agriculteurs à investir et à assurer leurs prochaines récoltes. Ils s'ajoutent aux 800 milions d'euros disponibles pour 2008-2009 pour l'aide alimentaire et les crises d'urgence.
La mobilisation sur les questions agricoles et alimentaires est aujourd'hui plus claire. Elle doit rester au coeur de l'agenda politique international et communautaire. C'est un des objectifs assignés au partenariat mondial sur l'agriculture et l'alimentation présenté par le Président Nicolas SARKOZY devant la FAO. Cette nouvelle gouvernance mondiale est en marche.
Je souhaite que vos échanges :
- fassent avancer les idées de régulation des marchés agricoles et de projets régionaux,
- et débouchent sur des propositions concrètes.
source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 décembre 2008