Interview de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat au commerce extérieur dans "Le Monde" le 17 décembre 2008, sur la réforme et le rôle de l'Agence Ubifrance pour dynamiser le commerce extérieur.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

Q - En cette période de crise, quelles sont les forces de la marque France et ses faiblesses ?
R - La France dispose de grandes entreprises dont la réussite à l'international est incontestable et ce, depuis de nombreuses années. Ces entreprises, bien insérées dans la mondialisation, que ce soit en termes de commerce ou d'investissements, ont été à l'origine de la signature de grands contrats, représentant près de 40 milliards d'euros en 2007. Leur réussite est liée à la qualité de leur offre dans de nombreux secteurs : énergie, environnement, aéronautique, spatial, militaire, BTP... Les secteurs de l'agro-alimentaire et du luxe représentent également de très grands atouts ; dans ces secteurs, de grands groupes, mais aussi de nombreuses PME font valoir l'excellence et le savoir-faire français.
Notre tissu de PME peut profiter davantage des opportunités de la mondialisation, notamment à l'extérieur de l'Union européenne. D'importantes mesures ont déjà été prises pour favoriser leurs capacités d'innovation et mieux les accompagner à l'international. Le plan de relance annoncé le 4 décembre par le président de la République entend bien renforcer la capacité d'investissement et d'innovation des entreprises, car plus d'investissement et plus d'innovation, c'est plus de compétitivité, d'activité et d'emplois. Cet effort est une priorité du gouvernement.
Q - La France est le quatrième exportateur mondial mais notre part de marché est passée de 6 % dans les années 80 à environ 4 % aujourd'hui. Qu'est-ce qui explique cette relative dégradation ?
R - Notre part de marché a baissé en raison de l'émergence de nouveaux acteurs dans le commerce international. Il s'agit des pays émergents, en particulier d'Asie, au premier rang desquels figure la Chine. Sa part de marché est passée de moins de 2 % dans les années 1980 à 9 % en 2007. Celle de la France ne s'est pas repliée de manière particulièrement marquée. Excepté l'Allemagne, tous les pays développés ont vu leur part de marché reculer. La baisse de notre part de marché traduit ainsi la percée économique d'un certain nombre de pays mais le "gâteau à se partager" s'accroît.
Q - L'agence nationale de promotion à l'exportation, Ubifrance, est en cours de réforme. En quoi le nouvel Ubifrance répondra-t-il mieux aux besoins des entreprises ?
R - J'ai souhaité réformer Ubifrance pour que l'Agence devienne le pilote du dispositif public d'appui à l'internationalisation des entreprises. Je lui ai assigné 3 objectifs ambitieux : mobiliser 10.000 nouveaux exportateurs ; atteindre 20 000 accompagnements annuels d'entreprises à l'international, dont la moitié sur des salons à l'étranger ; et doubler le nombre de Volontaires internationaux en Entreprise, soit 10.000 VIE.
Pour atteindre ces objectifs, j'ai demandé au directeur général d'Ubifrance de proposer un projet d'entreprise qui fixe à l'Agence sa direction pour les prochaines années. Ce projet a été approuvé en juillet 2008 et il en résulte notamment, une organisation en filières pour coordonner les compétences des différents acteurs et proposer une offre intégrée aux entreprises.
L'Agence sera progressivement dotée de son propre réseau à l'étranger par le transfert des activités commerciales exercées par les missions économiques. Ce mouvement concernera 64 missions économiques dans 44 pays, entre le 1er janvier 2009 et le 1er septembre 2010.
Quatre principaux bénéfices sont attendus de cette réforme : une simplification du dispositif d'appui aux entreprises françaises et donc une meilleure lisibilité ; un service de proximité pour les PME assuré par les CCI ; une meilleure qualité et réactivité du service offert aux PME ; des liens resserrés entre Ubifrance et les CCI en France, comme à l'étranger.
Q - Quels sont les dispositifs de soutien à l'implantation des entreprises françaises à l'étranger et sont-ils suffisants ? Comment favoriser l'internationalisation des entreprises françaises ?
R - J'ai souhaité que les crédits d'intervention dont dispose Ubifrance soient fortement renforcés. Une dotation exceptionnelle de 10 millions d'euros a été versée à Ubifrance dès 2008 pour renforcer sa capacité d'intervention. Dès 2009, ces crédits d'intervention seront doublés (19 millions d'euros) et continueront de croître en 2010 et 2011. Ces moyens additionnels permettront à Ubifrance de développer la labellisation, afin de soutenir des actions mises en place par d'autres acteurs comme les chambres de commerce et d'industrie. Ils permettront aussi de renforcer notre action sur les salons, avec un double objectif : plus d'entreprises sur les salons et une réduction du prix qu'elles payent pour y participer. Ces crédits financeront également le Soutien Individualisé à la Démarche export (SIDEX), en faveur des démarches individuelles d'entreprises pour prospecter de nouveaux marchés. Les premiers résultats sont prometteurs : les demandes ont doublé depuis le 1er janvier 2008.
Dans le contexte financier actuel, j'ai souhaité m'assurer qu'aucune entreprise française ne perde de contrat à l'international pour des questions de financement. Avec Christine Lagarde, nous avons ainsi pris des mesures pour fluidifier le financement des exportations des entreprises dans trois directions : d'abord, répondre aux besoins de trésorerie des entreprises, en assouplissant les règles de garantie des cautions demandées ; ensuite, fluidifier les opérations de commerce courant, en permettant notamment à la Coface de se substituer aux banques pour garantir les lettres de crédit ; et enfin faciliter le financement des opérations d'exportations, en adaptant la politique de la Coface sur des pays prioritaires comme le Brésil, l'Inde ou la Chine.
Ces mesures ont été décidées suite à plusieurs réunions de travail avec les exportateurs et les banques, afin de mieux répondre à leurs besoins. Oseo a également mis en place en octobre 2008 le prêt pour l'export, permettant à une PME d'obtenir un financement pour ses dépenses liées à son développement à l'international.
Q - Au Brésil, 2009 sera l'année de la France. Comment en tirer parti ?
R - Dixième économie mondiale, le Brésil doit devenir pour la France un interlocuteur de premier plan. La France y a exporté plus de 3 milliards d'euros en 2007, nous plaçant en 3ème position de ses fournisseurs. Ces résultats relativement décevants sont à relativiser au regard de notre position en tant qu'investisseur. Le Brésil est la principale destination d'investissement des entreprises françaises dans les pays émergents (avec un stock de plus de 10 milliards d'euros fin 2006). L'Année de la France au Brésil, dont le coup d'envoi sera donné par la visite au Brésil du président de la République à la fin décembre, permettra de mieux faire connaître les opportunités du marché brésilien. Ubifrance, opérateur de la programmation de l'Année de la France au Brésil, consacrera un budget exceptionnel de 2,5 millions d'euros à l'organisation d'opérations qui devraient concerner plus de 650 entreprises.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 décembre 2008