Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre de la ville et du logement, sur ses ambitions en matière de politique urbaine "réinventer la ville, la réunifier, la réenchanter", Paris le 16 décembre 2008.

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Circonstance : Remise des prix du premier concours national des villes, à Paris le 16 décembre 2008

Texte intégral

Ministres et secrétaires d'Etat,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Monsieur le Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations,
Monsieur le Président du Jury du concours et membres du jury,
Mesdames, Messieurs les Chefs d'entreprises,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de vous retrouver pour saluer avec vous la vitalité des villes françaises et celle de nos élus. Je veux rendre hommage à tous les maires qui ont accepté de participer à cette première édition du Concours national des villes. Je veux également remercier François RIVIERE pour le succès du lancement de cette opération.
Le président de la République a accepté de donner son Haut Patronage à cette initiative ; c'est pour nous tous une profonde satisfaction de voir ainsi confirmée l'importance qui y est attachée au plus haut niveau de l'Etat.
En janvier dernier, je vous disais que le problème de la ville, je voulais le poser non pas comme un simple problème de gestion, mais bien comme une question de civilisation. Car la ville, Mesdames, Messieurs, c'est d'abord une idée de l'homme.
C'est aussi, comme nous l'enseigne Machiavel, un corps qui se corrompt, un organisme vivant qui exige des soins réguliers.
Or, ces dernières années, nous ne nous sommes pas assez souciés de nos villes. Elles sont restées intellectuellement en jachère ; à tel point que, sans crier gare, la cité a été détruite par la ville moderne.
Quelle ville voulons-nous en ce début de XXIe siècle ? C'est un sujet politique majeur qui conditionnera le bien être des femmes et des hommes de ce pays mais aussi la cohésion de notre Nation. Et je formule le voeu que nous apportions à cette question une réponse qui reflète les idéaux de notre pays.
Il y a tout juste un an, à l'occasion du colloque que vous aviez organisé, Cher François RIVIERE, j'ai brossé à grands traits les orientations d'une politique de la ville, d'un nouveau genre, adaptée aux enjeux contemporains et susceptible, selon moi, de prendre en compte toute la ville et toutes les villes.
Permettez-moi de rappeler brièvement les enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous devons en effet réinventer la ville, la réunifier mais aussi la « réenchanter ».
1. Nous devons réinventer la ville
Les villes d'un genre nouveau que nous sommes appelés à construire devront être « des laboratoires de la modernité humaine » déclarait, il y a quelques temps, le Président de la République.
Réinventer la ville suppose de revisiter les origines et les finalités de la ville. Cela suppose aussi d'intégrer dans nos réflexions les outils et les moyens du XXIe siècle, marqués par le développement de l'économie numérique.
Pour la ville, les enjeux de la révolution numérique sont immenses.
Les technologies de l'information et de la communication occupent une place croissante tant dans l'exercice des professions qui font la ville, dans les projets urbains et architecturaux eux-mêmes que dans la vie des citadins qui la pratiquent au quotidien. C'est la raison pour laquelle j'ai invité François RIVIERE à porter une attention particulière à cette thématique dans ce concours.
2. Nous devons réunifier la ville
La ville moderne ne fait plus société. Aujourd'hui, nous assistons à l'avènement d'une ville à plusieurs vitesses entre
- des cités d'habitat social,
- des quartiers péri-urbains où les classes moyennes redoutent la proximité avec les plus pauvres mais se sentent dédaignés,
- des centres anciens dégradés ou au contraire réhabilités habités par une élite.
Si nous voulons que nos villes refassent société, alors le désenclavement physique et culturel doit devenir notre mot d'ordre. Les quartiers ne doivent plus être des enclaves, juxtaposées les unes à côté des autres mais bien le morceau d'un tout, d'un seul et même corps, d'une seule et même cité.
Nous devons tout à la fois arrimer les quartiers fragiles au reste de la ville mais aussi revaloriser nos coeurs de nos villes afin qu'ils rayonnent de nouveau sur l'ensemble de la cité. Nous avons besoin d'espaces attractifs, accessibles et ouverts à chacun.
Surtout, toutes les actions concourant à la mobilité et à la rencontre entre générations, entre catégories sociales et entre quartiers doivent être valorisées. Ré-agréger la ville suppose de rassembler ses territoires mais d'abord et avant tout de rapprocher les personnes qui y vivent et y travaillent.
3. Nous devons enfin « réenchanter » la ville
A l'heure où 80% de la population vit en ville, il est urgent de permettre à chacun de vivre le fait d'être citadin comme une chance plus que comme une contrainte.
Cela passe par une invitation à découvrir la beauté de la ville et la qualité du cadre de vie qu'elle offre. Je crois à la sensibilité universelle. Je crois au postulat esthétique. Je crois aux vertus de la beauté pour la vie sociale. La fréquentation du beau civilise et émancipe. Il nous faut donner envie de vivre en ville, susciter un intérêt et un désir plutôt que d'exercer une pression sur la nécessité de la densité urbaine.
Ce chantier de la ville est urgent.
C'est la raison pour laquelle le 29 novembre 2007, je confiais à François RIVIERE une mission pour mettre en place un plan national de valorisation des centres-villes.
Comment encourager le rôle du coeur de ville comme laboratoire de nouvelles pratiques du bien-vivre ensemble pour demain ? Telle est la question qui a présidé à la réflexion que je souhaite mener, en m'entourant des nombreuses bonnes volontés prêtes à s'investir sur cette question.
C'est donc tout naturellement que j'ai accepté de parrainer le Concours national des villes que François Rivière préconisait dans le rapport qu'il m'a remis en début d'année.
Ce que je souhaite, ce faisant, c'est encourager le retour au rôle premier de nos centres-villes - c'est-à-dire : être les éléments fédérateurs de rencontre et de mixité sociale.
Et la labellisation de « pôle d'excellence de coeur de ville » me semble être l'outil idéal pour rassembler les énergies et permettre la régénération de nos coeurs de ville.
Le fait que tant de villes aient répondu « présent » montre que nous ne nous sommes pas trompés sur le diagnostic et atteste en outre qu'une nouvelle dynamique est en passe de naître.
Je veux souligner à cette occasion le rôle irremplaçable de nos édiles. Le Président de la République a encore récemment rappelé - et j'y souscris des deux mains ! - la place que les maires occupent auprès de nos citoyens et sa ferme intention de ne pas les voir disparaître dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, prévue pour l'année prochaine, sous la houlette de mon collègue Alain Marleix ici présent.
C'est ici l'ancien maire qui vous parle ! C'est aussi et surtout le ministre en charge du lien social, qui sait combien il est nécessaire de développer aujourd'hui des solidarités de proximité. Oui, l'engagement et les compétences des maires, que je constate au quotidien, sont la meilleure garantie de la bonne santé de notre démocratie et du bien-vivre de nos villes.
Toutes ces expériences apportent non seulement de précieux exemples pour toutes les villes françaises, mais aussi de nouvelles perspectives de vivre ensemble, de création et de gestion urbaine, pour une ville globalement plus attractive, plus habitable, plus accessible, et pour une politique de la ville dépassant les clivages entre les banlieues et les coeurs de villes.
« La ville est le seul être vivant capable de rajeunir vraiment », déclarait récemment Jacques Attali.
Aujourd'hui, nous avons toutes les raisons de nous réjouir : les débuts extrêmement prometteurs du Concours national des villes sont de nature à en faire, dans les années qui viennent, un rendez-vous important de toutes celles et ceux qui veulent inventer une nouvelle ville, une ville réunifiée qui saura être bénéfique à l'homme, à tous les hommes.
Quel que soit l'avenir qui sera réservé à cette première - et nous y travaillerons ensemble, cher François Rivière - nous aurons marqué aujourd'hui une étape importante et nous ouvrons de nouvelles et nombreuses perspectives pour une politique de la ville à la hauteur des défis du XXIè siècle.
L'aménagement d'une métropole, le développement d'un territoire, l'évolution d'un peuple, sont dus à des actions concertées d'hommes et de femmes réunis autour d'une même idée, d'un idéal commun. C'est ce qui nous a rassemblés aujourd'hui et qui continuera de le faire demain, au service de nos villes et de nos concitoyens.
Je vous remercie.
Source http://www.logement.gouv.fr, le 18 décembre 2008