Texte intégral
Messieurs les Présidents et directeurs d'entreprises,
Mesdames et messieurs,
Je suis particulièrement heureuse d'être avec vous ce soir pour la clôture de ce colloque sur le nouveau crédit impôt recherche. Parce que cette décision était particulièrement opportune, à l'aube de 2008, où nous savions que c'est avec la recherche que nous assurerons l'avenir de notre pays. Mais aussi parce que cette décision est d'autant plus nécessaire aujourd'hui que la France, l'Europe et le monde doivent faire face à la crise financière.
Car le crédit impôt recherche est clairement une arme anticrise. Un dispositif qui incite les entreprises à aller de l'avant, à investir sur le futur, à croire en l'avenir. Vous l'avez clairement manifesté à l'occasion de vos témoignages, aujourd'hui, mais aussi au cours des douze derniers mois, et une dernière enquête montre qu'avec le nouveau dispositif, près de 60% des entreprises sont prêtes à augmenter leurs dépenses de recherche.
Ce sont aussi 85% des entreprises qui n'avaient pas bénéficié de l'ancien crédit impôt recherche et qui pensent, depuis sa refonte, en profiter dès cette année. Avec le triplement du taux, mais aussi avec la simplification du dispositif, c'est maintenant un dispositif résolument attractif qui est proposée aux entreprises.
Une incitation facile à quantifier, puisqu'elle permet aux décideurs de voir clairement qu'une dépense de recherche vaut maintenant 30% de moins qu'autrefois, même 60% de moins quand elle est confiée à un laboratoire public de recherche.
Une incitation favorable à l'emploi des docteurs, puisque leurs salaires sont défiscalisés à hauteur de 60% pendant les deux premières années de leur embauche. Vous connaissez mon engagement total pour la reconnaissance du doctorat comme LE diplôme phare de l'enseignement supérieur français, et je me félicite que mon engagement soit relayé par les entreprises, notamment sous la bannière du Medef.
Le nouveau crédit impôt recherche est aussi une incitation forte à conserver ses équipes de recherche et ses laboratoires en France, un dispositif anti-délocalisation, en quelque sorte. Car là où sont localisés les efforts de recherche, c'est là aussi où les états-majors des entreprises s'installent, augmentant ainsi la demande de services et les emplois.
Vous avez été nombreux à témoigner en ce sens, Thalès, Saint-Gobain, mais aussi les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile, ou encore IBM et Microsoft qui ont décidé d'ouvrir de nouveaux laboratoires dans nos territoires, en particulier pour y bénéficier du nouveau crédit impôt recherche.
Enfin, ce nouveau dispositif est plus sûr avec le rescrit fiscal que nous avons développé. Le délai de réponse de l'administration a été réduit de six à trois mois, et les experts disponibles pour assurer ces travaux au sein des services publics devraient être plus nombreux dans les prochains mois.
Mesdames et messieurs, ce nouveau crédit impôt recherche représente un effort budgétaire énorme pour les finances publiques. Il s'inscrit dans une stratégie globale où la recherche et l'enseignement supérieur sont LA priorité du budget pluriannuel du l'Etat. Et comme il ne suffit pas de dépenser l'argent public, il faut aussi bien le dépenser, nous avons engagé de profondes réformes des structures inadaptées au contexte d'aujourd'hui.
Avec la mondialisation, avec la concurrence mondiale des cerveaux, avec la bataille mondiale de l'intelligence, nous devons en effet renforcer nos atouts et combler nos lacunes pour faire de la France le champion industriel et économique de demain.
Ces réformes, nous les menons aujourd'hui en donnant l'autonomie aux universités, en leur donnant une nouvelle compétence, celle de l'insertion professionnelle, en leur permettant de recruter des chercheurs et des enseignants réputés au niveau international. En un mot, en leur donnant les outils nécessaires pour lutter à armes égales dans la bataille mondiale de l'intelligence.
Car je veux faire de l'université le centre du dispositif de recherche. Avec des organismes de recherche qui ont vocation à devenir de véritables agences de moyens, stratèges répartissant personnels et budgets dans les différents laboratoires en fonction de leur qualité et des priorités de recherche. Avec une recherche sur projet dynamique qui favorise l'excellence dans tous les domaines. Et avec une recherche privée ambitieuse. Vous en êtes les forces vives.
Je ne vois en effet pas de frontière entre la recherche publique et la recherche privée, entre la recherche fondamentale et l'innovation, entre la recherche qui repousse les limites du savoir et celle qui offre de nouvelles technologies à nos sociétés. Car c'est un véritable continuum qui existe entre ces mondes, à l'image d'Albert FERT, notre prix Nobel 2007, qui a découvert des principes fondamentaux de physique des particules et a développé des technologies que nous retrouvons au quotidien dans nos téléphones portables ou nos lecteurs MP3.
Ce continuum, nous devons davantage le faire vivre en assurant une continuité entre nos laboratoires publics et nos laboratoires privés, et c'est tout l'objet du crédit impôt recherche, pour lequel les dépenses de recherche partenariale comptent double.
Car aujourd'hui seulement 1% des crédits de recherche privée sont dépensés dans les laboratoires publics. C'est un signe d'une grande faiblesse, celle du décrochage entre intérêts des entreprises et intérêts des chercheurs publics. Je vois une raison claire à ce décrochage : le manque de vision sur le long terme pour les priorités de la recherche publique. Car trop souvent les priorités de recherche sont le fruit d'une urgence ou d'un focus sociétal, comme ce qui a été fait pour les technologies de l'environnement ou pour le Sida.
Je veux donc qu'une stratégie nationale de recherche et d'innovation soit définie pour notre pays. Cette stratégie, nous nous y tiendrons, dans les budgets des organismes de recherche, et dans le budget des universités, dans la programmation de l'agence nationale de la recherche. Nous nous y tiendrons aussi sur le moyen et le long termes, car les chercheurs ont besoin d'une vision claire et les entreprises aussi sur laquelle ils peuvent organiser des programmes de recherche dont le cycle est souvent d'une durée supérieure à cinq ou dix ans.
Mais cette vision, nous devons la partager et la concevoir avec l'ensemble des utilisateurs, les chercheurs eux-mêmes, bien sûr, mais aussi tous les citoyens dont la santé, l'environnement, la sécurité dépendent des travaux de recherche. Et vous aussi, acteurs économiques, pour qui l'innovation est une condition indispensable à la croissance et à la création d'emploi.
J'ai donc lancé avec Luc Châtel, Secrétaire d'Etat chargé de l'Industrie et de la Consommation, Porte-parole du Gouvernement, à la une grande réflexion stratégique sur nos priorités de recherche. Tout au long du premier trimestre 2009, des groupes de travail se réuniront pour voir en quoi chaque discipline de recherche peut apporter son expertise, sa connaissance et ses travaux pour répondre aux grands enjeux de notre siècle. Environnement, santé, technologies de l'information, matériaux... aucun sujet ne sera négligé.
Pour mettre en oeuvre cette stratégie, il faudra ensuite s'assurer qu'elle sera relayée au sein de tous les laboratoires publics de recherche. Pour cela, je renforcerai les services de valorisation dans les grands campus, à l'image de ce qui se fait déjà en région lyonnaise ou en Bretagne. Vous avez besoin de guichets uniques qui vous mettent en relation avec les laboratoires publics
Ces services de valorisation communs seront chargés de créer un lien fort entre établissements publics et entreprises, en réalisant une cartographie claire des compétences des laboratoires, en proposant des services d'expertise ou de recherche partenariale, en gérant enfin la propriété intellectuelle des différents organismes présents sur le site.
Car aujourd'hui, la valorisation est encore trop faible, et l'impact de la recherche publique sur l'économie est encore insuffisant. Pour renforcer ce cercle vertueux qui va de la recherche fondamentale à l'innovation, et de l'innovation à l'emploi, je veux faire des campus de véritables lieux de vie partagés entre tous les acteurs, étudiants, chercheurs et salariés des entreprises.
Nous le savons tous, c'est dans les campus universitaires que sont nés les derniers champions de l'innovation, comme Microsoft ou Google. Il faut donc aujourd'hui assurer la convergence entre tous nos dispositifs : pôles de compétitivité, réseaux thématiques de recherche avancée et pôles de recherche et d'enseignement supérieur qui rassembleront universités et grandes écoles. Car nos champions industriels doivent pouvoir s'appuyer sur l'excellence scientifique de nos laboratoires et sur une formation supérieure de qualité.
De la même manière, nos universités et nos organismes de recherche doivent pouvoir s'enrichir des problématiques industrielles et de l'expérience commerciale des entreprises. C'est déjà le cas à Toulouse, autour de l'aéronautique et de l'espace, à Grenoble, autour des nanotechnologies et bientôt à Saclay, autour des sciences et technologies de l'information notamment.
Et pour doper la création d'entreprise sur les campus, nous donnerons dès le début de l'année prochaine le statut de jeune entreprise universitaire à toute entreprise créée par un jeune diplômé depuis moins de cinq ans, ou par un chercheur qui valorise le résultat de ses recherches. Ce statut donne de multiples avantages d'ordre fiscal, pour permettre à ces jeunes pousses de se développer au plus vite pour acquérir des parts de marché, et créer des emplois au coeur même des campus universitaires.
Ce statut, il se cumule avec le crédit impôt recherche. Car cette mesure doit être transversale, au service de toutes les entreprises, au service de l'ensemble de l'économie. Et comme les entreprises les plus petites sont souvent les plus innovantes, les plus prometteuses en termes d'emplois, mais aussi les plus fragiles, nous avons décidé de rembourser, dès 2009, l'ensemble des dettes fiscales dues au titre du crédit impôt recherche.
Ce seront près de 4 milliards d'euros qui seront injectés dans les entreprises les plus innovantes, celles qui redoutaient il y a encore quelques jours les difficultés qu'elles auraient à surmonter dans les prochains mois.
Cette dernière mesure est, je crois, la plus emblématique du plan de relance que le Président de la République a annoncé la semaine dernière. Car nous croyons à la recherche, nous croyons à l'innovation, nous croyons en vous, les entreprises innovantes de notre pays, qui feront, nous le savons, la croissance et les emplois de demain.
Je vous remercie.
source http://www.modernisationeconomie.fr, le 15 décembre 2008