Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos voeux et de vous adresser ceux que je forme pour vous-même, vos familles et tous ceux qui vous sont chers.
Ces voeux sincères que je forme pour chacun d'entre vous concernent tout aussi bien votre vie personnelle que votre vie professionnelle.
Je souhaite notamment que l'année 1984 soit fructueuse en événements positifs car je ne pense pas, pour ma part, que les journalistes en soient réduits à ne parler que de ce qui va mal. Fort heureusement, la lecture de la presse, l'écoute des radios et des télévisions, prouvent qu'il n'en est rien et que le journalisme ne se limite pas à décrire des catastrophes ou à gloser sur les malheurs du temps.
J'ai, pour ma part, de votre métier une idée plus haute, ou disons plus complète.
Vous êtes les témoins de l'instant dont les hommes ont, pour partie, la charge .
Comme c'est le cas pour tout témoin, votre vision est nécessairement, fragmentaire, partielle, soumise à tous les aléas de la vie quotidienne. Qu'importe. Après tout l'action des gouvernants est soumise au même type de limites. Eux non plus ne sont pas de purs esprits détachés des contingences quotidiennes locales.
Globalement et collectivement vous décrivez l'évolution d'un monde qui n'est pas tout à fait le notre, mais que nous connaissons surtout à travers votre regard. Vous décrivez l'évolution d'une société qui ressemble à la société française sans correspondre exactement à une réalité toujours plus complexe.
Le débat public qui se développe grâce à vous constitue donc une part de la réalité sans être son expression exacte. Et pourtant, ce débat pèse sur cette réalité et contribue, par son existence même, à la modeler.
Voilà pourquoi les problèmes de communication sont toujours si difficiles à gérer. Ils obéissent à d'autres règles, à d'autres logiques, que celles qui fondent la décision politique et gouvernementale.
Et pourtant ils constituent l'un des éléments que tout Gouvernement doit prendre en compte lorsqu'il arrête une mesure, une décision.
Si je ne crois donc pas que la relation entre les moyens d'information et tout gouvernement puisse se limiter à "ce qui va mal", pour reprendre votre expression, j'admets tout à fait que les sujets d'inquiétude soient plus souvent à la base des interrogations que les sujets de satisfaction.
Et puisque vous avez évoqué cinq thèmes, permettez-moi d'y revenir à mon tour.
La paix et la guerre. Il s'agit là, sans doute, de la plus ancienne et de la plus grave inquiétude des hommes.
Jamais pourtant dans son histoire, le peuple français n'a été aussi pacifique. Il ne met en avant aucune revendication territoriale. Il ne menace aucun peuple ni aucun Etat.
A tous les niveaux, dans toutes les enceintes internationales, la France plaide la cause de la paix. Elle ne cesse de dénoncer les inégalités qui sont sources de tensions et donc qui portent en elles les germes de la guerre.
C'était vrai à Cancun lorsque le Président de la République a défendu la nécessité de nouvelles relations économiques entre le Nord et le Sud de la planète.
Car il n'y aura pas de reprise durable de nos économies si les pays du Tiers Monde ne trouvent pas les voies d'un développement harmonieux et durable.
C'était vrai devant le Parlement allemand lorsque le Président de la République se prononçait en faveur du déploiement des missiles nucléaires à portée intermédiaire afin de rétablir l'équilibre des forces.
Car tout déséquilibre, en ce domaine, risque toujours de faire naître une tentation dangereuse chez celui qui se pense le plus puissant.
C'est vrai au Liban comme au Tchad où nos soldats, en accord avec les Gouvernements de ces pays et avec la communauté internationale, s'attache à protéger les populations civiles et à limiter les conflits.
Oui, au Tchad comme au Liban, nos soldats sont les soldats de la paix . Et je forme pour eux les voeux les plus sincères. Je souhaite, en particulier, que 1984 voit l'aboutissement de leur mission, son succès.
Au Liban, si la France participe à une force multinationale qui n'entre pas dans le cadre de l'ONU c'est, vous le savez, parce qu'il y avait urgence.
Vous avez constaté qu'une partie des effectifs français qui avaient été retirés de la FINUL - la force des Nations-Unies au Liban - pour être affectés à Beyrouth, ont été remis à la disposition de l'ONU. Car la France continue de souhaiter qu'au Proche-Orient la communauté internationale assume ses responsabilités.
Mais nous demeurons convaincus que ce n'est qu'en renforçant le rôle de la communauté internationale organisée que nous ferons reculer les risques de conflits, que nous consoliderons la paix.
Le second motif d'inquiétude que vous avez évoqué c'est celui de la violence.
Je crois qu'il convient, dans ce domaine, d'éviter les amalgames trompeurs. On ne peut mettre sur un même plan le terrorisme international et le vol d'un sac à main, on ne peut traiter comme s'il s'agissait d'un même phénomène le crime de sang et le vol de voiture.
Le terrorisme international découle, pour une large part, des sujets que je viens d'évoquer . Il frappe à Bruxelles comme à Vienne, à La Haye comme à Paris. S'en protéger est toujours difficile, aléatoire.
C'est une forme de guerre, parfois menée avec la complicité de certains Etats .
L'insécurité quotidienne n'a rien à voir avec cette situation. Permettre l'assimilation, notamment à travers la mise en cause des populations immigrées qui vivent parmi nous, c'est d'une part tromper les Français sur la réalité des faits, d'autre part prendre le risque de favoriser des attitudes xénophobes, racistes, antisémites.
Hélas, nous avons pu observer une telle dérive au cours des derniers mois. Je souhaite que 1984 donne un coup d'arrêt à cette évolution préoccupante.
La montée de la délinquance est liée en réalité à l'évolution de notre société, au passage d'un monde rural à un monde urbain. Il n'y a pas plus de crimes de sang en France aujourd'hui qu'il y a un siècle. En revanche, il est vrai que la concentration urbaine, le phénomène des banlieues, et maintenant la crise et le chômage, ont fait naître et se développer des formes nouvelles de délinquance qu'il nous faut traiter.
Nous n'en viendrons pas à bout par la seule répression. Voilà pourquoi, depuis plus de deux ans, le gouvernement s'est attaché à concevoir et à mettre en oeuvre une ambitieuse politique de prévention.
Cet effort sera poursuivi en 1984.
Permettez-moi, à ce propos, d'ajouter un dernier point.
A ceux qui font campagne sur le thème de l'insécurité, à ceux qui s'émeuvent de la petite délinquance et qui mettent volontiers en cause le gouvernement à ce propos, je voudrais dire ceci :
C'est vrai que le loubard de banlieue doit répondre de ses fautes devant la justice. Mais il ne peut y avoir deux poids et deux mesures.
On ne peut, à la fois, partir en guerre contre la petite délinquance et fermer les yeux sur la délinquance financière. On ne peut vouloir punir les loubards et blanchir les escrocs.
Ou bien alors il faudra expliquer au pays, expliquer aux Françaises et aux Français, qu'à partir d'un certain rang social on échappe aux règles de la justice.
Il faudra leur dire que lorsqu'on appartient à certains milieux politiques et financiers, ce qui pour tout autre citoyen relèverait des tribunaux, devient une simple imprudence.
Ce double langage, le gouvernement ne l'admet pas.
L'Europe est le troisième sujet que vous avez évoqué. Et il est vrai que la construction européenne est déterminante pour notre avenir.
Oui, l'Europe est en crise. Mais elle s'est toujours développée de crise en crise.
Le principe de toute négociation globale veut que l'on soit d'accord sur tout ou sur rien. A la fin du Sommet d'Athènes nous n'étions pas d'accord sur tout.
Cela ne signifie pas que des progrès n'ont pas été réalisés. Il reste à les concrétiser. C'est à cela que s'attachera la présidence française.
Une présidence particulièrement lourde puisqu'à son terme les peuples d'Europe seront appelés à se prononcer.
Une présidence particulièrement lourde également puisque c'est durant cette période qu'il va falloir donner une réponse de principe aux deux pays - l'Espagne et le Portugal - qui sont candidats à entrer dans la Communauté.
Une présidence particulièrement lourde, enfin, parce que nous entendons en profiter pour tenter de faire avancer une politique européenne en matière sociale, et plus particulièrement en matière de restructurations industrielles.
Vous avez aussi parlé de la situation de l'économie française. Permettez-moi de ne pas dresser le même bilan que vous.
Certes le commerce extérieur se rétablit, plus vite même que nous ne l'avions prévu.
Je relève toutefois :
- que le déficit de notre balance commerciale a été réduit de moitié entre 1982 et 1983.,
- que notre excédent touristique a augmenté de 50 %,
- que le déficit de la balance des paiements courants a été réduit de près de la moitié,
- que nos réserves de change se reconstituent progressivement,
- que la baisse de l'inflation se poursuit, même si son rythme est un peu moins rapide que prévu,
- que notre déficit budgétaire est l'un des plus faibles du monde,
- que l'équilibre de la sécurité sociale a été obtenu,
- que les charges des entreprises ont été pratiquement stabilisées.
Je vous laisse le soin de mettre une couleur sur tous ces indicateurs. Je souhaite, par ma part, que ces réalités également soient présentées et expliquées aux Français. Dès lors, et pour reprendre votre propre formule Monsieur le Président, je suis convaincu qu'ils supporteront "moins mal" l'effort de redressement national dans lequel nous sommes collectivement engagés.
Enfin, je conclurai, comme vous-même, sur la presse.
Le gouvernement, comme chacune et chacun d'entre vous, souhaite que les organes de presse vivent et prospèrent. C'est dans cet esprit que vont être menées les concertations en vue de réformer les modalités d'aides à la presse.
Je rappelle, à cet égard, que la presse française est l'une des plus aidées du monde puisqu'elle bénéficie, de la part des contribuables, de près de 5 milliards de francs.
Et cette situation particulière implique des conséquences.
On ne peut pas bénéficier de fonds publics de manière aussi importante et réclamer, dans le même temps, le strict respect du libéralisme économique classique, pour ne pas dire sauvage.
La loi en cours d'examen au Parlement vise simplement à permettre le respect de principes inscrits dans notre droit depuis 40 ans. Il s'agit de principes généraux - la transparence et le pluralisme - qui n'ont pas à être négociés. Ils intéressent l'ensemble de la communauté nationale et non une profession.
Les aides à la presse seront, en revanche, négociées. Les principes qui sont déjà ceux du droit français n'étaient pas, quant à eux, négociables.
J'ajoute que le problème de la mise à jour de l'ordonnance de 1944 est un problème ancien que de nombreux gouvernements s'étaient déjà posé. La nécessité d'une telle mise à jour n'a été refusée par, pratiquement, personne. Les moyens à utiliser avaient d'ailleurs été définis, après - je le souligne - une très longue et très complète concertation, par le doyen VEDEL.
Ce sont ces moyens que nous nous sommes bornés à formaliser dans un texte de loi.
Et si je n'ai pas eu l'occasion de m'entretenir avec votre association, par exemple, j'ai reçu, en revanche, le président de l'association de la presse parlementaire où vous êtes nombreux à siéger, de même que j'ai reçu les représentants de l'union des syndicats de journalistes et de la fédération des sociétés de rédacteurs.
Je dois dire que mes interlocuteurs, s'ils avaient des remarques ou des réserves à exprimer, ne partageaient pas vos craintes et se réjouissaient au contraire, d'une part de voir réaffirmer les principes de transparence et de pluralisme, d'autre part de voir reconnues les équipes rédactionnelles, c'est-à-dire la spécificité des journalistes dans les entreprises de presse.
Cette loi peut donc être l'occasion pour les journalistes, s'ils le veulent, de mieux affirmer l'originalité de leur tache et de montrer que la presse ne se limite pas aux porteurs du capital des entreprises.
Permettez-moi de souhaiter que 1984 soit donc une année d'affirmation et de renouveau de votre profession.
Tels sont, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les voeux individuels et collectifs que je formule en ce début d'année. Et si vous le voulez bien, je vous propose de poursuivre nos échanges autour des buffets.
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos voeux et de vous adresser ceux que je forme pour vous-même, vos familles et tous ceux qui vous sont chers.
Ces voeux sincères que je forme pour chacun d'entre vous concernent tout aussi bien votre vie personnelle que votre vie professionnelle.
Je souhaite notamment que l'année 1984 soit fructueuse en événements positifs car je ne pense pas, pour ma part, que les journalistes en soient réduits à ne parler que de ce qui va mal. Fort heureusement, la lecture de la presse, l'écoute des radios et des télévisions, prouvent qu'il n'en est rien et que le journalisme ne se limite pas à décrire des catastrophes ou à gloser sur les malheurs du temps.
J'ai, pour ma part, de votre métier une idée plus haute, ou disons plus complète.
Vous êtes les témoins de l'instant dont les hommes ont, pour partie, la charge .
Comme c'est le cas pour tout témoin, votre vision est nécessairement, fragmentaire, partielle, soumise à tous les aléas de la vie quotidienne. Qu'importe. Après tout l'action des gouvernants est soumise au même type de limites. Eux non plus ne sont pas de purs esprits détachés des contingences quotidiennes locales.
Globalement et collectivement vous décrivez l'évolution d'un monde qui n'est pas tout à fait le notre, mais que nous connaissons surtout à travers votre regard. Vous décrivez l'évolution d'une société qui ressemble à la société française sans correspondre exactement à une réalité toujours plus complexe.
Le débat public qui se développe grâce à vous constitue donc une part de la réalité sans être son expression exacte. Et pourtant, ce débat pèse sur cette réalité et contribue, par son existence même, à la modeler.
Voilà pourquoi les problèmes de communication sont toujours si difficiles à gérer. Ils obéissent à d'autres règles, à d'autres logiques, que celles qui fondent la décision politique et gouvernementale.
Et pourtant ils constituent l'un des éléments que tout Gouvernement doit prendre en compte lorsqu'il arrête une mesure, une décision.
Si je ne crois donc pas que la relation entre les moyens d'information et tout gouvernement puisse se limiter à "ce qui va mal", pour reprendre votre expression, j'admets tout à fait que les sujets d'inquiétude soient plus souvent à la base des interrogations que les sujets de satisfaction.
Et puisque vous avez évoqué cinq thèmes, permettez-moi d'y revenir à mon tour.
La paix et la guerre. Il s'agit là, sans doute, de la plus ancienne et de la plus grave inquiétude des hommes.
Jamais pourtant dans son histoire, le peuple français n'a été aussi pacifique. Il ne met en avant aucune revendication territoriale. Il ne menace aucun peuple ni aucun Etat.
A tous les niveaux, dans toutes les enceintes internationales, la France plaide la cause de la paix. Elle ne cesse de dénoncer les inégalités qui sont sources de tensions et donc qui portent en elles les germes de la guerre.
C'était vrai à Cancun lorsque le Président de la République a défendu la nécessité de nouvelles relations économiques entre le Nord et le Sud de la planète.
Car il n'y aura pas de reprise durable de nos économies si les pays du Tiers Monde ne trouvent pas les voies d'un développement harmonieux et durable.
C'était vrai devant le Parlement allemand lorsque le Président de la République se prononçait en faveur du déploiement des missiles nucléaires à portée intermédiaire afin de rétablir l'équilibre des forces.
Car tout déséquilibre, en ce domaine, risque toujours de faire naître une tentation dangereuse chez celui qui se pense le plus puissant.
C'est vrai au Liban comme au Tchad où nos soldats, en accord avec les Gouvernements de ces pays et avec la communauté internationale, s'attache à protéger les populations civiles et à limiter les conflits.
Oui, au Tchad comme au Liban, nos soldats sont les soldats de la paix . Et je forme pour eux les voeux les plus sincères. Je souhaite, en particulier, que 1984 voit l'aboutissement de leur mission, son succès.
Au Liban, si la France participe à une force multinationale qui n'entre pas dans le cadre de l'ONU c'est, vous le savez, parce qu'il y avait urgence.
Vous avez constaté qu'une partie des effectifs français qui avaient été retirés de la FINUL - la force des Nations-Unies au Liban - pour être affectés à Beyrouth, ont été remis à la disposition de l'ONU. Car la France continue de souhaiter qu'au Proche-Orient la communauté internationale assume ses responsabilités.
Mais nous demeurons convaincus que ce n'est qu'en renforçant le rôle de la communauté internationale organisée que nous ferons reculer les risques de conflits, que nous consoliderons la paix.
Le second motif d'inquiétude que vous avez évoqué c'est celui de la violence.
Je crois qu'il convient, dans ce domaine, d'éviter les amalgames trompeurs. On ne peut mettre sur un même plan le terrorisme international et le vol d'un sac à main, on ne peut traiter comme s'il s'agissait d'un même phénomène le crime de sang et le vol de voiture.
Le terrorisme international découle, pour une large part, des sujets que je viens d'évoquer . Il frappe à Bruxelles comme à Vienne, à La Haye comme à Paris. S'en protéger est toujours difficile, aléatoire.
C'est une forme de guerre, parfois menée avec la complicité de certains Etats .
L'insécurité quotidienne n'a rien à voir avec cette situation. Permettre l'assimilation, notamment à travers la mise en cause des populations immigrées qui vivent parmi nous, c'est d'une part tromper les Français sur la réalité des faits, d'autre part prendre le risque de favoriser des attitudes xénophobes, racistes, antisémites.
Hélas, nous avons pu observer une telle dérive au cours des derniers mois. Je souhaite que 1984 donne un coup d'arrêt à cette évolution préoccupante.
La montée de la délinquance est liée en réalité à l'évolution de notre société, au passage d'un monde rural à un monde urbain. Il n'y a pas plus de crimes de sang en France aujourd'hui qu'il y a un siècle. En revanche, il est vrai que la concentration urbaine, le phénomène des banlieues, et maintenant la crise et le chômage, ont fait naître et se développer des formes nouvelles de délinquance qu'il nous faut traiter.
Nous n'en viendrons pas à bout par la seule répression. Voilà pourquoi, depuis plus de deux ans, le gouvernement s'est attaché à concevoir et à mettre en oeuvre une ambitieuse politique de prévention.
Cet effort sera poursuivi en 1984.
Permettez-moi, à ce propos, d'ajouter un dernier point.
A ceux qui font campagne sur le thème de l'insécurité, à ceux qui s'émeuvent de la petite délinquance et qui mettent volontiers en cause le gouvernement à ce propos, je voudrais dire ceci :
C'est vrai que le loubard de banlieue doit répondre de ses fautes devant la justice. Mais il ne peut y avoir deux poids et deux mesures.
On ne peut, à la fois, partir en guerre contre la petite délinquance et fermer les yeux sur la délinquance financière. On ne peut vouloir punir les loubards et blanchir les escrocs.
Ou bien alors il faudra expliquer au pays, expliquer aux Françaises et aux Français, qu'à partir d'un certain rang social on échappe aux règles de la justice.
Il faudra leur dire que lorsqu'on appartient à certains milieux politiques et financiers, ce qui pour tout autre citoyen relèverait des tribunaux, devient une simple imprudence.
Ce double langage, le gouvernement ne l'admet pas.
L'Europe est le troisième sujet que vous avez évoqué. Et il est vrai que la construction européenne est déterminante pour notre avenir.
Oui, l'Europe est en crise. Mais elle s'est toujours développée de crise en crise.
Le principe de toute négociation globale veut que l'on soit d'accord sur tout ou sur rien. A la fin du Sommet d'Athènes nous n'étions pas d'accord sur tout.
Cela ne signifie pas que des progrès n'ont pas été réalisés. Il reste à les concrétiser. C'est à cela que s'attachera la présidence française.
Une présidence particulièrement lourde puisqu'à son terme les peuples d'Europe seront appelés à se prononcer.
Une présidence particulièrement lourde également puisque c'est durant cette période qu'il va falloir donner une réponse de principe aux deux pays - l'Espagne et le Portugal - qui sont candidats à entrer dans la Communauté.
Une présidence particulièrement lourde, enfin, parce que nous entendons en profiter pour tenter de faire avancer une politique européenne en matière sociale, et plus particulièrement en matière de restructurations industrielles.
Vous avez aussi parlé de la situation de l'économie française. Permettez-moi de ne pas dresser le même bilan que vous.
Certes le commerce extérieur se rétablit, plus vite même que nous ne l'avions prévu.
Je relève toutefois :
- que le déficit de notre balance commerciale a été réduit de moitié entre 1982 et 1983.,
- que notre excédent touristique a augmenté de 50 %,
- que le déficit de la balance des paiements courants a été réduit de près de la moitié,
- que nos réserves de change se reconstituent progressivement,
- que la baisse de l'inflation se poursuit, même si son rythme est un peu moins rapide que prévu,
- que notre déficit budgétaire est l'un des plus faibles du monde,
- que l'équilibre de la sécurité sociale a été obtenu,
- que les charges des entreprises ont été pratiquement stabilisées.
Je vous laisse le soin de mettre une couleur sur tous ces indicateurs. Je souhaite, par ma part, que ces réalités également soient présentées et expliquées aux Français. Dès lors, et pour reprendre votre propre formule Monsieur le Président, je suis convaincu qu'ils supporteront "moins mal" l'effort de redressement national dans lequel nous sommes collectivement engagés.
Enfin, je conclurai, comme vous-même, sur la presse.
Le gouvernement, comme chacune et chacun d'entre vous, souhaite que les organes de presse vivent et prospèrent. C'est dans cet esprit que vont être menées les concertations en vue de réformer les modalités d'aides à la presse.
Je rappelle, à cet égard, que la presse française est l'une des plus aidées du monde puisqu'elle bénéficie, de la part des contribuables, de près de 5 milliards de francs.
Et cette situation particulière implique des conséquences.
On ne peut pas bénéficier de fonds publics de manière aussi importante et réclamer, dans le même temps, le strict respect du libéralisme économique classique, pour ne pas dire sauvage.
La loi en cours d'examen au Parlement vise simplement à permettre le respect de principes inscrits dans notre droit depuis 40 ans. Il s'agit de principes généraux - la transparence et le pluralisme - qui n'ont pas à être négociés. Ils intéressent l'ensemble de la communauté nationale et non une profession.
Les aides à la presse seront, en revanche, négociées. Les principes qui sont déjà ceux du droit français n'étaient pas, quant à eux, négociables.
J'ajoute que le problème de la mise à jour de l'ordonnance de 1944 est un problème ancien que de nombreux gouvernements s'étaient déjà posé. La nécessité d'une telle mise à jour n'a été refusée par, pratiquement, personne. Les moyens à utiliser avaient d'ailleurs été définis, après - je le souligne - une très longue et très complète concertation, par le doyen VEDEL.
Ce sont ces moyens que nous nous sommes bornés à formaliser dans un texte de loi.
Et si je n'ai pas eu l'occasion de m'entretenir avec votre association, par exemple, j'ai reçu, en revanche, le président de l'association de la presse parlementaire où vous êtes nombreux à siéger, de même que j'ai reçu les représentants de l'union des syndicats de journalistes et de la fédération des sociétés de rédacteurs.
Je dois dire que mes interlocuteurs, s'ils avaient des remarques ou des réserves à exprimer, ne partageaient pas vos craintes et se réjouissaient au contraire, d'une part de voir réaffirmer les principes de transparence et de pluralisme, d'autre part de voir reconnues les équipes rédactionnelles, c'est-à-dire la spécificité des journalistes dans les entreprises de presse.
Cette loi peut donc être l'occasion pour les journalistes, s'ils le veulent, de mieux affirmer l'originalité de leur tache et de montrer que la presse ne se limite pas aux porteurs du capital des entreprises.
Permettez-moi de souhaiter que 1984 soit donc une année d'affirmation et de renouveau de votre profession.
Tels sont, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les voeux individuels et collectifs que je formule en ce début d'année. Et si vous le voulez bien, je vous propose de poursuivre nos échanges autour des buffets.