Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur les violences faites aux femmes, la prévention, l'accueil et l'hébergement des femmes victimes de violences conjugales, Paris le 29 novembre 2008.

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Circonstance : Colloque "Femmes et violences en Méditerranée : actions et bilan" à Paris le 29 novembre 2008

Texte intégral


A l'issue d'une semaine qui n'a rien d'ordinaire et à l'heure où l'Union pour la Méditerranée se constitue je me félicite de l'organisation de ce colloque. En proclamant le 25 novembre « Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes » l'ONU invitait, il y a bientôt dix ans, les gouvernements et les ONG à organiser des manifestations destinées à sensibiliser l'opinion publique sur ce fléau social. La France n'est pas épargnée par ce phénomène de violences dont sont majoritairement victimes les femmes.
Les chiffres en témoignent :
1 femme sur 10 est victime de violence
166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en 2007
47 500 faits de violences volontaires sur femmes majeures par leur conjoint ou ex-conjoint ont été enregistrés en 2007.
Selon le dernier rapport de la délégation aux victimes : les morts violentes au sein du couple ont augmenté de 14 % par rapport à 2006
65 000 femmes et fillettes sont mutilées ou menacées de l'être
70 000 adolescentes de 10 à 18 ans sont potentiellement menacées de mariage forcé en Ile-de-France et dans 6 départements à forte population immigrée.
Le phénomène des violences faites aux femmes est un sujet que le progrès social ne règle pas, que la modernité n'épuise pas. C'est pour cela que je tiens à vous exprimer, par ce message, la priorité que j'accorde à lutter contre toutes les formes de violence, à combattre toute atteinte à l'intégrité et à la dignité des femmes.
La violence n'est pas une fatalité.
Au niveau européen, l'éradication de la violence fait partie des actions prioritaires de notre agenda social, de la feuille de route 2006-2010 « pour l'égalité entre les femmes et les hommes » de la Commission européenne. Elle est inscrite dans la déclaration du trio France/Tchéquie/Suède faite à Lille le 14 novembre dernier. Je suis heureuse que ce colloque ait une dimension méditerranéenne car il important de faire progresser les droits des femmes à l'heure où les actes de régression nourrissent quotidiennement l'actualité. Au sein des sociétés méditerranéennes de nombreuses questions se posent quant à la condition féminine et à la place des femmes dans un espace géographique homogène par son histoire mais très hétérogène sociologiquement. Les fractures persistent. Dans les structures politiques autoritaires, le patriarcat prévaut et confine les femmes dans des rôles qui leur sont traditionnellement dévolus. Face à cette réalité, les pays modernes participent au consensus démocratique et les femmes y ont acquis le droit de cité, le droit de disposer de leurs corps. Les conquêtes sont souvent inachevées ou risquent parfois d'être remises en cause. C'est pourquoi, les efforts se poursuivent sans relâche tant au sein de l'Europe méridionale qu'au sein du Maghreb.
Il n'est pas question de « desserrer la bride » pour lutter contre toutes les formes de discrimination qui se traduisent par l'exclusion des femmes.
Qu'il s'agisse des discriminations sexiste, des inégalités dans l'accès aux droits fondamentaux, des atteintes à la dignité et à l'intégrité physique des filles et des femmes, le chemin qui reste à parcourir est encore long.
C'est par notre mobilisation collective que nous pouvons aider les femmes à briser le silence, et leur donner les moyens de réagir et d'agir. Je tiens à saluer les actions de terrain de tous les acteurs publics et privés, institutionnels et associatifs dont l'engagement et les efforts de proximité sont constants et présents à chaque étape de la reconstruction des victimes.
Au sein du Gouvernement, nous travaillons en interministériel. Sans cette approche transversale nous ne pourrions pas avancer. Or, il est essentiel d'apporter des réponses adaptées aux besoins et aux attentes pour être en capacité d'éradiquer ce phénomène.
Depuis un an, 12 objectifs définis dans le second plan triennal global de lutte contre les violences sont mis en oeuvre. Un an après son lancement, il est important de dresser un bilan.
Ce plan concerne l'ensemble des acteurs et s'accompagne tout au long de son application d'une campagne de communication grand public que j'ai lancée le 2 octobre dernier. Il s'agit d'une campagne de presse et d'affichage visant trois cibles (la victime, le témoin et l'auteur) dédiée cette année aux violences au sein du couple. Cette campagne vit au quotidien grâce au site Internet gouvernemental sur l'ensemble des violences faites aux femmes avec des témoignages directs pour que le silence se brise.
Je souhaite insister sur la mise en place progressive d'un réseau de référents locaux sur tout le territoire. Ces référents sont les interlocuteurs uniques de proximité pour garantir l'accompagnement des femmes victimes de violences au sein du couple. Ils pourront ainsi apporter dans la durée une réponse globale aux femmes, ils pourront les orienter vers les structures adaptées à leurs besoins. 9 référents vont être recrutés d'ici la fin de l'année. 20 autres départements projettent de les mettre en place en 2009. Leur rôle sera déterminant, j'en suis convaincue, pour éviter la fragmentation des démarches auxquelles sont confrontées les femmes victimes de violence et participer au suivi de leurs parcours individualisés auquel chacun des partenaires apporte sa coopération.
J'ai tenu aussi à améliorer et à diversifier les réponses offertes en matière d'hébergement et de logement. Pour cela, j'ai privilégié les familles d'accueil. Suite à une circulaire interministérielle adressée aux Préfets le 18 juillet, avec la Ministre du logement et de la ville, nous avons saisi le 25 juillet dernier, les Présidents de Conseils généraux. Les Conseils généraux se sont fortement mobilisés. Aujourd'hui, plus de 70 familles ont été repérées pour accueillir les femmes victimes de violence avec ou sans enfants. Elles sont réparties sur une vingtaine de départements. 15 d'entre eux veillent à ce que les familles soient agréées et opérationnelles d'ici la fin de l'année (par exemple dans la Manche, la Sarthe, l'Oise, la Creuse, la Drôme, l'Ardèche...). 5 autres projets le seront en 2009. J'avais annoncé 100 familles d'accueil d'ici 2010. Ces résultats sont encourageants et de bonne augure pour aider et soulager les femmes qui veulent reconstruire leur vie dans un cadre anonyme et chaleureux, hors des structures collectives. Plus globalement, nous veillons aussi à ce que les femmes victimes de violence conjugale soient prioritaires dans l'accès au logement.
Par ailleurs, avec la Garde des Sceaux, nous avons mis en place un groupe de travail interministériel sur l'évolution du cadre juridique afin d'examiner et de rechercher des pistes d'amélioration, portant notamment sur une définition des violences psychologiques dans le code pénal et une articulation entre les procédures pénales et civiles.
Enfin, il est important d'insister sur la nécessité de la prévention.
Prévenir c'est agir sur l'image de la femme. Eradiquer le phénomène des violences ne peut se concevoir sans réfléchir à l'image des femmes, à leurs représentations dans tous les domaines en commençant par l'éducation, dès le plus jeune âge. La Commission de réflexion sur « l'image des femmes dans les médias », présidée par Michèle REISER m'a rendu son rapport le 25 septembre dernier. Ses constats sont éloquents. Le poids des clichés et des stéréotypes continue à peser et à compromettre les progrès en faveur des femmes. Nous avons l'ambition de faire évoluer les mentalités. Nous ne pouvons tolérer dans nos démocraties les atteintes à l'intégrité physique et à la dignité des femmes. Pour cela, il est important de prendre conscience de l'inacceptable décalage qui perdure entre les stéréotypes qui continuent à s'appliquer à la représentation des femmes et la place réelle qu'elles occupent dans la société.
Prévenir c'est aussi sensibiliser. J'ai déjà rappelé la campagne de communication grand public lancée le 2 octobre. Je n'y reviendrai pas. Je dirai simplement que toutes les formes de violences sont prises en compte : 2008 est résolument dédiée aux violences conjugales, 2009 s'adressera essentiellement aux femmes et jeunes filles victimes ou susceptibles de l'être de mariages forcés ou de mutilations sexuelles. 2010 portera principalement sur les violences verbales et l'image de la femme.
Il est important d'aborder toutes les formes de violence. Aucune n'est tolérable. Les mutilations sexuelles féminines par exemple, est-il besoin de le rappeler, sont d'une gravité extrême tant elles provoquent des souffrances qu'il faut empêcher. Elles peuvent entraîner la mort. Leurs répercussions psychiques sont dramatiques. Elles sont une humiliation et une atteinte à la dignité des petites filles, des jeunes filles et des femmes inacceptables dans nos sociétés. Les mariages forcés, les crimes d'honneur sont aussi des atteintes à la liberté et aux valeurs essentielles de tout individu. Nous ne pouvons les cautionner.
C'est un combat solidaire qui nous concerne toutes et tous.
Faire avancer la cause des femmes est un combat de tous les jours. Malgré les progrès réalisés au cours des trente années qui viennent de s'écouler, l'égalité entre les femmes et les hommes acquise en droit ne se concrétise pas dans les faits. Dans le contexte actuel de crise financière que nous connaissons, certains pourraient penser que l'urgence est ailleurs. Je crois au contraire que la question qui nous occupe aujourd'hui est, dans ce contexte, plus fondamentale encore. En temps de crise économique, les femmes ne doivent pas être la variable d'ajustement alors qu'elles représentent plus de la moitié de la population, qu'elles sont actrices du monde économique. Les femmes constituent d'autant plus un enjeu stratégique pour l'avenir que nous devons nous donner les moyens de relever le défi du vieillissement démographique.
Quelles que soient les disparités de la condition féminine au sein de l'Union européenne et au sein de l'Union méditerranéenne, nous devons ensemble être en mesure de relever de nombreux défis. Nous devons tout particulièrement être vigilants lorsque le respect mutuel est remis en cause, lorsque les humiliations se perpétuent à l'encontre des femmes.
Mardi dernier, 25 novembre, le Premier Ministre François FILLON est venu devant les associations, que j'avais réunies au Secrétariat d'Etat, pour leur témoigner son engagement complet à leurs côtés. Il nous a réservé une annonce importante. Certaines d'entre vous étaient présentes, et je m'en réjouis. Il a décidé que la lutte contre les violences faites aux femmes serait une cause d'intérêt général en 2009 et a invité les associations à constituer un collectif en vue de la grande cause nationale 2010. C'est important, c'est majeur, c'est primordial pour nous toutes et je voulais vous en faire part afin qu'ensemble nous continuions à coordonner nos efforts pour relever le défi de cette grande cause.
Je vous remercie.
Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 8 décembre 2008