Interview de M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, à RTL le 9 février 2009, sur la situation en Guadeloupe, les négociations en cours et son retour à Paris pour une concertation gouvernementale.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer. Vous venez de rentrer cette nuit de Guadeloupe, vous venez d'atterrir, et votre départ précipité fait polémique sur place. Même les plus modérés sont en colère ce matin. Pourquoi êtes-vous parti si vite ?

Vous savez, il faut aller vite ! Il y a une crise qui dure depuis 21 jours. J'ai passé une semaine complète presque jour et nuit à essayer de rassembler tous les efforts, toutes les énergies. Sur 133...

Mais ce matin, c'est l'effet inverse. Sur place, on est très en colère malgré le préaccord qui a été signé.

Je crois qu'il faut que chacun reprenne un peu son calme, y compris sur place. Je comprends qu'il y a beaucoup d'attentes qui pèsent sur les épaules du ministre et je vous dis que sur 133 revendications, en une semaine nous avons apporté des réponses à 132. Il reste un point lourd...

Mais vous êtes rentré parce que le Premier ministre et le ministre de l'intérieur vous ont rappelé d'urgence pour voir comment financer ce préaccord, c'est cela ?

Parce que je les ai appelés d'urgence pour les voir, pour voir comment soutenir l'économie de la Guadeloupe, pour qu'elle puisse faire face à ses difficultés et qu'elle puisse passer au mieux la période qui est celle qui va être à l'issue de ces jours de grève.

Sur place, on dit que vous auriez dû avoir cet accord du Premier ministre et de la ministre de l'intérieur. Avant, vous êtes arrivé pour rien, les mains vides, et que vous êtes absent et fuyant.

Les mesures que nous avons déjà apportées au nom du Gouvernement, les mesures sociales j'entends, c'est de l'ordre de 100 millions d'euros. Celles-ci ont été approuvées. Elles répondent aux problématiques sociales. Aujourd'hui, ce que nous devons faire c'est soutenir l'économie. Ce n'est pas l'Etat qui est en jeu, ce sont les entreprises. Les entreprises m'ont fait un certain nombre de demandes, elles ont négocié avec les syndicats un certain nombre de choses. Il faut maintenant que nous trouvions le moyen d'apporter une réponse à l'économie, aux entreprises, pour qu'elles puissent faire face à la situation et je vais passer mon temps depuis ce matin où je sors de l'avion à formater cette solution et à rentrer au plus vite en Guadeloupe, comme je l'ai dit.

On va être très clair, puisque cette proposition concerne les bas salaires. Dans cet accord une augmentation de 200 euros pour près de 45.000 personnes. Sauf que là-bas les entreprises disent qu'elles n'ont pas les moyens de subvenir à ces augmentations et cet accord doit avoir lieu avec un financement sécurisé garanti de l'Etat. Est-ce que vous allez payer pour les entreprises ?

Eh bien, non, nous n'allons pas payer pour les entreprises, mais nous allons soutenir les entreprises. Les entreprises négocient librement avec les syndicats. Ce n'est pas à l'Etat à déterminer le montant des salaires ou le montant des négociations. Cela c'est le dialogue social. Il était difficile en Guadeloupe. On a pu le rétablir. Les entreprises ont des difficultés. Elles ont des difficultés parce qu'il y a eu 21 jours de grève. Elles ont des difficultés parce que l'économie insulaire est particulière. L'Etat va apporter des réponses au monde économique pour soutenir le monde de l'entreprise...

Quels types de réponses ?

Mais des réponses notamment sur les soutiens aux charges. Vous savez que le Président Sarkozy veut créer des zones franches d'activités dans l'Outre-mer. Nous allons accélérer la mise en place de ces zones franches d'activités. Cela va dégager des marges de manoeuvre pour l'économie. Les entreprises se porteront mieux et elles pourront apporter une réponse sociale. C'est une réponse globale qu'il faut construire. Si nous arrivons à la construire en 5 ou 6 jours, je crois que ce sera plutôt un exploit que considérer comme étant une action trop lente. En tout cas, moi j'y mets toute mon énergie et tout mon temps.

Sauf que Y. Jégo, ce qu'on ne comprend pas bien, vu d'ici et vu de là-bas, c'est pourquoi vous rentrez, faites aller-retour. Le téléphone ça existe. Pourquoi vous ne passez pas un coup de fil au Premier ministre et au ministre de l'Intérieur ?

Parce qu'il faut que nous fassions des montages techniques, que je fasse travailler les techniciens de mon ministère, que je fasse la liaison entre Bercy, entre le ministère qui est le mien et celui du Premier ministre et que cela nécessite quelques heures de travail et de montage...

Que vous ne pouviez pas faire sur place ?

Je dois d'ailleurs vous dire que ce sont tous ceux qui aujourd'hui semblent s'émouvoir de mon départ, en tout cas pour un certain nombre d'élus de gauche, qui m'ont demandé de monter à Paris pour trouver la solution. Il faut apaiser les choses. La Guadeloupe souffre. Il ne faut pas ajouter de la crainte aux difficultés des temps. Je reviendrai extrêmement rapidement en Guadeloupe, avec des solutions. Je n'ai pas ménagé mon temps depuis une semaine.

Vous êtes sûre d'obtenir ces solutions par le Premier ministre et la ministre de l'Intérieur ? Vous êtes sûr d'avoir aujourd'hui les moyens de vos ambitions ?

Vous voyez, c'est pour cela que je suis venu, parce que je pense que c'est mieux d'être les yeux dans les yeux qu'au téléphone, pour montrer au Gouvernement tout ce que j'ai vécu, tout ce que j'ai connu, toute la difficulté de la Guadeloupe. Je suis venu ici comme ambassadeur des souffrances de la Guadeloupe et cela méritait bien que je vienne passer quelques heures à Paris.

Cela veut dire que le Gouvernement n'avait pas pris mesures de ce qui se passait sur place là-bas ? Là-bas, on dit que c'est mai 68 multiplié par 2. Si vous faites l'aller-retour, c'est pour dire : regardez ce qui se passe là-bas. On n'en n'avait pas pris la mesure. D'ailleurs N. Sarkozy n'avait pas dit un mot jeudi dernier de ce qui se passait en Guadeloupe.

Si le président de la République m'avait demandé de m'installer sur place, c'est justement pour mesurer bien la réalité des choses. Je crois qu'il est normal que je vienne rendre compte au Premier ministre après quelques jours de ce que j'ai vécu, mais surtout je vienne lui faire des propositions de ce qu'on peut monter pour répondre aux attentes des entreprises, et elles-mêmes pourront ainsi répondre aux attentes sociales qui se sont exprimées. C'est une société qu'il faut remobiliser dans son ensemble, dans une crise qui est une crise extrêmement lourde et c'est pour cela que je me suis installé sur place et c'est pour cela que je vais y retourner très vite.

Le message que vous leur adressez ce matin, puisque vous êtes ici et pas là-bas, vous leur dites quoi ce matin ?

Je dis aux Guadeloupéens : ayez confiance. J'ai pris en main depuis une semaine les discussions qui étaient bloquées depuis 15 jours. Nous avons abouti sur 132 points, mais il reste un point à régler. Je viens à Paris, je vais rencontrer le Premier ministre. Nous allons formater des solutions très rapides. Je reviens dans les heures qui viennent. Et à partir de ce moment-là, nous pouvons débloquer la situation avec des solutions sérieuses, durables et pas seulement des discours.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 février 2009