Déclaration de Mme Rachida Dati, ministre de la justice, sur la diversité, la laïcité, la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, sur les relations entre la France et Israël et sur la situation au Moyen Orient, à Montpellier le 29 octobre 2008.

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Circonstance : Diner annuel de la délégation du Languedoc-Roussillon du CRIF (Conseil représentatif des Institutions juives de France), à Montpellier (Hérault) le 29 octobre 2008

Texte intégral

Les dîners du CRIF sont toujours un moment de joie et de convivialité. Ils sont, pour les juifs de France et pour leurs invités, l'occasion de partager leur attachement à ce formidable patrimoine, à ce creuset extraordinaire, à ce destin commun qui porte le nom de notre pays : la France !
Depuis deux cents ans et la création du Consistoire, votre coeur patriote, votre identité, mais aussi votre foi et vos convictions sont profondément liés au destin de notre Nation. Vous avez compté parmi les défenseurs les plus ardents de la République et de ses principes universels, notamment l'exigence de Justice.
En pleine affaire Dreyfus, Bernard Lazare déclarait à l'automne 1896 : « Il est encore temps de se ressaisir. Qu'il ne soit pas dit que, ayant devant soi un Juif, on a oublié la justice. » En acquittant, puis en réhabilitant Dreyfus, la République impose la vérité contre le mensonge. La France choisit la justice contre la raison d'Etat.
L'histoire de France et l'histoire de la communauté juive ne sont pas deux histoires qui se croisent. C'est une seule et même histoire. Une histoire qui continue à se bâtir tous les jours, avec, en partage, les valeurs de la Justice.
La Justice, la France la doit aux siens, notamment dans la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et toutes les formes de discrimination. La France porte aussi la voix de la Justice à travers le monde.
Chers amis,
Avoir accepté votre invitation à dialoguer ce soir est naturel. C'est un immense plaisir pour moi. Je me retrouve dans la communauté juive. Elle me rappelle mon histoire. Elle éveille une sensibilité particulière.
Elle se fonde sur des valeurs : les valeurs de fraternité, d'universalité, d'exemplarité, de solidarité, le refus du repli communautaire, le combat contre la violence, le combat pour le respect. Au fond, je partage avec la communauté juive le combat contre toutes les injustices.
L'une des forces de la France, vous l'avez dit Monsieur le Président, c'est sa diversité. La présence, ce soir, autour de la communauté juive, des représentants catholiques, protestants, musulmans, bouddhistes, est un témoignage de cette diversité.
Dans notre pays, on a le droit de croire, on a le droit de ne pas croire. Chaque citoyen est l'égal de l'autre, il est tout aussi respectable. C'est notre conception républicaine de la laïcité. Je ne comprends pas les mauvaises polémiques que l'on fait au Président de la République quand il défend la « laïcité positive » : la laïcité est bien sûr une valeur positive, elle nous unit. Sinon, ce serait une laïcité « négative », c'est-à-dire une laïcité qui retranche, qui exclut. Non, ce n'est vraiment pas notre conception !
La France que nous aimons, c'est cette France qui respecte, qui sait valoriser les différences.
Cette France, c'est à nous de la choisir, c'est à nous de la construire. Cette France, c'est une France juste. Cette France, c'est celle qui nous rassemble ce soir.
Vous le savez mieux que quiconque : il y en a que cette diversité dérange. Il y a ceux qui font le choix du repli sur eux-mêmes, du communautarisme, du rejet de l'intégration républicaine. Il y a aussi ceux qui rejettent l'autre et ses différences. Vous me connaissez : ce n'est pas la France que j'aime.
La France que j'aime, c'est celle qui croit en ses valeurs, qui fait confiance au mérite, qui encourage le travail, qui donne à tous les talents les moyens de s'épanouir.
La France que j'aime, c'est celle qui unit ses forces pour faire vivre la cohésion sociale, resserrer les liens entre les générations, défendre les plus faibles.
C'est ma mission de ministre de la Justice. Parce que la justice est là pour protéger les Français, pour sanctionner les délinquants et pour servir les justiciables.
La justice protège quand elle prend en charge les femmes victimes de violences conjugales, ou quand elle aide les personnes âgées dépendantes à préparer leur avenir.
La justice est aussi là pour sanctionner. Cher Hubert Allouche, quand le collège d'Agde est tagué d'injures racistes et antisémites, la justice met tout en oeuvre pour retrouver les auteurs et les punir avec la plus grande fermeté.
La justice est au service des Français quand elle améliore ses délais de jugement, quand elle est rendue partout et pour tous, de la même manière.
Protéger, sanctionner, servir sont les trois objectifs de la politique que je mène. Ils sont cohérents et ils se complètent.
J'assume la fermeté de cette politique.
Cette fermeté, vous l'attendez face aux actes racistes et antisémites. Quand on agresse un Juif parce qu'il est juif, c'est la République et tous ses citoyens qui sont agressés. Il n'y a pas de justification à chercher. C'est exactement la même chose quand deux jeunes d'origine maghrébine se font tirer dessus à Ajaccio. La condamnation exprimée par le président Prasquier honore l'ensemble de votre communauté.
Depuis 2002, l'antisémitisme diminue, c'est une réalité. Sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, notre législation s'est renforcée. Contre l'antisémitisme, la France est l'un des pays les plus répressifs au monde.
Depuis juin 2007, 277 infractions à caractère antisémite ont été signalées en France sur les 5 millions de procédures transmises à la justice chaque année. C'est peut-être peu, mais c'est beaucoup trop. Heureusement, les actes graves de violence, comme ceux qui ont été commis dans le XIXe arrondissement de Paris, sont rares. A chaque fois, j'ai demandé aux tribunaux de faire preuve de la plus grande sévérité.
C'est aussi comme cela que l'on défend la démocratie et la liberté. La Justice est le garant de l'Etat de droit, c'est un pilier de notre République.
La République a un autre pilier : c'est la mémoire.
Je sais, mes chers amis, que vous êtes attentifs et attachés à la mémoire des martyrs de la Shoah et de tous les autres génocides.
On ne peut pas penser à la Justice sans penser à l'histoire du peuple juif. On ne peut pas penser au peuple juif sans se souvenir des pogroms, des ghettos, des chambres à gaz. On ne peut pas oublier tous les enfants martyrs de Yad Vashem.
Et on ne peut pas oublier les Justes, les Justes de Montpellier, de l'Hérault, les Justes de l'Aude, du Gard, les Justes de Lozère, des Pyrénées-Orientales, tous les Justes de France qui ont rendu l'honneur à notre pays. Je veux saluer ce soir Madame Edith Moskovic, enfant cachée et déléguée régionale de Yad Vashem, pour son travail exemplaire dans la reconnaissance des Justes de France.
Le mois dernier, vous l'avez rappelé Monsieur le Président, je me suis rendue en Israël et dans les Territoires Palestiniens. Si j'ai tenu à aller en Israël, avec Richard Prasquier, ce n'est pas anodin : c'est une volonté très forte et assumée de ma part.
Israël, c'est la fin des ghettos, c'est le début d'un idéal, c'est la renaissance de l'espoir, c'est le retour de la Justice.
Après m'être recueillie à Jérusalem dans les lieux Saints, j'ai eu l'immense privilège de rencontrer Shimon Pérès.
Rares sont les hommes, n'est-ce pas cher Richard Prasquier, qui incarnent autant que Shimon Pérès l'histoire d'Israël, mais aussi l'histoire du peuple Juif.
Alors qu'Israël célèbre cette année son 60e anniversaire, je veux vous dire qu'à travers le regard de jeune homme de Shimon Pérès, j'ai pu mesurer l'immense chemin accompli par le peuple Juif. Voici qu'après 2000 ans d'exil, après la Shoah, Israël, je peux en témoigner avec émotion, est l'une des sociétés les plus démocratiques, les plus ouvertes et les plus brillantes au monde.
Je sais que certains d'entre vous, ici ce soir, ont des amis, des parents, des frères, des soeurs ou des enfants en Israël, n'est-ce pas Monsieur le Président Hubert Allouche. Je sais que vous êtes souvent inquiets pour leur sécurité.
Sachez que la France a une position très ferme : La France soutient toujours le peuple israélien quand sa sécurité et son intégrité sont menacées. La France s'oppose toujours à ceux qui veulent détruire Israël. Le Gouvernement français condamne sans réserve les attentats et les tirs de roquettes contre la population civile israélienne.
A Jérusalem, mais surtout à Ramallah, j'ai réaffirmé avec force que la paix dans cette région du monde est une ardente obligation. Il y a des obstacles, rien n'est facile. Mais une chose est sûre, et j'ai tenu ce discours très ferme à Ramallah, le terrorisme est absolument inacceptable, injustifiable. Le terrorisme, on ne l'explique pas ; on le combat.
Le peuple israélien a le droit de vivre dans la paix et la sécurité. Et le peuple palestinien a le droit d'avoir un Etat et d'y exercer sa souveraineté dans la paix et le respect de ses voisins.
Comme vous tous ici ce soir, j'aime et je respecte Israël. Israël est une grande démocratie qui connaît le poids des souffrances et des injustices.
Vous avez évoqué Monsieur le Président, le sort de Gilad Shalit.
Nous avons tous ce soir une pensée pour lui et pour sa famille. La position de la France est particulièrement claire : le soldat franco-israélien Gilad SHALIT doit retrouver la liberté : C'est une exigence de Justice. Le Président de la République ne ménage aucun effort en la matière. Il a rencontré les parents de Gilad Shalit, il a remis une lettre au Président Syrien. Croyez bien que la France ne renoncera pas à la libération de Gilad Shalit.
La France cherchera toujours à défendre la liberté, les droits de l'homme et la démocratie. Pendant trop longtemps, la France est restée en retrait de la scène internationale, faute d'ambitions, faute d'engagement.
L'Union méditerranéenne, voulue par le Président de la République, est le symbole de cette nouvelle politique.
Les peuples de la Méditerranée sont riches d'un héritage de culture, de civilisation, d'humanité et de foi. Il s'agit d'une véritable main tendue à tous les peuples de la région. C'est un projet généreux au service de la confiance et de la Justice. Lors du sommet historique du 13 juillet à Paris, la quasi-totalité des dirigeants des pays arabes étaient assis aux côtés du Premier ministre d'Israël. J'ai la conviction que la construction de l'Union de la Méditerranée est une chance à saisir pour la paix au Proche-Orient. Comme la construction européenne a apporté la paix.
La France, en multipliant les initiatives en faveur de la paix, pour la Justice, pour les Droits de l'Homme a souhaité rompre avec une politique trop souvent source de malentendus.
Vous avez aussi évoqué, cher Hubert Allouche, la situation en Iran.
Le Président de la République l'a affirmé avec force : un Iran doté de l'arme nucléaire est inacceptable ! La politique de l'Iran appelle vigilance et fermeté de l'ensemble de la communauté internationale. La France poursuivra avec ses partenaires une politique de sanctions avec l'Iran s'il ne se conforme pas au respect des résolutions des Nations-Unies. En revanche, la France proposera l'ouverture si enfin l'Iran respecte toutes ses obligations internationales.
Vous avez aussi exprimé, Monsieur le Président, votre inquiétude au sujet de la conférence de Durban 2.
Nous avons tous le souvenir de la conférence de Durban en 2001 : des débordements scandaleux de la part de certains Etats et de nombreuses organisations non gouvernementales. Personne ici ce soir ne l'a oublié.
La France, Nicolas Sarkozy s'y est engagé auprès de Richard Prasquier, n'acceptera pas que les injures de 2001 se reproduisent.
La France mais aussi l'Europe seront intransigeants. La France mais aussi l'Europe sauront porter une autre voix, celle de la Paix et du dialogue.
Ce soir, nous nous rappelons tous de l'injonction de Moïse sur le mont Sinaï : « Choisis la vie ! ».
Rassemblés autour des valeurs de la République, de l'égalité, de la liberté, de la fraternité mais aussi de la générosité et de l'amitié, nous devons tous ensemble refuser la fatalité et choisir la vie. Choisir la vie pour que nous continuions ensemble à porter les valeurs de Justice.Source http://www.crif.org, le 16 décembre 2008