Texte intégral
Le VIH ne connaît pas de frontières. Pourtant, aujourd'hui comme hier, des porteurs du virus se voient refuser l'entrée de certains pays. 33 millions d'individus étaient en 2007 affectés par le VIH-Sida. Pourtant, aujourd'hui comme hier, les malades, leurs familles, les soignants, parfois, ont le sentiment d'être isolés. Comment accepter de telles contradictions ? Faut-il, sous prétexte que l'on ne guérit pas encore du sida, ne pas guérir de l'ignorance et du préjugé ? Par l'organisation de cette conférence internationale sur le sida et les infections sexuellement transmissibles, nous n'affirmons pas seulement notre détermination à éradiquer l'épidémie. Nous combattons, en même temps, le manque d'information, la honte et la peur, qui sont autant de freins à cette éradication.
Aussi, je voudrais d'emblée remercier notre hôte le Sénégal, et plus particulièrement le couple présidentiel, ainsi que le Professeur Souleymane Mboup et son équipe, pour la qualité de leur accueil. Le choix du Sénégal, seul pays à recevoir la conférence pour la 2e fois, se justifie amplement, tant vous avez été, depuis la découverte du premier cas de séropositivité en 1986, particulièrement actifs dans la lutte contre le sida, qu'il s'agisse de prévention, de prise en charge thérapeutique ou de recherche.
Avec le professeur Souleymane Mboup, co-découvreur du VIH-2, avec mon homologue le docteur Safiatou Thiam, qui a travaillé pendant 10 ans sur le sujet, vous disposez de personnalités expérimentées et fortement mobilisées.
Il me semble important, en effet, qu'à côté de l'engagement discret et résolu de tous ceux qui, anonymement, contribuent à la lutte contre le sida, quelques figures emblématiques portent haut et fort notre cause. En ce sens, je me réjouis tout particulièrement de la nomination de Carla Bruni-Sarkozy comme « Ambassadrice mondiale pour la protection des mères et des enfants contre le VIH-Sida », en collaboration avec le Fonds mondial.
Elle permettra de mettre en avant une cause encore trop peu entendue : celle des femmes et des enfants.
C'est un fait, certaines catégories, parce qu'elles sont plus vulnérables, parce qu'elles sont moins informées, sont plus exposées.
Nous devons porter une attention particulière à ces populations : populations en situation de pauvreté, migrants, minorités sexuelles, populations carcérales, jeunes et enfants. L'accès universel à la prévention, au diagnostic précoce et au traitement précoce doit être notre objectif. Telle est la priorité affirmée par l'Organisation mondiale de la santé dans son programme 2006, et par l'Union européenne, dans la résolution du Parlement européen en date du 20 novembre dernier, résolution saluée par la présidence française de l'Union européenne. Améliorer la précocité du dépistage est primordial. Méconnaître sa séropositivité, c'est courir le risque d'un diagnostic tardif, rendant plus difficiles les traitements, et c'est exposer parfois ses partenaires sexuels au risque de la maladie.
En ce sens, il paraît nécessaire d'utiliser de nouvelles stratégies et de nouveaux outils, tels que les tests de dépistage rapides. Une fois le diagnostic établi, l'accès aux médicaments, dans les pays développés, mais surtout dans les pays en voie de développement, qui sont les plus touchés, est une question de survie. Je tiens donc à saluer le volontarisme des associations et de tous ceux qui ont su passer outre le défaitisme pour développer l'accès aux antirétroviraux en Afrique, en particulier en mettant en place le cadre permettant la distribution des médicaments et le suivi des malades.
En refusant de limiter leur intervention à une prévention sans espoir pour les personnes déjà malades, les associations ont notamment réussi à internationaliser le débat sur l'accès au traitement. Elles ont été appuyées par l'engagement de personnalités issues de milieux très divers : scientifiques (et je veux saluer Mme Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008), artistes, journalistes, responsables politiques, ou simples citoyens, qui ont refusé d'admettre comme une fatalité l'hécatombe des malades touchés par le VIH-Sida.
Grâce à vous, grâce à toutes les organisations institutionnelles et aux gouvernements qui se sont mobilisés à vos côtés, le nombre de personnes qui bénéficient de médicaments antirétroviraux dans les pays à revenu faible ou intermédiaire a été multiplié par 10 en 6 ans seulement.
N'oublions pas ce que cela implique : des vies sauvées, des familles préservées, mais aussi des sociétés entières revitalisées.
Pour augmenter les chances de survie, l'observance du traitement, nous le savons, est fondamentale.
Pourtant, cette dernière est mise en péril par la stigmatisation des malades, qui n'osent pas se rendre dans les dispensaires.
De même, la peur d'être discriminé, isolé, en cas de résultat du test positif, peut entraver l'accès au dépistage précoce.
La stigmatisation et la discrimination sont de fausses réponses qui créent de vrais problèmes. Le respect des droits et des libertés des malades, y compris de la liberté si essentielle de se déplacer, doit ainsi être un axe fort de notre mobilisation.
Il n'est pas tolérable que des personnes déjà touchées par la maladie soient exposées à l'exclusion. Je suis particulièrement heureuse et fière, en ce sens, de remettre tout à l'heure le prix ANRS/Aides avec Mme Wade à trois lauréats qui ont orienté leurs travaux de recherche sur ce thème.
Le combat contre le VIH n'est pas une question de nationalité, de couleur de peau ou d'origine géographique.
Ce combat est celui de l'humanité tout entière. Il est celui de la vie, de la santé, de la solidarité.
C'est pourquoi la coopération renforcée au niveau international est plus qu'importante : c'est une nécessité. L'accès au dépistage et au traitement, la recherche, le renforcement des systèmes de santé requièrent contribution financière et mutualisation des moyens et des compétences.
De ce point de vue, la mobilisation de tous et de chacun est essentielle. La France, pour sa part, a consacré en 2007 plus de 364 millions d'euros à cette lutte d'envergure.
Il ne saurait être question de renoncer à de telles priorités diplomatiques à cause de la crise économique et financière mondiale. La France, soyez-en assurés, ne renoncera pas à sa contribution élevée au Fonds mondial, la première en volume de l'Union européenne et la seconde au monde, ni à sa très large participation à UNITAID. C'est, en effet, l'amélioration de l'accès aux médicaments qui se joue. Le 19 mai dernier, à l'occasion de l'assemblée mondiale de la santé, j'ai souhaité délivrer deux messages forts. D'une part, il ne peut y avoir de développement économique pérenne sans un financement innovant des systèmes de santé. C'est pourquoi la France soutient le principe d'une assurance maladie universelle, l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne. D'autre part, nous devons impérativement renforcer les systèmes de santé et les moderniser. Telle est la véritable clef du développement. Cela passe, bien entendu, par l'accroissement des ressources humaines en santé et par une meilleure formation.
C'est ici que l'initiative « Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique Hospitalière en Réseau » (ESTHER), opérateur bilatéral français privilégié de lutte contre le sida, peut, grâce aux jumelages hospitaliers, apporter sa contribution. Destinée à renforcer les capacités locales par le partage de savoir-faire, ESTHER a contribué, depuis sa création, à la prise en charge thérapeutique de près de 80 000 personnes.
Les progrès scientifiques accomplis ces dernières années sont encourageants, mais ils ne doivent pas masquer les souffrances qui demeurent et les vies qui s'éteignent. Trop de personnes n'ont toujours pas accès aux traitements, ni même parfois au dépistage.
Face au fléau qui la frappe très durement depuis 20 ans, l'Afrique a dû réinventer un mode de prise en charge. Elle a dû adapter sa lutte aux difficultés économiques.
« Faire face aux réalités », c'est se réjouir des petits et des grands succès remportés, c'est voir, aussi, les combats qu'il nous reste à mener, et qu'il nous faut mener ensemble.
Avec vous, je veux le dire : « Faisons face à l'avenir ».
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 19 décembre 2008